Reconnaissance

Hommage à Edgar Morin : l’épistémologie écosystémique de la complexité vers une identité terrienne[Record]

  • Pascal Galvani

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  • Pascal Galvani
    Université du Québec à Rimouski

L’œuvre scientifique, sociologique, épistémologique et philosophique d’Edgar Morin est immense et il n’est pas question ici de la synthétiser. Cette année, plusieurs colloques de par le monde ont lieu en l’honneur de son centième anniversaire. L’objectif de ce court article est de souligner quelques points-clés de l’épistémologie de la complexité pour les champs de l’éducation relative à l’environnement et de l’écoformation. Le terme complexité désigne une réalité que l’on ne peut résoudre en la réduisant à un seul caractère parce qu’elle est constituée d’éléments inséparables. La racine latine complexus signifie « tisser ensemble ». Le premier apport fondamental de cet auteur est certainement le changement de paradigme épistémologique de la complexité développé dans « La méthode » (Morin, 2008), c’est à dire le passage de la méthode analytique héritée de Descartes qui divise la réalité en parties indépendantes à la méthode que Morin appelle « dialogique » qui essaie de relier les parties et le tout dans une perspective écosystémique. Du point de vue de l'éducation et de la formation, nous devons prendre la mesure de ce problème. Car il ne suffit pas de lire Edgar Morin ; il ne suffit pas de comprendre les diverses dimensions de la complexité (Morin, 1988). Les principes de la pensée complexe doivent être transformés en de nouvelles habitudes de pensée. À travers l’ensemble de son œuvre épistémologique fondamentale intitulée La méthode, Edgar Morin considère qu’il nous faut enfin reconnaître la complexité intrinsèque de tout problème, c’est-à-dire l’impossibilité de la décomposition de ce problème en des parties simples, fondamentales. Morin a plusieurs fois formulé les principes fondamentaux de la méthode de la complexité, en les regroupant en trois principes (Morin, 2005, p. 98-100). Le principe d’auto-éco-socio-ré-organisation systémique est le principe fondateur. Morin le nomme parfois le « principe récursif » ou plus généralement « le paradigme de l’autos  » (Morin, 2008). Pour l’auto-écoformation ce principe permet de penser la capacité de l’être humain à générer sa propre autonomie en utilisant récursivement ses multiples interdépendances avec l’environnement physique et social. La théorie tripolaire de l’auto-socio-éco-formation développée par Gaston Pineau a été nourrie dès l’origine par le concept d’auto-éco-organisation systémique. Dans cette perspective écosystémique, l’auto-formation est l’un des trois pôles qui orientent le processus de formation : soi (autoformation), les autres (socio-formation) et le monde (écoformation). L’autoformation n’est donc pas un processus indépendant, mais un processus de rétroaction sur l’environnement et de récursivité sur soi-même. La dimension de formation pilotée par le pôle éco se compose des influences physiques, climatiques, et des interactions physico-corporelles qui mettent en forme la personne. Dans les sociétés occidentales modernes, cette dimension a été refoulée comme un inconscient culturel et commence seulement à émerger avec l’écologie. Le principe de ré-introduction du sujet connaissant dans toute connaissance est nécessaire pour inclure la réflexivité du sujet sur ses interdépendances avec l’environnement socio-historique. Pour Morin, toute connaissance doit être « connaissance de la connaissance » incluant auto-réflexivité et auto-critique pour ne pas tomber dans les illusions de la connaissance. Ce principe de rétroaction (non-linéarité) et le concept de boucle rétroactive nous permettent de penser des causalités écosystémiques non-linéaires où l’effet rétroagit sur la cause. Le principe dialogique articule les polarités antagoniques en dynamiques complémentaires. Il permet de comprendre entre autres la relation paradoxale entre autonomie et dépendance dans le processus d’auto-éco-formation. L’autoformation est un processus paradoxal qui se nourrit de ses interdépendances avec l’environnement. Elle est constituée de la prise de conscience et de la rétroaction sur les influences socio-formatives et éco-formatives (Galvani, 2020). Le principe d’autonomie/dépendance est un exemple du principe dialogique, puisque l’auto-organisation d’un système dépend de ses interactions avec son …

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