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Marcel Mauss et les Inuit

La revue Études/Inuit/Studies ayant choisi de consacrer ce numéro à Marcel Mauss, je vais m’efforcer d’éclairer le lecteur sur ce choix. Durant ses 30 années d’existence, elle n’a en effet accordé un tel privilège qu’à Franz Boas (Dans les traces de Boas, 100 ans d’anthropologie des Inuit; vol. 8[1], 1984), le père de l’anthropologie américaine[1], à Knud Rasmussen (L’oeuvre de Knud Rasmussen, vol. 12[1-2], 1988) le plus grand ethnographe des Inuit, et plus récemment, à un pionnier de la préservation des langues et des savoirs autochtones dans le nord, Michael Krauss (vol. 29[1-2], 2005).

Mauss est reconnu pour avoir établi l’ethnologie au rang de discipline universitaire en France, durant l’entre-deux guerres mondiales, mais il fait plutôt figure d’ethnologue en chambre pour ce qui touche l’anthropologie des Inuit, car il n’a jamais mis les pieds chez eux, ni étudié véritablement leur langue ou les collections ethnographiques les concernant. Polyglotte, il avait néanmoins tout lu ce qui avait été publié sur ce peuple jusqu’en 1905. C’est ce qui lui permit (avec la collaboration de Henri Beuchat), d’écrire la première et «[] seule publication savante dans laquelle une théorie sociologique spécifique a été construite à partir de données concernant les Inuit», pour emprunter la formule d’Asen Balikci (1989: 105, ma traduction). Il s’agit de l’«Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos. Étude de morphologie sociale» de Mauss, paru il y a 100 ans (1906).

L’anthropologie maussienne versus l’anthropogéographie allemande

Avec cette oeuvre célébrée en son temps, Mauss ouvrait de nouvelles et intéressantes perspectives à l’ethnographie des Inuit; il proposait aux chercheurs en sciences humaines des hypothèses stimulantes qui se démarquaient des courants dominants de l’époque, en particulier de l’anthropogéographie de Ratzel. Il participait à l’émergence d’un courant de pensée qui fut d’abord désigné sous le nom d’école sociologique française sous l’impulsion de Durkheim, puis d’école ethnologique française sous la sienne. Elle se caractérise par une approche holiste des sociétés, qui privilégie le fait social total où parenté, organisation sociale, organisation économique, système de croyances, organisation religieuse et mythologie entretiennent des rapports structurés, courant qui préfigure sous plus d’un aspect l’anthropologie structurale développée par Claude Lévi-Strauss[2].

Le génie de Mauss fut de comprendre, en lisant la compilation des notes de terrain du capitaine Comer, éditée par Franz Boas (1901), que la vie religieuse des Inuit était marquées par le dualisme saisonnier (hiver/été). Il y avait une période hivernale, commençant avec l’englacement marin et finissant avec la pleine lune de mars, à la naissance des bébés phoques, période où les tabous (prescriptions et prohibitions) étaient les plus stricts et les plus nombreux. Une seconde période couvrait le reste de l’année, où les règles étaient plus souples. Mauss mit en rapport ces données religieuses avec celles sur l’habitat de l’anthropogéographe danois Hans-Peder Steensby, disciple de Ratzel. Il montrait dans sa thèse de doctorat (1905)[3] comment les Inuit s’étaient adaptés aux conditions géographiques de l’Arctique, en se concentrant l’hiver dans quelques grands établissement et en se dispersant l’été en de nombreux petits campements.

En utilisant notamment les observations de Boas (1888) sur les grandes fêtes inuit du solstice d’hiver, Mauss élabora sa théorie du «communisme» hivernal inuit, parental, sexuel, économique, juridique et religieux, qu’il considère comme une quintessence de la vie sociale; «communisme» dont les Inuit se reposent durant la saison estivale, en vivant alors sur un mode individualiste. Mais ni Boas, ni Steensby, ni Ratzel n’avaient la formation et les connaissances en sciences religieuses, qui faisaient l’originalité et la force de la pensée de Mauss, sans compter l’étendue de ses lectures. L’enquête ethnographique de Boas sur la Terre de Baffin avait été un demi-échec[4]; il compensa ce handicap et sa méconnaissance de l’inuktitut en faisant travailler les capitaines Comer et Mutch, ainsi que le Révérend Peck qui tous les trois parlaient suffisamment la langue des Inuit pour recueillir leur tradition orale. Il ne revint jamais sur le terrain inuit et son intérêt scientifique se déplaça progressivement vers la côte Nord-Ouest de l’Amérique.

Une question importante reste cependant en suspens: pourquoi ce brillant essai n’a-t-il pas suscité, en son temps, chez les ethnologues français, des recherches sur le terrain pour en vérifier les hypothèses, ou de nouveaux développements théoriques? Je voudrais proposer quelques éléments de réponse à cette question difficile, en m’appuyant sur des documents retrouvés récemment dans les archives du Collège de France (Fonds Hubert-Mauss), sur l’incontournable biographie de Marcel Mauss, par Marcel Fournier (1994), et sur mon expérience de chercheur arctique, formé en France auprès d’anciens élèves ou collègues de Mauss[5], et en Amérique du Nord, avec de grands ethnographes de l’Arctique, contemporains de Mauss[6], ou avec les nombreux inuitologues de ma génération que j’ai eus comme professeurs, collègues ou amis[7], sans compter les amis et collègues américains, danois, hollandais ou allemands et autres, rencontrés lors des congrès internationaux d’Études Inuit.

Ethnographie de terrain versus anthropologie en chambre

Mauss valorisait au plus haut point l’ethnographie de terrain, même si lui-même n’eut jamais l’occasion d’en faire[8]. Le cours annuel qu’il dispensa sous le titre d’«Instructions d’ethnographie descriptive» à l’Institut d’Ethnologie de l’Université de Paris, entre 1926 à 1939, en témoigne; on en retrouve le contenu dans son ouvrage Manuel d’Ethnograhie (1947), assemblé à partir des notes de cours de son étudiante Denise Paulme. Il s’efforça pendant les 30 années qui suivirent la publication de l’Essai de motiver ses étudiants pour qu’ils aillent étudier sur le terrain, les Inuit et les autres peuples de l’Arctique. Ses efforts furent malheureusement contrariés par plusieurs évènements dramatiques:

  • la disparition tragique, en 1913, de Henri Beuchat, qui avait collaboré à l’«Essai»;

  • la seconde guerre mondiale qui contraignit Paul-Émile Victor, le plus prometteur des jeunes inuitologues français, à abandonner en 1940 son projet de mission ethnographique chez les Inuit de Thulé (Groenland), en s’engageant dans l’armée américaine où il devint un spécialiste de la logistique arctique;

  • l’exécution de deux autres collaborateurs de Mauss après leur emprisonnement par les Allemands et leur condamnation pour avoir participé à un réseau de résistants au Musée de l’Homme: Anatole Lewitsky, qui préparait avec Mauss une thèse sur le chamanisme sibérien et Boris Vildé, responsable des collections arctiques au Musée de l’Homme.

Pour Mauss, les peuples de l’Arctique faisaient partie des peuples archaïques dont l’étude était indispensable au développement de la réflexion anthropologique. Il leur accorda près du quart de ses conférences pendant les 32 ans passés à l’École Pratique des Hautes Études, dans la section des Sciences Religieuses.

