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Les hommes ne vivraient pas longtemps en société s’ils n’étaient les dupes les uns des autres.

La Rochefoucauld, Maximes

Dans l’histoire du cinéma français, le début des années 1960 est marqué par le retour du modèle héroïque de la Résistance. C’est du moins ce que constate Sylvie Lindeperg dans une étude fouillée sur « la Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français (1944-1969)[1] ». Elle montre qu’une nostalgie de l’âge d’or se greffe alors sur « une représentation épinalisée du résistant[2] », typique d’une république gaullienne soucieuse de réenchanter le passé : « L’image d’une population française presque unanimement hostile à l’occupant et foncièrement solidaire de la Résistance » est imposée par le régime pour « ancrer sa légitimité dans un passé sublimé[3] ». Sylvie Lindeperg note cependant l’impertinence relative des comédies sur la guerre qui fleurissent à cette époque. Elle prend pour exemple Babette s’en va-t-en guerre (Christian-Jaque, 1959) avec Brigitte Bardot, dont le scénario est signé par Gérard Oury[4] et les dialogues par un Michel Audiard en pleine ascension. Elle remarque la subversion burlesque de l’imagerie épique, mais soutient par la suite que cet humour est au service « d’une satisfaction cocardière » :

Les comédies résistantes retournaient comme un gant l’histoire tragique pour la reconvertir en principe de plaisir susceptible de produire du consensus (politique, social, intergénérationnel) ; au même titre que le carnaval, moment cathartique d’inversion/préservation des rites sociaux, la subversion généralisée des codes héroïques apparaissait comme le meilleur moyen d’assurer la survie d’une idéologie de la conservation[5].

En effet, Babette s’en va-t-en guerre, comme bon nombre des films dialogués par Audiard dans ces années-là, met en scène des personnages médiocres que leur gouaille empanachée — et grivoise — transforme en audacieux patriotes. Ainsi de Madame Fernande, la tenancière de la maison close, qui peut lancer : « les vainqueurs, cela se croit tout permis, eh bien, des clous, comme dit Monsieur, on nous passera peut-être dessus, mais pas sans payer[6] ». Cependant, le défaut de ce genre d’analyse, éclairante pour ce qui est des grands courants idéologiques qui caractérisent une époque, est souvent de réduire une forme à un contenu, en l’occurrence le « panache verbal » des médiocres au conservatisme réactionnaire du Français moyen. Or il me semble que la traduction politique de ce « panache verbal » est un peu rapide et manque l’essentiel, à savoir le dispositif de « connivence » avec les personnages gouailleurs que la verve d’Audiard met en place à l’attention du public. Est-ce là seulement un « pur jeu de production de consensus » destiné à servir une « idéologie de la conservation » ?

De son côté, Michel Chion épingle aussi au passage ce panache verbal qui serait caractéristique du cinéma français. Dans un ouvrage récent consacré au « complexe de Cyrano », il décrit la propension des héros des films français à compenser leur échec sur le terrain de l’action par la prouesse verbale. Il passe en revue l’histoire du cinéma français pour construire une typologie de la répartie française. En commençant par Sous les toits de Paris (1930) de René Clair et en finissant avec Flandres (2006) de Bruno Dumont, Michel Chion n’accorde aucune place particulière à Michel Audiard. Il se contente de revenir sur un seul de ses films, Un cave se rebiffe, sorti en 1961, réalisé par Gilles Grangier, mettant en scène le couple Jean Gabin/Bernard Blier. Son analyse se concentre sur le style du « petit cycliste », comme l’appelle affectueusement son ami Gabin, et souligne la mécanique de ses dialogues, laquelle repose sur un détournement de formules toutes faites ou de locutions figées, « le truc consistant à les faire prendre au mot[7] ». Michel Chion repère les sarcasmes à l’endroit des formules extatiques de la petite bourgeoisie, dont la tradition remonterait en France à Molière et passerait par Rostand, Proust, Aymé, et plus tard Bretecher. Il met ensuite en évidence le festival de synonymes et les noces de l’argot et du littéraire qu’Audiard affectionne tout particulièrement.

Sylvie Lindeperg et Michel Chion ont bien perçu l’alliance détonante, dans les dialogues d’Audiard, du panache et du trait d’esprit. La première l’étudie dans une perspective idéologique, le second y voit la trace d’un mécanisme psychique directement lié à l’archétype du Français tel qu’il aime se voir au miroir de son cinéma. Tous deux font une lecture freudienne de ce panache verbal : avoir de l’esprit est « l’activité simple et désintéressée de l’appareil psychique, [qui vise] un bénéfice de plaisir[8] ». Le trait d’esprit serait ainsi pour les personnages d’Audiard un moyen d’échapper à la tension engendrée par l’adversité. Il constituerait un phénomène compensatoire visant à lutter contre les forces lubriques ou hostiles auxquelles ils font face dans des films où la pleutrerie et la grivoiserie ont une place de choix. Les personnages parleraient à des spectateurs qui ont à assumer l’héritage d’une histoire collective peu reluisante, allant de la collaboration à l’épuration, et qui vivent les prémices du bouleversement de moeurs radical des années 1960 et 1970.

