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Cet ouvrage du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) offre un bon aperçu de certains des défis et des occasions associées aux efforts de mise en place d’une gouvernance de la région arctique. Linda Jakobson et Neil Melvin proposent une analyse utile des approches de la gouvernance dans le Grand Nord. Ils fournissent également une réflexion pertinente sur certains des obstacles auxquels serait confronté, selon les auteurs, le système de relations de coopération internationale en cours d’édification.

Le livre constitue une nouvelle contribution à une littérature en expansion rapide sur l’Arctique contemporain et les défis que représente sa gouvernance. Ce n’est donc ni un thème nouveau ni un contenu très original. En effet, le thème – très à la mode – a été traité de plusieurs points de vue dans le passé. L’Articque a d’abord été étudié sous l’angle du conflit annoncé et lié au contrôle de ressources naturelles présentées comme très abondantes dans les ouvrages tels que The Arctic Gold Rush : The New Race for Tomorrow’s Natural Resources (Howard 2009) ; Cold Front : Conflict ahead in Arctic waters (Fairhall 2010) ; Polar Imperative : A History of Arctic Sovereignty in North America (Grant 2010) ; The Future History of the Arctic (Emmerson 2010). Puis, le temps passant et le sensationnalisme entamant un certain reflux lié aux estimations à la baisse des gisements de ressources, une approche plus axée sur les enjeux institutionnels et de relations internationales s’est développée dans les ouvrages International Cooperation and Arctic Governance : Regime Effectiveness and Northern Region Building (Stokke et Hønneland 2006) ; Climate Governance in the Arctic (Koivurova, Keskitalo et Bankes 2010) ; Polar Geopolitics ? Knowledges, Resources and Legal Regimes (Powell et Dodds 2014) ; The Changing Arctic and the European Union (Stepien, Koivurova et Kankaanpää 2015) notamment.

L’ouvrage précise d’emblée les ambitions des auteurs. Alors que la question de la gouvernance est la préoccupation centrale du volume, il est précisé en introduction que le livre « ne vise pas à fournir un examen approfondi des structures gouvernementales et des institutions ». Les auteurs optent plutôt pour une approche visant à illustrer les aspects centraux de la gouvernance de l’Arctique et à identifier les tendances observables et la dynamique de cette gouvernance. On ne trouve donc pas d’analyse correspondant à la description exhaustive. L’ouvrage s’efforce d’atteindre ces objectifs en offrant des réponses à quatre questions interdépendantes qui représentent le cadre analytique de cet ouvrage. Qu’est-ce qui constitue la forme actuelle de gouvernance de l’Arctique ? Comment expliquer l’apparition de cette forme de gouvernance ? Quels sont les futurs défis de la gouvernance de l’Arctique ? L’expérience de la construction d’une gouvernance multilatérale et coopérative dans l’Arctique offre-t-elle des enseignements pour d’autres parties du monde ?

L’ouvrage est également articulé autour du concept omniprésent de sécurité sans pour autant que celui-ci – très largement mobilisé (voire galvaudé) de nos jours –soit clairement défini, et cela malgré un premier chapitre consacré au concept. Dans plusieurs chapitres, divers aspects de la question de la sécurité sont traités ainsi que leur effet sur les formes de gouvernance dans la région.

La plus grande partie du volume, cependant, est consacrée à l’examen des préoccupations en matière de gouvernance et de sécurité arctiques du point de vue de différents acteurs étatiques et régionaux, États arctiques, mais aussi asiatiques, avec un accent particulier sur la Russie.

Les derniers chapitres du volume sont consacrés à un examen de l’impact du Conseil de l’Arctique sur le processus général de gouvernance de l’Arctique, notamment à travers l’analyse de l’accord sur les déversements de pétrole. Linda Jakobson et Neil Melvin reviennent par la suite sur les idées clés avancées par chaque auteur et offrent des suggestions quant à la façon dont ces points de vue soulignent des éléments importants pour le développement futur de la gouvernance et la sécurité dans l’Arctique.

Alors que l’ouvrage est, dans l’ensemble, bien organisé et encadré analytiquement, il présente certaines limites. La plus importante d’entre elles étant peut-être un fort accent mis sur les politiques et les perspectives des différents acteurs nationaux – avec un chapitre entier pour la seule Russie. Ainsi, il semble un peu étrange qu’un seul chapitre soit consacré à la perspective russe et un seul autre à l’Arctique – appréhendé à travers le prisme des États –, comme si la gouvernance était avant tout une somme de politiques nationales. Mais alors, comment les articuler et dépasser les seules visions des États ? De même, on peut se demander comment le choix d’acteurs asiatiques a été arrêté : pourquoi la Chine, le Japon et la Corée plutôt que l’Inde ou Singapour ? Et pourquoi pas les observateurs européens ?

Au final, on a un ouvrage bien documenté, avec un recours fréquent à l’autocitation cependant, qui présente une bonne synthèse des connaissances sur le thème de la gouvernance arctique et de l’état des connaissances sur les relations entre acteurs étatiques plutôt qu’une réflexion novatrice. Malgré cette faiblesse, l’ouvrage demeure intéressant, en particulier pour un public étudiant.