C’est Marius Barbeau qui recommanda la candidature de Beuchat à la Division d’Anthropologie de la Commission Géologique du Canada, quand elle voulut recruter un responsable de la recherche ethnographique pour l’Expédition Arctique Canadienne, dirigée par Vilhjalmur Stefansson. Il avait connu Beuchat à Paris, au séminaire de Mauss (1908-1910), pendant ses études doctorales en Europe. Beuchat obtint le poste et se prépara à vérifier les thèses de Mauss chez les Inuit du Cuivre, avec Diamond Jenness, pour le seconder. Mais voilà que le bateau de l’expédition — le Karluk — fut immobilisé par la banquise et se mit à dériver vers la Sibérie, avant d’être disloqué par les glaces et de sombrer. Beuchat ainsi que plusieurs autres membres de l’équipe, tentèrent bien de rejoindre à pied l’île Wrangel qui était en vue, mais ils disparurent sans laisser de traces. Jenness, qui remplaça Beuchat au pied levé comme responsable du programme ethnographique, n’avait ni sa formation, acquise auprès de Mauss, ni sa sensibilité. Il n’est donc pas surprenant de lire sous sa plume un jugement très critique sur la théorie de Mauss:

En autant que les Esquimaux du Cuivre sont concernés, la brève description qui a été donnée de leur vie durant les deux saisons, suffisent à infirmer cette théorie [celle de Mauss]. Les changements dans leur environnement, il est vrai, produisent des changements importants dans leur vie économique […] mais leur organisation sociale et leur vie religieuse continuent de façon inchangée durant les deux périodes.

Jenness 1922: 143, ma traduction

La disparition de Beuchat affecta beaucoup Mauss comme aussi celle de plusieurs autres de ses collaborateurs et élèves, tués pendant la première guerre mondiale et enfin celle d’Émile Durkheim (1917), son oncle et maître. Il reprit néanmoins son enseignement en 1920 et publia en 1925 son «Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques». Ce dernier dépassa en notoriété et éclipsa l’essai sur les «Eskimos» dont il constitue sous plusieurs angles un développement; éclipse à laquelle contribuèrent également la publication des rapports des grandes expéditions scientifiques chez les Inuit canadiens, ceux de l’Expédition Arctique Canadienne, 1913-1918, et ceux de la Ve Expédition de Thulé, 1921-1924, dirigée par Rasmussen. Ces rapports devinrent les nouvelles références internationales sur les Inuit. Cependant, peu après la publication de son «Essai sur le don», Mauss eut la surprise de recevoir une lettre de Jenness, datée de juillet 1925, qui faisait amende honorable; en voici quelques extraits:

Avec le recul du temps, et peut-être un peu plus de sagesse, j’en suis arrivé à la conclusion que je connais vraiment très peu de chose sur les Inuit, malgré les trois années que j’ai vécues avec eux et qu’un philosophe en chambre que la plupart des chercheurs de terrain méprisent fréquemment a un point de vue sur une culture indigène plus juste et plus équilibré que quelqu’un qui est sur le terrain. Si je pouvais réécrire mon livre sur les Inuit du Cuivre, il y a beaucoup de choses sur lesquelles je serais moins affirmatif, et beaucoup aussi qui demanderaient à être radicalement révisées. Je suis heureux que vous n’ayez pas pris trop au sérieux mon agitation contre votre théorie. Je continue à penser que la question reste ouverte, mais que la théorie était indiscutablement valable. Elle m’a ouvert les yeux sur de nombreuses choses qu’autrement j’aurais négligées. Si Beuchat avait survécu, il n’aurait jamais fait les erreurs que j’ai faites et il aurait eu un regard beaucoup plus profond sur la culture inuit […].

Archives du collège de France, Fonds Hubert-Mauss, ma traduction

Relève puis déclin de l’ethnographie française en pays inuit

Après son élection au Collège de France à une chaire de sociologie (1931), Mauss connut une notoriété accrue et il disposa des moyens nécessaires, par les enseignements qu’il cumulait, pour former de bons ethnographes : Paul-Émile Victor fut l’un d’entre eux. Après avoir suivi ses cours, il partit en 1934 avec un autre jeune chercheur, le Docteur Robert Gessain, accompagnés d’un géologue et d’un cinéaste pour passer une année à Angmassalik, sur la côte Est du Groenland[9]. Victor était en charge de l’enquête ethnographique et Gessain de l’anthropologie biologique et de la démographie. L’année suivante Victor décida d’y passer une seconde année, seul, chez les Inuit d’Angmassalik, dont il avait appris la langue et partageait la vie. Gessain, quant à lui, se vit offrir un poste de pensionnaire à l’École Française de Mexico pour aller étudier les Indiens du plateau central. Mauss attendait beaucoup de Victor qui démontrait des qualités d’ethnographe exceptionnelles. Après une riche moisson de données ethnographiques celui-ci revint avec une imposante collection d’objets pour le Musée de l’Homme. Mauss fut impressionné par ces résultats et appuya son projet de préparer pour 1940 une nouvelle expédition chez les Inuit, mais à Thulé cette fois-ci, chez le groupe humain le plus septentrional, au nord-ouest du Groenland. On en trouve mention dans une lettre que Victor adressa à Mauss le 30 juillet 1939.

Mauss avait appuyé la candidature de Victor pour donner au Collège de France la prestigieuse conférence annuelle financée par la Fondation Loubat; elle avait été programmée pour l’hiver 1940, avant son départ pour Thulé. La guerre vint contrarier tous ces plans et annihiler pour la seconde fois un grand projet de recherche ethnographique français sur les Inuit, encouragé par Mauss. Celui-ci ne se remit jamais des épreuves subies durant cette guerre. Diminué physiquement et psychologiquement il resta en retrait de l’enseignement et de la recherche qu’il avait jusque-là animés avec tant de zèle. Plusieurs de ses anciens élèves et collaborateurs tentèrent d’assurer la relève.

En 1947, André Leroi-Gourhan, ancien élève de Mauss, fut nommé sous-directeur au Musée de l’Homme où il créa le Centre de Formation à la Recherche Ethnologique (CFRE). Il y accueillera plusieurs jeunes chercheurs dont Jean Michéa (1950), géographe qui avait passé une année chez les Inuit du Caribou et ira enseigner l’ethnologie à Lyon, Claude Desgoffe (1951) qui passera deux années au Danemark avec Kaj Birket-Smith, avant de mourir noyé (1955) aux îles Belcher, au cours d’une mission ethnographique canadienne, Jean-François Le Mouël, de formation géographique qui passera une année dans une communauté inuit insulaire à l’ouest du Groenland avant de s’orienter vers l’archéologie préhistorique; et enfin Patrick Plumet qui fera carrière au Canada comme archéologue préhistorique. Chacun d’entre eux contribua à faire avancer les connaissances mais avec des perspectives beaucoup plus étroites que celle adoptée par Mauss.

En 1949, Claude Lévi-Strauss fut nommé lui aussi sous-directeur au Musée de l’Homme, avant d’être élu en 1950 à l’École Pratique des Hautes Études, Section des sciences religieuses, à la chaire des «Religions comparées des peuples non civilisés»[10] qu’avait occupée Mauss. Peu après, Éveline Lot-Falck qui avait suivi les derniers cours de Mauss, entra au CNRS et fut chargée du département des peuples arctiques au Musée de l’Homme. Elle sera par la suite élue à l’École Pratique des Hautes Études, Section des sciences religieuses, à une chaire sur les «Religions comparées des peuples arctiques» (1963).