Mais il est pourtant une vertu du trait d’esprit, minimisée tant par Sylvie Lindeperg que par Michel Chion : son gain de sociabilité, sur lequel insiste Freud. Le trait d’esprit est en effet aussi un essai de séduction dirigé vers le tiers qui l’écoute, lequel tiers, au cinéma, n’est pas l’autre personnage de la scène dialoguée, mais bien le spectateur. Du coup, une autre analyse s’ouvre à nous, qui implique les spectateurs : qu’indique la mise en place d’un tel jeu de sociabilité en France au tournant des années 1960 ? Qu’est-ce qui rend cette technique de sociabilité si précieuse et si libératoire ? Qu’est-ce que le panache ajoute au trait d’esprit ? Nous examinerons d’abord le panache, puis le mot d’esprit, afin de comprendre le lien entre le moralisme ostentatoire des dialogues audiardiens et une époque marquée par le changement des rites sociaux et des formes de sociabilité.

Panache et théâtralité

Ce qui irrite et plaît tout à la fois chez Audiard, c’est la mise au point d’une bravoure verbale qui prend à rebours toute une tradition française. Dans le contexte des années 1960, le cinéma de « panache » qu’il propose revêt un sens particulier très éloigné de celui que Rostand voulut fixer en 1903[9] dans son discours de réception à l’Académie française :

Qu’est-ce que le panache ? Il ne suffit pas, pour en avoir, d’être un héros. Le panache n’est pas la grandeur, mais quelque chose qui s’ajoute à la grandeur […]. Le panache, c’est l’esprit de la bravoure. C’est le courage dominant à ce point la situation qu’il en trouve le mot. Toutes les répliques du Cid ont du panache, beaucoup de traits du grand Corneille sont d’énormes mots d’esprit. Le vent d’Espagne nous apporta cette plume ; mais elle a pris dans l’air de France une légèreté de meilleur goût. Plaisanter en face du danger, c’est la suprême politesse, un délicat refus de se prendre au tragique ; le panache est alors la pudeur de l’héroïsme, comme le sourire par lequel on s’excuse d’être sublime. Certes, les héros sans panache sont plus désintéressés que les autres, car le panache, c’est souvent, dans un sacrifice qu’on fait, une consolation d’attitude qu’on se donne. Un peu frivole peut-être, un peu théâtral sans doute, le panache n’est qu’une grâce[10].

Dans l’esprit de Rostand, le panache cristallise trois idéaux en une seule et même personne qui se définit dès lors à la fois comme orateur (idéal de l’éloquence), héros (idéal de bravoure) et ami (idéal de générosité). La personne qui possède du panache est dotée de ces trois caractères qui, unis, font d’elle un être d’exception. Elle incarne alors l’esprit français condensé dans un tempérament excessif qui repose en fait sur un jeu de compensations. Une sorte d’équilibre est obtenu grâce à la neutralisation des travers de chaque idéal par les vertus des deux autres. L’orateur n’est que paroles, mais il est un héros capable d’actions admirables ; sa rhétorique serait à craindre si elle n’était fondée sur les valeurs de l’amitié. Le héros risquerait de se prendre au sérieux si l’éloquence et la générosité ne neutralisaient pas son orgueil en imposant un souci de l’autre qui implique politesse et désintéressement. L’ami serait un triste compagnon s’il n’était capable que d’effacement et s’il n’ajoutait au monde, par le verbe comme par l’action, un peu de beauté et de puissance qui nous font chérir son existence.

C’est précisément cette foi en l’équilibre des vertus du tempérament français qui est prise à contre-pied dans le cinéma d’Audiard. Le panache reste de mise, mais il est le fait de personnages de peu d’envergure — rien ne les qualifie de héros —, dont l’éloquence ne va pas sans ridicule et dont les engagements sociaux — amitiés, patriotisme — ne sont guère fiables. L’entreprise d’Audiard sape ainsi les bases de l’héroïsme et tourne en ridicule toutes les vertus de l’attachement qui lui sont corollaires : la sincérité, la foi (la fidélité) et le dévouement. Mais en même temps, ce panache trahit un souci de la scène publique et des théâtres de la socialité à une époque où cette scène et ces théâtres tendent à disparaître. À en croire les descriptions enlevées et complaisantes de Roger Shattuck, le panache est né sous la plume de Rostand en un moment où la théâtralité était constitutive des rapports sociaux[11]. D’une certaine manière, Audiard semble vouloir sauver cette théâtralité, tout en se débarrassant des héros. Pourquoi ?

