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Les changements climatiques (CC) à caractère anthropogénique – c’est à dire causés par les activités humaines – représentent l’un des enjeux les plus importants pour l’humanité au XXIe siècle. En ce sens, l’adoption de mesures urgentes devient une priorité dans les agendas éducatifs à l’échelle nationale et internationale. Selon le consensus des pays signataires de l'accord de Paris, les actions éducatives relatives au CC doivent revêtir un caractère stratégique :

Les Parties coopèrent en prenant, selon qu'il convient, des mesures pour améliorer l'éducation, la formation, la sensibilisation, la participation du public et l'accès de la population à l'information dans le domaine des changements climatiques, compte tenu de l'importance que revêtent de telles mesures pour renforcer l'action engagée au titre du présent Accord (Nations unies, 2015, article 12, p. 17).

La présence d’une dimension éducative dans les actions engagées contre le CC est une constante dans les diverses conventions et déclarations ratifiées à l’échelle internationale. À cet égard, le premier écrit qui envisage la nécessité de redoubler d’efforts en matière d’accès à l’information, de sensibilisation, d’éducation, de formation, de participation et de coopération internationale, est l’article 6 de la Convention-cadre des Nations Unies sur le CC (Nations Unies, 1992). Outre la Déclaration ministérielle de Lima sur l’éducation et la sensibilisation concernant le CC (Nations unies, 2014), l’article 12 de l’Accord de Paris (Nations Unies, 2015) constitue le cadre de référence du domaine de l’éducation relative au CC. Celui-ci vise une meilleure compréhension et la prise de conscience du CC grâce à l’éducation, ainsi que la promotion des modifications des habitudes et des comportements des individus. En ce sens, il s’agit de mettre en place des stratégies de communication efficaces pour la promotion de changements manifestes.

Stimulée par la nécessité de faire face à un contexte d’urgence, la recherche en éducation relative au changement climatique (ERCC) s’est considérablement développée au cours des années 2010 (Kagawa et Selby, 2010 ; McKeown et Hopkins, 2010 ; Henderson, Long, Berger, Russell et Drewes, 2017 ; Stevenson, Nicholls et Whitehouse, 2017). On constate que l’éducation, en tant que domaine stratégique de l’action climatique, doit être redéfinie en vue de faire du CC l’un de ses axes centraux.

À cet effet, pour Henderson et coll. (2017), les deux dimensions à considérer en ERCC, le climat et le changement, doivent être abordées de façon multidisciplinaire à partir des sciences naturelles, sociales et humaines. Au-delà des approches individualistes basées sur la simple transmission de connaissances sur les sciences du climat, Kagawa et Selby (2010), mentionnent l’importance de l’ERCC comme apprentissage social, souple et orienté vers l’action dans les contextes des communautés d’appartenance. Dans le même ordre d'idée, Walss (2011) met en exergue l’exigence d’un apprentissage basé sur la recherche, la réflexion, la créativité et la participation, afin de promouvoir chez les élèves, le développement de compétences écocitoyennes. Enfin, Stevenson, Nicholls et Whitehouse (2017) mettent l’accent sur le fait que les élèves doivent assumer des responsabilités et développer leur capacité à « participer à des actions collectives qui peuvent contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la transformation de communautés et de sociétés pour adopter des politiques et des structures plus durables » (p. 4, traduction libre).

L’inclusion de l’ERCC dans les curricula et dans la pratique éducative a suscité l’intérêt de la communauté des chercheures et chercheurs à l'échelle internationale. Dans le but de caractériser le champ de la recherche sur l’ERCC au secondaire (élèves âgés de 12 à 18 ans), nous présentons d’abord les résultats d’une analyse bibliométrique réalisée sur 84 études publiées de 1993 à 2017. Nous mettrons ensuite en évidence les principaux axes autour desquels s’articule la recherche sur l’ERCC dans les programmes scolaires. Nous souhaitons porter ainsi un regard d’ensemble sur l’état de la recherche en ERCC.