Quant à Paul-Émile Victor, revenu en France en 1947 avec ses galons d’officier de l’armée américaine, il préférera créer les Expéditions Polaires Françaises consacrées à la logistique des missions scientifiques polaires, grâce à l’aide du gouvernement français, plutôt que de reprendre un cursus académique en s’appuyant sur les études inuit[11] qui redevinrent pour l’ethnologie française comme un terrain en friche, 40 ans après l’essai sur les «Eskimos». Victor confia à son ami Gessain ses archives ethnographiques sur Angmassalik, avec l’espoir qu’elles puissent servir un jour[12], mais Gessain travaillait maintenant à l’Institut National d’Études Démographiques et exerçait comme psychanalyste; et s’il avait bien le projet de rédiger une thèse de doctorat sur les Inuit d’Angmassalik, c’était en anthropologie biologique.

À la mort de Mauss, en 1950, il y avait encore un grand vide institutionnel en ce qui concerne l’encadrement de l’enseignement et de la recherche sur les Inuit en France. Même si l’oeuvre de Mauss suscitait un regain d’intérêt comme le prouve la publication cette même année de ses principaux essais sous le titre de Sociologie et anthropologie, avec une longue introduction de Claude Lévi-Strauss. «L’Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos» n’y figure pas. Il faudra attendre encore 16 ans avant qu’il ne soit inclus dans la troisième édition de l’ouvrage, et 29 ans pour que paraisse une traduction anglaise de cet essai par James Fox (1979).

Anthropogéographie malaurienne versus anthropologie maussienne

En marge de cette dispersion des efforts individuels français pour redonner vie à l’ethnologie des Inuit et des peuples arctiques initiée par Mauss, apparaît un jeune chercheur dont le profil contraste avec celui de ses prédécesseurs. Jean Malaurie, qui est géomorphologue, veut se spécialiser dans l’étude des éboulis post-glaciaires et vient d’entrer au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) avec l’appui d”Emmanuel de Martonne (1947). Il apprend alors que se prépare la première mission scientifique au Groenland des Expéditions Polaires Françaises, sous la direction de Paul-Émile Victor. Il réussit à s’y intégrer comme géomorphologue et effectuera deux missions dans ce cadre, mais il s’y trouve très vite à l’étroit. Lui qui rêve de défis à sa mesure, de solitude héroïque et de responsabilités sans partage, démissionne des Expéditions Polaires Françaises (décembre 1949) et va réussir en quelques années à ouvrir un immense chantier chez les Inuit et les peuples arctiques, comparable à celui ouvert par Mauss entre 1906 et 1940. Ce chantier se caractérise par un retour à l’anthropogéographie, d’inspiration ratzelienne, mais marquée au coin de sa propre personnalité, teintée de romantisme allemand, de passions faustiennes et d’idées nietschéennes (Malaurie 1999). On revient aux forces telluriques. Avec l’aide du CNRS, Malaurie (1999, I: 83) organisa un vaste programme d’«Expédition géographique et ethnographique française dans le nord du Groenland pour 1950-1951» chez les Inuit de Thulé, là où avait voulu se rendre Victor en 1940. En plus de vouloir étudier les «éboulis» rocheux, sujet de sa thèse de doctorat, il voulait faire une thèse complémentaire en démographie, une des composantes de la «morphologie sociale» étudiée par Mauss. Lors de leur première rencontre avec des Occidentaux, en 1818, les Inuit de Thulé avaient affirmé au capitaine John Ross qu’ils se croyaient seuls au monde. On en conclut qu’ils avaient vécu en complet isolat pendant deux siècles. Malaurie partit de cette idée et avec l’aide de l’historien Lucien Febvre et de démographes de l’INED, il élabora son projet.

À son retour, les généalogies qu'il avait recueillies furent analysées avec l’aide du démographe Léon Tabah et du généticien Jean Sutter et ils publièrent ensemble deux articles dans la revue de démographie Population, qui firent grand bruit. Avec l’exemple des Inuit de Thulé, le seuil numérique minimal d’un isolat de population n’était plus de 500 personnes, comme on le croyait jusqu’alors, mais de 300 personnes. Malaurie (1999, I: 118) avouera plus tard que ses prémisses, à l’origine de son projet de recherche, étaient fausses parce que l’isolat n’était pas étanche. Mais ces articles qui parurent en 1952 et en 1956 l’établirent comme le nouveau spécialiste des Inuit, dans le champ de la «morphologie sociale», terme qui recouvrait alors la démographie et l’écologie humaine, auquel il substitua celui d’anthropogéographie.

Malaurie publia en 1955 un récit de voyage romancé rempli de dialogues intimistes, chez l’éditeur Plon, qui lui confia la direction d’une nouvelle collection, au titre très anthropogéographique de Terre humaine. Elle allait connaître un des plus grands succès d’édition des sciences humaines. Malaurie se présentait encore comme géographe et publiait dans des revues de géographie, mais son ambition le poussait vers des horizons plus larges, les sciences humaines. Cette même année il réussit à convaincre Claude Lévi-Strauss d’écrire pour sa collection un ouvrage sur ses expériences ethnographiques en Amérique du sud (cf. Lévi-Strauss 1955). Le livre fut écrit en quatre mois et devint un des ouvrages cultes de la collection. Deux ans plus tard Lucien Febvre et Claude Lévi-Strauss acceptèrent de parrainer la candidature de Malaurie pour un poste de directeur d’études à la VIe section des sciences économiques et sociales de l’École Pratique des Hautes Études. Malaurie fut élu avec pour mission de mener une étude anthropogéographique des sociétés en conditions extrêmes et créa aussitôt le Centre d’Études Arctiques et la revue Inter Nord. Il exerça autour de lui par son enseignement, par les thèses et les recherches qu’il dirigea, par la collection Terre Humaine aussi, une présence tous azimuts dans les média et un véritable pouvoir en ce qui concerne les études inuit et celles des autres peuples arctiques, dans un esprit assez proche de ce que Hamon et Rotman (1981) décrivent dans leur livre Les intellocrates. Loin de fédérer ethnologues, géographes, linguistes et autres chercheurs en sciences humaines intéressés par les études inuit et travaillant dans d’autres équipes ou laboratoires, il les cantonna chacun dans son domaine ou son institution, gelant par là l’héritage maussien.

D’autres possibilités d’encadrement pour les études inuit existaient toutefois à Paris, que ce soit au Musée de l’Homme avec Leroi-Gourhan († en 1986) ou avec Robert Gessain († en 1986), à l’École Pratique des Hautes Études (Ve Section) avec Éveline Lot-Falck († en 1973), ou à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales quand débuta dans les années 1980 un enseignement de langue et culture inuit avec Michèle Therrien (devenue professeure des universités en 2000), au CNRS avec Joëlle Robert-Lamblin, ou au Muséum d’Histoire Naturelle avec Pierre Robbe. Mais, il y avait peu de contacts entre ces divers chercheurs et encore moins avec le Centre de Jean Malaurie. On était loin de l’esprit de Mauss.

Au Québec, un retour à la pensée de Mauss

Paradoxalement, c’est hors de France que s’est opéré principalement le retour à Mauss et à son essai sur les Inuit, et ce principalement au Québec. Dès 1968, j’avais créé à l’Université Laval une équipe de recherche sur les Inuit qui prit le nom d’Inuksiutiit. Celle-ci devint en 1974 l’Association Inuksiutiit Katimajiit, à l’origine de la revue Études/Inuit/Studies (1977), puis des Congrès biennaux d’Études Inuit (1978), enfin du Groupe d’Études Inuit et Circumpolaires (1987) qui se transforma en 2004 en Centre Interuniversitaire d’Études et de Recherches Autochtones (CIÉRA). Dès le départ l’accent fut mis sur l’importance de la langue inuit, l’ethnographie de terrain et le caractère holiste de la recherche. On notera aussi une importante emphase mise sur l’étude des phénomènes religieux et du symbolisme, si prisés par Mauss, emphase renforcée par la venue de Frédéric Laugrand, qui dirige actuellement le CIÉRA.

