Abstracts
Résumé
Depuis plus de trente ans, l’historien de l’art et philosophe Georges Didi-Huberman s’attache à exposer les conditions d’apparition de l’image et son rapport de plus en plus problématique, « en crise », dirait-il, à la représentation classique. Il s’agit dans cet article d’analyser la façon originale avec laquelle Didi-Huberman regarde une oeuvre d’art, depuis un angle toujours décalé qu’il emprunte à la psychanalyse et tout particulièrement à l’interprétation des rêves. Entre association d’idées et vision « voyante », concentration et attention flottante, l’approche de Didi-Huberman saisit au vol (comme la phalène auquel il fait souvent référence) ce que les historiens positivistes de l’art n’aperçoivent pas toujours dans une oeuvre. Se rapprochant en ce sens de Jacques Derrida qui, se tenant toujours aux abords de l’art, fait voir tout autre chose dans les « dessous » des oeuvres, Didi-Huberman convertit dès lors, par une attention sensible portée à l’écriture, le trouble qui lui vient quand il regarde par exemple un pan de matière brute de peinture dans une toile de Vermeer ou une souche carbonisée. En empruntant la langue des poètes, il cisèle son écriture d’allitérations, donnant ainsi une cadence sonore à son style qui se démarque de celui sans « papillonnage » de ses contemporains. Entre écriture et histoire, poésie et discours, les essais toujours inventifs de Didi-Huberman possèdent une qualité singulière où certaines questions entourant l’enfance, comme dans plusieurs textes de Derrida, semblent insister pour émouvoir le regard et l’écriture.
Abstract
Over the last thirty years, art historian and philosopher Georges Didi-Huberman has been exploring the conditions of appearance of the image and its complicated relationship (“in crisis”) with the classical notion of representation. In this article, we discuss the original ways in which Didi-Huberman looks at a work of art from an unconventional angle, a perspective he borrows from psychoanalysis and more specifically from the interpretation of dreams. Between associations of ideas and a “seeing” vision, concentration and an evenly suspended attention, Didi-Huberman’s approach catches (much like the moth he often refers to) what positivist art historians don’t always see in a work of art. Like Derrida, always standing at the edge of art and showing us something different, Didi-Huberman converts, by paying careful attention to writing, the disturbance he feels when he sees a patch of pure paint in a painting by Vermeer or a burnt wood stump. Borrowing the language of poets, he chisels his writing by means of alliterations, giving a rhythm to his style that stands out among his contemporaries. Between writing and history, poetry and discourse, Didi-Huberman’s inventive essays have a singular quality in which certain questions regarding childhood, recalling some of Derrida’s writings, seem to persist and change how one looks and writes.