Un aperçu de la recherche en éducation portant sur le changement climatique au secondaire

À l’échelle mondiale, le CC est en train de focaliser l’attention des chercheures et chercheurs de différents domaines de recherche. Par exemple, la base de données Scopus offre plus de 280 000 textes en lien avec les termes climate change ou global warming dans les champs title, abstract et keywords. Quoique plus de 75 % d’entre elles appartiennent à des études liées aux sciences expérimentales, à l’ingénierie ou à la santé, la recherche en sciences sociales commence à prendre un certain élan par rapport à la quête de solutions face au CC – 8 % au cours de la dernière décennie –, comme en témoigne la figure 1.

Figure 1

Évolution des publications totales sur le changement climatique comparé à celles relevant spécifiquement des sciences sociales (à partir de données de Scopus)

Évolution des publications totales sur le changement climatique comparé à celles relevant spécifiquement des sciences sociales (à partir de données de Scopus)

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Dans le domaine de la recherche en éducation portant sur le CC il existe différents types d’études. Par exemple, en si l’on considère le niveau scolaire des participantes aux études, les travaux portent sur les étudiant.es universitaires (González-Gaudiano et Maldonado-González, 2014[1]), les collégien.nes et lycéen.nes (Jackson et Pang, 2017), les élèves du primaire (Qualter, Francis, Boyes et Stanisstreet, 1995) et le corps enseignant (Seow et Ho, 2016). On trouve également différents angles de recherche : 1) Les représentations sociales du CC (González-Gaudiano, 2012) ; 2) Les connaissances et les conceptions alternatives (Chang, Pascua et Ess, 2017) ; 3) L’alphabétisation climatique (Bodzin, Anastasio, Sahagian, Peffer, Dempsey et Steelman, 2014) ; 4) Les fondements pédagogiques de l’ERCC (Meira, 2019) ; 5) L’identification des stratégies éducatives (Monroe, Plate, Oxarart, Bowers et Chaves, 2017) ou communicatives (Wibeck, 2014) les plus efficaces face au CC et leur adaptation au profil de publics déterminés (Kuthe, Keller, Körfgen, Stötter, Oberrauch et Höferl, 2019).

Notre travail visait plus spécifiquement à établir sous quel angle le CC a été abordé avec les élèves de l’enseignement secondaire. Dans le but d’examiner et de synthétiser la littérature scientifique existant dans le domaine de l’ERCC au secondaire, la méthode de la Recension bibliographique systématisée (RBS) a été privilégiée (Littell, Corcoran et Pillai, 2008). Les résultats de différents travaux peuvent ainsi être comparés et évalués. À cet égard, la RBS permet de mettre en place un ensemble de critères de façon à réaliser une exploration des précédents bibliographiques concernant le sujet traité. Quand on utilise les techniques de recension bibliographique, deux types de biais de publication sont à considérer (Oliver et Tripney, 2017). Le premier a trait aux critères menant au choix des sources. Le deuxième est de type linguistique, en fonction des compétences langagières des chercheures et chercheurs, mais aussi de la prédominance de l’anglais dans les banques de données. Quoi qu’il en soit, les caractéristiques d’une telle stratégie – transparence, reproductibilité et possibilité de mise à jour – lui confèrent une valeur ajoutée dès lors que l’on poursuit une certaine systématicité et objectivité scientifique.

En vue de rassembler les données bibliométriques et d’analyser les études sélectionnées, la RBS que nous avons conçue est organisée en six étapes (Meca, 2010 ; Medina-López, Marín-García et Alfalla-Luque, 2010) :

  1. Identification du domaine d’étude : le domaine d’étude est délimité par le niveau d’enseignement secondaire et les concepts éducation, CC et alphabétisation climatique.

  2. Formulation du problème : formulation des questions et définition des concepts impliqués. Les termes suivants de recherche, en Anglais, ont été combinés dans les champs de titre, des mots-clés et de résumé : climate change/global warming ; students ; secondary ; et middle school/high school.

  3. Sélection des sources : des sources formelles (systèmes d’indexation des publications scientifiques et informelles (références figurant dans des études similaires précédentes). Cinq bases de données ont été retenues pour définir les sources formelles, conformément aux critères de sélection suivants : a) Bases de données de référence qui indexent des revues dont l’impact scientifique est élevé : Scopus, WOS, Dialnet, Scielo et Redalyc : b) Articles écrits en espagnol, galicien, anglais et portugais, langues de domaine du chercheur qui a développé la RBS dans sa thèse de doctorat.

