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The Global Chancellor : Helmut Schmidt and the Reshaping of the International Order, Kristina Spohr, 2016, Oxford Oxford University Press, 240 p.[Record]

  • Mattia Ravano

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  • Mattia Ravano
    Institut des Hautes Études Internationales et du Développement, Genève, Suisse

Helmut Schmidt nous a quittés en 2015 en laissant un bilan contrasté de son action. L’image de ce chancelier de l’Allemagne de l’Ouest pendant huit années houleuses a souffert de la comparaison avec les réussites de ses illustres prédécesseurs et successeurs : Konrad Adenauer (1949-1963) et la normalisation d’une Allemagne vaincue, Willy Brandt (1969-1974) et l’ouverture à l’Est et, enfin, Helmut Kohl (1982-1998) et la réunification. Schmidt, pour sa part, a longtemps été critiqué pour ses méthodes de gouvernement et pour le manque d’attention aux questions internes. Dans The Global Chancellor, Kristina Spohr propose une réévaluation du passage de Schmidt au pouvoir en étudiant ses succès et sa vision en politique étrangère. Elle met en avant les questions de politique économique internationale, l’évolution du conflit bipolaire et ses enjeux géopolitiques. Schmidt devint chancelier au printemps 1974, une année marquée par une forte instabilité macroéconomique à la suite de la chute du système de Bretton Woods. La récession et l’instabilité monétaire qui ont mis fin aux trente glorieuses et marqué les années soixante-dix comme une décennie de crise ont poussé certains à craindre la disparition du capitalisme. L’année 1974 vit un renouvellement des leaders occidentaux. Avec Valéry Giscard d’Estaing et Gerald Ford, Schmidt entretint des relations personnelles et politiques très positives, marquées par une compréhension réciproque des priorités de chacun. C’est donc dans un climat de coopération renouvelée et fort de son expérience de ministre des Finances dans le gouvernement Brandt que, selon l’auteure, Schmidt exerça un véritable leadership dans les questions de diplomatie économique. Il joua un rôle clé dans la création du sommet des pays industrialisés (G7) et dans le choix des politiques à mettre en oeuvre pour relancer la croissance. Les initiatives du leader allemand étaient le fruit d’une vision claire de l’évolution du système international : globalisation naissante et donc interdépendance grandissante. Le leadership de Schmidt perdura également sous la présidence Carter, une période de distance transatlantique croissante, où s’affrontaient le keynésianisme du président démocrate et l’attention du gouvernement allemand à l’orthodoxie budgétaire et à la stabilité des prix. Cette distance n’aura cependant pas empêché certains succès, comme le compromis obtenu lors du sommet de Bonn. Les années de la chancellerie d’Helmut Schmidt furent marquées par l’apogée puis l’effondrement de la « détente ». Le dirigeant allemand sut jongler avec des dynamiques contrastantes et y survivre. D’un côté, il fut protagoniste du sommet d’Helsinki en 1975. De l’autre, face au regain de vigueur des tensions bipolaires, il renforça l’ancrage de son pays dans le camp occidental et fut promoteur de l’accord « dual track » entre l’Otan et le pacte de Varsovie, qui prévoyait une réduction bilatérale des armements en Europe. Le non-respect de l’accord engendra, après le mandat de Schmidt, la crise des euromissiles : une escalade de tensions entre les blocs due à l’installation de nouveaux missiles balistiques à portée intermédiaire en Europe de l’Ouest. La professeure Spohr montre très bien que le comportement de Schmidt ne fut pas dicté par une nature de simple « faiseur » (page 34), qui lui fut longtemps reprochée. Le chancelier faisait partie d’un noyau international restreint d’intellectuels, experts de stratégie et de défense. Ce livre de qualité montre efficacement l’importance des relations personnelles dans les relations diplomatiques. Schmidt a certainement apporté une rupture par rapport à la situation que connut son prédécesseur Willy Brandt, qui était perçu avec méfiance par ses partenaires occidentaux. Ces liens personnels ont certainement favorisé l’émergence de son leadership sur les questions financières internationales. Mais, bien que son argumentation soit solide, l’auteure traite ce leadership et certains succès de Schmidt avec une …