Abstracts
Résumé
À côté d’Ubu, des Minutes de sable mémorial et de ses grands romans, Alfred Jarry est le librettiste d’une douzaine d’opérettes-bouffes destinées à Claude Terrasse. En 1906, il place trois de ces opérettes, avec de petits Ubu, dans une collection qu’il intitule Théâtre mirlitonesque, semblant affirmer leur statut mineur. Il est vrai que les opérettes et les chansons ubuesques sont pleines de vers qu’on peut regarder comme « mauvais », qui mettent la règle métrique et les principes de la bienséance et du bon goût à distance. Ce sont les vers bouffons d’une poésie qui se nourrit de jeux de mots, parfois grossiers, où la définition de la rime frôle celle du calembour, modèle de comique sans esprit. Pourtant, c’est à un renversement des échelles de valeurs que Jarry invite en associant étroitement, dans son discours critique, le mirliton, l’écriture bouffe et l’idée de la poésie. Et si le vers mirlitonesque n’était pas « mauvais », mais seulement autre, et doté de pouvoirs de représentation supérieurs ? Et si le rire « bouffe » était le signal de sa haute qualité poétique ? L’élection du calembour au titre de figure emblème d’un dire poétique nouveau par Jarry n’est pas une boutade. Elle implique un point de vue sur le langage, où l’écho est signifiant. Elle tend à découvrir, sous couvert de poésie pour rire, une nouvelle idée du poème, conçu comme une petite machine à créer de drôles de rapports.
Abstract
Alongside Ubu, Minutes de sable mémorial and his great novels, Alfred Jarry also wrote the librettos of a dozen comic operas for Claude Terrasse. In 1906, he put three of these operettas with short Ubu pieces into a collection that he called Théâtre mirlitonesque, a title that seems to confirm their status as minor literature. It is true that the operettas and the Ubu songs are full of lines that might be considered “bad,” departing from the poetic metre and the principles of decency and good taste. These are comic verses that feed on wordplays (some of them coarse), for which the definition of rhyme comes close to pun as the lowest form of wit. And yet, in his critical writings, Jarry draws a close parallel between the swazzle, comic writing and the idea of poetry, inviting the reader to admit a switch of conventional values. What if this verse were not “bad” but simply different, and endowed with superior powers of representation? What if the belly-laugh were an indicator of its high poetic quality? Jarry’s choice of the pun as the emblematic figure of a new poetic diction is a serious issue. It implies a view on language in which echoes are meaningful. It leads to the discovery, in the guise of humorous verse, of a new idea of what a poem is—a little device designed to create unexpectedly weird connections between words.