Comptes rendusDroit international

La responsabilité de protéger, Nabil Hajjami, 2013, Bruxelles, Bruylant, 558 p.[Record]

  • André Dumoulin

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  • André Dumoulin
    Institut royal supérieur de défense (Bruxelles) et Université de Liège

Au début des années 2000, la formule de « la responsabilité de protéger » est apparue dans la littérature politico-juridique. Elle fut alors considérée comme une tentative de dépasser l’opposition entre les promoteurs de l’intervention humanitaire et les défenseurs du régime juridique établi par la Charte des Nations Unies. C’est la résolution 60/1 de l’Assemblée générale de l’onu, en ses paragraphes 138 et 139 datant de septembre 2005, qui consacre cet état de fait issu en partie de travaux réalisés par la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États (ciise) à l’initiative du Canada. Cet ouvrage imposant analyse tout en nuances la généalogie du concept. Il montre également comment les acteurs extérieurs ont interprété différemment celui-ci ; les crises étant bien entendu les lieux de « confrontations » interprétatives et idéologiques, de vives controverses en droit international. Certes, la notion de responsabilité de protéger n’est pas « révolutionnaire » en soi, mais elle offre une nouvelle vision permettant de concilier plutôt que d’opposer souveraineté et intervention. Nabil Hajjami offre ici un ouvrage qui balaie toute la matière en posant une question fondamentale, celle de sa thèse, à savoir : l’émergence de cette responsabilité a-t-elle permis de mieux protéger les populations civiles ? L’ouvrage est structuré en deux parties. Une première partie aborde les questions de définition avec ses ambiguïtés originelles, les malentendus persistants autour du champ d’application et du lien entre la responsabilité de protéger et l’interdiction du recours à la force. Il s’agit ensuite de rechercher la valeur ajoutée juridique du concept. Une seconde partie analyse l’applicabilité et les difficultés opérationnelles sachant les multiples controverses autour de cette responsabilité de protéger venant d’États qui, à titre individuel, vont y faire référence pour justifier leurs positions ou leurs actions. Relevons l’addendum en fin de volume autour de la crise en Syrie face à la question de la responsabilité de protéger, pour cet État. Dans tous les cas, il faut la distinguer du droit et du devoir d’ingérence chers à Bettati et à Kouchner. La responsabilité de protéger, signifiant « qui doit accepter et subir les conséquences de ses actes, en répondre », est prise ici dans un sens moral plus que juridique (concept « métajuridique »). Nous sommes ici très proches de la « sécurité humaine », avec son volet militaire et son volet économique et social. Aujourd’hui, la responsabilité de protéger se retrouve dans maints rapports et discours, autant que dans l’analyse que nous faisons des crises libyenne, ivoirienne ou syrienne. Relevons l’analyse approfondie du débat thématique sur la responsabilité de protéger à l’Assemblée générale en juillet 2009 ; la démonstration sur la « redéfinition théorique de la souveraineté » dès lors qu’un État devrait être au premier chef responsable de sa propre population sur son territoire ; les chapitres autour de l’institutionnalisation du concept de responsabilité de protéger afin de faciliter « sa mise en oeuvre ». Pour l’auteur, l’émergence de la responsabilité de protéger n’a pas, en tant que telle, formellement fait évoluer le droit international se rapportant à la protection des populations civiles et le rôle de l’onu comme titulaire d’une responsabilité dite « subsidiaire » de protéger – en cas de défaillance d’un État – n’a pas permis de développer la norme. Il n’existe pas de base juridique permettant au Conseil d’autoriser le déclenchement d’opérations coercitives destinées à assurer la protection des populations civiles ; nonobstant le fait que la Charte donne compétence pour autoriser des opérations de protection civile en cas de menace de génocide, ethnocide ou crimes de guerre (voir la Libye). Cependant, la responsabilité de …