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Introduction

Dans le document de réflexion et de consultation L’université québécoise du futur, Rémi Quirion, le scientifique en chef du Québec, expose les assises nécessaires à une réflexion de plus grande ampleur sur l’avenir des universités au Québec. Ces assises se déclinent en six points : les tendances susceptibles d’influencer les universités du futur; les éléments importants de l’évolution du système universitaire québécois depuis la fin du XXe siècle; une réflexion concernant plusieurs aspects de la mission universitaire, dont les conditions nécessaires à son accomplissement; les préoccupations fondamentales devant l’inspirer (dont trois nouveaux enjeux pour les universités); une synthèse des différents constats sur lesquels fonder les principales pistes d’action susceptibles de concourir à la pertinence continue de l’institution universitaire. Ces pistes sont celles sur lesquelles le gouvernement propose aux Québécois de se prononcer dans le cadre de consultations en cours et ultérieures. Après avoir présenté le contexte de préparation et le contenu du rapport L’université québécoise du futur, nous exposerons les constats et les recommandations qui en sont issues de la part du scientifique en chef.

1. Contexte de préparation du rapport L’université québécoise du futur

Face à des problèmes structurels d’orientation et de financement, une réflexion sur l’avenir des activités universitaires au Québec – et plus largement sur le devenir même des universités – a été initiée en novembre 2018 par le scientifique en chef et des représentants du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MÉES). Le colloque L’université du XXIe siècle : enjeux, défis et prospectives, qui s’est tenu les 29 et 30 mai 2019 dans le cadre du 87e Congrès de l’Acfas, a témoigné des travaux, des consultations et des discussions ayant émané de cette réflexion (Pérusse et al., 2020).

Tablant sur les résultats encourageants de cette démarche, le MÉES a mis sur pied un chantier sur l’université du futur composé de 14 personnes provenant d’horizons différents, dont le mandat général était d’engager une réflexion de société sur l’université du futur en trois temps :

  1. l’élaboration d’un cadre réflexif et des livrables par un groupe de travail;

  2. une délibération collective sur les pistes d’action proposées par ce groupe[2];

  3. le dépôt de recommandations de propositions de réformes ou de pistes d’action auprès du MÉES.

2. Le rapport

Selon le rapport présenté par le scientifique en chef, le monde du XXIe siècle affronte des menaces globales qui mettent en péril le bienêtre et l’avenir de l’humanité. La crise climatique et la dégradation de l’environnement constituent très certainement les menaces structurelles les plus importantes et les plus urgentes au cours des décennies à venir. De plus, la pandémie actuelle comme celles qui risquent de nous frapper dans les prochaines années auront des conséquences à moyen et long terme sur nos sociétés. Outre les catastrophes naturelles, la pauvreté, les inégalités, les migrations, les tensions sociales et d’autres défis qui se présentent à l’humanité du XXIe siècle auront un impact majeur sur le développement des universités.

Toujours en évolution, le numérique impose depuis un quart de siècle des transformations fondamentales dont l’influence se fait sentir sur l’ensemble de nos rapports au monde et dans des secteurs aussi divers que l’économie, les relations interpersonnelles, les processus politiques et juridiques, la production, la santé et la culture. Les enjeux du numérique, en lien direct avec le développement ininterrompu de la science et de la technologie, concernent à la fois la société et les phénomènes étudiés ainsi que la façon de faire la recherche et d’enseigner.

Le vieillissement de la population dans les pays occidentaux, les migrations massives dues aux changements climatiques et la diversification ethnique, culturelle et religieuse dans les pays occidentaux sont des défis auxquels nous devons faire face afin d’établir un vivre-ensemble harmonieux alors que la population québécoise, qui se situait à 8,5 millions en 2019, devrait, selon les prévisions de l’Institut de la statistique du Québec, atteindre 9 millions en 2029 (+ 5,9 %) et 9,2 millions en 2034 (+ 8,2 %) (Department of Economic and Social Affairs, Population Division, 2020; Institut de la statistique du Québec, 2012).

Sur le plan social, les populations sont exposées à une surabondance d’informations véhiculées par les technologies numériques et générées par des sources les plus diverses, souvent peu ou pas vérifiées. L’instruction primaire et secondaire à la maison ou les « universités » d’entreprises décernant des « reconnaissances de formation », qui sont parfois préférées aux diplômes officiels aux fins d’embauche, se présentent comme des critiques des institutions traditionnelles. Mentionnons que des entreprises peuvent aussi concevoir et diffuser largement des contenus éducatifs.

3. Dans les universités au Québec

Si l’on considère le cas spécifique du Québec, la recherche universitaire y change rapidement. À titre d’exemples : un alignement des politiques scientifiques autour de grandes initiatives internationales et intersectorielles; des interactions plus grandes entre les disciplines; un certain consensus sur la nécessité de décloisonner les secteurs de la recherche. Par ailleurs, les collaborations entre les établissements de niveau collégial et les universités sont plus courantes. Non seulement la recherche interdisciplinaire ou transdisciplinaire est davantage mise en avant, mais on valorise aussi les approches partenariales et axées sur la mobilisation des savoirs et des compétences. Par ailleurs, le mouvement en faveur de la science ouverte, qui vise une plus grande équité dans l’accès aux savoirs scientifiques, influence de plus en plus les projets de recherche. Toutefois, alors que les chercheurs tentent d’augmenter l’impact de leurs travaux, leurs efforts en ce sens se voient peu pris en compte par les agences de financement et dans les processus d’évaluation.

