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Études françaises a cinquante ans. La revue a traversé cette période en conservant son titre et, je crois, sa volonté d’être « au centre de gravité[1] » des cultures de langue française tout en s’affirmant comme « un lieu où la littérature se fait[2] ». Cela ne va pas de soi quand on pense que le département auquel elle est associée depuis sa création a, lui, cru nécessaire de changer de nom. Ce Département d’études françaises, fondé en 1962 à l’Université de Montréal, est devenu en 2003 le Département des littératures de langue française. Cette mutation reflète bien les questions que soulève l’adjectif « français », renvoyant aussi bien à une langue qu’à une nation, l’une étant constitutive de l’identité du Québec, l’autre lui étant au moins partiellement étrangère, au mieux associée au Canada dans un composé dont l’histoire épouse les transformations qui se sont opérées dans nos rapports à la langue et à la France.

L’histoire de la revue offre un prisme intéressant pour observer cet aspect de notre histoire intellectuelle et culturelle. À travers les cinquante volumes de la revue publiés entre février 1965 et décembre 2014 se lit la relation complexe (et aujourd’hui apparemment décomplexée) que le Québec entretient avec la France. S’y trouve aussi la position singulière qu’a affirmée la revue Études françaises à l’égard de la critique littéraire et de l’histoire de la littérature (en cela aussi liée aux positions du Département où tous ses directeurs ont été professeurs[3]), se distinguant dans le monde des revues savantes et de l’enseignement supérieur tout en contribuant à la construction d’un corpus « national » et à l’invention de la littérature québécoise comme objet et comme discipline.

Dès son troisième volume, la revue fait une place importante aux créateurs et aux poètes (avec un texte de Léopold Sédar Senghor et des poèmes de Fernand Ouellette), position affirmée dans la formule programmatique de Georges-André Vachon citée plus haut et à laquelle la revue est restée fidèle, notamment à travers le Prix qui porte son nom, attribué depuis 1968 à plusieurs auteurs de première importance et auquel était consacré le numéro double qui ouvrait ce volume jubilaire[4]. Ce dernier numéro du volume cinquante porte à la fois sur l’histoire de la revue, notamment dans le contexte particulier de l’affirmation d’une littérature québécoise, et sur son avenir qui suppose aujourd’hui de penser le rôle et la place d’une revue d’études littéraires consacrée aux cultures d’expression française dans le contexte encore incertain de l’édition numérique.

Au dire même de son premier directeur, le titre de la revue n’a pas été trouvé sans difficulté. Il a fait l’objet de discussions animées parmi les membres de son premier comité de rédaction, présidé par René de Chantal et composé de Bernard Beugnot, Nicole Deschamps, Michel Mansuy et Albert Legrand. « Finalement, nous nous sommes mis d’accord sur Études françaises », écrit son premier directeur trente ans plus tard, « car d’une part, il nous paraissait utile que la revue portât le nom de notre département et d’autre part, la langue française nous semblait le dénominateur commun entre la littérature française et la littérature canadienne-française[5] ». Le titre a cependant d’emblée besoin d’un sous-titre capable de rendre compte de la dualité qui se cache derrière l’adjectif « françaises » : jusqu’en 1974, sur toutes les couvertures de la revue apparaît le sous-titre « Revue des lettres françaises et canadiennes-françaises ».

Si, dès sa première livraison, la revue conserve en apparence un certain équilibre entre « la France et nous » (trois articles consacrés à la littérature française, deux à la littérature canadienne-française et neuf pages de chroniques réparties équitablement entre les lettres françaises et canadiennes-françaises), la position de la littérature d’ici reste problématique en regard de celle de là-bas. Cette tension, reprise aux Convergences de Jean Lemoyne, est développée dans l’article de David Hayne sur « Les grandes options de la littérature canadienne-française » où le professeur de l’Université de Toronto insiste sur la position périphérique de la littérature du Canada français en la définissant cinq fois dans l’article comme une « littérature mineure de langue universelle[6] ». Même mineure, la littérature canadienne-française prend une place importante dans les premiers numéros de la revue où elle occupe un peu plus de la moitié de l’espace éditorial, notamment à travers la « Bibliographie des lettres canadiennes-françaises » qu’assure Réginald Hamel dès le premier numéro. Pour ce qui est des articles, les premières années voient aussi un équilibre certain entre les deux littératures, équilibre qui pourrait ressembler à une confrontation tant les autres littératures de langue française y sont peu représentées avant 1967.