  4. À propos des sources informelles, nous avons eu recours aux références d’autres révisions bibliographiques : entre autres, Hestness et coll. (2014) ; Wibeck (2014) ; Hornsey, Harris, Bain et Fielding (2016) ; Acevedo et Marques (2017) ; et Monroe et coll. (2017).

  5. Les critères d’inclusion/exclusion (I/E) ont été établis ainsi : a) Études qui abordent une dimension de connaissance du CC ; b) Travaux de recherche où les participants sont des collégien.nes et des lycéen.nes (entre 12 et 18 ans) ; c) Travaux de recherche dans toutes les langues, mais dont au moins le titre, les mots-clés et le résumé sont écrits en anglais, espagnol, galicien ou portugais ; d) Travaux de recherche publiés jusqu’en 2017.

  6. Codification, gestion et nettoyage des résultats. D’abord, la première séquence de « nettoyage » ou sélection des résultats se fonde sur trois sous-critères d’I/E : a) Un rapport entre éducation, CC et/ou enseignement secondaire a été identifié dans le résumé du document ; b) Les articles scientifiques publiés dans des revues imprimées et en ligne ont été inclus ; cependant, les documents de littérature grise (Gelfand, 2006), les livres et les chapitres de livres ont été exclus ; c) Les documents où n’apparaissent pas les termes alphabétisation climatique, changement climatique ou réchauffement global dans le résumé où la section de mots-clés ont été aussi exclus. Pour ce qui est de la seconde séquence de nettoyage, les documents résultants ont été analysés en profondeur, en systématisant et en structurant le processus au moyen du logiciel d’analyse Atlas.ti 8.2.30, de façon à discerner si les recherches portent sur une dimension quelconque de l’alphabétisation climatique ou sur la représentation du CC chez les élèves de l’enseignement secondaire.

  7. Analyse statistique-bibliométrique.

La figure 2 présente les différentes étapes de la démarche que nous avons suivie.

Figure 2

Synthèse graphique de l’arbre de décision de la RBS

Synthèse graphique de l’arbre de décision de la RBS

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Les résultats de l’analyse bibliométrique effectuée à partir des 84 publications retenues seront présentés en fonction de la chronologie, les langues d’édition, les pays d’origine des échantillons étudiés, les revues où les articles ont été publiés et les sources référencées. Nous incluons également dans notre présentation une analyse des auteur.e.s des publications sous une perspective de genre.

En ce qui concerne l’historique des parutions (figure 3), le premier article identifié est celui de Boyes, Chuckran et Stanisstreet (1993). Il est suivi par une série de travaux basés sur des échantillons d’élèves des États-Unis et des îles britanniques et publiés en 1997, 1999 et 2004 par les universités de Liverpool et des États de Virginie-Occidentale et de Californie. À partir de 2008, la fréquence et l’origine de publications commencent à augmenter année après année. La littérature scientifique sur le sujet acquiert ainsi un certain caractère cosmopolite qui montre d’ailleurs le caractère global du défi climatique.

Figure 3

Historique du nombre de publications par an

Historique du nombre de publications par an

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Bien que les renseignements recueillis permettent de distinguer jusqu’à 27 origines différentes des publications analysées (figure 4), seulement 9 de 84 études ont été écrites dans des langues différentes de l'anglais : 5 en espagnol, 3 en portugais et 1 en galicien. Il est important de mentionner que la classification des publications par pays a été effectuée en fonction de la nationalité des élèves étudiés et non pas du pays de l’institution à laquelle appartenaient les auteur.e.s. D’autres études qui ont classifié les publications par pays (Anderson, 2012 ; Monroe et coll., 2017) montrent que, jusqu’à la fin des années 2000, les études sont majoritairement réalisées aux États-Unis, en Australie, au Canada et en Europe. Notre recherche révèle une tendance similaire, à l’exception du Canada où aucun travail de recherche sur des élèves du secondaire n’a été recensé. En outre, seulement 4 publications ont été repérées jusqu’en 2004 et ce n’est qu’à partir de 2008 que les premières études dans des pays aux économies émergentes (Chine, Turquie et Mexique) apparaissent. Aujourd’hui, ces trois pays se situent parmi les dix pays ayant publié le nombre le plus élevé de travaux analysés.