En outre, la protection de la liberté académique, première condition à la réalisation de la mission universitaire – qui justifie en bonne partie la préservation de l’autonomie universitaire –, se montre plus nécessaire que jamais dans un contexte de tension croissante entre les diverses conceptions de cette mission. Les différentes visions que l’on entretient au sujet de l’université, concurrentes et complémentaires à certains égards, nourrissent un débat fondamental entre les tenants d’une université traditionnelle, très axée sur les activités académiques, d’une université participant au service public, d’une autre plutôt entrepreneuriale, ou encore d’une se concevant comme une organisation apprenante. Si, pour le Gouvernement du Québec, toutes ces visions contribuent au développement social, culturel et économique, la valorisation parfois trop grande de l’aspect pratique de certains résultats de recherche pourrait remettre en cause la recherche théorique ou fondamentale. Par ailleurs, la priorisation par choix politique de certains domaines de recherche pourrait risquer de marginaliser des domaines importants.

Quant à la population étudiante, sa diversification provoque nécessairement une transformation des besoins, des modes et des milieux de formation. Ils sont de plus en plus nombreux à retourner aux études après avoir travaillé ou à étudier à temps partiel tout en travaillant. D’une part, un bon nombre se montre intéressé par des formations courtes. D’autre part, les options collaboratives et multidisciplinaires, de même que la possibilité d’acquérir des compétences transversales remettent souvent en question les approches par silos disciplinaires.

Pour le groupe de travail, la réflexion sur l’université du futur doit reposer sur la reconnaissance des conditions nécessaires à l’accomplissement de la mission universitaire. Ces conditions ont été progressivement conquises au cours de l’histoire presque millénaire de l’institution universitaire, connaissant des hauts et des bas. Il s’agit de la liberté académique, de l’autonomie institutionnelle et d’un financement approprié. Les membres de ce groupe ont aussi observé, au plan mondial, des tendances préoccupantes pour la liberté académique et pour l’autonomie des universités, notamment au Québec. De même, un meilleur financement demeure une préoccupation majeure et une revendication permanente des universités québécoises.

Selon le groupe de travail, l’autonomie institutionnelle et la promotion de la liberté académique sont des nécessités dont l’importance a été affirmée notamment en 1988, à Bologne – ville où fut fondée la première université européenne en 1188 –, quand des rectrices et recteurs en appelaient, par la signature de la Magna Charta Universitatum, à garantir et promouvoir la liberté de recherche et la liberté d’enseignement; 904 universités de 88 pays ont actuellement signé cette charte. En 1997, l’UNESCO a adopté la Recommandation concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur, qui définit clairement la nature et les exigences de la liberté académique et qui énonçait la nécessité de sa protection.

Des compressions majeures ont été réalisées en enseignement supérieur depuis 2000, qui n’ont cessé de s’accroitre depuis. De plus, une volonté de reddition de comptes accrue, couplée à une concurrence très forte entre les universités, empêche les gestionnaires de fonder leurs actions sur des prévisions à long terme. Le financement des universités, de l’enseignement et de la recherche – premier enjeu soulevé par le groupe de travail – représente un investissement profitable pour toute la société; à ce titre, le groupe émet les considérations suivantes :

  • La collaboration visant à optimiser les apports novateurs à la société est importante et prioritaire.

  • La concurrence entre les universités est critiquée depuis nombre d’années par les communautés universitaires elles-mêmes, mais aussi par la société civile. La course aux effectifs et la multiplication des mini-campus et des offres de formation hors campus sont en partie causées par des règles inappropriées de financement.

  • Il est déplorable que les établissements de niveau collégial et les universités demeurent aujourd’hui des « solitudes ». Le groupe de travail en appelle ainsi à des collaborations interdisciplinaires, intersectorielles et interordres qui sauront notamment arrimer les programmes universitaires et collégiaux, tout en faisant la promotion des collaborations en recherche.

  • Les institutions universitaires sont invitées à valoriser les recherches interdisciplinaires et intersectorielles, de même que les lieux d’échanges intersectoriels. Le groupe les invite notamment à développer des passerelles entre les disciplines.

Un deuxième enjeu identifié par le groupe de travail concerne la capacité à susciter l’intérêt des étudiantes et des étudiants et à nourrir leur gout d’apprendre. Il pose notamment les questions suivantes :

  • Comment améliorer les environnements d’apprentissage, c’est-à-dire comment créer des environnements appropriés pour les personnes engagées dans des études universitaires et qui, en soutenant mieux leur réussite, participeront à augmenter le nombre de personnes diplômées, et ce, à tous les cycles?

