Comptes rendusRégionalisme et régions - Afrique

Dynamiques des guerres civiles en Afrique, Arsène Brice Bado (dir.), 2015, Paris, L’Harmattan, 205 p.[Record]

  • Myrto Hatzigeorgopoulos

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  • Myrto Hatzigeorgopoulos
    Chercheuse, Institut royal supérieur de défense, Bruxelles, Belgique

La multiplicité, la récurrence et la violence des conflits civils en Afrique sont des phénomènes souvent abordés, mais qui demeurent aujourd’hui l’objet d’opinions et de lectures fort divergentes au sein de la communauté scientifique. Cet ouvrage collectif rédigé sous la direction d’Arsène Brice Bado recense diverses hypothèses quant aux causes et aux dynamiques des guerres civiles en Afrique. Adoptant une approche holiste qui tient compte de la multitude de facteurs et de dynamiques qui déterminent un tel phénomène social, l’ouvrage se distancie des approches théoriques déterministes et simplificatrices. Il cherche plutôt à mettre en évidence les particularités des conflits africains de l’après-guerre froide. Là est tout l’enjeu de cet ouvrage dont la méthodologie se fonde sur une articulation de facteurs structurels, d’éléments amplificateurs et de phénomènes déclencheurs. Si l’on applique ce modèle aux conflits africains, la faiblesse institutionnelle de l’État constituerait par exemple un facteur structurel sur lequel se grefferaient des éléments amplificateurs, tels que la contestation des résultats d’un scrutin électoral, et des éléments dits déclencheurs, qui dans un contexte différent n’auraient aucunement réussi à provoquer un conflit civil ; on peut évoquer la brutalité policière à l’égard de manifestants. Les neuf chapitres de cet ouvrage se structurent autour de trois sections. Les trois premiers chapitres sont une introduction à l’analyse et à la théorisation des conflits. Ils mettent en évidence les facteurs explicatifs privilégiés dans la majorité des analyses des conflits africains, à savoir les facteurs politiques, identitaires, économiques, socioculturels, institutionnels et géopolitiques. Dans le même temps, leurs auteurs avancent qu’une approche plurielle et transdisciplinaire, qui tient compte de la diversité des causes à l’origine de conflits, est nécessaire à une analyse objective et à l’élaboration d’initiatives préventives adaptées. Ils replacent les décisions et les choix des acteurs au coeur des dynamiques de conflictualité tout en considérant l’héritage historique, les territorialités et les éléments systémiques nécessaires au déclenchement de la violence. Une grille d’analyse de l’interface de conflictualité est ainsi établie, illustrant la manière dont les tensions s’articulent au niveau d’agrégats de facteurs de conflits, dans des contextes qui sont particuliers et marqués par des séquences temporelles menant au conflit en tant que tel. Les trois chapitres qui suivent traitent de problématiques conflictuelles spécifiques. Dans le chapitre 4, Arsène Brice Bado applique le cadre analytique introduit dans les trois premiers chapitres de l’ouvrage au conflit que connaît la République centrafricaine. Il met en avant l’enchevêtrement de crises tant nationales (politique, démocratique, économique et sécuritaire) que régionales, qui constituent le complexe conflictuel centrafricain. Dans le chapitre qui suit, Marie Gagné traite de la problématique des acquisitions de terres à grande échelle et propose une analyse objective d’un phénomène qui reste majoritairement porté par les organisations non gouvernementales et les milieux militants. Au moyen d’une revue de littérature équilibrée et bien étoffée, l’auteure relève les incohérences et insuffisances théoriques de la littérature existante sur le sujet, ainsi que le manque de fiabilité des données et l’absence de définition consensuelle du phénomène. Le rôle des acquisitions de terres à grande échelle dans les conflits fonciers et civils est-il majeur ou négligeable ? C’est une question similaire que pose le chapitre suivant qui s’interroge sur l’instrumentalisation de l’appartenance ethnique dans les conflits civils africains. Emmanuel Mabou y démontre que, lors de l’éveil démocratique des pays africains, les médias et les pouvoirs politiques ont façonné la réalité à l’aune de logiques identitaires, usant de la force coercitive et du devoir moral de solidarité que confère l’attachement ethnique dans leur conquête du pouvoir politique et d’avantages économiques. Enfin, le troisième ensemble, qui conclut l’ouvrage, traite des conflits civils africains dans leurs dimensions sécuritaires régionale …