Figure 4

Nombre de publications par pays de notre échantillon

Nombre de publications par pays de notre échantillon

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Les 84 publications révisées sont réparties dans 48 revues. Avec dix articles chacune, l’Environmental Education Research, l’International Journal of Science Education et l’International Research in Geographical and Environmental Education ont publié la majorité de celles-ci. Une telle concentration dans ces trois revues en éducation montre que le CC y est considéré comme une thématique spécialisée relevant à la fois des domaines de l’éducation et de l’environnement. On observe que par ailleurs que les revues plus généralistes en éducation et en environnement n’y prêtent que peu d’attention.

Pour ce qui est des références bibliographiques citées dans les articles analysés, elles s’élèvent à un total de 3497 entrées, avec une moyenne de 41,6 références par publication. De celles-ci, 255 proviennent d’institutions : organismes nationaux ou internationaux, associations, entités gouvernementales et intergouvernementales, etc. Parmi ce type de publication, les plus référencées sont celles du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) (68 références), suivi du Conseil national de recherches des États Unis (22 références) et de l'Association américaine pour l'avancement des sciences (12 références).

La figure 5 identifie les auteur.es les plus cité.e.s en tant qu’auteur.e principal.e des articles. Quant à cet élément de notre analyse, nous avons tenu compte du fait que signer en premier lieu est une façon habituelle de reconnaître ou de souligner le poids d’un/e auteur/e à l’égard de celles et ceux qui y ont contribué, que ce soit en raison de son rôle spécial dans l’étude en question et/ou dans la publication ou de son autorité dans le domaine. En ce qui concerne la figure 4, elle met en lumière les dix auteur.es les plus référencé.es, indépendamment de la position qu’ils ou elles occupent dans l’ordre d’identification des chercheurs qui ont contribué aux articles.

À la tête des deux classifications, se trouve Edward Boyes, de l’université de Liverpool, avec 124 références où il figure comme premier auteur et 73 comme coauteur (197 en tout). Martin Stanisstreet, son collègue de la même université, dont le nombre de références est quasiment le même et dont la production complète sur ce sujet se développe en copaternité avec Boyes, occupe le deuxième rang de la liste de la figure 6, mais il n’est même pas sur la liste de la figure 5. Quelque chose de semblable se passe avec Daniel P. Shepardson et ses collaborateurs et collaboratrices du Niyogi Lab de l’Université Purdue : Dev Niyogi, Soyoung Choi et Umarporn Charusombat.

Figure 5

Auteur.e.s les plus référencé.e.s comme auteur.e principal.e

Auteur.e.s les plus référencé.e.s comme auteur.e principal.e

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Figure 6

Auteur.e.s les plus référencé.e.s dans l’ordre de mention des auteur.e.s

Auteur.e.s les plus référencé.e.s dans l’ordre de mention des auteur.e.s

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Par ailleurs, la classification en fonction de l’auteur.e principal.e (figure 5) met en évidence le fait que la communauté des chercheurs et chercheuses sur cette thématique se caractérise par un biais de genre clairement masculin : des douze personnes les plus référencées comme premières auteures, huit sont des hommes et quatre des femmes. Cette différence s’élève même jusqu’à une proportion de 8 pour 2 dans la seconde classification (figure 6), où ne sont présentes que deux femmes, Soyoung Choi et Umarporn Charusombat, les deux appartenant à la même équipe de recherche. Aucune femme, ni en tant qu’auteure principale, ni comme coauteure, ne figure non plus, avant 2009, comme auteur.,e des 84 publications analysées sous un angle longitudinal et de genre. Ce n’est que grâce à un travail de Mónica Arto (membre de l’équipe du projet Resclima [2]) que la première femme est apparue sur la scène de la recherche relative au changement climatique à l’école secondaire. Selon le tableau 1, l’auteure principale de 49 articles est une femme, contre 35 hommes. La tendance a été ainsi inversée en faveur du genre féminin dans une proportion de 1,4 pour 1.

Tableau 1

Liste des études analysées dans la RBS selon le genre du.de la premier.e auteur.e par rapport à leur contribution individuelle et partagée

Liste des études analysées dans la RBS selon le genre du.de la premier.e auteur.e par rapport à leur contribution individuelle et partagée

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Selon le tableau 1, les femmes tendent à participer plus fréquemment aux publications réalisées par des équipes mixtes (34 des 49 cas où apparaît une femme comme principale signataire), ce qui représente 69 % du total. En revanche, les articles signés par un homme en qualité d’auteur principal sont issus d’équipes mixtes dans 15 des 35 études, ce qui équivaut à 43 % du total des cas.