  • Comment s’assurer que les programmes d’études forment à la fois des citoyennes et citoyens et des travailleuses et travailleurs aptes à évoluer dans un marché du travail en constante évolution?

  • Comment mettre à profit les technologies de l’information pour favoriser la réussite des natives et natifs du numérique, qui pourraient avoir tendance à trouver banals la fin tout autant que les moyens, ou à juger l’utilisation des moyens trop sommaire?

  • L’intersectorialité est-elle un atout pour la rétention des effectifs étudiants? La possibilité de poursuivre des études dans un autre secteur que celui auquel appartient le programme auquel les étudiantes et étudiants se sont d’abord inscrits pourrait-elle les inciter à persévérer si l’opportunité leur était offerte de suivre une formation qui, d’une part, présenterait une composante intersectorielle ou multidisciplinaire impliquant l’acquisition de connaissances solides sur le plan théorique et qui, d’autre part, pourrait être complétée dans un temps similaire à celui des autres programmes d’études?

  • Comment offrir une formation à distance dont la qualité équivaut à celle des cours en présentiel?

Le troisième enjeu identifié par les membres du groupe de travail concerne l’arrimage entre le savoir et la société. Selon eux, les acteurs universitaires doivent accepter de voir leurs travaux alimentés par des savoirs émanant d’acteurs non universitaires. Autrement dit, il s’agit d’intégrer des connaissances et des pratiques qui, jusqu’à présent, ne l’étaient pas ou, tout au plus, qu’à l’extrême marge.

4. Constats et recommandations émanant du rapport L’université québécoise du futur

Le groupe de travail a soumis un ensemble constats et recommandations qui se divisent en deux séries. Premièrement, quatre hypothèses visent à assurer les conditions de base nécessaires au bon fonctionnement de l’université québécoise du futur. Ensuite, six autres hypothèses de recommandations visent à répondre aux trois enjeux interpelant particulièrement l’université québécoise des prochaines années.

Les quatre hypothèses en lien avec les conditions de base sont la reconnaissance de l’institution universitaire; l’information relative aux différentes dimensions de l’activité universitaire; les ressources financières et la composition représentative des corps professoraux et autres corps d’emplois. Les six hypothèses en lien avec les trois enjeux sont; en lien avec la collaboration tous azimuts : la collaboration entre les établissements collégiaux et universitaires; en lien avec susciter l’intérêt pour réussir : l’accroissement de la fréquentation universitaire aux trois cycles et l’accroissement de la réussite scolaire et de la diplomation aux trois cycles; en lien avec arrimer savoir et société; une collaboration université-société amplifiée et adaptée aux besoins en évolution et la mise en place un mécanisme permanent de liaison université-société.

4.1 Reconnaissance de l’institution universitaire

CONSTATS

  • À titre de fiduciaire du bien collectif, l’État a un rôle majeur à jouer dans la vie du système universitaire québécois.

  • La liberté académique doit être reconnue et assurée aux membres de la communauté universitaire.

  • L’autonomie institutionnelle est consentie en contrepartie de l’imputabilité.

  • L’imputabilité doit être convenue entre les établissements et l’État selon des modalités appropriées.

  • Le financement des universités et de la recherche constitue un investissement dans l’avenir de la société.

  • Les universités québécoises doivent être adéquatement financées pour faire face aux problèmes qui peuvent menacer l’espèce humaine, au-delà de la pandémie actuelle.

  • Plusieurs ministères, en plus du MÉES, sont en interaction avec le système universitaire québécois.

  • Un énoncé des orientations gouvernementales à l’égard des universités, publié et largement diffusé, aurait une valeur pédagogique pour toutes les composantes de la société québécoise.

RECOMMANDATIONS

Demander au Gouvernement du Québec d’adopter, de publier et de diffuser largement un énoncé d’orientations concernant la politique gouvernementale en matière universitaire. Cet énoncé reconnaitrait :

  1. l’institution universitaire comme partenaire et agent essentiel du progrès de l’ensemble de la société québécoise;

  2. la mission commune de tous les établissements universitaires, ainsi que la nature similaire de leurs pouvoirs et compétences;

  3. les traditions et manières de faire différentes des universités dans la réalisation de leur mission;

  4. le fait que les universités sont au service de la société dans toutes les régions du Québec;

  5. au bénéfice de la société, la liberté académique comme condition nécessaire d’accomplissement réel de la mission universitaire, et ce, tant dans les activités de formation, de recherche et de création, que le transfert du savoir, que le service à la collectivité;

  6. la protection appropriée des membres de la communauté universitaire se prévalant de cette liberté dans l’exercice de leurs fonctions et dans les prises de position publiques pouvant en découler;

  7. au bénéfice de la société, l’autonomie institutionnelle comme condition nécessaire d’accomplissement réel de la mission universitaire, et ce, tant dans les activités de formation, de recherche et de création, que le transfert du savoir, que le service à la collectivité;

  8. la nécessité d’un financement public approprié, prévisible et continu comme condition d’accomplissement de la mission universitaire;

  9. la nécessité de confirmer, d’une part, l’imputabilité des universités, notamment en matière de gestion des ressources, et, d’autre part, leur obligation d’évaluer de manière rigoureuse et transparente leurs activités et leurs réalisations.

