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Comment engager les élu·e·s en faveur de la biodiversité – des outils concrets de sensibilisation est un guide pratique qui mobilise le modèle transthéorique du changement (Prochaska et Di Clemente, 1984) pour aider des professionnel·le·s de l’environnement à engager des décideurs locaux dans des actions de préservation de la biodiversité.

Le modèle transthéorique de changement (ou de la disposition au changement) est un modèle en psychologie comportementale introduit par James O. Prochaska et Carlo C. Di Clemente à la fin des années 1970. Selon ces chercheurs, les personnes aux prises avec un problème de dépendance passeraient par une série de stades de changement : précontemplation[1], contemplation, détermination, action, maintien, rechute. Plusieurs adaptations de ce modèle ont été étudiées dans divers contextes, dont celui de l’environnement (Nisbet, et Gick, 2008). Le guide proposé par Benaissa et coll. (2018) considère principalement les stades de changement associés à la « précontemplation », « contemplation » et « détermination » pour inciter les élu·e·s à l’action pour la biodiversité.

Tout au long du guide, les auteur·e·s nous proposent une démarche à suivre, des exemples ainsi que des mises en garde pour adapter les messages, les approches et la mise en œuvre dans un contexte politique local. C’est un ouvrage résolument pratique et divisé en fiches techniques agrémentées de nombreuses figures. Il suggère des repères théoriques et une marche à suivre qui pourra servir aux professionnel·e·s moins expérimenté·e·s qui veulent parfaire leurs habiletés pour engager les élu·e·s, mais également aux professionnel·le·s plus aguerri·e·s qui voudront réfléchir de manière critique à leur propre expérience avec les élu·e·s locaux.

Les deux premières fiches s’intéressent au formatage du message à porter auprès des élu·e·s ainsi qu’à la présentation des savoirs à partager. Les deux fiches suivantes abordent le premier contact avec les élu·e·s en suggérant des techniques de sollicitation qui rendent compte des enjeux psychologiques associés à la persuasion. Ces fiches abordent directement les affects associés au stade de « contemplation » selon le modèle « transthéorique ». Les deux dernières fiches suggèrent différentes approches pour vulgariser la complexité associée à la biodiversité ainsi que des exemples d’actions pouvant être menées à l’échelle locale. Toujours selon le modèle transthéorique, ces fiches doivent servir à passer du stade de « contemplation » au stade de « préparation » de l’action.

Ce guide est le fruit d’une collaboration entre des étudiant·e·s du parcours de master « Psychologie Sociale Appliquée » de l’Université de Lyon (Imane Benaissa, Nina Bouteille, Victoria Marion, Claudie Rivas) et le Conservatoire d’espaces naturels Rhône-Alpes (Nathalie Melcion). Son originalité tient à la fois au regard interdisciplinaire porté sur la biodiversité à l’échelle locale dans un contexte français, à l’adaptation du modèle transthéorique de changement appliqué à une question socioécologique ainsi qu’à la présentation sommaire du processus de développement du guide mené auprès d’élu·e·s locaux. Par l’entremise d’hyperliens, il est possible de consulter le rapport complet de mission ayant mené à la production de cet outil de formation ainsi qu’à des ressources didactiques complémentaires.

Il semble important de souligner l’attention portée au processus de développement du guide. Trop peu d’auteurs s’attardent à présenter cette étape importante de l’élaboration d’un outil de formation (Loiselle et Harvey, 2007). De plus, la mise en place d’une communauté d’apprentissage associée à ce processus offre une certaine perspective de pérennité au projet et montre que le fait d’aller à la rencontre d’apprenants adultes engage autant les formateurs que les apprenants. Au-delà de ces apports, signalons toutefois qu’il aurait été intéressant de réfléchir à la portée des engagements recherchés auprès des élu·e·s (Guertin, 2021). N’est-ce pas une réflexion profonde sur notre rapport à l’environnement que plusieurs panels intergouvernementaux nous invitent à entreprendre, dont l’International Panel on Biodiversity and Ecological Services (IPBES) ? Au-delà d’une approche comportementale, il semble important de réfléchir à la formation des élu·e·s en considérant la complexité de nos rapports à l’environnement et aux savoirs, notamment par l’entremise de perspectives propres à l’andragogie et à la formation continue des adultes (Guertin, 2021). Ce faisant, il aurait été possible de s’ouvrir sur tout un champ interdisciplinaire d’études et de pratiques complémentaires, soit celui de l’éducation relative à l’environnement (Clover et Hill, 2013 ; Villemagne, 2017).

Par l’entremise de ce guide, les auteur·e·s nous invitent donc à interpeller les élu·e·s locaux et à tester de nouvelles approches interdisciplinaires afin de nous former avec eux sur des questions socioécologiques. De plus, cet outil montre la pertinence de documenter nos pratiques pour les améliorer, mais également pour partager les leçons apprises à travers la francophonie. En cette Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes, ce guide s’avère un exemple de ressource à considérer pour interpeller les décideurs publics à l’égard de la crise de biodiversité.