Cette année-là, outre le texte de Léopold Sédar-Senghor, « Qu’est-ce que la négritude ? », des articles sont consacrés aux écrivains romands et au roman en Afrique noire, avant que Georges-André Vachon n’affirme cette nouvelle perspective en reprenant le concept de « Francité » qu’il définit comme « la francophonie moins la France ». La position n’est plus celle d’une confrontation entre le majeur et le mineur, le régional et l’universel, mais bien une exclusion de la France dont on reconnaît « un certain patrimoine culturel inscrit dans la langue française[7] ». Dans cette autre configuration, le Québec se découvre une nouvelle proximité avec les anciennes colonies dont le français est la langue de communication (1968 est d’ailleurs l’année de la publication de Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières et de la rédaction du poème-affiche Speak white de Michèle Lalonde). Aux yeux de Vachon, ce qu’ils ont en partage avec cette langue commune et universelle, c’est un « problème de culture analogue à celui que vivent, depuis deux siècles les Canadiens français » et qui prend la forme d’un sentiment d’écartèlement : « les écrivains de la ”Francité“ ressentent, d’une manière particulièrement aiguë, l’écart qui intervient entre leur culture d’origine et la norme culturelle représentée par Paris[8] ». Avec le Prix de la revue, qu’il définit comme un Prix de la Francité, Georges-André Vachon souhaite précisément donner aux écrivains francophones les moyens de surmonter ce « problème de culture », tout en reconnaissant « le renouvellement de la langue, des thèmes et des formes littéraires » qui anime alors la « Francité », et notamment le Québec. Sa définition, qui soustrait la France, continue à placer les auteurs québécois et francophones dans « les régions périphériques du domaine français[9] ». Au moment même où la littérature canadienne-française rejette son appellation bâtarde, l’un des principaux artisans de son institutionnalisation continue pourtant à la placer en position excentrique dans une perspective qui reste finalement toujours gallocentrique.

La disparition de la dualité « Lettres françaises et canadiennes françaises » de la couverture de la revue en 1974 correspond à un premier glissement identitaire qui pose autrement le rapport à la France et au français. Il n’est sans doute pas innocent que le sous-titre disparaisse de la couverture dans le numéro où son directeur de l’époque, toujours Georges-André Vachon, publie « Le colonisé parle », article important dans lequel il analyse l’utilisation politique de la langue populaire en littérature qui contribuerait à répandre « l’illusion d’une identité québécoise » alors que, envers et contre le joual et à la suite de Parti Pris, pour Vachon, « être Québécois, c’est toujours friser l’inexistence[10] ».

Tout aussi significatif de la distance critique qui se prend peu à peu avec l’affirmation de l’identité littéraire québécoise dans ce volume 10 de l’année 1974 est le fait que, pour la première fois dans la jeune histoire de la revue, un numéro thématique n’est pas dédié à la littérature québécoise et à la constitution d’un corpus national. Avec « Le bestiaire perdu », codirigé par Nicole Deschamps et Bruno Roy, un volume est consacré à une question prise de manière historique et transversale, celle de ce que « voulaient dire » les animaux dans notre culture occidentale, du Moyen Âge jusqu’à Borges, Apollinaire et Éluard.

La contribution de la revue à la construction de la « littérature québécoise » comme objet marque un tournant en 1977 avec le numéro (double) qui a été le plus vendu de son histoire : le « Petit manuel de littérature québécoise ». À partir de là, le rôle de la revue dans la fondation d’une littérature « nationale », en relation parfois problématique avec la « française », se fait moins prégnant. Avec « Le fil du récit », publié l’année suivante, paraît pour la première fois un volume d’où la littérature québécoise est totalement absente, ne figurant ni dans les articles qui constituent le dossier, ni sous forme de « Chroniques », disparues depuis 1975. Cette période charnière est à la fois celle d’une institutionnalisation de la littérature québécoise, avec des dossiers consacrés à Réjean Ducharme ou à Jacques Ferron, et d’une normalisation de son statut.