4.2 Information relative aux différentes dimensions de l’activité universitaire

CONSTATS

  • Une information permettant de mesurer les résultats des actions et des activités réalisées par les universités et des politiques qu’elles mettent en oeuvre revêt une importance critique, notamment en contribuant à la bonne gestion d’organismes complexes tels les établissements universitaires, ainsi que pour la formulation des politiques publiques les concernant.

  • Des données valides sont nécessaires à la planification des activités et du développement des universités québécoises.

  • La constitution de séries de données historiques cohérentes et continues portant sur les différentes dimensions de l’activité universitaire, de même que les variables permettant de les caractériser et de les mesurer se montrent nécessaires.

  • Les multiples organes et instances, sans coordination d’ensemble, ont constitué, conservé et développé des données sur les différentes dimensions de l’université québécoise.

  • Ces données sont dispersées et disparates. Le groupe de travail a rencontré des difficultés à obtenir de telles données dans le cadre de son mandat.

RECOMMANDATIONS

Identifier ou, au besoin, instituer un mécanisme de collaboration et de synergie disposant d’une autorité et d’une crédibilité reconnues et devant agir comme dépositaire et intégrateur des données pertinentes sur les différentes dimensions de l’université québécoise.

À compter de 2022-2023, rendre pleinement opérationnel ce mécanisme et le charger de :

  1. colliger, ordonner, intégrer, tenir à jour et rendre accessibles les données pertinentes sur les différentes dimensions de l’université québécoise;

  2. développer d’autres données pertinentes et proposer des mandats à des établissements universitaires, à des associations ainsi qu’à des organismes publics ou privés;

  3. formuler des recommandations à la ministre de l’Enseignement supérieur et aux établissements universitaires afin d’améliorer l’information disponible sur les différentes dimensions de l’activité universitaire et sur les variables permettant de les caractériser et de les mesurer.

Les dispositions nécessaires doivent être prises par : le Gouvernement du Québec, les établissements universitaires, l’ensemble des organismes impliqués par les activités universitaires, les groupes intéressés, les médias et la population en générale[3].

4.3 Ressources financières des universités

CONSTATS

  • Dans le contexte nord-américain, les concurrents disposent de plus de moyens financiers que les universités québécoises.

  • Des moyens financiers comparables sont essentiels.

  • Dans une société multiculturelle, réussir un accompagnement personnalisé en vue de contribuer à la réussite étudiante requiert des moyens financiers adéquats.

  • La réduction du ratio étudiants-professeurs est nécessaire à la réussite et ne sera possible qu’à la suite de l’injection de moyens financiers conséquents.

  • Le développement de la recherche nécessite des investissements financiers, autant sur le plan fonctionnel que sur le plan humain.

  • Le niveau maximal de contribution financière étudiante établi par les règles budgétaires actuellement appliquées dans les universités québécoises rend nécessaire une contribution de la part des finances publiques.

  • Le Gouvernement du Québec a récemment fait des efforts considérables pour accroitre le financement des universités.

RECOMMANDATIONS

  1. Poursuivre les efforts gouvernementaux en vue d’améliorer le financement public des universités.

  2. Assurer un maintien global du niveau de financement afin de permettre aux universités québécoises : d’assurer une activité de recherche et de création à la hauteur des normes de qualité et de réussite généralement acceptées en Amérique du Nord; d’être attractives pour les étudiantes et étudiants internationaux; de faire face efficacement à la concurrence dans le recrutement et la rétention des meilleurs professeures et professeurs et étudiantes et étudiants.

  3. Durant une période de cinq ans, assurer par des fonds supplémentaires un financement permettant aux universités de réaliser des projets répondant aux trois enjeux que sont la collaboration tous azimuts, l’intérêt pour favoriser la réussite et l’arrimage entre le savoir et la société.

4.4 Composition représentative des corps professoraux et des autres corps d’emplois

CONSTATS

  • La société québécoise désire assurer une égalité réelle entre les hommes et les femmes, ainsi qu’entre les personnes d’origines et de profils socioéconomiques diversifiés.

  • L’égalité entre ces personnes passe par l’emploi.

  • Les universités doivent être en phase avec cet objectif.

  • Malgré une croissance du nombre de femmes détentrices d’un doctorat, la proportion des femmes dans les corps professoraux est encore en deçà de 38 % en 2017; de 37 % chez les cadres supérieurs.

  • Le nombre de personnes de diverses minorités détentrices d’un doctorat est également en croissance.

  • La recherche d’une composition représentative des corps professoraux implique que 50 % des postes dans ces corps d’emploi soient occupés par des femmes et que celles-ci soient proportionnellement représentées aux différents échelons de classification accessibles aux membres des corps professoraux.