Parallèlement, Marcel Fournier, sociologue de l’Université de Montréal, mettait en chantier dès les années 1980 sa magistrale somme biographique sur Marcel Mauss. Lorsqu’il organisa en 1997 au Collège de France un colloque intitulé «L’héritage de Marcel Mauss», Fournier m’invita à y présenter une communication sur «Mauss et l’anthropologie des Inuit»[13]. Ce fut pour moi l’occasion d’aller faire des recherches dans la correspondance de Mauss conservée à cette époque dans les archives du Collège de France. L’année suivante je fus invité par la direction du futur Musée du Quai Branly à faire partie du Comité Amériques chargé de travailler à la préconfiguration de la section du Musée consacrée à cette aire. Comme l’ouverture du Musée était prévue pour 2006, je proposais à la direction d’y tenir cette année-là le 15e Congrès d’Études Inuit qui coïnciderait avec le centenaire de la publication de l’essai de Mauss sur les «Eskimos». La proposition fut accueillie chaleureusement; puis elle fut entérinée par l’Association Inuksiutiit Katimajiit, proposée et acceptée par les participants au 14e congrès d’Études Inuit, à Calgary, en 2004, qui chargèrent Michèle Therrien et son équipe de collaborateurs de l’INALCO d’en assumer la réalisation. Elle partagea cette responsabilité avec une géographe humaine, Béatrice Collignon, qui avait fait des recherches sur le terrain chez les Inuinnait, ceux-là mêmes qu’avait voulu étudier Beuchat; et avec Nicole Tersis, une linguiste spécialiste de la langue inuit parlée à Angmassalik.

C’est ainsi que le congrès eut lieu à Paris en octobre 2006 et connut un franc succès avec plus de 400 participants, parmi lesquels une bonne représentation inuit en provenance d’Alaska, du Nord canadien et du Groenland. Un atelier fut consacré à l’influence de Marcel Mauss sur l’anthropologie des Inuit, auquel participèrent quatre des auteurs de ce numéro. On peut penser que ce congrès a marqué comme un retour à l’anthropologie maussienne. De plus, depuis quelques années, une association d’étudiants a vu le jour à Paris, l’Association Inuksuk, qui saura, espérons-le, retrouver la collaboration interdisciplinaire et le dynamisme qui caractérisèrent les études inuit en France durant l’entre-deux guerres.

Mauss hors de France et aux confins de l’anthropologie classique

Pour terminer cette introduction, je dirai quelques mots des contributions à ce numéro qui démontrent que l’intérêt pour l’essai de Mauss déborde les frontières de la France et celles de l’anthropologie classique. Ceci devrait ouvrir la voie à de nouveaux débats.

On trouve tout d’abord dans le numéro l’analyse du géographe culturel et historien des sciences Michael Bravo, professeur au département de Géographie de l’Université de Cambridge et chercheur au Scott Polar Research Institute. Il nous présente une intéressante théorie sur le contexte dans lequel fut écrit l’«Essai». À l’anthropogéographe allemand Ratzel qui valorisait l’individualisme, la compétition et l’expansion industrielle, justifiant l’expansion territoriale (Lebensraum) et coloniale, dans un Empire prussien triomphant où l’évolutionnisme conforte le nationalisme et l’anti-sémitisme, Mauss oppose une approche ethnologique de la «morphologie sociale» privilégiant les valeurs collectives chères à l’idéologie républicaine française et un rapport de réciprocité et de symbiose entre les groupes humains et leur milieu. On connaît les liens étroits qu’entretenait Mauss avec ses collègues d’Oxford et de Cambridge et c’est en Angleterre que son essai a été traduit et le plus cité.

Jarich Oosten, anthropologue structuraliste hollandais, est professeur au département d’Anthropologie de l’Université de Leiden. Il s’intéresse depuis longtemps aux pratiques rituelles, aux représentations et à la mythologie des Inuit de l’Arctique canadien chez lesquels il se rend régulièrement. Il nous présente ici un important concept théorique, celui de «champ d’étude anthropologique» qui a été défini et utilisé par les anthropologues de Leiden J.P.B. de Josselin de Jong et P.E. de Josselin de Jong en s’inspirant de l'«Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos» de Mauss. Mauss a été en effet un des premiers à faire une réflexion théorique sur les Inuit à partir d’une comparaison régionale, en faisant ressortir un principe de variations à portée universelle. À cette étude des régularités observées entre certains aspects de la vie sociale, le structuralisme ajoutera celle de la logique des différences (Blaisel et Muller 1997). Il est intéressant de découvrir cette influence de Mauss sur l’anthropologie structurale hollandaise quand on sait qu’il fit un séjour de quatre mois en 1898 à l’Université de Leiden. Des liens étroits existaient en effet entre la Section des Sciences religieuses de l’École pratique des Hautes Études — où enseignait Mauss — et l’école hollandaise des sciences religieuses, née de la transformation des anciennes facultés de théologie protestantes en facultés laïques de théologie, dont elle s’inspira (Fournier 1994: 84). Mauss se passionnait comme ses collègues allemands, anglais et hollandais pour la philologie védique bien implantée à Leiden.

Yves Labrèche, ethno-archéologue québécois, est associé à la Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse au Collège universitaire de Saint-Boniface à Winnipeg, où il enseigne. Il possède un doctorat en anthropologie de l’Université de Montréal et a participé à de nombreuse campagnes de fouilles et enquêtes ethnographiques en territoire inuit, au Nunavik et au Labrador. Il nous présente ici une intéressante contribution à l’ethnographie de l’alimentation et du partage alimentaire avec ses variations saisonnières et conjoncturelles. Je suis d’autant plus sensible à son article que j’ai été associé, il y a 40 ans, à une enquête alimentaire qui a porté sur une année (1965-1966) dans le principal village d’où proviennent les données de Labrèche (Malgrange et Saladin d’Anglure 1967). Nous y avions évalué à 10% la quantité de nourriture consommée lors des visites dans les autres familles ou par les visiteurs, dans la famille; et nous avions pu calculer la part exacte de la consommation d’aliments traditionnels et d’aliments importés. Plusieurs ethnographes ont déjà souligné que la dispersion estivale n’excluait pas une consommation collective dans les petits camps de chasse de trois ou quatre familles. De même, nos observations, comme celles de Pierre Robbe à Angmassalik, montraient que les gros gibiers étaient partagés systématiquement entre toutes les unités domestiques dans les camps de chasse. Voilà donc un chantier que Labrèche a le mérite d’avoir ouvert et qui a tout intérêt à être abordé avec une approche maussienne et dans une perspective historique. «Communisme» économique, partage immédiat ou différé, stockage, variations saisonnières, abondance, pénurie ou famine, autant de variables pertinentes dans une société qui tire encore une part non négligeable de sa subsistance des ressources locales. En ce qui concerne les changements récents, il faudrait aussi prendre en compte la multiplication des cabanes de chasse ou de pêche, et la rapidité des déplacements avec quatre-roues, motoneiges ou canots à moteurs hors-bord qui constituent les nouveaux éléments de l’économie alimentaire. Mauss aurait été très intéressé par ce type de recherche.