Ce mouvement se répercute dans le rapport à la France qui se pense autrement à partir de là. On assiste ainsi à une certaine « défrancisation » des Études françaises dans la période 1976-1990. La dimension « française » est relayée au second plan, d’abord avec le volume 15 nos 3-4, puis avec des numéros où l’aspect théorique s’affirme davantage (« Bakhtine », « Anatomie de l’écriture », « Le Texte scientifique », « Sociologies de la littérature », « Ça me fait penser », « Instruments de réflexion ») au point de consacrer tout un numéro à une auteure brésilienne en 1989. Ce rapport particulier à la France, et singulièrement à une certaine élite intellectuelle parisienne, se pense d’ailleurs explicitement dans un numéro consacré au « Parisianisme » et sous-titré « Les modes intellectuelles parisiennes » (1984, vol. 20, no 2) où se dit la part d’imitation et de rejet de ces discours critiques des années 1960-1970 vus d’outre-Atlantique.

Cet ancrage dans le point de vue nord-américain est sensible dès 1983 avec un volume consacré à Victor Lévy-Beaulieu où est soulignée la dimension américaine de son oeuvre. De manière significative, 222 des 328 occurrences du mot « Amérique » dans toutes les livraisons de la revue apparaissent après 1980, avec une concentration entre 1980 et 2002 (185 pour cette période d’un peu plus de vingt ans contre 37 pour les douze dernières années). Dans les titres, on trouve une seule occurrence d’Amérique ou d’américain avant 1983 (et qui plus est au sujet des précurseurs français de Chateaubriand[11]) contre 17 depuis lors.

Depuis le tournant du xxie siècle, on peut noter un certain recentrage sur la dimension française, entendue au sens large comme langue des littératures auxquelles la revue est consacrée. La France est un contexte étudié comme d’autres, avec une distance critique et historique, aussi bien pour les périodes les plus anciennes (l’équilibre des périodes historiques est assez bien respecté dans cette dernière douzaine d’années) que contemporaines. Le Québec y apparaît de manière moins nette, souvent dans des dossiers où les études consacrées à la littérature française côtoient celles qui portent sur la littérature québécoise (bien que des volumes entiers aient encore été dédiés à des auteurs québécois, que ce soit Paul-Marie Lapointe ou Saint-Denys Garneau). Cette mise à distance du rôle « national » de la revue et l’apparente distance scientifique par rapport à son objet « français » correspond au mouvement qui a conduit à distinguer les revues dites « savantes » (et subventionnées par les grands organismes qui financent la recherche universitaire) des magazines culturels.

Ce faisant, elle risque cependant de s’éloigner de la mission qui lui incomberait de « faire la littérature ». Le lien entre la promotion de la dimension scientifique de la revue et la mise à l’écart de son rôle politique et culturel était déjà pressenti par Georges-André Vachon qui déplorait l’apparente neutralité de chercheurs ajoutant à la masse des connaissances d’autres chercheurs, dans un dialogue un peu vain entre spécialistes se targuant d’un « internationalisme » qui cache mal un certain désengagement de l’espace public :

Le spécialiste des études littéraires s’adresse au public international de ses pairs, par le moyen de revues dites savantes, qui par définition n’ont pas de patrie ; mais aussi longtemps qu’il se propose de « faire avancer les connaissances » pour les transmettre à d’autres chercheurs, occupés à augmenter la même masse de connaissances, il ne progresse en rien, et n’aide directement personne à progresser dans la compréhension, c’est-à-dire dans la connaissance des oeuvres. Pour peu qu’il essaie, au contraire, de retrouver le chemin de la communication et d’être pleinement accessible au public même des oeuvres, le critique, le chercheur a quelque chance de saisir pleinement l’objet de son étude, de le comprendre : avec le créateur, il fait la littérature, et est soumis comme lui, à l’épreuve de la lecture publique[12].

