Abstracts
Résumé
Dans son oeuvre critique, Gilles Marcotte revient constamment sur la question de l’étrangeté de la poésie. À la suite d’un débat sur l’identité canadienne-française, au début des années 1950, il fait l’éloge de l’hermétisme en poésie pour promouvoir une nécessaire ouverture à ce qui dépasse les définitions. Dans Une littérature qui se fait, son premier livre de critique, paru en 1962, l’étrangeté prend la forme d’une aliénation et le motif de « l’exil » permet d’esquisser une histoire en cours de la littérature canadienne-française. Cette description est développée, en 1969, dans Le temps des poètes, qui porte surtout sur la poésie publiée par les Éditions de l’Hexagone, maison dont Marcotte suit de près l’évolution à partir de sa fondation en 1953. L’« aventure » de l’Hexagone témoigne selon Marcotte d’un affranchissement de l’aliénation par la parole. Sous cet angle, l’étrangeté de la poésie paraît désigner ce qui doit être combattu. Or Marcotte retrouve rapidement sa perspective de départ en valorisant ce qui échappe aux réponses : il fait valoir la part négative de la modernité poétique, qu’il étudie plus particulièrement, d’un point de vue sociocritique, chez Rimbaud, et à laquelle il rattache notamment l’oeuvre romanesque de Réjean Ducharme. Marcotte revient souvent sur la figure de Saint-Denys Garneau, d’Une littérature qui se fait jusqu’à son dernier livre, La littérature est inutile, paru en 2009. L’une des questions que soulève la poésie de Garneau est celle de la distinction entre l’étrangeté poétique et le mystère religieux. Se penchant sur l’oeuvre de plusieurs autres poètes, Marcotte refuse de quitter le terrain littéraire et fait du principe de contradiction le lieu d’une étrangeté essentielle qu’il s’agirait de préserver.
Abstract
In his critical work, Gilles Marcotte constantly returns to the question of the strangeness of poetry. Following a debate on the French-Canadian identity in the early 1950s, he lauded obscureness in poetry as sparking the necessary openness that goes beyond definitions. In Une littérature qui se fait, his first book of criticism published in 1962, strangeness takes the form of alienation and the “exile” motif makes it possible to sketch out a history through French-Canadian literature. This approach was developed in 1969 in Le temps des poètes, focusing mainly on poetry published by Éditions de l’Hexagone, the publishing house whose evolution Marcotte followed closely from the time of its founding in 1953. Marcotte saw the Hexagone adventure as a freeing from alienation through words. From this perspective, the strangeness of poetry seems to signal what must be confronted. Marcotte quickly found his point of departure in acknowledging that which eludes answers: recognizing the negative aspect of poetic modernity presented from his socio-critical point of view, with Rimbaud, and particularly exemplified in the novels of Réjean Ducharme. Marcotte returned often to the figure of Saint-Denys Garneau, to Une littérature qui se fait up to his last book, La littérature est inutile, published in 2009. One of the questions raised by Garneau’s poetry is the distinction between poetic strangeness and the religious mystery. In examining the work of several other poets, Marcotte refused to leave the literary terrain and the contradiction principle would assert an essential strangeness worth preserving.