Anja Nicole Stuckenberger, anthropologue d’origine allemande, a obtenu un doctorat en anthropologie des Universités d’Utrecht et de Leiden. Elle est présentement titulaire d’une bourse post-doctorale Stefansson à l’Institut d’études arctique de Dartmouth College, aux Etats-Unis. Sa thèse Community at play: Social and religious dynamics in the modern Inuit community of Qikiqtarjuaq, a été publiée en 2005 et sa contribution s’en inspire. Elle concerne les champs de prédilection de Mauss dans son essai et ses travaux importants: le social et le religieux. Elle nous offre aussi les données les plus récentes sur les variations saisonnières dans un établissement inuit, observées pendant plus d’une année. Ce qui veut dire que son étude intègre et la vie sédentaire dans un village moderne avec écoles, églises, magasins, etc., et la vie nomade dans les petits camps de chasse et de pêche saisonniers. Elle discute aussi des croyances traditionnelles enracinées dans le passé ainsi que des rites et croyances importés par diverses confessions chrétiennes. Elle utilise la théorie de Mauss comme un outil heuristique et en valide sa grande valeur. Il y a selon elle continuité dans le changement. La qualité de ses observation et la finesse de son analyse nous font souhaiter que son exemple soit suivi par d’autres, en d’autres communautés inuit, et qu’elle puisse retourner sur son terrain pour aller encore plus loin dans la théorisation de ses observations.

Peter C. Dawson est un archéologue canadien, professeur au département d’archéologie de l’Université de Calgary, passionné par l’informatique, l’histoire des peuples autochtones de l’arctique et surtout par l’habitat. Il a donc élaboré des modèles en trois dimensions pour reconstituer des habitats anciens et pour étudier un autre domaine auquel Mauss était très sensible et qu’il développe dans son essai comme aussi dans les cours qu’il dispensait à ses étudiants: l’habitation, ses variations saisonnières, ses utilisations familiales restreintes et étendues et ses usages communautaires ou festifs. Dawson a eu l’idée d’enquêter systématiquement sur la façon dont les Inuit actuels s’approprient les maisons préfabriquées importées en les socialisant, en les adaptant à leurs habitudes culturelles, et inversement comment ces maisons peuvent modifier des habitudes ancestrales que Mauss nous a habitué à prendre en compte et qu’il appelle les «techniques du corps», postures, façons de manger ou de travailler. Là encore on peut souhaiter que Dawson intégrera à son analyse les cabanes de chasse ou de pêche qui sont bien souvent les premières générations de maisons préfabriquées qui ont été remplacées, démontées et transportées dans les camps. Elles sont paradoxalement devenue des symboles de la vie traditionnelle, par contraste avec les maisons nouvelles de plus grande taille installées dans les villages. Il s’agit d’une recherche qui en est à ses débuts mais elle est prometteuse et l’outil informatique devrait permettre de modéliser adéquatement les nombreuses variables.

Pour conclure je dirai deux mots de mes propres recherches qui valident l’intuition maussienne du dualisme saisonnier en prouvant que les Inuit divisaient l’année en deux grandes périodes égales séparées par l’axe des équinoxes. Division que l’on décèle dans le système des prescriptions et prohibitions, donc dans le domaine du religieux. Mais ce que Mauss n’a pas su, c’est que ce dualisme saisonnier avec une période ou le soleil culmine et une autre où c’est la lune qui culmine, était pensé à travers un autre dualisme, le dualisme des sexes ou genres. En effet le vocabulaire chamanique révèle, tant à Angmassalik qu’à l’ouest de la baie d’Hudson que le terme pour désigner l’été était construit sur le radical femme ou femelle et que le terme pour désigner l’hiver était construit sur le radical, homme ou mâle. Quand on ajoute à cela que Lune est représentée par un homme et Soleil par une femme, on voit là encore que c’est dans la symbiose de l’environnement naturel et des représentations religieuses que l’on trouve la logique inuit des variations saisonnière. Cette découverte ouvre la voie à d’autres développement comme le chevauchement de la frontière des genres qui est un aspect important du chamanisme (cf. Saladin d’Anglure 2004, 2006)[14].

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Marcel Mauss and the Inuit

Why has Inuit Studies devoted this issue to Marcel Mauss? I will try to explain. During the 30 years of the journal’s existence, this privilege has been granted only to Franz Boas (In Boas’ footsteps: 100 years of Inuit anthropology; vol. 8[1], 1984), the father of American anthropology[15], to Knud Rasmussen (The work of Knud Rasmussen, vol. 12[1-2], 1988), the greatest ethnographer of the Inuit, and, more recently, to a pioneer in preserving the languages and knowledge of northern native peoples, Michael Krauss (vol. 29[1-2], 2005).

Mauss is renowned for establishing ethnology as a university discipline in France during the inter-war era. Yet he was an “armchair anthropologist” with regard to the Inuit, having never set foot among them. Nor did he truly study their language or the ethnographic collections that concern them. Nonetheless, being multilingual, he had read everything published about them up to 1905. This background enabled him (with Henri Beuchat’s assistance) to write the first and “[…] only scholarly contribution where Inuit data have provided the basis for the construction of a particular sociological theory,” to borrow Asen Balikci’s words (1989: 105). The publication was his Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos. Étude de morphologie sociale. It came out 100 years ago (1906).

Maussian anthropology versus German anthropogeography

With this work, which earned renown in his own time, Mauss opened up new and interesting perspectives on Inuit ethnography. He provided social science researchers with stimulating hypotheses that stood out from the conventional thinking of his day, in particular from Ratzel’s anthropogeography. He helped launch a current of thought that was initially dubbed the French sociological school under Durkheim’s leadership and then the French ethnological school under his own. The school took a holistic approach to societies, emphasising the “total social fact” in which a web of structured relationships unite kinship, social organisation, economic organisation, belief system, religious organisation, and mythology. In more than one way, this current of thought heralded the structural anthropology developed by Claude Lévi-Strauss[16].

Mauss’s insight was to understand, by reading a compilation of Captain Comer’s field notes edited by Franz Boas (1901), that Inuit religious life was marked by a seasonal dualism (winter/summer). The winter period began with the ocean freeze-up and ended with the March full moon and the whelping of baby seals, a period when taboos (injunctions and prohibitions) were strictest and most numerous. A second period covered the rest of the year, when the rules were more flexible. Mauss compared the above religious data with residence data collected by the Danish anthropo-geographer Hans-Peder Steensby, a disciple of Ratzel. He showed in his doctoral dissertation (1905)[17] how the Inuit had adapted to Arctic geographical conditions by concentrating during winter in a few large camps and by dispersing during summer into many small camps.

By notably using observations by Boas (1888) on the major Inuit festivities at the winter solstice, Mauss developed his theory of Inuit winter “communism” in parental, sexual, economic, legal, and religious relations, which he deemed to be the quintessence of social life. In summer, the Inuit gave up this “communism” and lived an individualistic lifestyle. Mauss was strikingly original in his thinking because of his training and knowledge in religious sciences. This background was lacking in Boas, Steensby, and Ratzel, who furthermore had not read the literature as extensively as Mauss had. Boas had done ethnographic fieldwork, on Baffin Island, but with no great success[18]. He had coped with his poor performance and poor knowledge of Inuktitut through assistance from Captain Comer and Captain Mutch, as well as from Reverend Peck, all three of whom spoke the Inuit language well enough to collect the oral tradition. He never returned to Inuit territory and his academic interest progressively shifted to the north-west coast of North America.