Selon l’auteur d’Uranus, dont Audiard est un grand admirateur, l’après-guerre est marqué par un jeu de masques que les événements de l’épuration ont rendu tragique. Marcel Aymé a su décrire un régime d’« hypocrisie » qui se met en place dès la Libération : bravade, roublardise et vantardise ne laissent plus guère de place au panache célébré par Rostand. Pire, elles l’invalident et le déclassent. La nouvelle génération se méfie des héros qui ont le verbe haut. Le ton des films d’Audiard est redevable d’une atmosphère délétère qui prend sa source dans le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, dans les alliances fâcheuses du discours héroïsant avec les massacres des temps de la collaboration et de l’épuration, mais aussi, et plus fondamentalement, dans l’hypocrisie qui entache durablement la sociabilité française.

C’est le savoir-paraître, vertu sociale par excellence, qui est atteint. Il était discrétion et politesse en sorte de laisser à autrui un espace où se présenter sans que nul ne le lui dispute. Rousseau n’y voyait jadis que vanité sociale en voulant croire à la possible transparence du coeur, mais avec Rostand, désormais allié à la frivolité et à la légèreté d’esprit dans l’outrance verbale, le savoir-paraître était devenu un art de dissimulation de la générosité et du dévouement.

L’après-guerre précipite le pays dans un procès insensé des « apparences » qui mine les aspects les plus ténus de la vie quotidienne. On se rappelle les violents règlements de compte de l’époque, lors desquels il ne s’est pas agi simplement de juger les actes de collaboration, mais aussi les « tournures de pensée » et « les profils moraux » des « traîtres », des « lâches », des « salauds », des « roublards ». Il faut donc littéralement tout rebâtir en termes de sociabilité pour croire à nouveau aux liens possibles entre amis, voisins ou inconnus : réinventer l’esbroufe, l’affront, le défi, la joute, le risque, le don, le pardon, l’outrecuidance, la vanité, la générosité, reclouer les planches du théâtre social en réintroduisant le plaisir dans l’échange, réapprécier le monde comme théâtre afin d’en jouir à nouveau, comme acteur et comme public collectif. Le panache verbal des dialogues de Michel Audiard contribue à cette réinvention, puisqu’il l’introduit dans la plus simple conversation de café, le plus petit échange avec un figurant, la plus insignifiante scène de transition. Il n’est pas de personnage qui n’en ait pas, du panache : du premier au dernier rôle. Tous sont en représentation et fabriquent la seule « communauté » qui tienne encore, celle du public, comme tierce personne à qui est destiné le mot d’esprit et dont on escompte le plaisir.

La théâtralité du panache verbal a aussi une autre fonction : elle permet à ceux qui en ont d’exister hors d’un univers privé où l’époque tend à confiner les individus. Hannah Arendt a critiqué ce repli sur l’espace privé qui caractérisait l’époque, que les historiens voient de leur côté comme un des changements majeurs survenus dans la société française du tournant des années 1960[12].

Depuis le déclin de leur domaine public autrefois glorieux, les Français sont passés maîtres dans l’art d’être heureux au milieu des petites choses, entre leurs quatre murs, entre le lit et l’armoire, le fauteuil et la table, le chien, le chat et le pot de fleurs, répandant sur tout cela un soin, une tendresse qui, dans un monde où l’industrialisation rapide ne cesse de tuer les choses d’hier pour fabriquer celles du lendemain, peuvent bien apparaître comme tout ce qui subsiste de purement humain dans le monde. Cet épanouissement du privé, cet enchantement, dirait-on, de tout un peuple, ne fait pas un domaine public, mais au contraire signifie seulement que le domaine public s’est presque entièrement résorbé et que la grandeur a partout fait place au charme[13].

Dans la vision d’Hannah Arendt, la France est devenue ce pays où on se replie sur les petites choses, où on leur manifeste soin et tendresse pour faire subsister quelque chose d’humain dans un monde moderne déshumanisé, soumis aux impératifs de la productivité et de la technique. Sa peinture n’est pas sans évoquer le cinéma de Tati, dans la mesure où sa description comporte une pointe contre la modernité domestique et valorise le caractère résistant du repli sur ce qui est voué à disparaître. Mais son propos est aussi gros d’ironie critique : la description des mouvements restreints à l’intérieur des quatre murs du domicile n’ouvre aucun espace commun où éprouver sa liberté et son pouvoir, en compagnie des autres. Il se dégage de son texte l’idée d’une perte du lien social, que les films d’Audiard conjurent par la théâtralité des échanges empanachés. Ralentis et répétés, ces mouvements font davantage penser à ceux des personnages rassis de la chanson de Brel « Les Vieux » (écrite aussi en 1960) qui « ne parlent plus », vont inlassablement « du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit » au rythme de la pendule du salon, et ne sortent plus que « pour suivre au soleil l’enterrement d’un plus vieux, l’enterrement d’une plus laide[14] ». Audiard, en cheville avec Gabin, une de ces figures paternelles dont la Nouvelle Vague voudra se débarrasser en exacerbant le conflit générationnel[15], opposera, dans Les vieux de la vieille (Gilles Grangier, 1960), au « rétrécissement » de la vie pour cause de vieillesse ou de conformisme quelques vieux retors et réfractaires à l’enfermement et au mariage. De fait, ces derniers ne manquent pas de restaurer un semblant de scène publique entre eux : l’esbroufe colérique ou jubilatoire les sauve de l’espace privé.

