Le terme « partenariat » est aujourd’hui omniprésent dans les discours liés au domaine de la coopération internationale. Mais qu’en est-il dans les pratiques? Existe-t-il de véritables partenariats Nord-Sud ou bien ne s’agit-il que d’une rhétorique masquant des pratiques de coopération internationale qui demeurent marquées par le paternalisme, le colonialisme et, plus généralement, par des rapports de pouvoir inégaux? S’est-il opéré une véritable transformation des relations entre les organisations de coopération internationale (OCI) du Nord et les organisations non gouvernementales (ONG) depuis le début des années 1990, depuis que l’on parle de partenariats Nord-Sud? Olga Navarro-Flores ne propose pas une réponse globale à cette question. Elle affirme toutefois qu’il existe effectivement « des OCI et des ONG qui réussissent à établir des relations vraisemblablement partenariales en dépit des rapports de pouvoir inégaux Nord-Sud » (p. 213). C’est là le point de départ et d’arrivée de la recherche dont rend compte cet ouvrage. L’auteure y analyse la façon dont deux OCI québécoises (Développement et Paix et SOCODEVI) et cinq ONG guatémaltèques partenaires de ces OCI ont construit leurs relations de partenariat dans un contexte d’inégalité des pouvoirs. À cette fin, l’auteure mobilise un cadre théorique issu du management (la théorie interorganisationnelle) – un choix plutôt inusité dans le domaine de la coopération internationale, comme le reconnaît d’ailleurs l’auteure – et utilise une approche compréhensive qui croise une analyse de l’environnement sociopolitique dans lequel sont ancrées les OCI et les ONG étudiées avec une analyse des rapports de pouvoir entre ces OCI et ces ONG. Le format de l’ouvrage est calqué sur la thèse de l’auteure. Le premier chapitre présente la problématique de la recherche en faisant un retour sur l’histoire de la coopération internationale à partir à la fois de la perspective des grandes organisations internationales que sont les organes de l’ONU et de celle des OCI, en portant une attention particulière à la coopération internationale issue des organisations de l’économie sociale et solidaire du Nord. La partie la plus intéressante de ce chapitre, en ce qui concerne l’objet de la recherche, est celle qui discute de l’histoire des relations entre les OCI du Nord et les ONG du Sud. Dans les années 1960, les organes de l’ONU et les OCI du Nord ont cherché à imposer le modèle de développement occidental dans les pays du Sud. Les relations Nord-Sud étaient alors fondamentalement asymétriques : les OCI étaient les bailleurs de fonds, les exécutants des projets et les détenteurs du savoir et du savoir-faire, alors que les populations locales étaient reléguées au seul rôle de bénéficiaires passifs de l’aide. Les années 1970 et 1980 ont plutôt été marquées par une remise en question des politiques de développement de la décennie précédente, ce qui a donné lieu, d’une part, à l’imposition de programmes d’ajustement structurel (PAS) dans les pays du Sud et, d’autre part, à un acheminement de l’aide qui allait dorénavant passer plus par les OCI que par les États. Mais cette décennie a aussi été marquée, selon Navarro-Flores, par l’émergence de nouveaux acteurs de développement au Sud, principalement des ONG locales qui cherchaient à répondre aux besoins des populations locales les plus touchées par les politiques des PAS. Bref, bien que l’on taxe généralement cette période de « décennie perdue du développement », il convient aussi, pour l’auteure, de tenir compte du fait que c’est aussi dans cette période que les OCI ont commencé à tisser les liens de collaboration et de complicité avec les ONG locales, liens qui constitueront la pierre d’assise des « relations partenariales » qui apparaîtront dans les années 1990. Dans le deuxième chapitre, l’auteure présente …
Le partenariat en coopération internationale. Paradoxe ou compromis? Olga Navarro-Flores (2009), Québec, Presses de l’Université du Québec, coll. « Pratiques et politiques sociales et économiques », 252 p.[Record]
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Nathalie McSween
Doctorante en sciences sociales appliquées, Université du Québec en Outaouais
mcsn01@uqo.ca