Avenues émergentes dans la recherche concernant l’éducation relative au changement climatique

Au-delà des résultats de la RBS que nous venons de présenter, au cours des différentes éditions du projet Resclima, nous avons pu constater que la recherche en ERCC sur les significations attribuées par l’élève au phénomène du CC est abondante (Meira et Arto, 2008 ; Arto, 2010 ; Shepardson, Niyogi, Choi et Charusombat, 2011 ; Smith et Joffe, 2012 ; Flores, 2015 ; Arto, Meira et Gutiérrez, 2017 ; Benavides, Meira et Gaudiano, 2017). Les résultats de ces recherches révèlent d’importantes carences chez les collégien.ne.s et lycéen.ne.s, aussi bien en ce qui concerne la compréhension du CC que l’adoption de comportements guidés par un sens de responsabilité face à ce phénomène. C’est ainsi que les premières réponses obtenues de l’étude transculturelle menée auprès d’élèves de l’éducation secondaire dans quatre pays (Espagne, Italie, Mexique et Portugal) dans le cadre du projet Resclima (García-Vinuesa, Bello et Iglesias, 2020 ; García-Vinuesa, Carvalho, Meira et Azeiteiro, 2021 ; García-Vinuesa et coll., à paraître) ont corroboré la persistance de conceptions erronées relevées dans des études précédentes, par exemple les liens qu’ils établissent entre la dégradation de la couche d’ozone ou l’effet de serre avec le phénomène du CC (Boyes, Stanisstreet et Yongling, 2008 ; Liarakou, Athanasiadis et Gavrilakis, 2011 ; Espejel et Flores, 2015). Plusieurs études confirment également la tendance des élèves à associer au CC toute catastrophe environnementale n’étant pas liée directement au système climatique, tel que les tsunamis et les tremblements de terre (Chang et Pascua, 2016).

Selon Henderson et coll. (2017), il s’avère donc indispensable d’explorer de nouvelles avenues de recherche pour construire le domaine de l’ERCC. Au cœur de celles-ci la recherche sur la politique éducative, le curriculum et les pratiques pédagogiques doit occuper une place centrale. Il existe en effet une nécessité évidente d’identifier les meilleures stratégies afin de faire de la crise climatique et des urgences qu’elle engendre, l’un des axes majeurs des programmes scolaires. Cette exigence explique l’une des priorités de la recherche dans la phase actuelle du projet Resclima, intitulée Éducation relative au Changement Climatique dans l'enseignement secondaire : recherche appliquée sur les représentations et stratégies pédagogiques pour la transition écologique.

C’est la raison pour laquelle il convient d’orienter notre analyse vers le cadre curriculaire, afin d’influencer la façon dont les élèves du secondaire appréhendent, interprètent et se positionnent face au phénomène du CC. À cet effet, nous allons résumer, ci-après, les quatre axes d’analyse autour desquels s’articule notre programme actuel de recherche concernant l’inclusion de l’ERCC dans les curricula scolaires : l’intégration de la dimension éducative aux politiques climatiques et sa concrétisation stratégique ; l’insertion de l’ERCC dans les développements curriculaires au secondaire ; le traitement du CC dans le matériel pédagogique, essentiellement dans les manuels, étant donné qu’ils sont actuellement la ressource didactique la plus utilisée dans l’éducation formelle ; la mise en place et l’évaluation de pratiques pédagogiques innovantes.

De la politique climatique à la politique éducative

La transposition et la concrétisation des engagements et des accords à caractère éducatif contractés dans le cadre des négociations internationales visant à définir les politiques relatives au CC s’avère un champ peu ou pas du tout exploré jusqu’ici. En fait, il en ressort globalement une certaine dissonance entre les directives des déclarations et des accords internationaux sur le CC et les recommandations éducatives établies dans ce domaine à l’échelle internationale, ainsi que leur inclusion à l'échelle européenne et espagnole (rappelons que l’Espagne est le contexte spécifique de notre recherche).