Ces revues savantes mais apatrides auraient quelque chose de stérile ou, à tout le moins, d’un peu mécanique dans leur participation conditionnée à l’accroissement de la masse des connaissances sans égard au lien que la science doit entretenir avec la conscience publique. Une revue universitaire, comme les Presses du même nom, participe bien sûr à l’idéal de l’universitas scientiarium, comme le rappelle encore Georges-André Vachon, mais c’est aussi un espace public, au même titre que « le marché ou la place publique, la cour princière, le salon, le café, le cabaret — un lieu où la littérature se fait[13] ». C’est cette phrase que nous avons donnée à un jeune artiste de la région de Québec pour illustrer ce numéro anniversaire. Il avait carte blanche pour exprimer ce que ce programme signifie, pour lui, vue d’une capitale qui se dit aujourd’hui « nationale », cinquante ans plus tard.

Ce rôle, social, politique, public, de la revue savante se pose encore aujourd’hui, même si la question nationale peut sembler reléguée au second plan. Avec la définition restrictive du « facteur d’impact », calculé à partir de bases de données qui intègrent peu de revues régionales (ou, plus exactement, de régions autres qu’anglophones), les revues publiées dans une autre langue que l’anglais seraient vouées à n’avoir que peu d’impact. Or, contrairement à ce qu’on pourrait croire, en 2013, le nombre moyen de téléchargements par revue à l’Université de Montréal favorisait nettement les revues « nationales » regroupées sous la plateforme Érudit qui rassemble près de 125 revues, essentiellement québécoises, avec une moyenne de téléchargements par revue qui avoisine celles du Nature Publishing Group et qui représente près de vingt fois celle de JSTOR et trente-deux fois celle de SpringerLink[14]. Si l’on considère la nature des publications concernées par le Nature Publishing Group, on peut dire sans se tromper que les revues québécoises sont de loin les plus consultées par les chercheurs montréalais en lettres et en sciences humaines, secteurs pratiquement absents de Nature et dominants sur Érudit.

L’autre élément qui vient fausser le calcul du « facteur d’impact » tient à l’échelle temporelle qu’il couvre puisque le nombre de citations qui entrent dans l’équation se limite à une période de deux ans. Cette perspective à courte vue ne correspond pas au temps long de la recherche, particulièrement en lettres et en sciences humaines. À titre d’exemple, on compte parmi les dix années les plus consultées sur le portail Érudit des livraisons aussi anciennes que celles de 1968. De même, dans sa livraison du 17 mars 2010, le quotidien français Libération renvoyait ses lecteurs à un numéro d’Études françaises paru… en 1984 en écrivant que :

pour faire plus ample connaissance avec la pensée bakhtinienne, il est urgent de se procurer le numéro spécial de la revue Études françaises (vol. 20, no 1, pp. 2-151), en portant une attention toute particulière aux articles “Bakhtine lecteur de Bakhtine” de Ginette Michaud, et “Pour une écoute bakhtinienne du roman latino-américain” de Javier García Méndez[15].

Quand l’urgence de lire un numéro de revue s’exprime dans un journal quotidien à vingt-cinq ans d’écart, on peut constater que le temps de la publication universitaire relève moins de l’actualité brûlante que des mouvements de fond qui façonnent la vie intellectuelle.