A key question remains unanswered: why did this brilliant essay fail to spur the French ethnologists of his day to test his hypotheses in the field or to pursue new theoretical developments? To answer this difficult question, I will offer some elements from documents recently found in the Collège de France archives (Fonds Hubert/Mauss), from Marcel Fournier’s seminal biography of Marcel Mauss (1994), and from my experience as an Arctic researcher who studied in France with former students or colleagues of Mauss[19] and in North America with leading Arctic ethnographers who had been his contemporaries[20]. My experience also includes contacts with the many Inuitologists of my generation whom I have had as professors, colleagues, or friends[21], not to mention the friends and colleagues of American, Danish, Dutch, German, or other nationalities whom I have met at international Inuit Studies conferences.

Fieldwork versus armchair anthropology

Mauss greatly valued fieldwork despite never having a chance to do any[22]. We see this in the one-year course that he taught under the title of “Instructions in Descriptive Ethnography” at the Institut d’Ethnologie of the Université de Paris from 1926 to 1939. Its contents appear in his Manuel d’Ethnographie (1947), which had been assembled from the course notes of his student Denise Paulme. During the 30 years that followed publication of the Essai, he tried to motivate his students to study the Inuit and other Arctic peoples in the field. Unfortunately, his efforts were stymied by several dramatic events:

  • the tragic death, in 1913, of Henri Beuchat, who had contributed to the Essai;

  • the Second World War, which in 1940 forced Paul-Émile Victor, the most promising of the young French Inuitologists, to abandon his proposed ethnographic mission to the Thule Inuit (Greenland) and to enlist in the U.S. army, where he became a specialist in Arctic logistics;

  • the execution of two other associates of Mauss after imprisonment by the Germans and condemnation for membership in a network of the Resistance Movement at the Musée de l’Homme: Anatole Lewitsky, who with Mauss prepared a dissertation on Siberian shamanism, and Boris Vildé, who was in charge of the Musée de l’Homme Arctic collections.

For Mauss the Arctic peoples belonged to archaic populations that needed to be studied for the advancement of anthropology. He devoted nearly a quarter of his lectures to them during his 32 years at the École Pratique des Hautes Études in the religious science section.

Marius Barbeau was the one who recommended Beuchat to the anthropology division of the Geological Survey of Canada, which wished to recruit an ethnologist for the Canadian Arctic Expedition, to be led by Vilhjalmur Stefansson. He had known Beuchat in Paris, at seminars taught by Mauss (1908-1910), during his doctoral studies in Europe. Beuchat got the position and set out to test the theses of Mauss among the Copper Inuit with Diamond Jenness as an assistant. Unexpectedly, the expedition’s ship—the Karluk—was caught in ice and began to drift to Siberia, before being broken up by the ice and sinking. Beuchat and several other crewmembers tried to walk to Wrangel Island, which was in sight, but they disappeared without a trace. Beuchat was immediately replaced as ethnologist by Jenness, who had neither Beuchat’s training, acquired under Mauss, nor his sensibility. It was no real surprise that the new ethnologist would harshly criticise the theory propounded by Mauss:

[…] as far as the Copper Eskimos are concerned the brief sketch that has been given of their life during the two seasons suffices to disprove this theory [of Mauss]. Changes in their environment, it is true, produce marked changes in their economic life […]. But their social organization and their religious life continue unchanged during both periods.

Jenness 1922: 143

Beuchat’s death greatly affected Mauss, as had those of several other associates and students of his during the First World War and, finally, that of Émile Durkheim in 1917, his uncle and master. He nonetheless began teaching again in 1920 and in 1925 published his Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques. It surpassed and even eclipsed his “Eskimo” essay, being in some respects a development of the latter. This eclipsing was further aided by publication of reports from the great scientific expeditions to the Canadian Inuit: those of the Canadian Arctic Expedition, 1913-1918, and those of the Fifth Thule Expedition, 1921-1924, led by Rasmussen. The reports became the new international references on the Inuit. Shortly after publication of his Essai sur le don, Mauss was surprised to receive an apologetic letter from Jenness, dated July 1925. Here is an extract:

With passing years, and perhaps a little more wisdom, I have reached the conclusion that I really know very little about the Eskimos, in spite of living amongst them for three years, and that an armchair philosopher whom the average fieldworker too often disdains frequently has a truer and more rounded viewpoint of native culture than the man who is on the spot. If I could rewrite my book on the Copper Eskimos there are many things about which I should be less positive, and many things which would require considerable revision. I am glad you did not take my ebullition against your theory too seriously. I still think the case overdrawn, but the theory was undoubtedly valuable and opened my eyes to many things that I would otherwise have overlooked. Beuchat, had he lived, would not have made the mistakes I have made, and would have seen more deeply into Eskimo culture […].

Collège de France archives, Fonds Hubert-Mauss

Rise and fall of French ethnography among the Inuit

After his election at the Collège de France to a sociology chair (1931), Mauss gained increasing renown and was well positioned, through the learning he had accumulated, to train good ethnographers. One of them was Paul-Émile Victor. After taking his courses, Victor left in 1934 with another young researcher, Dr. Robert Gessain, accompanied by a geologist and a filmmaker for a year at Angmassalik on Greenland’s east coast[23]. Victor handled the ethnographic fieldwork and Gessain the physical anthropology and demography. The next year Victor decided to spend a second year, alone, among the Angmassalik Inuit, having learned their language and shared their life. Gessain was offered a resident position at the École Française de Mexico to study the Indians of the central Mexican highlands. Mauss expected much from Victor, who displayed exceptional ethnographic talents. With an abundant harvest of ethnographic data, he returned with a large collection of objects for the Musée de l’Homme. Impressed, Mauss supported his project for a new Inuit expedition in 1940, this time among the Thule Inuit—the northernmost human population, in north-western Greenland. The project is mentioned in a letter he sent Mauss on July 30, 1939.

Mauss had meanwhile supported Victor’s candidacy for the prestigious annual Collège de France lecture funded by the Loubat Foundation. The lecture had been scheduled for the winter of 1940 before Victor’s departure for Thule. War thwarted all of these plans and again sank a major French ethnographic research project devoted to the Inuit and backed by Mauss. Mauss never recovered from the hardships endured during the war. Physically and psychologically diminished, he shunned the teaching and research that he had hitherto pursued so zealously. Several of his former students and associates stepped in and tried to fill the gap.

In 1947, André Leroi-Gourhan, a former student of Mauss, was appointed as assistant director at the Musée de l’Homme where he created the Centre de Formation à la Recherche Ethnologique (CFRE). He took in several young researchers: Jean Michéa (1950), a geographer who had spent a year among the Caribou Inuit and went on to teach ethnology at Lyon; Claude Desgoffe (1951), who would work two years in Denmark with Kaj Birket-Smith before drowning (1955) off the Belcher Islands during a Canadian ethnographic mission; Jean-François Le Mouël, who was trained as a geographer and would spend a year in an island Inuit community in western Greenland before going into prehistoric archaeology; and finally Patrick Plumet, who would pursue a Canadian career as an archaeologist of prehistory. Each of them would further the advancement of knowledge but with much narrower perspectives than the one adopted by Mauss.

