Comptes rendusReviews

Pierre Anctil et Ira Robinson (dirs.). Les communautés juives de Montréal, histoire et enjeux contemporains. (Québec, Septentrion, 2010. Pp. 278. ISBN : 978-2-89448-638-2).[Record]

  • André-Yanne Parent

…more information

  • André-Yanne Parent
    Université de Montréal

Ces disciplines s’accordent toutes sur une conception non homogène de l’identité juive montréalaise, qui serait marquée par des rapports au judaïsme variés et des degrés d’influence changeants de la culture québécoise. Avec justesse, cet ouvrage présente les communautés juives montréalaises comme plurielles idéologiquement et culturellement. Avec sa ferme volonté d’étayer le rapport historique et contemporain entre les communautés juives québécoises et le reste de la société pour mettre en valeur la contribution des premières dans l’évolution de la seconde et le caractère intrinsèquement relié des études juives et des études québécoises dans le contexte montréalais, l’ouvrage amène les chercheurs des études juives et des études québécoises à collaborer. En ce sens, Les communautés juives de Montréal se rapproche de la sociologie urbaine et démontre comment l’espace dans lequel un phénomène apparaît le façonne autant qu’il est inversement influencé par celui-ci. Composé d’une petite dizaine de parties, l’ouvrage se présente comme un excellent outil de vulgarisation de connaissances pointues, tout en offrant un portrait étoffé des communautés juives montréalaises. Respectant ce dessein de vulgarisation, les deux premières parties s’adressent surtout au lecteur néophyte. Ira Robinson réalise d’abord une synthèse efficace de l’histoire juive de l’ère ancienne à aujourd’hui. Si ce rapide survol apparaît à la fois ambitieux et immanquablement décevant pour les connaisseurs, ceux-ci ne peuvent que reconnaître le caractère probant du résultat qui, incontestablement, permet à celui qui découvre le sujet d’être bien outillé pour saisir les parties qui suivront. La deuxième partie, également d’Ira Robinson, poursuit cette mise en contexte en nous ramenant aux premiers jours du judaïsme à Montréal, à travers le parcours de ses premiers immigrants et le développement de ses premières synagogues. Les différents mouvements du judaïsme montréalais sont ainsi présentés, dont le trop souvent oublié mouvement reconstructionniste. En concluant ce portrait, l’auteur livre de premiers indices sur les spécificités du judaïsme montréalais : un niveau de pratique et d’affiliation institutionnelle plus élevé que chez la majorité des communautés juives d’Amérique du Nord, une croissance démographique soutenue, en partie liée à une forte présence hassidique, une importante communauté sépharade ou encore l’influence des communautés juives sur l’histoire et le développement de certains quartiers de la métropole québécoise. La présence juive au Québec est également unique en Amérique du Nord du fait qu’elle se développe dans une société binaire, divisée entre les anglo-protestants et les franco-catholiques. Cette particularité est étudiée par Pierre Anctil dans une troisième partie assez instructive, qui retrace l’évolution de la relation entre les juifs montréalais et les francophones. L’auteur revient sur un sujet qui lui est cher et qu’il a souvent abordé dans plusieurs de ses ouvrages. Synthétique, il évoque comment le système d’éducation catholique a participé à créer ce « rendez-vous raté » entre les deux communautés, puis comment les premiers contacts se sont établis, notamment entre les ouvriers juifs et les ouvriers francophones, sans pour autant que cela empêche l’émergence d’un certain antisémitisme québécois. Il aura fallu attendre la Révolution tranquille, avec son mouvement de sécularisation progressive du Québec, pour que l’identité québécoise soit réfléchie moins en termes religieux que linguistiques, ce qui a participé largement au rapprochement des deux communautés. L’immigration massive de sépharades francophones a aussi donné un nouveau visage à l’identité juive montréalaise et, selon Pierre Anctil, a servi de pont entre les juifs déjà établis au Québec et la majorité francophone. Même si l’auteur relate que la commission Bouchard-Taylor a témoigné de la persistance de certains préjugés, surtout envers les Hassidim, cette partie se conclut sur une note positive, qui résume bien l’esprit de l’ouvrage : « En évitant de se cantonner dans des images traditionnelles et …