Ce rapport au temps long de la recherche tient à la vocation universitaire de la revue qui s’est affirmée encore plus nettement au cours des quinze dernières années, en partie sans doute pour répondre aux exigences des organismes subventionnaires et à leur définition, forcément un peu restrictive, de ce qu’est une revue savante. Son rôle culturel et public, s’il est moins affirmé (et on peut le déplorer, tout en sachant que d’autres revues, comme Spirale, jouent désormais ce rôle), n’a pas pour autant complètement disparu. Outre le Prix littéraire qu’elle assure (et dont la qualité des choix a été reconnue par les prix prestigieux octroyés aux oeuvres produites grâce au Prix de la revue et par le fait que plusieurs d’entre elles ont fait l’objet de republication et/ou de traductions), la revue Études françaises continue de publier des textes de création ou des essais qui ne répondent pas strictement à la définition de l’article universitaire. Après la période particulièrement faste des années 1965-1977, qui a vu paraître des textes de Michel Beaulieu, Roch Carrier, Jacques Godbout, Alfred Desrochers, Gilbert Langevin, Claude Péloquin, André Major, Jacques Ferron, Antonine Maillet, Nicole Brossard, Gaston Miron et même Réjean Ducharme, la revue a continué depuis à publier ponctuellement des inédits d’auteurs québécois (VLB, Roland Giguère, Paul-Marie Lapointe ou Claude Gauvreau) ou français (Hervé Guibert, Pascal Quignard ou même Francis Ponge).

Ce rôle, social et culturel, de la revue est fondamental et doit certainement contribuer à penser ce qu’il faut préserver à travers la révolution numérique. Ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement un changement de médium (du papier à l’écran, tout aussi matériel que le premier, quoi qu’en disent les tenants de la « dématérialisation » du savoir), mais bien une transformation des modes de diffusion et de consultation de la recherche. La forme du dossier de synthèse sur une question, adoptée par Études françaises de manière systématique depuis 1974, plaide encore pour une lecture en continu des articles à partir de la présentation du dossier (qui est en réalité le plus souvent une introduction scientifique de haute tenue sur la question traitée). On sait bien toutefois que cette lecture est concurrencée, depuis toujours, par la lecture à la pièce, favorisée aujourd’hui par les moteurs de recherches et le balisage des métadonnées. Tout en préservant ce modèle, fertile du point de vue intellectuel, de la réunion de chercheurs autour d’une question commune, le format électronique devrait permettre d’ajouter des couches de sens et des liens entre les différents articles d’une même revue (dans le temps) et même d’autres revues en format numérique. Sans doute qu’aujourd’hui, au moment de célébrer son demi-siècle, la revue Études françaises doit trouver comment continuer à jouer ce rôle d’incubateur de littérature dans le contexte de l’édition numérique : « faire la littérature » sur le Web, tout en respectant sa mission savante et la rigueur de ses processus d’évaluations par les pairs.

Dans ce numéro qui vient clore notre cinquantième volume, il est ainsi question à la fois de l’histoire, de l’actualité et de l’avenir de la revue. Michel Lacroix et Martine-Emmanuelle Lapointe exposent respectivement la place de la revue Études françaises dans l’histoire intellectuelle des revues universitaires au Québec et dans la constitution de la littérature québécoise en objet d’étude et de recherche. L’actualité de la revue, et la question de la place qu’une revue universitaire comme Études françaises peut occuper dans la culture numérique, est analysée par Marcello Vitali-Rosati, qui revient sur le processus de numérisation des revues depuis la fin des années 1990, en ouvrant sur la question des « réseaux d’intelligences » que ce nouveau contexte peut contribuer à créer, et par Benoît Melançon, qui expose à la fois les enjeux auxquels les revues universitaires sont confrontées à l’heure où se pose plus que jamais la question du « libre accès » et le rôle que les presses universitaires peuvent jouer pour favoriser l’adaptation à cette nouvelle réalité. Enfin, la question de l’avenir de notre revue est abordée par celle qui l’incarne, sa nouvelle directrice, Élisabeth Nardout-Lafarge, qui prend le relais au terme de ce numéro.

Avec ce regard porté des deux côtés du seuil, ce volume est parfaitement jubilaire. Il l’est d’abord au sens strict et étymologique puisque le yōbhēi qui en est à l’origine est, depuis l’Antiquité, associé à une fête mosaïque célébrée tous les cinquante ans. Les chrétiens ont repris le mot et associent cette périodicité à l’ouverture exceptionnelle d’une Porte Sainte. Si la revue est loin d’être fermée et murée hors des années jubilaires, l’occasion de cet important anniversaire était trop belle pour ne pas tenter de prendre résolument le parti du passage, celui du témoin entre deux directeurs, et celui du temps : révolu, transitoire et ouvert.