Le dialoguiste s’oppose de la même façon au mythe de la « simplicité », lequel a la dent dure dans la France des années 1950, du moins si l’on en croit les pages que Roland Barthes accorde à Elle et à L’Express dans ses Mythologies : 

Le bonheur est de jouer à une sorte d’enfermement domestique. Questionnaires psychologiques, trucs, bricolages, appareils ménagers, emplois du temps, tout ce paradis ustensile d’Elle ou de L’Express glorifie la clôture du foyer, son introversion pantouflarde, tout ce qui l[le couple]’occupe, l’infantilise, l’innocente et le coupe d’une responsabilité sociale élargie[16].

Quand Barthes analyse les mythologies de son temps diffusées dans la production médiatique de masse, quand Audiard semble céder à la facilité d’un portrait de vieillards indignes, ils abondent dans le sens de la lecture des moeurs sociales françaises proposée par Hannah Arendt, qui, bien qu’elle utilise le vocable de « charme » pour qualifier le rétrécissement des existences à la sphère domestique, déplore la perte du politique dans ce repli. Le « charme » dont il est question n’est pas loin d’une image de mort ; il est aussi lié à la dénonciation qu’Arendt fera du « conformisme social », plaie des sociétés démocratiques modernes selon elle. Chacun fait pour soi les mêmes gestes que les autres, partage les mêmes aspirations au même petit bonheur individuel, se reconnaît dans les mêmes désirs et les mêmes besoins. Ceux-ci ne dépassent pas la sphère domestique et cantonnent hommes et femmes à la consommation. Sans parler d’une décrépitude de la vie politique à la manière d’Arendt, on peut cependant prendre acte du recul de certaines manières d’être ensemble dans l’espace public. Ce sentiment de perte du lien social et de la nécessité du politique favorise-t-il pour autant l’entreprise gaullienne de refondation de la communauté politique par l’exaltation d’une image unanimiste de la France résistante décrite par Sylvie Lindeperg ? Là encore, l’alliance du panache et du mot d’esprit semble permettre une échappatoire. La réintroduction de la théâtralité dans les rapports privés permet de retrouver le plaisir de la socialité sans pour autant participer à la grande messe nationaliste et unanimiste de l’entreprise mythographique des années 1960.

Le panache du ridicule est un antidote aux discours officiels qui exaltent l’héroïsme français et un remède contre l’esprit de sérieux qui anime la critique cinématographique prompte à taxer de crime d’irrévérence tout doute porté sur le sacrifice des héros français. Comme le souligne Sylvie Lindeperg, la doxa conjoncturelle tentait de recomposer la communauté française sur le mythe d’un peuple héroïque et fraternel à travers des films lénifiants ou des comédies conservatrices[17]. Pleine de fausses bonnes raisons de communier, la France des années 1960 est confrontée à la violence d’un impératif communautaire : il faut choisir son camp et il n’y en a qu’un qui est le bon. Les diatribes critiques envers les films de l’époque témoignent du malaise entourant la question de l’image légitime de la communauté. Or les films d’Audiard sacrifient justement cette image sur l’autel du plaisir commun à vivre ensemble.

Ce n’est donc pas de la communauté soumise au pouvoir gaulliste dont rêve Audiard. Il ne perd d’ailleurs jamais aucune occasion pour créer une scène où sera tourné en ridicule l’héroïsme militaire — voir Archimède le clochard (Gilles Grangier, 1959) — et pour manifester son dégoût des héros autoproclamés de la Libération, ainsi que son mépris pour le mythe de la grandeur. Aux faussetés, occultations et omissions délibérées relatives à 1939-1945 s’ajoutent les mensonges et les abjections de la guerre d’Algérie, où tortures et assassinats sont pratiqués par l’armée française. Dans ce silence assourdissant de la honte que les appelés ramènent des Aurès — voir à ce propos Muriel (Alain Resnais, 1963) et Adieu Philippine (Jacques Rozier, 1963) —, les commémorations grandiloquentes de l’héroïsme français deviennent de plus en plus insupportables : les anti-héros d’Audiard et l’univers loufoque dans lequel ils évoluent constituent une échappatoire dans laquelle se réfugieront de plus en plus de Français peu enclins à se reconnaître dans l’image communautaire fabriquée par le pouvoir militaire ou les associations d’anciens combattants.