In 1949, Claude Lévi-Strauss was also appointed as assistant director at the Musée de l’Homme, before being elected in 1950 at the École Pratique des Hautes Études, religious science section, to the chair that Mauss had held: “Comparative Religion of Non-Civilized Peoples”[24]. Shortly after, Éveline Lot-Falck, who had attended the last courses taught by Mauss, entered the CNRS and was entrusted with the department of Arctic peoples at the Musée de l’Homme. She would later be elected at the École Pratique des Hautes Études, religious science section, to a “Comparative Religion of Arctic Peoples” chair (1963).

Paul-Émile Victor returned to France in 1947 with the stripes he had earned as a U.S. army officer. Rather than go back to academia and specialise in Inuit studies[25], he went on to create the Expéditions Polaires Françaises, which provided the logistics for polar scientific missions and received funding from the French government. French ethnology had now half-forgotten Inuit studies, 40 years after the “Eskimo” essay. Victor gave a friend, Gessain, his Angmassalik ethnographic archives, hoping they might prove useful one day[26]. But Gessain was now working at the Institut National d’Études Démographiques and was also practising psychoanalysis. He did have plans to write a doctoral dissertation on the Angmassalik Inuit, but it would be in physical anthropology.

When Mauss died in 1950, there was still no teaching and research institution for Inuit studies in France. There was indeed renewed interest in Mauss and his work, as seen in the publication that same year of his main essays under the title Sociologie et anthropologie, with a long introduction by Claude Lévi-Strauss. But the volume failed to include the Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos. This essay did not appear until 16 years later, in the third edition, and 29 years went by before it was translated into English by James Fox (1979).

Malaurian anthropogeography versus Maussian anthropology

Meanwhile, on the fringes of these dispersed individual efforts in France to revive Maussian Inuit and Arctic ethnology, there appeared a young researcher whose profile contrasted with that of his predecessors. Jean Malaurie, a geo-morphologist with an interest in post-glacial talus, entered the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) with the backing of Emmanuel de Martonne (1947). He thereupon learned about the preparations being made for the first scientific mission to Greenland of the Expéditions Polaires Françaises, to be led by Paul-Émile Victor. He managed to be taken on as a geo-morphologist and as such took part in two missions. But very quickly the position lost its allure. He dreamed of challenges commensurate with his abilities, of heroic solitude, and of non-shared responsibilities. He resigned from the Expéditions Polaires Françaises (December 1949) and over several years managed to create an immense research endeavour on the Inuit and Arctic peoples comparable to what Mauss had undertaken between 1906 and 1940. The endeavour had all the hallmarks of a return to Ratzel’s anthropogeography while bearing the imprint of Malaurie’s personality, tinged as it was with German romanticism, Faustian passions, and Nietzschean ideas (Malaurie 1999). Thus back to telluric forces. With assistance from the CNRS Malaurie (1999, I: 83) organised a multi-task “French geographic and ethnographic expedition to northern Greenland for 1950-1951.” The destination would be Thule, where Victor had wished to go in 1940. In addition to studying talus rock debris, the subject of his doctoral dissertation, he wanted to do a complementary dissertation in demography, one of the components of the “social morphology” studied by Mauss. On first encountering Westerners, in 1818, the Thule Inuit had told Captain John Ross that they thought themselves to be alone in the world. It was concluded that they had lived in complete isolation for two centuries. This became Malaurie’s starting point and with assistance from historian Lucien Febvre and INED demographers, he developed his project.

Upon his return, the genealogies he had collected were analysed with the help of demographer Léon Tabah and geneticist Jean Sutter and they together published two articles in the demography journal Population, which were widely commented on. With the example of the Thule Inuit, the minimum numerical threshold for a population isolate was no longer 500 people, as previously thought, but 300 people. Malaurie (1999, I: 118) later admitted that his initial research premises were wrong because the isolate was not fully cut off from gene flow. Nonetheless, the articles, which came out in 1952 and 1956, established him as a new Inuit specialist in the field of “social morphology.” At that time this field covered demography and human ecology, for which Malaurie substituted the term “anthropogeography.”

In 1955, Malaurie published a travel account that read like a novel and featured personal dialogue. The publisher, Plon, asked him to edit a new collection with the very anthropogeographic title of Terre Humaine. The collection became one of the most successful publishing ventures in the social sciences. Malaurie still presented himself as a geographer and published in geography journals, but ambition was pushing him to broader horizons—the social sciences. The same year he convinced Claude Lévi-Strauss to write a book for the collection about his ethnographic experiences in South America (cf., Lévi-Strauss 1955). The book took four months to write and became one of the most popular ones in the collection. Two years later Lucien Febvre and Claude Lévi-Strauss agreed to sponsor his candidacy for full professorship in the VIth section of economic and social sciences at the École Pratique des Hautes Études. Malaurie was elected with the mission of conducting an anthropogeographic study of societies exposed to extreme conditions. He immediately created the Centre d’Études Arctiques and the journal Inter Nord. In his surroundings, through teaching, through the dissertations and research he oversaw, and through the collection Terre Humaine, he enjoyed a broad presence in the media and wielded real power over Inuit studies and studies of other Arctic peoples in a spirit fairly close to what Hamon and Rotman (1981) describe in their book Les intellocrates. Far from bringing together ethnologists, geographers, linguists, and other social science researchers interested in Inuit studies and active in other teams or laboratories, he confined everyone to his or her own field or institution, thereby freezing the Maussian heritage.

Other possibilities for pursuit of Inuit studies did exist in Paris: the Musée de l’Homme with Leroi-Gourhan († in 1986) or with Robert Gessain († in 1986); the École Pratique des Hautes Études (Vth Section) with Éveline Lot-Falck († in 1973); the Institut National des Langues et Civilisations Orientales with Michèle Therrien, who began teaching Inuit language and culture in the 1980s (she became a professor of the universities in 2000); the CNRS with Joëlle Robert-Lamblin; and the Muséum d’Histoire Naturelle with Pierre Robbe. There were few contacts among these different researchers and even fewer with the Centre of Jean Malaurie. The approach now differed greatly from that of Mauss.

In Québec, a return to Mauss and his approach

Paradoxically, it was mainly outside France, and especially in Québec, that Mauss and his Inuit essay saw renewed interest. In 1968, I created at Université Laval a research team to study the Inuit, under the name of Inuksiutiit. It became in 1974 the Association Inuksiutiit Katimajiit, which went on to found the journal Études/Inuit/Studies (1977), the biennial Inuit Studies Conference (1978), and the Groupe d’Études Inuit et Circumpolaires (1987) which in 2004 became the Centre Interuniversitaire d’Études et de Recherches Autochtones (CIÉRA). From the outset the stress was on the importance of the Inuit language, fieldwork ethnography, and holistic research. Much emphasis was also laid on study of religious phenomena and symbolism, which Mauss had so highly valued, and this emphasis strengthened even further with the coming of Frédéric Laugrand, who currently heads the CIÉRA.

Meanwhile, Marcel Fournier, a Université de Montréal sociologist, began in the 1980s his scholarly biography of Marcel Mauss. When in 1997 he organised a Collège de France conference called L’héritage de Marcel Mauss, Fournier invited me to present a paper on Mauss et l’anthropologie des Inuit[27]. For me this was an opportunity to examine the correspondence of Mauss, which was then kept in the Collège de France archives. The next year I was invited by the directors of the future Musée du Quai Branly to sit on the Americas committee and oversee preliminary work for the Americas museum section. Since the museum was slated to open in 2006, I asked the directors to consider holding the 15th Inuit Studies Conference, which would coincide that year with the hundredth anniversary of the publication of the “Eskimo” essay by Mauss. The proposal was warmly greeted. It was ratified by the Association Inuksiutiit Katimajiit and then moved and accepted by the participants at the 14th Inuit Studies Conference in Calgary (2004). The project was entrusted to Michèle Therrien and her team of INALCO associates. She shared the responsibility with a human geography specialist, Béatrice Collignon, who had done fieldwork among the Inuinnait, the very people whom Beuchat had wished to study, and with Nicole Tersis, a linguist specialising in the Inuit language spoken at Angmassalik.

