Présentation du numéro

Femmes et développement local[Record]

  • Denyse Côté and
  • Caroline Andrew

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  • Denyse Côté
    Professeure, Université du Québec en Outaouais
    Directrice de l’ORÉGAND (Observatoire sur le développement régional et l’analyse différenciée selon les sexes)
    denyse.cote@uqo.ca

  • Caroline Andrew
    Professeure retraitée, École d'études politiques, Université d’Ottawa
    Directrice, Centre d'études en gouvernance
    caroline.andrew@uottawa.ca

Partout sur le globe, on constate que les mécanismes de gouvernance infranationaux gagnent en importance. Qu’il suffise de rappeler les multiples réformes visant à créer de nouvelles répartitions du pouvoir entre l'État et les régions, ou encore l’attention renouvelée à la gouvernance des villes (Horak et Young, 2012). L’intérêt des institutions politiques et économiques se centre de plus en plus sur les territoires locaux et régionaux (Tremblay, Klein et Fontan, 2009). Par la même occasion, des réformes privilégient souvent un modèle s’appuyant sur le consensus et la concertation ayant pour but de laisser aux collectivités locales plus d’autonomie en matière administrative et politique. Ces réformes décentralisatrices ainsi que l'institutionnalisation des mécanismes de concertation, de consultation et de coordination répondent aux difficultés croissantes des États centralisés et visent aussi à soulager les finances publiques, à améliorer l'efficacité du système et à favoriser l'intégration sociale (Jalbert, 1991). Depuis plus d’une décennie, la décentralisation est ainsi devenue un outil important de réingénierie ainsi qu’un espace privilégié de transformation de l'État (Jouve, 2004). Les instances locales et régionales jouent désormais un rôle accru dans la prise de décisions en matière économique, sociale et environnementale (Vachon, 2005). De nouvelles structures locales ainsi créées font souvent appel à la contribution de la société civile (Howell et Pearce, 2001; Côté et al., 2011). Elles reçoivent également de plus en plus le mandat d’appliquer une « approche genre » au sein de leurs politiques et programmes. Cela rejoint les travaux d’aménagement du territoire (Bullot et Poggi, 2004). Cette popularité des échelles restreintes dans les mondes politique et économique s’est accompagnée à son tour d’un renouvèlement d’intérêt pour la territorialité en sciences sociales. Cependant, dans ce contexte, l’analyse genrée du territoire reste encore relativement pauvre. Les thèmes largement documentés du droit à la ville (Mayer, 2009), de l’aménagement urbain, de la démocratie municipale (Tardy et Bédard, 1997), du développement local (Barbieri et al., 2007; Andrew, 1997), du développement rural (ASTER, 1999), des conflits urbains, de la ruralité (Lafontaine et Thivierge, 1997), pour ne citer que ces exemples, ont en effet suscité un intérêt restreint et sporadique de la part des chercheures et des chercheurs féministes, malgré le fait qu’ils soient toutefois centraux à la compréhension des rapports sociaux de sexe et du territoire. Au-delà de l’éclairage sur une différenciation des espaces public et privé, l’insertion du genre dans l’analyse du territoire révèle, à l’échelle micro, des spatialités (Day, 1999) et des temporalités sociales quotidiennes (Tremblay et Rochman, 2014; Barrère-Maurisson et Tremblay, 2009). À l’échelle méso, le genre traduit l’élaboration de codes et de normes pour les groupes sociaux. Enfin, à l’échelle macrosociale, il permet de lire les jeux de négociation dans la construction de territoires. L’actuelle conjoncture de décentralisation politique et administrative, les enjeux éthiques récents en matière de gouvernance de proximité ainsi que l’intérêt renouvelé pour les affaires municipales (Tremblay, Klein et Fontan, 2009) renvoient, eux aussi, à la pertinence du thème. Dans ce contexte, les groupes de femmes locaux et régionaux sont de plus en plus mis à contribution et diverses expériences d’intégration du genre au territoire sont proposées (WCI, 2011). Cependant, si les acteurs locaux sont souvent portés responsables d’intégrer le genre, penser le genre comme catégorie d’action locale s’avère pour eux souvent difficile, car étranger aux paradigmes classiques ayant guidé leurs décisions et leurs actions. En effet, le rejet du paradigme de la neutralité des politiques et des sciences sociales au profit d’une analyse de décisions et de politiques de proximité prenant en compte le genre s’est accompli de façon éclatée au fil des ans: aménagement urbain (Huning, 2011), sécurité pour les …

Appendices