À titre d’exception, mentionnons toutefois le cas du Chili, où en 2017 a été approuvé le Plan national du changement climatique (2017-2022), incluant une Stratégie d’éducation et de sensibilisation pour aborder le changement climatique. Quoique son application concrète demeure encore à réaliser, une telle stratégie, de nature transversale, aspire notamment à l’intégration du CC dans le système scolaire au moyen des mesures suivantes : mettre en marche le Programme national d’éducation au changement climatique, créer des cours sur le CC dans l’éducation supérieure et intégrer l’approche socioculturelle et du genre dans les actions climatiques. Ainsi donc, le CC est devenu formellement partie intégrante des programmes de l’enseignement secondaire de ce pays sud-américain.

Le développement curriculaire

Les études recensées dans le cadre des recherches qui analysent l’inclusion du CC dans la réglementation des programmes d’éducation secondaire mettent en lumière une absence généralisée du traitement de ce phénomène (Goh, Tan et Ooi, 2009 ; Perales, 2010 ; Fahey, 2012 ; Sureda-Negre, Catalán-Fernández, Álvarez-García et Comas-Forgas, 2013 ; Hung, 2014 ; Caballero et Baigorri, 2018). Dans le cas où le CC est intégré dans les réglementations, son inclusion est souvent non fondée sur des preuves scientifiques, ce qui porte à des confusions et controverses à l’égard de faits scientifiques largement confirmés par la recherche (Wynes et Nicholas, 2019). Par ailleurs, le traitement éducatif du CC est généralement associé aux disciplines de la géographie et des sciences naturelles. De plus, les curricula dans leur ensemble ne prennent pas en compte les dimensions sociales du CC, se bornant simplement, dans le meilleur des cas, à un apprentissage orienté vers l’alphabétisation climatique.

D’un point de vue méthodologique, afin de déterminer la fréquence des concepts associés au CC dans les documents curriculaires examinés, l’analyse de contenu est la méthode la plus utilisée par les chercheures et chercheurs.

L’analyse des manuels

Un autre élément qui permet d’obtenir des renseignements et d’analyser la façon dont le CC est intégré à l’école est l’étude du matériel pédagogique. Les manuels scolaires sont aujourd’hui l’une des ressources les plus utilisées dans les salles de classe. Quoiqu’il n’y ait pas encore beaucoup d’études sur le traitement du CC dans les manuels, un certain nombre de conclusions générales peuvent tout de même être extraites de quelques travaux disponibles (Koulaidis et Cristidou, 1999 ; Cembranos, Herrero et Pascual, 2007 ; Martínez et García, 2009 ; Serantes et Meira, 2016).

Les recherches effectuées à cet effet montrent que ce matériel pédagogique inclut habituellement des références spécifiques sur le CC sans pourtant définir les concepts clés. En outre, l’analyse des discours écrits et graphiques des textes montre une tendance à négliger ou à minimiser la gravité de la crise climatique. D’ailleurs, les discours adoptent des visions ethnocentriques (occidentales) et anthropocentriques et évitent de traiter des causes du CC associées au modèle de développement dominant. À ce propos, il est frappant de constater que les textes portent notamment à l’exaltation – acritique – de la technologie comme une solution aux problématiques environnementales en général. Par ailleurs, les aspects moraux, éthiques et comportementaux liés au CC y sont présentés de manière ponctuelle et peu significative. De même, les dimensions sociales du CC et ses conséquences sur l’économie, la santé ou la qualité de vie des individus ne font l'objet que d'une attention très limitée, tandis que les contenus les plus habituels sont ceux qui se rapportent à ses dimensions biophysiques, comme les processus physico-chimiques ou les effets sur l’environnement physique.

Pratiques pédagogiques innovantes

À l’image du Climate Change Schools Project, une initiative qui a réuni des organisations, des écoles et des enseignants au Royaume-Uni et dont le but était d’introduire l’ERCC dans ses programmes d’enseignement, des programmes éducatifs innovants sur le CC ont commencé à être mis en place pour répondre au vide et aux insuffisances des curricula scolaires officiels. C’est ainsi qu’un rapport d'évaluation de ce projet a examiné les effets de l’approche éducative du CC sur les élèves par rapport à leurs connaissances, attitudes et comportements. Celui-ci a montré que les élèves exercent désormais une influence positive sur leurs camarades de classe et leurs familles quant à la prise de conscience et à la participation dans la lutte contre le CC (McKinzey, 2010). En France, dans le cadre du projet multidisciplinaire d'éducation au développement durable sur le thème du CC, Le climat, ma planète... et moi !, une analyse des activités éducatives a été réalisée, montrant sa contribution à la recherche d’information, à la remise en question et à l’expérimentation de débats visant la compréhension du CC, de ses origines et de ses répercussions sur la santé et la biodiversité. La finalité était de favoriser la prise de conscience de l’importance de la protection de l’environnement dans les gestes quotidiens et de la prise en charge des responsabilités inhérentes au rôle d’écocitoyens.nes.