La sociabilité du mot d’esprit empanaché

Un retour à Freud s’impose ici pour comprendre la connivence qui s’établit avec le spectateur :

Du mot d’esprit qui m’est venu à l’idée, que j’ai fait, je ne puis pas rire moi-même, et ce, malgré l’indéniable agrément que je trouve au mot d’esprit […]. Il semble que, dans le cas de la plaisanterie, ce soit à la tierce personne que se trouve transféré le soin de décider si le travail du mot d’esprit a accompli sa tâche[18].

Et Freud de poursuivre avec l’idée que la réaction favorable de cette tierce personne dépend de sa disposition à l’accueillir. Elle doit partager les mêmes inhibitions que l’auteur du mot d’esprit. Face à la verve qu’Audiard distribue généreusement à tous ses personnages, le spectateur n’a d’autre choix que cette position de tiers, qui fait de lui le destinataire des plaisanteries. Pour Freud, cette tierce personne doit recevoir le mot d’esprit comme un cadeau qui lui permet de lever sans effort ses propres inhibitions. C’est donc le lien à l’autre qui devient primordial, puisque c’est dans le lien que le plaisir s’éprouve et se donne. Mais cela implique une connivence qui peut rebuter : le lien par le mot d’esprit comporte un risque d’exclusion quand le tiers se trouve dans de mauvaises dispositions, soit par esprit de sérieux, à l’exemple de la critique cinématographique de l’époque face aux films d’Audiard (Henri Chapier et Jean-Louis Bory en tête), soit par suspicion de malhonnêteté, à l’instar de Michel Chion qui n’entend aucunement frayer avec l’auteur de telles plaisanteries. Pour ce dernier, ce qui distingue les dialogues de Michel Audiard est qu’« aucun des personnages n’est censé ignorer qu’il fait de l’esprit[19] ». Michel Chion avoue préférer les plaisanteries faciles des personnages de Truffaut, qui « créent une agréable ambiance et ne supposent chez ceux qui les font ni esprit ni bêtise[20] ». Être ou ne pas être de cette tribu, telle est finalement la question. Michel Chion exclut de ses amis possibles ces vantards empanachés derrière lesquels se dissimulerait un auteur moralement suspect de se faire valoir à travers ses bons mots ou de tout sacrifier à son désir de séduction de l’autre.

Cette tribu entrevue par Michel Chion existait bel et bien, d’où légitimité au moins partielle de sa méfiance. En effet, l’inspiration pour ses réparties empanachées, Audiard dit la puiser auprès de ses compagnons, acteurs et collaborateurs, au premier rang desquels des acteurs comme Bernard Blier et Jean Gabin qui feront son succès. Dans les récits qu’il fait de ses rencontres de travail, il ne manque jamais de vanter la « déconnade » qui les caractérisait, soit une manière de prendre toute chose jugée sérieuse avec un grain de sel. Consistant à se duper soi-même mais avec d’autres afin de conserver suffisamment de légèreté en compagnie et pour la compagnie, la « déconnade » est une manière de donner plus d’importance au moment de communion qui l’a fait naître qu’aux choses sur lesquelles elle porte. Elle n’est pas un moyen au service de la convivialité, mais l’indice d’une communion qui s’est imposée à l’improviste. Par suite, ce sont moins les mots d’auteur qui importent à Audiard que l’événement d’une communion associée au jeu de massacre enfantin dont il va tirer un véritable art de la boutade. Une manière d’utopie sociale est en jeu dans les enfantillages des films d’Audiard. Elle permet de nier pour un temps les rapports de force, les contraintes, les angoisses du temps présent grâce à un mode de sociabilité qui fait mouche, mais qui ne garantit rien, sinon la surprise de partager le plaisir.

La verve empanachée d’Audiard s’oppose aussi à une éloquence qui, mise au service d’une pensée, suppose un jeu de dupes, puisqu’il s’agit de convaincre l’autre de la réalité de ce dont on parle en le soumettant au pouvoir des mots. Tant pis pour celui qui se laisse prendre. Le panache dans la boutade supprime au contraire toute référentialité : la verve d’Audiard irréalise l’affect, l’idée ou la personne qu’elle décrit ou exprime. Ce qui compte, c’est la « trouvaille », qui sert de monnaie d’échange dans la relation, plus que la justesse de la description. Dans Un cave se rebiffe, le portrait que Charles (Bernard Blier) dresse d’Éric (Maurice Biraud) est à ce point tarabiscoté qu’on en perd le fil[21]. Celui que Fernand (Jean Gabin) fait à son tour du même personnage a au contraire la netteté d’une épure, sans rien dire de substantiel pour autant (« Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre étalon »). Mais le cinéma permet de tourner la boutade en gag, puisque Pauline (Françoise Rosay), à qui Fernand avait brossé d’un seul coup de pinceau le portait d’Éric, le reconnaît, dans la séquence suivante, au premier coup d’oeil. On comprend bien dès lors que l’enjeu de ces échanges n’est ni la brillance de l’esprit, ni le pouvoir du verbe, ni la vérité de la chose dépeinte, mais bien l’ouverture d’un nouvel espace de plaisir social pour le tiers, ce spectateur qui connaît bien, lui aussi, ses propres ridicules comme ceux des autres.

