Comptes rendusReviews

Le réseau du Canada : Étude du mode migratoire de la France vers la Nouvelle-France,1628-1662. Gervais Carpin (Québec, Septentrion et Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001, 552 p., ISBN 2-89448-197-7)De Français à paysans : Modernité et tradition dans le peuplement du Canada français. Leslie Choquette (Québec, Septentrion et Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001, 323 p., ISBN 2-89448-196-9)[Record]

  • Anne-Hélène Kerbiriou

…more information

  • Anne-Hélène Kerbiriou
    CELAT, Université Laval
    Québec

L’ouvrage de Leslie Choquette, traduit par Gervais Carpin, avait été édité en 1997 sous le titre Frenchmen into Peasants. Le choix des Éditions du Septentrion de le rééditer en français, conjointement à l’ouvrage de Gervais Carpin, nous paraît être une initiative intéressante, car les deux sont heureusement complémentaires. Avec Le réseau du Canada, Gervais Carpin se penche sur l’immigration en Nouvelle-France à un niveau global, considérant avec la même minutie les immigrants occasionnels, les « engagés », que ceux qui y ont laissé une descendance, ce en quoi son étude est novatrice. Leslie Choquette livre une étude allant d’une certaine manière dans le même sens, puisqu’elle aussi dépasse « le cadre des seuls pionniers » pour aborder l’ensemble des migrants partis de France vers le Canada. Mais son étude prolonge celle de Gervais Carpin, puisqu’elle s’intéresse au sort de ceux qui sont restés dans la colonie, dans leur majorité des artisans qui se sont « attachés à la terre » et qui ont fondé une société rurale « traditionnelle », moins par leur volonté propre que parce que l’évolution économique générale des siècles suivants les y a contraints. Il y avait 3000 Français installés en Nouvelle-France en 1662 contre environ 40 000 autres Européens en Nouvelle-Angleterre. L’objectif de Gervais Carpin est de « trouver le moyen d’analyser en lui-même le mode migratoire de la France vers la Nouvelle-France afin de faire surgir l’explication de ce faible flux migratoire » (345). Il concède qu’hormis une série de documents notariés son étude ne se fonde guère sur des documents inédits. Mais il les aborde d’un oeil neuf, les mettant en relation dans leur ensemble, y cherchant les liens, serrés ou diffus, de relations interpersonnelles, afin de faire apparaître un mode migratoire propre au contexte de la Nouvelle-France. Le moindre de ses mérites n’est pas de faire du neuf avec du vieux, et de parvenir à faire ressortir des éléments passés jusque là inaperçus dans ces archives déjà largement étudiées. Il nous livre une étude incroyablement minutieuse et fouillée au bout de laquelle, chose rare, on en arrive quasiment à percevoir et ressentir les motivations de personnes modestes et réelles, dégagées des abstractions des grands contextes historiques. À force de minutie, l’historien devient ethnologue, et cherche la réponse à la question récurrente dans les travaux précédents : « pourquoi le peuplement de la colonie eut-il le rythme qui fut le sien et que certains appellent échec » (22) ? Tenue en général pour responsable de cet échec, la Compagnie de la Nouvelle-France est l’objet détaillé de la première partie de l’ouvrage. Le mandat de la Compagnie lui imposait de « faire passer » 4000 hommes ou femmes en quinze ans. Mais « il n’était pas écrit d’établir, de peupler » (81). Ce mandat a été largement rempli par le passage de 5000 personnes dans le temps alloué. L’analyse détaillée de la Compagnie, véritable « créature » de Richelieu, son fonctionnement, son évolution, son organisation en liaisons de personne à personne, fait bien apparaître que l’échec, si c’en est un, n’est pas attribuable à la Compagnie elle-même, mais plutôt à certaines malchances et aux manquements de son « créateur ». Car les Associés eux-mêmes, individus mis en lumière au travers de documents observés au microscope, atteignent à une « réalité » rarement perçue ; ce sont des personnes aux motivations pécuniaires indéniables, mais qui ont persisté dans des investissements considérables tant que faire se pouvait, et dont on peut ressentir, au-delà des opérations financières, l’enthousiasme pour ce qui n’était encore qu’une idée, la Nouvelle-France. La deuxième partie de l’ouvrage, le corps du …