Abstracts
Résumé
La modernisation de la France après la Seconde Guerre mondiale entraîne un mouvement de dissolution, réel ou souhaité, des classes populaires traditionnelles dans la nouvelle classe moyenne. Bien que la culture ouvrière demeure vivante dans les discours de la gauche marxiste et révolutionnaire, la notion et le mot même de peuple sont en déshérence. Les trois premiers romans d’Annie Ernaux — Les armoires vides (1974), Ce qu’ils disent ou rien (1977) et La femme gelée (1981) — reviennent de façon remarquable sur cette double fin corrélée du peuple et du mythe ouvrier, et son remplacement par d’autres modèles. Cet article a pour hypothèse principale que, sous l’influence des lectures de Pierre Bourdieu et de Simone de Beauvoir, dans les trois premiers romans ernaliens les modèles hérités de la valorisation de la vie populaire et ouvrière sont invalidés, tandis qu’ils évoquent un nouveau sujet de l’histoire potentiel et décrivent de nouvelles formes d’insertion, le premier lié à la condition féminine, les secondes à la réussite scolaire. Publiés entre 1974 et 1981, ces trois romans portent sur la société d’après-guerre et ses transformations en sorte que l’époque gaullienne y est comme prise en ciseaux, comme si la fin des Trente glorieuses se penchait sur ses commencements.
Abstract
The modernization of France after the Second World War brought a dissolution, real or desired, of the traditional popular and working classes within the new Middle Class. Although working-class culture remained alive in the discourse of the Marxist and revolutionary left, the concept and even the term “the people” receded. Annie Ernaux’s first three novels—Les armoires vides (1974), Ce qu’ils disent ou rien (1977) and La femme gelée (1981)—express remarkably this dual demise of the people/worker mythology, and its replacement by other models. The main hypothesis of this article is that, under the influence of works by Pierre Bourdieu and Simone de Beauvoir, the first three novels by Ernaux serve to invalidate the inherited vaunting of the popular and working classes by evoking a new subject of history amid potential new forms of integration, the first relating to the Status of Women, the second to academic success. Published between 1974 and 1981, these three novels depict post-war society and its transformations, bracketing the Gaullist era, as if the end of the Glorious Thirty was considering its beginnings.