  • Le gouvernement doit considérer toutes les études effectuées sur les obstacles ralentissant l’accroissement du nombre de femmes et de personnes de diverses origines et de diverses conditions dans les corps professoraux et les autres corps d’emploi des universités et les moyens déjà identifiés pour accroitre leurs embauches.

RECOMMANDATIONS

  1. D’ici 2030, prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les femmes constituent la moitié du corps professoral des universités et qu’elles soient de plus en plus équitablement représentées aux différents échelons de classification accessibles aux membres des corps professoraux.

  2. Porter une attention particulière aux domaines disciplinaires où la sous-représentation des femmes est la plus marquée et développer des conditions d’exercice de la profession professorale tenant compte des contraintes particulières subies par les femmes en début et en milieu de carrière.

  3. D’ici 2030, prendre toutes les dispositions nécessaires pour que la composition des corps professoraux et des autres corps d’emplois des universités reflète de manière croissante la composition générale de la population québécoise dans sa diversité. À ces fins, inciter les universités à se doter d’un plan d’action tenu à jour régulièrement.

4.5. Collaboration tous azimuts

A) Entre les établissements collégiaux et universitaires

CONSTATS

  • Les deux ordres, collégial et universitaire, ont des caractéristiques et une autonomie qui leur sont propres.

  • Des expériences de collaborations entre ces deux ordres ont lieu, en matière de formation, de recherche et de transfert de connaissances, notamment par le moyen des Pôles régionaux d’enseignement supérieur et dans les Centres collégiaux de transfert de technologie.

  • Ces expériences favorisent la persévérance et la réussite étudiante.

  • Il est nécessaire d’aplanir les obstacles aux collaborations et de soutenir les initiatives les concernant.

  • Le potentiel de ces collaborations est insuffisamment développé, notamment dans les domaines de la recherche partenariale appliquée.

  • La formation supérieure et les composantes fondamentales de la formation sont importantes.

RECOMMANDATION

Demander au MÉES de mettre en place, en respectant l’autonomie des établissements des deux ordres, de soutenir et d’animer un mécanisme permanent ayant pour mandats de :

  1. favoriser et aider à structurer la collaboration, les partenariats et les pôles régionaux entre les universités et les collèges en matière de formation, de recherche, de création et de transfert de connaissances;

  2. soutenir les initiatives prometteuses;

  3. encourager les établissements d’enseignement supérieur à créer, consolider et, là où cela se montre désirable, à augmenter et coordonner des passerelles entre le collégial et l’université, autant en matière d’enseignement que de recherche et de création;

  4. évaluer conjointement s’il est souhaitable d’apporter des ajustements à la formation collégiale préuniversitaire afin qu’elle assure le meilleur socle possible aux formes que pourront prendre les études universitaires à l’avenir, toutes disciplines confondues;

  5. évaluer la nécessité d’apporter des ajustements à la formation universitaire de premier cycle pour que le passage du collégial à l’université s’effectue dans les meilleures conditions;

  6. favoriser les partenariats avec d’autres acteurs de la société;

  7. prévoir les ressources financières en vue de la réalisation de ces objectifs;

  8. répertorier et faire la promotion des réussites en cette matière.

B) À l’intérieur de l’ordre universitaire

CONSTATS

  • Les problèmes sociétaux appellent une collaboration entre les disciplines.

  • La valeur et la fécondité des approches intersectorielles sont prouvées, tant pour le progrès des connaissances par la recherche que pour le développement de solutions efficaces aux problèmes auxquels sont confrontées les sociétés.

  • De nouveaux besoins de formation émergent, tant dans les formations initiales que dans celles de perfectionnement. Ces besoins augmentent la nécessité de mettre à jour la formation de manière continue.

  • Il est important de réduire le travail en silos qui caractérise encore les disciplines universitaires.

  • La concurrence entre les universités ne procure pas toujours des bénéfices réels pour la société et peut même se montrer néfaste quand il s’agit de répondre aux besoins engendrés par les problématiques complexes auxquelles la société fait face et qui requièrent des capacités universitaires à grande échelle, à la fois en formation et en recherche.

  • La taille des communautés scientifiques et des ressources des universités québécoises est relativement modeste à l’échelle mondiale.

  • Une action plus concertée des universités présente des avantages.

RECOMMANDATIONS

Les universités doivent engager les actions nécessaires afin de :

  1. accroitre encore davantage leurs collaborations et synergies, tant internes (entre leurs unités constitutives) qu’entre établissements;

  2. promouvoir vigoureusement l’interdisciplinarité et, plus intensément, l’intersectorialité, tant dans les programmes de formation que dans les activités de recherche et de création;

  3. rechercher les adaptations à apporter à leurs structures d’organisation, programmes d’études, pratiques pédagogiques, modes d’évaluation et de recrutement, et gestion des personnels académiques dans le but de favoriser le développement et la valorisation de l’interdisciplinarité et de l’intersectorialité;

  4. composer efficacement avec l’internationalisation de la vie universitaire en facilitant les arrimages entre les universités : d’une part en agissant sur les leviers de collaboration pour constituer les masses critiques susceptibles de permettre d’affronter efficacement la concurrence internationale; d’autre part en permettant aux universités ayant développé de nombreuses collaborations souvent innovantes avec leur milieu de rayonner, tant dans leur région qu’aux niveaux national et international.