Si au xviie siècle les moralistes recherchaient un art de la conversation capable de signaler l’honnêteté et la grandeur d’âme dans une attention aux autres que le maniement du verbe était censé révéler, dans les films d’Audiard, loin des salons mondains de ses prédécesseurs, on fait fi de cette prétention morale, spirituelle et intellectuelle, tout en cultivant le plaisir du vivre-ensemble. Il y a beaucoup de discours chez Audiard, et de raccords à la tradition moraliste qu’il affectionne, mais l’humour qui accompagne ses sentences met en avant davantage le plaisir que le raisonnement. La créativité verbale l’emporte toujours sur la prétention de profondeur. On peut s’offusquer de la vision morale qu’Audiard propose des petites gens, des bourgeois, des intellectuels, des jeunes, et ne pas se sentir solidaire de ces nombreux dénigrements. On peut résister aux leçons de vie de ses films, même s’il brocarde lui-même la tendance à chercher des morales aux histoires. Mais ce réflexe critique fait perdre de vue l’autre communauté que produit la technique du trait d’esprit empanaché : la pirouette intellectuelle propose en partage le « plaisir de la pensée[22] » sans prétendre mesurer sa valeur de vérité. Il s’agit de jongler en permanence, d’entretenir non-sens et paradoxe, pour préserver un plaisir partagé qui ne s’éprouve qu’à ce prix. Mais on peut aussi en être fatigué, car l’agilité — voire la voltige spirituelle — dissimule difficilement un sentiment de la vanité de toute chose que cultivent tous les moralistes au moins depuis Montaigne.

À travers sa créativité verbale, Audiard transmet une technique qui ne se confond pas avec de simples rites de socialisation, mais introduit un moment esthétique dans l’interaction : la jouissance tirée de la mise en scène sociale de soi — un « soi social », en représentation permanente — s’atteint grâce à des jeux d’entente/mésentente qui prennent le pas sur les « motifs de fâcherie[23] » ou les raisons de s’aimer. D’ailleurs, on ne se donne pas de raisons ; on a vaincu la raison et ses objections grâce au trait d’esprit. Le plaisir social du soi est construit par l’interaction : il est autant dans l’image que l’on est capable de fournir à l’autre que dans l’image que l’autre nous renvoie. Audiard est fort sensible à cette construction. Dans les portraits qu’il fit de Jean Gabin, il évoque les codes de sa conversation et, notamment, les surnoms dont l’acteur affublait ses amis. Ces figurations sociales nées de la fréquentation de Gabin, il les multipliera à son tour en donnant à ses amis comme à ses ennemis des sobriquets. Le « soi social » a quatre facettes, car il est doublement idéal et doublement ridicule : idéal et ridicule dans la perspective du moi, idéal et ridicule dans la perspective de l’autre, et jamais enraciné dans un substrat personnel. Au cinéma, et dans le cinéma d’Audiard en particulier, le « soi social » est façonné par la pluralité de regards que les personnages portent les uns sur les autres. Cette pluralité est renforcée par « l’effet de troupe » des films d’Audiard et par la relative redondance des situations d’un film à l’autre. Du temps de Gabin et de ses partenaires — qu’il choisit et impose aux réalisateurs —, les comédiens multiplient les facettes d’un même personnage plus qu’ils n’en changent, ce qui ne va pas quelquefois sans redondance.

