Recensions d'écrits

Pour en lire plus : Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène[Record]

  • Maia Morel

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  • Maia Morel
    Université de Sherbrooke

Ouvrir un livre de Paul Ardenne signifie toujours rencontrer une personnalité forte, une pensée structurée et des opinions bien arrêtées. Cette nouvelle édition d’Un art écologique. Création plasticienne et anthropocène, qui vise à nous présenter un « tour de table des rapports nouveaux tissés entre la création plastique et la question écologique » (p. 263), ne fait pas exception à la règle. Bien présenté, riche de références culturelles très diverses, mais gêné parfois par une syntaxe peu fluide, le livre se présente en trois parties, précédées d’une introduction et suivies d’une brève conclusion. L’ouvrage suit une progression à la fois logique et chronologique qui montre comment l’art est petit à petit devenu un des lieux du combat écologique, en même temps que ce dernier prenait une place croissante dans l’actualité et la pensée sociale. Le fil conducteur est donc, dans un monde désormais entièrement soumis aux diktats de l’exploitation humaine (l’anthropocène), l’émergence d’« artivistes » qui, avec leurs armes propres, « celles de la représentation, de la symbolique, de l'éthique » (p. 2), tentent d’œuvrer en faveur de l’environnement. Les objectifs de l’auteur sont à la fois descriptifs et prescriptifs : La première partie du livre, intitulée Prendre un bain de nature, nous convie à découvrir comment l’art a, d’une certaine manière, pris conscience de la nature après la Seconde Guerre mondiale. Si, en effet, la fin du 19e siècle a fait sortir l’artiste de son atelier, ce n’était que pour reconstituer celui-ci à l’extérieur, le but principal du travail artistique restant la représentation, qui implique la mise à distance du sujet. Un siècle plus tard, « l’heure de l’immersion a sonné » (p. 21). L’artiste découvre le fait naturel, il jette sur son environnement un autre regard, plus curieux, plus respectueux. Certains mêmes expérimentent une véritable fusion avec la nature qui prend une dimension métaphysique, ou plus souvent existentialiste : « L’important n’est pas tant de communiquer, que d’exister » (p. 38). Exemples à l’appui, l’auteur nous montre comment la nature devient une véritable partenaire de l’acte créateur. Avec une restriction toutefois, et de taille : ce que cherchent les artistes en investissant les espaces naturels, c’est d’abord un nouveau champ de création ; leur travail reste avant tout esthétique (p. 48) et la préoccupation écologique n’y est pas présente (voir notamment l’exemple de Christo à la p. 49). Bref, ici « [o]n utilise, plus que l’on célèbre. On ne s’inscrit en rien dans l’inquiétude environnementale » (p. 53). Il faudra quelque temps encore avant que s’amorce une évolution vers l’éco-création (2ème partie). Au début des années 1970, c’est la pollution (et plus tard le « réchauffement climatique ») qui sert de déclencheur à la prise de conscience. Plusieurs voies sont esquissées pour aller vers un rapport plus harmonieux et moins destructeur à la nature. Toutefois, les actions sont dérisoires face au développement industriel. D’ailleurs, à l’inverse d’autres formes artistiques (cinéma, BD), les arts plastiques ne sont pas de ce combat : s’ils apprécient les thématiques post-apocalyptiques, cela reste pour en faire des représentations maniérées et esthétisantes qui n’ont pas vocation à porter un quelconque message. Pourquoi cette absence de prise de position ? Peut-être parce que la perspective est trop effrayante, suggère Paul Ardenne. De fait, une étape supplémentaire doit être franchie : « être "écologique" commande […] de se fondre [dans l’élément naturel] et, si catastrophe environnementale il y a – et il y a à présent, en cours –, d’engager un processus de riposte » (p. 67). Bref, il faut se faire militant dans un monde à l’agonie qui, que nous …