RECOMMANDATIONS GLOBALES

  1. Le Bureau de collaboration interuniversitaire (BCI), de concert avec le MÉES, doit se doter d’un mécanisme permanent pour animer, aider, faire partager et connaitre les actions institutionnelles et collectives susceptibles d’accroitre l’évolution des collaborations fructueuses entre les établissements, de même que le développement de pratiques interdisciplinaires et intersectorielles.

  2. L’enseignement supérieur doit concourir, par ses politiques et par un financement approprié, à la réalisation de collaborations accrues de formation et de recherche et à leur mise en valeur.

  3. Il est demandé au Gouvernement du Québec d’investir davantage dans le financement de projets de recherche intersectoriels par le moyen des Fonds de recherche du Québec et de les mandater pour conclure des ententes internationales visant à soutenir davantage ces projets.

4.6 Susciter l’intérêt pour réussir

A) L’accroissement de la fréquentation universitaire aux trois cycles

CONSTATS

Considérant :

  • les taux de scolarisation universitaires du Québec par rapport à ceux d’autres pays développés;

  • la persistance d’obstacles de tous genres à la fréquentation universitaire et la nécessité d’oeuvrer à les aplanir;

  • l’évolution inexorable vers une société du savoir;

  • l’importance de l’enseignement supérieur dans le développement de la pensée critique;

  • l’importance de la scolarisation dans l’amélioration du niveau de vie et de la prospérité collective partout sur le territoire du Québec;

  • les constatations et les recommandations de l’avis du Conseil supérieur de l’éducation intitulé Les réussites, les enjeux et les défis en matière de formation universitaire au Québec (2019);

  • les exigences de la démocratisation de l’accès aux études universitaires.

La qualité de vie, la préservation de la démocratie et la prospérité future du Québec bénéficieront d’une croissance de la formation universitaire.

RECOMMANDATIONS

Il se montre opportun d’inviter la ministre de l’Enseignement supérieur, les universités et les collèges à développer une action concertée pluriannuelle visant à accroitre la fréquentation universitaire aux trois cycles, et ce, en :

  1. donnant suite aux principales recommandations pertinentes de l’avis du Conseil supérieur de l’éducation[4];

  2. valorisant la modernisation de la pédagogie et en privilégiant la pédagogie active et inclusive, en particulier dans la formation à distance;

  3. abaissant les obstacles financiers limitant l’accès des étudiantes et étudiants à l’université, notamment dans le but de diminuer leur endettement;

  4. facilitant davantage la mobilité des étudiantes et étudiants vers le lieu où se donne la formation requise, afin de leur permettre de bénéficier des avantages irréductibles du présentiel;

  5. améliorant l’offre de formation aux personnes déjà en situation d’emploi pour leur permettre de poursuivre leurs apprentissages tout au long de leur carrière, notamment en développant différents parcours offrant suffisamment de souplesse pour s’adapter à leur réalité et à leurs besoins;

  6. soutenant la création d’un portfolio des compétences qui suit la personne apprenante toute au long de sa vie et qui peut éventuellement incorporer des compétences associées à des expériences de vie personnelles, professionnelles et autres;

  7. associant à ces travaux le mécanisme de collaboration et de synergie des deux ordres.

B) L’accroissement de la réussite scolaire et de la diplomation

CONSTATS

Considérant :

  • la transformation et la diversification des effectifs étudiants, la disparité des formations préalables aux études universitaires, la proportion importante de personnes présentant des besoins particuliers ou souffrant de contraintes variées, l’accentuation de la diversité des conditions personnelles de vie des étudiantes et étudiants;

  • la présence accrue de minorités ethniques et religieuses, d’autochtones, d’étudiantes et étudiants internationaux et de personnes en situation de handicap qui peuvent avoir des besoins, des attentes et des objectifs de formation spécifiques différents de ceux de la majorité;

  • la diversification des rythmes auxquels les études sont poursuivies;

  • les difficultés de toute nature que peuvent rencontrer les étudiant.e.s pendant leur formation (économiques et financières, d’orientation, de santé, y compris la santé mentale);

  • les possibilités et les défis du numérique;

  • le grand potentiel de la formation à distance;

  • la nécessité d’aider les étudiantes et étudiants à réussir leur projet de formation universitaire;

  • la nécessité d’implanter des formules pédagogiques riches, dont les bénéfices sont documentés, et adaptées aux contenus et à des contextes de formation en évolution;

  • la nécessité, pour le secteur public de l’enseignement supérieur, d’accompagner les pratiques numériques des étudiantes et étudiants en leur offrant des formations à la carte, accessibles en ligne.