Le jeu sur le ridicule est à double tranchant. Les personnages ridicules sont en défaut de jouissance de la socialité du fait de leur ridicule, et de leur peur du ridicule. Mais ce n’est pas leur absence de ridicule qui leur permettra de jouir de la vie sociale, c’est en fait la levée de leur inhibition grâce à la cohésion d’un groupe qui assume bientôt collectivement ce ridicule. Dans toutes les comédies signées Audiard, cet endossement de l’autre passe par l’alcool. Perdre la face est en effet une constante des personnages, qui connaissent tous leur moment d’humiliation (Bernard Blier étant passé maître dans l’art de jouer ces moments). Or on sait que les techniques de sociabilité ordinaires, ainsi que l’a montré Goffman dans La mise en scène de la vie quotidienne, consistent à éviter aux autres et à soi-même de perdre la face. Goffman définit la « figuration[24] » comme l’ensemble des moyens mis en oeuvre par une personne dans une interaction quelconque, pour que son action ne lui fasse pas perdre la face, ni ne la fasse perdre à son interlocuteur, afin précisément que l’interaction se déroule le mieux du monde. Goffman met ainsi l’accent sur le désir commun des acteurs de faire exister leur communauté, le temps de leur rencontre. Est-ce ce désir qui s’est perdu avec la guerre et son cortège d’exclusions partisanes ? Et qui se serait transformé en hypocrisie fuyante ? Toujours est-il que, au tournant des années 1960, les rites de la sociabilité ont perdu de leur efficace, ils ne produisent plus « le moi sacré » des personnes qui, sans cette production, sont livrées à la solitude et à l’indifférence de chacun pour chacun. On s’en inquiète beaucoup : l’impolitesse, l’arrogance, la vulgarité choquent. Les artifices sociaux du tact semblent avoir été compromis par les suspicions et les hontes. Préserver la dignité d’autrui en lui permettant de garder la face en toute occasion n’est plus de bonne tactique. C’est en conséquence l’inverse que propose le cinéma d’Audiard. Il s’agit au contraire de collectionner les ridicules, non pas seul contre tous, mais ensemble, afin d’être capable de rire de soi-même. Ce qui se propose au spectateur, c’est un modèle de sociabilité qui a réussi à faire tomber les barrières de l’hypocrisie, tout en conservant la jouissance de la socialité, sur les ruines des prétentions sociales et des illusions de grandeur.

Un sieur moraliste

On l’a noté, Michel Audiard distribue généreusement sa verve à tous ses personnages, quels que soient leur appartenance de classe, leur sexe, leur intelligence ou leur valeur morale. Michel Chion n’y voit qu’une manière de signature, presque une coquetterie d’auteur qui trahit une piètre qualité de scénariste. Je crois cependant que cette verve a trois fonctions essentielles. Premièrement, une tirade bravache, prononcée avec fatuité, signale le « cave », le dupe de soi-même qui se laisse prendre par la brillance de son propre discours. Mais, en même temps, cette tirade rend cet imbécile attachant, dans sa quête de reconnaissance et son entreprise désespérée de séduction mêmes, lesquelles se retournent souvent en colère puérile contre celui qui y résiste. En troisième lieu, toutes les tirades s’indexent sur le compte d’Audiard, l’auteur, qui compose un modèle d’interaction humaine tenant compte autant de l’intelligence que de la bêtise, autant du besoin de reconnaissance que du besoin de reconnaître, autant du plaisir du bon mot partagé que de la jouissance narcissique. Il y a en somme autant de raisons de rire que de pleurer sur soi tant qu’on est vivant et entouré. Dans les films d’Audiard, il y a toujours une scène de séduction entre frères ennemis. Dans la fameuse scène de la cuisine des Tontons flingueurs, tout oppose les frères Volfoni à Fernand au moment où ils font irruption dans la cuisine de ce dernier. La violence laisse pourtant place au dialogue, à la « diplomatie » comme le souligne le personnage joué par Jean Lefebvre. Mais les échanges ne doivent pas grand-chose au langage diplomatique, contourné, manipulateur. Au contraire, l’alcool aidant, les jeux de langage perdent en brillance ce qu’ils gagnent en jouissance de la répartie. Et la scène n’a très vite plus qu’un lointain rapport avec le reste du film. Elle fonctionne comme une pause que se seraient offerte tous les personnages. Elle a tout d’un entracte où personne ne s’explique, où l’on ne sait même plus pourquoi on a manqué de s’entretuer l’instant d’avant, où tout est suspendu au plaisir de l’entre-soi. Toute intrusion étrangère viendrait menacer le plaisir, et c’est ce qui arrive lorsqu’une jeunesse survient et réclame de l’alcool d’une manière extrêmement grossière et brutale, laquelle renforce l’attitude moralisante des anciens frères ennemis, alors plus « tontons » que « flingueurs ».

Audiard se réfugie dans la conversation, comme les moralistes classiques l’ont fait avant lui, par souci de la sociabilité, et tout en dénonçant la vanité des discours. Si les mots ne valent ni par les faits ni par les vertus auxquels ils sont censés renvoyer, ou dont ils sont censés témoigner (le panache d’Audiard ne prétend pas être la signature d’une grandeur d’âme), il ne reste que la virtuosité de l’échange pour au moins susciter le plaisir de l’entre-soi. Au xviie siècle déjà, on rejetait l’héroïsme pour développer les vertus de la sociabilité, mais il n’était pas question de « panache », au contraire. Comme le souligne Bérangère Parmentier, la sociabilité de l’âge classique exigeait une morale et des qualités contradictoires dans l’art de la conversation : du naturel, de l’effacement, mais aussi une finesse d’esprit supérieure manifestée dans la brièveté et l’efficacité des formules qui laissaient place au jugement du convive[25]. La connivence entre les interlocuteurs s’établissait sur la base des qualités d’esprit que leur conversation leur permettait de se reconnaître mutuellement.

