L’auteure de cet ouvrage, La grande migration, se situe dans la perspective de l’enseignement des arts plastiques au secondaire inspirée de la pédagogie critique pour laquelle l’éducation participe à l’émancipation de ses sujets. Partant, Anne Deslauriers prône un enseignement des arts engagé, dynamisé par des enjeux contemporains qui s’imposent avec force à notre humanité : ceux de la socioécologie. Pour ce faire, elle privilégie le recours à l’interdisciplinarité, conjuguant aux autres disciplines scolaires la transcendance et le pouvoir évocateur, voire subversif, des arts sous toutes ses formes. La première partie du premier chapitre, qui correspond à la moitié de l’ouvrage, présente une série de poèmes empruntant soit à la narration, à la chanson ou au dialogue, valorisant la rime ou la prose, adoptant une facture ludique, dramatique ou contemplative. Tantôt, des préoccupations sociales sont abordées; tantôt, ce sont des préoccupations environnementales qui priment. Ici, le regard est tourné vers le passé ou vers un futur souhaité; là, le locuteur toise le fleuve ou scrute le ciel-horizon en contemplation de la vie. Certains poèmes témoignent de blessures et de déchirures; d’aucuns se montrent engagés, révoltés, torturés ou désabusés. Le thème de la migration engendre en l’occurrence de multiples résonnances selon les lieux et contextes de production : migration humaine donnant lieu aux enjeux du déracinement et de l’acculturation; migration animale qui expose à la fois la force et la fragilité de la nature; migration temporelle qui fait ressortir les différentes phases de la vie tant au plan générationnel que personnel; migration émotive qui nous fait nous perdre dans nos propres abysses ou nous retrouver émergeant des flots… Cette apparente hétérogénéité des poèmes, qui pourrait sembler de prime abord comme un assemblage sans fil conducteur, prend consistance pourtant à la fois par l’évocation de la bernache symbolisant le mouvement migratoire, et par un thème sous-jacent à celui de la migration qui se révèle par celui-ci, la question identitaire : l’identité ethnographique d’un Soi culturel par rapport à l’Autre; l’identité anthropologique de notre espèce dans son rapport aux autres formes de vie; l’identité psychique qui met en évidence les passages cycliques de la vie; l’identité psychologique qui nous renvoie face à nous-mêmes et qui permet d’affronter les épreuves passagères. Dans la plupart des cas, la recherche d’un avenir meilleur semble accompagner l’être et sa quête migratoire de l’ailleurs, quel qu’il soit, tissant ainsi une cohérence de propos de ce chapitre d’entrée. La deuxième partie du chapitre un a trait au processus de création des bernaches, confectionnées dans des cours d’arts plastiques d’écoles du Québec et dans des centres pour aînés, et à leur périple qui converge cette fois jusqu’à la communauté autochtone de Nutashkuan, sur la Côte-Nord. On y apprend que les volatiles ont tous été marqués par leur processus migratoire discontinu. En effet, plusieurs furent victimes des affres du transport, nécessitant réparations en leurs lieux d’atterrissage. Elles subissaient alors des interventions bienveillantes de la part des créateurs qui les accueillaient pour les réexpédier presque aussitôt vers d’autres contrées scolaires ou institutionnelles. Cette deuxième partie du premier chapitre se termine par la présentation du parcours migratoire de six élèves de l’école Curé-Antoine-Labelle qui ont refait le voyage des bernaches, de Laval à Nutashkuan, afin de vivre à leur tour une courte migration culturelle en territoire autochtone et les retrouvailles symboliques des bernaches qui reprendront la route vers leur terre d’origine. On y trouve des extraits de leur journal de bord transformé en véritable œuvre artistique. Les chapitres suivants rendent essentiellement hommage aux artisans de ce projet. Le deuxième présente le portrait des différentes écoles et enseignant(e)s ayant participé au projet. Ces pages sont …