Par ailleurs, Boon (2016) a relevé qu’à la suite de la réalisation d’un programme d’ERCC en Australie, les élèves avaient mieux compris les causes et les effets du CC et se sentaient dès lors capables d’avoir un impact positif sur le CC, c’est-à-dire de parvenir à l’autonomisation de leur sens d’auto-efficacité.

Conclusions

Après avoir effectué un examen de l’état de la question de l’ERCC dans les domaines de la recherche en éducation, des politiques climatiques et des programmes scolaires, tout particulièrement par rapport à l’éducation secondaire en tant que niveau fondamental pour la formation des écocitoyen.nes dans le système éducatif, nous pouvons observer que ce champ fait l'objet d'un intérêt croissant auprès de la communauté scientifique. Toutefois, nous constatons également que le domaine n’est pas encore développé à la hauteur de l’urgence climatique à laquelle nous faisons globalement face. Ainsi, il importe de poursuivre le déploiement de l’ERCC en cohérence avec les recommandations des déclarations et accords internationaux pour affronter le CC et les appels de plus en plus pressants de la société qui exige une réaction efficace face aux conséquences de ce phénomène global. À cet égard, il est urgent de dépasser toutefois la vision limitée promue par les Nations unies et axée sur la compréhension, la conscience et le comportement individuel. Face à cette approche, la mise en place de stratégies communautaires visant à promouvoir le développement des compétences écocitoyennes chez les élèves s’avère urgente et nécessaire.

À cet effet, la Révision bibliographique systématisée ici présentée s’est avérée être une méthode utile en vue de mener à bien une exploration large et systématique de la recherche ayant trait à l’ERCC. En outre, elle a rendu possible une méta-analyse – analyse détaillée des approches théoriques et méthodologiques ainsi que des résultats des études retenues à partir d’une sélection de publications parues au cours des dernières décennies. Celle-ci contribue à approfondir la compréhension des études du domaine de l’ERCC visant la praxis éducative innovante. Quoi qu’il en soit, étant donné les limites linguistiques de la RBS réalisée, nous considérons pertinent de reproduire cette méthode en incluant la langue française parmi les critères de recherche pour intégrer les contributions apportées à l’ERCC dans le domaine de la francophonie. Cette avenue de travail pourrait servir entre autres à établir d’éventuels partenariats entre chercheur.e.s ou entre des centres ou unités de recherche francophones avec le projet Resclima.

Par ailleurs, il ne semble pas exister de correspondance entre l’évolution positive et notable de la publication de recherches en éducation sur l’ERCC et la faible importance qui lui est accordée dans les curriculums et les pratiques éducatives. Il s’agit là pourtant d’un enjeu environnemental pour lequel il faudrait mobiliser tous les systèmes et toutes les ressources pédagogiques disponibles, tout spécialement en milieu formel.

Notre étude montre la nécessité d’approfondir le rôle joué par l’éducation secondaire dans la lutte contre le CC. Deux des stratégies à mettre en place seraient les suivantes : 1) Établir des agendas et des programmes de recherche, tant nationaux qu’internationaux, pour développer les axes émergents d’étude qui ont été synthétiquement abordés dans cette étude ; 2) Doter le domaine de l’ERCC d’une plus grande cohésion, complétude et coordination.

Il convient finalement de mettre l’accent sur le besoin urgent de faire de l’ERCC un axe central des curricula et des pratiques scolaires. C’est ainsi que nous plaidons pour la mise en place au niveau international de programmes d’urgence climatique et de transition vers des sociétés décarbonées, lesquels permettront aux systèmes et aux agents de l’éducation de prendre en charge l’enjeu climatique de la façon la plus pertinente.