En introduisant du panache dans l’art de converser entre amis et ennemis, à une époque où tout ne semblait que roublardise, Audiard cherche de la générosité dans un rapport aux mots plutôt qu’aux choses, dans des actes jouissifs, instantanés qui font l’économie de l’action réelle. On ne cherche pas à faire naturel (le jeu des acteurs, Gabin, Blier, Ventura, Belmondo, en témoigne), on évite aussi toute grandiloquence, et l’on exagère à loisir le trait, dans un effet de débordement. Le choix de la distanciation est ici celui de la lucidité — celle du spectateur plutôt que celle des personnages, quitte à faire des personnages des spectateurs d’eux-mêmes, comme Marec et Rocco que jouent respectivement Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo, à la fin de Cent mille dollars au soleil (Henri Verneuil, 1964) : tout le film les conduit à l’affrontement final qui se résorbe, après quelques coups, en un grand éclat de rire sur leur état de dupes. Le panache qui colore les boutades et les ridicules se déploie contre la mystification nationale et narcissique de l’héroïsme, des bons sentiments et de la grandeur d’âme.

Le panache du bon mot sert principalement à dénoncer les mesquineries, les lâchetés, les bêtises dans des formules qui s’apparentent singulièrement aux maximes de La Rochefoucauld. Rappelons que celles-ci avaient été conçues aussi, au départ, de façon collective. Les maximes d’Audiard sont inscrites dans un dialogue, mais ciselées pour vivre de manière autonome. Intégrées au récit, elles n’en sont pas moins destinées à un tiers, le spectateur, qui s’empresse de les reprendre. Tapez dans le moteur de recherche de Google une de ses formules célèbres : « Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » [Les tontons flingueurs] ; « un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche » [Un taxi pour Tobrouk (Denys de La Patellière, 1960)], et vous tomberez sur une multitude de pages qui reprennent l’expression pour expliquer différents aspects de la vie publique française… comme quoi le diable était plus politique qu’il n’y paraissait.

Les bons mots restent et continuent leur chemin. Les films, quant à eux, proposent « l’empanachement » des échanges comme autant de modèles de négociation plus ou moins réussie d’une sociabilité intempestive, que chacun peut se réapproprier. Audiard a fait des émules, plus que des imitateurs, même si, à la longue, les sociabilités issues de la guerre se sont transformées, même si les blessures occupent aujourd’hui d’autres terrains : il s’agit cependant toujours d’établir une foi en la possibilité d’une jouissance collective du collectif, gagnée sur les logiques communautaires, c’est-à-dire sans considération d’un partage obligé de valeurs ou d’idées dont Michel Audiard, comme Georges Brassens, a voulu que l’on se méfie. Le dialoguiste se disait moraliste plutôt que moralisateur, parce qu’il ne croyait ni aux vertus ni aux valeurs « revendiquées ».

La distinction morale du panache ne passe pas par la finesse de l’esprit que l’on manifeste dans l’art de converser pour faire sentir à l’autre combien il est intelligent lui-même, mais elle procède de l’établissement d’une connivence — tantôt lettrée, tantôt rustre — qui repose au final sur la seule vertu et le seul vice nécessaires au lien : la générosité et la vanité, solidaires dans les plaisirs sociaux, comme dirait La Rochefoucauld. L’idée n’est pas de convaincre l’autre de son intelligence, ni de vérifier que l’on partage les mêmes valeurs ou les mêmes idées, mais de jouir directement et réciproquement de cet échange. Les rencontres dans les films d’Audiard commencent généralement assez mal, mais il n’est pas un film qui ne comporte le miracle d’une entente obtenue contre toute attente.

Toute distinction sociale est une « bouffonnerie ». La culture n’est pas distinctive ; ceux qui en ont sont tout aussi ridicules que ceux qui n’en ont pas ; mais chacun a la sienne qui sert à merveille son panache quand il s’agit d’en avoir. C’est pourquoi on n’arrive pas à suivre le feu d’artifice des références incluses dans les répliques du dialoguiste. Le jeu ne consiste pas à les reconnaître toutes et à se mesurer à la culture de l’auteur, mais à se laisser déborder en appréciant l’offrande de cette « dépense » intellectuelle (selon le mot de Freud). Le panache devient un terrain de rencontre possible entre des hommes (le plus souvent) et des femmes (parfois) de différentes conditions, qui s’accordent sans forcément s’entendre, de façon inattendue. C’est là une drôle de façon d’accorder encore sa confiance à la vie, mais c’est une façon qui a fait ses preuves et qui a su séduire déjà plusieurs générations de spectateurs.