Recensions d'écrits

Pour en lire plus : D’un monde à l’autre. Le temps des consciences.[Record]

  • André Beauchamp

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  • André Beauchamp
    Théologien, écologiste et consultant en environnement

Les deux auteurs sont bien connus. Nicolas Hulot (né en 1955) a d’abord fait carrière comme journaliste, animateur et réalisateur d’émissions de télévision, notamment USHUAÏA. Son intérêt pour l’environnement se confirme et fait de lui une figure de proue en ce domaine. En 2017, sous la présidence d’Emmanuel Macron, il devient ministre de la Transition écologique et solidaire, mais démissionne quinze mois plus tard et annonce son retrait de la vie politique. Il se consacrera désormais à la cause écologique. Ses propos sur l’écologie, souvent colorés et anecdotiques, sont toujours pertinents. Frédéric Lenoir (né en 1962) est également un personnage très médiatisé. On le présente comme sociologue, philosophe, écrivain, journaliste et conférencier. De 2004 à 2013, il dirige la revue Le monde des religions. Auteur à succès, vulgarisateur des grands philosophes, Frédéric Lenoir s’intéresse beaucoup à la spiritualité, au bonheur, au bien-être, à la méditation. Et à l’environnement ! Le livre D’un monde à l’autre est la transcription révisée de conversations qu’ont tenues Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir pendant plus de deux ans. Julie Klotz a fait la transcription des propos. Le résultat donne un livre éclairant, facile à lire, où sont abordés les principaux défis de notre temps. Ce n’est pas révolutionnaire, mais stimulant et instructif. Frédéric Lenoir en profite pour déployer son savoir philosophique et Nicolas Hulot rappelle ses aventures et sa conviction écologique. Le sous-titre « Le temps des consciences » est assez exact. L’échange porte sur neuf thèmes : De fil en aiguille, les auteurs parlent d’à peu près tout, de l’environnement, du capitalisme exacerbé, du bonheur, de la beauté, des valeurs à promouvoir, de la laïcité. Trois chapitres m’ont particulièrement intéressé. Le chapitre trois porte sur le règne de l’argent et la dérive folle du désir de posséder et de consommer qui engendre des impacts sur l’environnement d’une part et sur la société d’autre part. Le chapitre quatre, qui traite des limites de la politique, est remarquable. Il fait presque cent pages et montre bien comment le ministre de l’Environnement (dans le cas de Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire) est au fond, par le jeu des forces politiques, le pantin de ses collègues et le faire-valoir d’innombrables concessions. J’ai également apprécié le chapitre six, celui-là le plus court du livre, sur la tension entre le virtuel et le réel, thème incontournable pour les jeunes d’aujourd’hui. Pour les personnes impliquées dans l’éducation relative à l’environnement, les points d’ancrage sont nombreux, soit sur le plan proprement écologique (avec les réflexions sur l’argent, le rapport à l’animal, le virtuel, l’agriculture) où des extraits pourraient servir de point de départ à des échanges, soit sur le plan fondamental des motivations et des valeurs. La question du sens et de l’éthique est constamment évoquée. « La technologie a bouleversé notre rapport au monde. Ce changement extrêmement important affecte nos modes de vie et de pensée, alors que les grands récits religieux qui ont structuré nos civilisations d’effondrent. Ces bouleversements conduisent à une révolution des consciences. » (Lenoir, p. 346) Frédéric Lenoir insiste à plusieurs reprises sur l’opportunité d’ateliers de philo pour les enfants. Il raconte un événement délicieux. « Lors d’un atelier de philo que j’ai animé quinze jours après les attentats du Bataclan avec des enfants parisiens (…), j’ai été bouleversé par leurs réactions. Je leur avais posé cette question : C’est quoi réussir sa vie ? Le bonheur leur semblait un bon critère d’une vie réussie jusqu’à ce qu’un enfant dise : Je ne suis pas d’accord avec vous, car les terroristes qui ont tué des gens sont heureux de l’avoir fait à cause …