RECOMMANDATIONS

Les universités, le BCI et le MÉES sont invités à poser différentes actions :

  1. les universités à poursuivre leur transformation en vue d’implanter des formules pédagogiques adaptées, actives, inclusives et attractives pour des populations étudiantes façonnées par le développement du numérique, aux origines très diverses et aux bagages culturels variés, tout en maximisant leur motivation à poursuivre et à réussir leurs projets d’études[5];

  2. les universités à poursuivre le développement de la formation à distance en s’inspirant des meilleures pratiques en cette matière;

  3. le BCI à se doter d’un mécanisme pour animer, aider, faire partager et faire connaitre les meilleures pratiques pour adapter l’enseignement et le rendre attrayant;

  4. le MÉES doit appuyer les efforts des universités – par ses politiques et par un financement approprié, en conformité avec les conditions de base associées aux ressources financières des universités, notamment le financement des infrastructures informatiques – dans l’adaptation de l’enseignement en vue de le rendre davantage attrayant et de favoriser la persévérance et la réussite.

Il est ainsi recommandé au Gouvernement du Québec de :

    1. s’assurer que les infrastructures numériques sont suffisantes pour permettre leur utilisation optimale dans l’enseignement;

    2. prendre un soin particulier pour assurer, dans toutes les régions, les possibilités les plus complètes d’utilisation du numérique pour des fins de formation, de recherche, de création, de transfert de connaissances et de services aux collectivités;

    3. favoriser, par une action concertée entre les universités et les entreprises intéressées. Cela par des investissements stratégiques, le développement de plateformes de formation, et ce, de manière à assurer la plus grande autonomie possible du Québec en cette matière.

4.7 Arrimer savoir et société

A) Une collaboration université-société amplifiée et adaptée aux besoins en évolution

CONSTATS

  • Les défis auxquels font face les sociétés leur imposent de s’appuyer sur la science pour guider l’action et la prise de décision politique.

  • Le développement de la pensée critique dans un contexte de surabondance d’informations – peu ou pas vérifiées – et de la diffusion de soi-disant « faits alternatifs » générés par les sources les plus diverses actives sur les plateformes numériques gagne en importance.

  • Dans les débats de société et auprès des décideurs et décideuses, les chercheurs et chercheuses comme les universités doivent mieux assumer leurs rôles de défense, de diffusion et de promotion de la science et du savoir, tout en rappelant leurs limites.

  • La pandémie a rappelé la nécessité de fonder les politiques publiques et l’action des diverses composantes de la société civile sur des connaissances scientifiques validées.

  • L’université québécoise a une responsabilité sociale qui s’ajoute à ses missions de formation, de recherche, de création et de transfert de connaissances.

RECOMMANDATIONS

  1. Il est demandé aux universités québécoises d’engager des actions favorisant une collaboration accrue de l’institution universitaire avec les différents partenaires de la société en s’inspirant d’actions telles que :

    1. la valorisation du rôle de l’université comme instance de service public à la société;

    2. celle du rôle de l’université québécoise dans la vérification et la validation des faits qui relèvent de la science, la diffusion vulgarisée des savoirs, de même que la reconnaissance, la transcription, la formalisation et l’utilisation, y compris d’un point de vue intersectoriel, des savoirs traditionnels, pratiques et informels qui sont à l’oeuvre dans toute société;

    3. la réponse aux besoins en recherche-développement des différents partenaires du milieu.

  2. Il est demandé aux universités québécoises de s’imposer comme chefs de file dans l’adoption de nouvelles pratiques et comportements adaptés aux grands enjeux en émergence, elles doivent en outre :

    1. valoriser le savoir universitaire auprès du grand public, notamment en incitant les personnels académiques à intervenir publiquement dans les médias et dans les organisations de la société civile;

    2. intervenir dans le dépistage des rumeurs et la vérification des faits;

    3. mettre en place des mécanismes et des programmes de soutien favorisant l’association de la société civile et des universités dans la cocréation du savoir, l’identification de thèmes de recherche particulièrement urgents et socialement pertinents, de même que la production de nouvelles connaissances;

    4. demander au Gouvernement du Québec de rendre disponibles des ressources financières nouvelles afin de soutenir cette nouvelle collaboration entre les universités, leurs personnels académiques et la société.

B) La mise en place d’un mécanisme permanent de liaison université-société

CONSTATS

  • La collaboration entre l’université et la société doit s’amplifier et s’adapter aux besoins actuels et futurs.

  • Un grand nombre de partenaires sont intéressés par une telle collaboration.

  • La collaboration des citoyennes et citoyens à la définition des besoins, des problématiques de recherche, et leur participation au processus même de recherche sont croissantes.

Considérant :

  • le mouvement en faveur de la science ouverte et le souci d’atteindre une plus grande équité dans l’accès aux savoirs scientifiques;

  • l’absence d’un lieu organisé susceptible de favoriser, par un dialogue ouvert, structuré et concluant, l’amplification et l’adaptation de la collaboration entre l’université et la société;

  • que, s’il existe de multiples et utiles instances de liaison, d’échanges d’information, de concertation, de collaboration et d’action commune impliquant le milieu universitaire et le milieu environnant, elles sont le plus souvent spécialisées ou consacrées à des aspects partiels de la liaison université-société;

  • il est nécessaire pour le Québec de favoriser le développement et le partage d’une réflexion stratégique sur l’institution universitaire et son lien avec la société.

