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Le grand renversement. De la crise au renouveau solidaire, Jean-Michel Servet (2010), Paris, Desclée de Brouwer, 269 p.[Record]

  • Yves D. Somé

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Comme le disait le psychologue et psychothérapeute Wayne W. Dyer (2001, p. 89), « vous ne pouvez pas résoudre un problème avec le même esprit qui l’a créé ». C’est en ces termes que l’on pourrait également comprendre la réflexion conduite par Jean-Michel Servet dans son livre. La crise actuelle n’est pas seulement financière, c’est une crise du système néolibéral. Ce livre paraît justement à une période où l’illusion d’une reprise prochaine s’est installée du fait de la vigueur apparemment retrouvée d’un certain nombre d’institutions financières et de places boursières. Ces signaux sont présentés par les défenseurs du système néolibéral comme étant de nouveau une remise en marche des mécanismes autorégulateurs. Le penser, selon l’auteur, c’est oublier les vrais problèmes que cache cette crise, tels que le chômage, les dettes, la crise alimentaire. C’est ignorer les effets dévastateurs d’un drainage des ressources de l’économie réelle vers le secteur financier qui s’est autonomisé et qui sert à une minorité par l’application d’un modèle, d’une idéologie. Les causes profondes de cette crise sont idéologiques. Les ignorer, c’est créer les conditions de nouvelles crises. En conséquence, pour sortir de cette crise il faut proposer, selon l’auteur, des solutions idéologiques socialement soutenables et durables. C’est dans cette perspective que s’inscrit ce livre, Le grand renversement. Pourquoi le grand renversement? L’auteur, professeur d’études du développement à l’Institut de Hautes Études internationales et du Développement (IHEID) à Genève, l’explique par le retournement possible du rapport entre le marché et l’État (le marché « libre » ayant montré ses limites et ses effets pervers) en s’appuyant surtout sur les principes fondamentaux de la solidarité. Il en fait la démonstration tout au long du livre en examinant les modalités de fonctionnement du modèle néolibéral et leurs conséquences à partir de l’exemple de la crise financière, en analysant ses fondements idéologiques et en présentant l’alternative solidaire. La crise financière est imputable au régime d’accumulation néolibéral, soutient l’auteur dans les premier et deuxième chapitres. L’appel à une moralisation par diverses actions, telles que la désignation et la mise en quarantaine de certains acteurs financiers, la dénonciation des paradis fiscaux, le renflouement des caisses des banques en perte d’équilibre et la remise en cause du tabou du secret bancaire, et le rappel du rôle des instances de régulation ont été les principales réponses à cette crise. Pour l’auteur, ces solutions ne sont pas durables, car les causes du krach financier de 2008 sont à rechercher dans les mécanismes et les institutions qui ont fait de la finance un secteur à part entière désincarné du reste de l’économie. Ce krach financier est la partie visible d’une crise plus profonde d’une financiarisation généralisée sous de nouvelles formes. La financiarisation est le recours au financement et en particulier à l’endettement à différents niveaux selon les catégories économiques, c’est-à-dire le ménage, l’entreprise, l’État. Comme le présente l’auteur à travers les trois étages de la financiarisation à la fin du troisième chapitre, celle-ci résulte de l’expansion de la monétarisation des sociétés, ce qui n’est d’ailleurs pas un phénomène nouveau. Toutefois, c’est son intensification dans ses formes actuelles qui est sa principale caractéristique. Les subprimes en sont l’illustration parfaite. À l’origine de la crise aux États-Unis, cet exemple montre justement que cette forme de financiarisation n’a pas été neutre et procède d’une logique d’accumulation au profit des établissements financiers. Par de nombreux exemples, l’auteur montre que la financiarisation dans ses formes actuelles constitue un véritable processus de drainage de ressources entre territoires, entre secteurs d’activité et entre groupes sociaux, ce qui doit être compris comme une nouvelle forme d’exploitation (p. 95). Il n’est donc pas inintéressant …

Appendices