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Le suicide chez les jeunes. Autochtones et l’effondrement de la continuité personnelle et culturelle. Par Michael J. Chandler, Christopher E. Lalonde, Bryan W. Sokol et Darcy Hallett. (Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, Pp. xiv+212, ISBN 978-2-7637-8766-4)[Record]

  • Émilie Guilbeault-Cayer

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  • Émilie Guilbeault-Cayer
    Université Laval

Les psychologues et chercheurs Michael J. Chandler, Christopher E. Lalonde, Bryan W. Sokol et Darcy Hallett traitent dans leur ouvrage, comme le titre l’indique, du lien qu’il est possible d’établir entre la continuité personnelle et culturelle et le taux de suicide chez les jeunes. Leur ouvrage relie cinq études menées par les chercheurs, traitant toutes de la persistance personnelle et culturelle et/ou du suicide chez les jeunes en général et les jeunes autochtones. Cet ouvrage présente un intérêt certain pour les chercheurs, les citoyens – s’ils ne se découragent pas à la vue d’une table des matières aussi théorique et méthodologique –, mais également pour les communautés autochtones et les membres de l’État, auxquels le chapitre V sur la continuité culturelle pourrait donner des outils pour le futur. Le chapitre I (Introduction, 13-17) met d’emblée cartes sur table : l’ouvrage traite d’abord et avant tout du phénomène de continuité personnelle et culturelle, c’est-à-dire du paradoxe de la continuité dans le changement, et des efforts faits par les jeunes pour réussir à se percevoir comme des êtres se maintenant dans le temps. Question complexe. Les chercheurs présentent également le deuxième problème d’importance auquel ils s’intéressent et qui est intrinsèquement lié au premier : les coûts et conséquences de l’échec de cette conciliation de la continuité et du changement, qui se traduisent entre autres par un nombre de suicides plus élevés chez les jeunes que dans les autres tranches d’âge. Enfin, les auteurs s’interrogent en troisième lieu sur le suicide autochtone : comment se fait-il que les taux prennent de telles proportions ? La continuité culturelle aurait selon les auteurs une forte incidence sur le taux de suicide dans ces communautés. Le chapitre II (19-35) situe la recherche dans la psychologie occidentale par un état de la question critique en profondeur démontrant bien l’intérêt scientifique de cette recherche. Mais la partie la plus importante du chapitre est l’explication par les auteurs des concepts d’essentialisme et de narrativisme, perspectives servant à classifier les discours des jeunes ayant répondu au questionnaire et qui sont nécessaires à la compréhension de la méthode et des résultats. Selon les chercheurs, la perspective essentialiste de la continuité de soi « attribu[e] [u]ne importance spéciale à une ou des caractéristiques principales qu’on imagine comme transcendant le soi » (29), alors que les jeunes répondant aux questionnaires par la perspective narrativiste « mettent l’accent sur le discursif plutôt que le substantiel » et « insiste[nt] sur les tissus conjonctifs liant les choses » (30). Au chapitre III (37-74), le lecteur sent qu’il s’approche de plus en plus du coeur de l’ouvrage… mais il n’y est pas encore tout à fait. Le chapitre III est plutôt consacré à l’explication de la méthodologie utilisée par les chercheurs pour procéder à leurs recherches. Bien que cruciale dans le cadre de recherches sur des sujets humains, l’explication en détail des différents aspects de la méthodologie alourdit considérablement l’ouvrage. Dans un langage technique et citant plusieurs auteurs dont les théories ne sont pas expliquées, les auteurs font état de la « méthodologie générale » (38), de la « stratégie de mesure » (40), des « récits relatifs au développement des personnages » (45) et de la « typologie des justifications alternatives de la continuité » (50). Cette dernière partie rend compte des différentes catégories de classification des réponses essentialistes et narrativistes, qui se déclinent elles-mêmes en plusieurs sous-catégories. Une des méthodologies proposées par les chercheurs est d’évaluer non seulement le degré de persistance personnelle des jeunes, mais également de recueillir des informations sur leur façon de percevoir celle des autres. Pour ce …