Essais bibliographiques

L’analyse des projets d’acquisition majeurs de la défense au Canada et ailleursNouvelles perspectives théoriques orientées vers une approche compréhensiveAnalysis of Major Defence Acquisition Projects in Canada and ElsewhereNew Theoretical Perspectives for a Comprehensive ApproachEl análisis de los grandes proyectos de adquisición de la defensa en Canadá y en otras partesNuevas perspectivas teóricas orientadas hacia un enfoque amplioBurgess Kevin et Peter Antill, 2016 (dir.), Emerging Strategies in Defense Acquisitions and Military Procurement, Hershey, igi Global.Maas Frank, 2017, The Price of Alliance: The Politics and Procurement of Leopard Tanks for Canada’s Nato Brigade, Vancouver, ubc Press.Nossal Kim Richard, 2016, Charlie Foxtrot: Fixing Defence Procurement in Canada, Toronto, Dundurn Press.[Record]

  • Philippe Dumas

…more information

  • Philippe Dumas
    École nationale d’administration publique (enap), 4750, avenue Henri-Julien, 5e étage, Montréal (Québec) H2T 2C8, Canada
    philippe.dumas@enap.ca

Les projets d’acquisition majeurs en matière de défense ont souvent mauvaise presse. Au Canada, les tergiversations des gouvernements successifs autour du remplacement des avions de combat multirôles CF-18 alimentent la polémique depuis maintenant plusieurs années. Achetés au début des années 1980 et modernisés durant les années 2000, les CF-18 restants auront plus de 40 ans d’utilisation lorsqu’ils commenceront à être remplacés selon le plan du gouvernement actuel. Le Canada n’est pas le seul pays à connaître des difficultés dans ce domaine. Les cas de projets dépassant les coûts ou ne respectant pas les délais sont courants chez les alliés du Canada, les États-Unis notamment. Le programme du F-35 Joint Strike Fighter est récemment devenu le plus coûteux de l’histoire américaine (environ 500 milliards de dollars à l’heure actuelle et estimé à plus de 1000 milliards à long terme), et cet avion de combat n’a toujours pas réellement fait ses preuves sur le champ de bataille, après plus d’une décennie de développement. Il est important de rappeler que plus de dix pays participent au programme et misent sur le F-35 pour renouveler les capacités militaires de leurs forces aériennes dans un avenir proche. Bref, ces projets d’acquisition majeurs sont parmi les principaux défis qui se posent aux gouvernements dans la mise en oeuvre de leur politique de défense, en raison de leurs coûts se chiffrant souvent en milliards de dollars et des différentes formes d’incertitudes (politique, technologique) qui y sont rattachées. Considérés comme un sujet d’étude négligé au Canada sur le plan théorique (MacMillan 2017 : 147), les enjeux politiques rattachés à l’approvisionnement ou aux projets d’acquisition majeurs de la défense intéressent de plus en plus les chercheurs universitaires depuis quelques années, comme en témoignent la publication de numéros spéciaux de revues (Vucetic 2011 ; Vucetic et Nossal 2012-2013) et de rapports annuels (Perry 2017) ou, encore, la tenue de conférences et de tables rondes thématiques rassemblant souvent universitaires et praticiens. Trois ouvrages récents viennent apporter leur contribution à ces débats. En nous appuyant sur ces trois ouvrages, nous chercherons dans un premier temps par cet essai à mettre en lumière les enjeux spécifiques relatifs aux projets d’acquisition majeurs de la défense. Dans un deuxième temps, il s’agira pour nous d’examiner ce que les auteurs de ces ouvrages voient comme étant les problèmes de ces processus tels qu’ils existent actuellement. Dans un troisième temps, nous présenterons les différentes solutions théoriques ou pratiques que les auteurs proposent. La conclusion sera l’occasion de relever certains thèmes qui auraient pu être développés davantage par ces auteurs et de souligner les pistes de recherche qui sont ouvertes par leurs analyses. Les projets d’acquisition majeurs de la défense s’inscrivent d’abord dans le contexte général de l’administration publique, un environnement marqué par les joutes bureaucratiques et les réformes politiques, ainsi que par les processus de contrôle, de vérification ou de reddition de comptes. La défense se distingue cependant des autres secteurs de l’administration publique par ses objectifs uniques liés à ses dimensions militaires et technologiques (Louth 2016 : 59 ; Snider 2016 : 229). À titre illustratif, les capacités militaires prennent plusieurs années à être effectives. De fait, après le développement des plateformes de combat, celles-ci exigent différentes mises au point, la formation du personnel qui les utilisera et en effectuera la maintenance, de même que la mise en place d’infrastructures de soutien. Ainsi, pour Nossal, les décisions politiques d’approvisionnement de la défense engendrent forcément une dépendance au sentier des événements subséquents (Nossal 2016 : 26). Il devient effectivement très difficile de revenir sur des décisions qui entraîneraient d’importants coûts financiers, politiques à court terme et stratégiques …

Appendices