RECOMMANDATIONS

Il est demandé au Gouvernement du Québec de :

  1. développer un mécanisme souple, englobant et réflexif, dont la portée et le caractère généralistes assureront des espaces efficaces de liaison entre les universités et la société civile; Ce mécanismes :

    • saura représenter, dans toutes les régions, les intérêts des universités, groupes économiques, sociaux et culturels, ministères et organismes publics (dont les divers ordres d’enseignement);

    • veillera à mieux arrimer les universités et les besoins de la société, en s’inspirant des pistes d’action proposées dans le présent document;

  2. mettre en place et concevoir une Conférence permanente université-société;

  3. après avoir consulté les milieux réunis au sein de cette Conférence :

    • nommer la personne devant la présider;

    • assurer à ce forum un financement approprié et récurrent;

    • requérir qu’elle lui procure un plan de travail triennal et un rapport annuel d’activités.

5. Les consultations pour le rapport

Après la publication du rapport au milieu de septembre 2020, c’est une large et rapide consultation qui s’est amorcée parce que les autorités politiques veulent en tenir compte dans les prochaines décisions à prendre pour l’avenir des universités. Les consultations ont permis de recevoir quinze mémoires ainsi que plus de quatre-vingts réponses au sondage numérique. De plus, quatre journées complètes de séances délibératives se sont tenues sur l’ensemble des éléments et recommandations du rapport. Ces séances regroupant des administrateurs, des étudiants, des professeurs, des officiers gouvernementaux et des membres de la société civile ont permis de dégager de multiples suggestions d’amélioration du rapport. En effet, un consensus large émerge quant à la réception positive du rapport ainsi qu’à l’ajout de deux nouvelles recommandations plus axées sur l’avenir des institutions. La première de ces recommandations porte sur le « rôle central des universités en matière d’innovations sociales, technologiques pédagogiques et organisationnelles ». La seconde, intitulée « L’Université québécoise comme citoyenne du monde », porte sur la plupart des aspects de l’internationalisation des universités.

Les consultations étant terminées, une publication finale du rapport a été annoncée pour le début de mars 2020.

Conclusion

L’importance du rapport L’université québécoise du futur doit être soulignée pour plusieurs raisons, dont la principale est certainement qu’il rassemble des données essentielles sur l’état de l’enseignement supérieur au Québec qui, auparavant, étaient dispersées ou inaccessibles. Nous sommes d’ailleurs en accord avec de nombreux observateurs (Jones, 2015; Usher, 2018) pour inciter fortement les autorités publiques et les établissements à collaborer à la mise en place d’une infrastructure informationnelle qui permettra aux citoyens, chercheurs et décideurs de comprendre le système d’enseignement supérieur et de prendre des décisions cohérentes afin de favoriser son plein épanouissement.

Mais, au-delà de ces considérations informationnelles, ce rapport et les consultations qui suivront constituent une occasion de poursuivre les réflexions amorcées par les chantiers qui avaient été mis en place à la suite du Sommet sur l’enseignement supérieur de 2013, ainsi que de les ancrer dans un contexte social complexe, changeant et, à certains égards, fragmenté. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les auteurs du rapport réaffirment le caractère collaboratif qui a marqué le développement de l’enseignement supérieur au Québec, depuis la création du réseau de l’Université du Québec jusqu’à la mise en place de programmes de financement à l’intention des chercheurs et chercheuses et des équipes[6]. Pour nous, les prochaines collaborations doivent se développer entre les disciplines, les ordres collégial et universitaire, entre ces derniers et la société civile, de même qu’entre le Québec et les autres juridictions. À ce titre, nous espérons, d’une part, que l’internationalisation de l’enseignement supérieur continue de servir la diplomatie du savoir de l’État québécois à l’étranger (Bégin-Caouette, 2018) et, d’autre part, que ce processus – en réponse au repli identitaire – sera d’abord motivé, au-delà des logiques marchandes, par des objectifs de collaboration scientifique répondant aux enjeux mondiaux d’entraide entre les peuples et d’ouverture sur le monde, principalement pour la population étudiante (Gowin & de Wit, 2020).

Cette réflexion sur l’université et la société doit elle-même se faire dans un contexte particulier, marqué par de nombreuses tensions dont, pour ne nommer que celles-ci, l’impératif de protéger la liberté universitaire et la nécessité d’accroitre la présence, la participation et les contributions de communautés systématiquement marginalisées (Kamanzi & Collins, 2018; Smith & Bray, 2019). Il s’agit, au final, d’imaginer un futur dans lequel l’université préserve son caractère distinct et demeure l’héritière de l’une des plus longues traditions de l’histoire tout en sachant renouveler sa pertinence dans un environnement qui, tout en la plaçant à l’avant-plan de la société et de l’économie du savoir, en a aussi fait la cible pour des populistes méfiants des institutions.