The conference took place in Paris in October 2006 and was highly successful with over 400 participants, including many Inuit representatives from Alaska, northern Canada, and Greenland. A workshop explored Marcel Mauss’s influence on Inuit anthropology, bringing together four authors appearing in this issue. One could think of this conference as marking a return to Maussian anthropology. In addition, for several years now a student association has existed in Paris, the Association Inuksuk. Hopefully it will revive the interdisciplinary collaboration and dynamism that characterised Inuit studies in France during the inter-war era.

Mauss outside France and on the frontiers of classical anthropology

To end this presentation, I will say a few words about the contributions to this issue, which show that interest in Mauss and his essay spills over France’s borders and those of classical anthropology. This interest should pave the way for new debates.

We first have in this issue the analysis of cultural geographer and historian of science Michael Bravo, professor in the geography department at the University of Cambridge and researcher at the Scott Polar Research Institute. Here, he presents us with an interesting theory about the context in which the Essai was written. The German anthropogeographer Ratzel stressed individualism, competition, and industrial expansion, thereby justifying territorial and colonial expansion (Lebensraum) in a triumphant Prussian Empire where evolutionism was seen as supporting nationalism and anti-Semitism. In contrast, Mauss put forward an ethnological “social morphology” approach that favoured collective values, dear to French republican ideology, and a relationship of reciprocity and symbiosis between human groups and their milieu. It is known that Mauss had close ties with his Oxford and Cambridge colleagues and it was in England that his essay was translated and cited the most.

Jarich Oosten, Dutch structural anthropologist, is a professor in the anthropology department at the University of Leiden. He has long been interested in the ritual practices, representations, and mythology of the Inuit of Arctic Canada, whom he visits regularly. Here, he presents an important theoretical concept: the “field of anthropological study,” which has been defined and used by Leiden anthropologists J.P.B. de Josselin de Jong and P.E. de Josselin de Jong with inspiration from the Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos by Mauss. Indeed, Mauss was one of the first to theorise on the Inuit through regional comparison and to come up with a universally applicable principle of variation. On top of this study of regularities observed between certain aspects of social life, structuralism would add the study of the logic of differences (Blaisel and Muller 1997). It is interesting to discover this influence by Mauss on Dutch structural anthropology, knowing that he stayed for four months in 1898 at the University of Leiden. Indeed, there were close ties between the religious science section at the École Pratique des Hautes Études—where Mauss taught—and the Dutch school of religious sciences, which arose from the transformation of former Protestant theology faculties into secular theology faculties and which inspired its French counterpart (Fournier 1994: 84). Like his German, English, and Dutch colleagues, Mauss was keenly interested in Vedic philology, which was solidly established at Leiden.

Yves Labrèche, a Québec ethno-archaeologist, is associated with the Canada Research Chair on Métis Identity at the Collège universitaire de Saint-Boniface in Winnipeg, where he teaches. He holds a Ph.D. in anthropology from the Université de Montréal and has taken part in many archaeological excavations and ethnographic investigations in Inuit territory, i.e. Nunavik and Labrador. Here, he presents an interesting contribution to the ethnography of diet and food sharing with its seasonal and situational variations. His contribution interests me all the more because I was associated, 40 years ago, with a year-long study of diet (1965-1966) in the main village that provided Labrèche’s data (Malgrange and Saladin d’Anglure 1967). We estimated at 10% the quantity of food consumed by families during visits to other families or by visitors. We were able to calculate exactly how much of their diet was made up of traditional foods and how much of imported foods. Several ethnographers have already pointed out that the summer dispersal did not stop meals from being eaten collectively in small hunting camps of three or four families. Similarly, our observations, like Pierre Robbe’s at Angmassalik, showed that big game were systematically shared among all hunting camp households. This is a field of research that Labrèche has the merit of having opened up and that fully deserves to be approached from a Maussian and historical angle. Economic “communism,” immediate or deferred sharing, storage, seasonal variations, abundance, shortage, or famine—all of these variables matter in a society that still derives a non-negligible share of its subsistence from local resources. Such research should also look at recent changes: increasing use of hunting and fishing cabins and faster travel by means of ATVs, snowmobiles, and outboard motorboats—all new factors in food economics. This type of research would have interested Mauss very much.

Anja Nicole Stuckenberger, an anthropologist of German origin, earned her Ph.D. in anthropology from the University of Utrecht and the University of Leiden. She is currently a Stefansson post-doctoral fellow at the Institute of Arctic Studies of Dartmouth College in the United States. Her dissertation Community at play: Social and religious dynamics in the modern Inuit community of Qikiqtarjuaq, was published in 2005 and has inspired her contribution. This dissertation focuses on the subjects that fascinated Mauss in his essay and major works: society and religion. It also provides us with the latest data on seasonal variations in an Inuit settlement, which she observed over more than a year. Thus, her study covers not only sedentary life in a modern village with schools, churches, stores, and so on, but also nomadic life in small seasonal hunting and fishing camps. She also discusses age-old traditional beliefs as well as rites and beliefs imported by various Christian denominations. She uses Mauss’s theory as a heuristic tool and has confirmed its great value. There is, as she sees it, continuity in change. The quality of her observations and the subtlety of her analysis makes us hope that others will follow her example in other Inuit communities and that she will return to the field and go even further in theorising her observations.

Peter C. Dawson is a Canadian archaeologist and a professor in the archaeology department at the University of Calgary who loves computer science, history of Arctic aboriginal peoples, and especially human habitations. He has developed 3-D models in order to reconstitute ancient dwellings and to study another field that Mauss was keenly interested in and had developed in his essay and also in the courses he taught his students: shelter, its seasonal variations, its narrowly and broadly defined family uses, and its community or festive uses. Dawson had the idea of systematically investigating how present-day Inuit appropriate imported prefab homes by socialising them and adapting them to their cultural habits, and conversely how these homes may modify ancestral habits that Mauss had accustomed us to take into account and that he calls “body techniques”—postures, ways of eating, and ways of working. Dawson will hopefully also investigate hunting or fishing cabins, which are often first-generation prefab homes that have been replaced, disassembled, and carried off to camps. Paradoxically, they have become symbols of traditional life, in contrast to the new, larger village homes. Dawson’s research is just beginning but is promising and the tools of computer science should be up to the task of modelling the many variables.

To conclude, I will say a little about my own research. It validates Mauss’s intuition of seasonal dualism by proving that the Inuit divided the year into two equal major periods that are separated by the two equinoxes. This division is observable in the system of injunctions and prohibitions, i.e. in religion. But unknown to Mauss, this seasonal dualism, with one period when the sun is the brightest object in the sky and a second when the moon is, was imagined through another dualism, the dualism of the sexes or genders. Indeed, the shamans’ vocabulary reveals, both at Angmassalik and west of Hudson Bay, that the term for summer came from the root ‘woman’ or ‘female’ and the term for winter from the root ‘man’ or ‘male.’ In addition, the moon is represented by a man and the sun by a woman. It is thus in the symbiosis between natural environment and religious representations that we may find the logic underlying Inuit seasonal variations. This discovery paves the way for further areas of study, such as the overlapping of gender boundaries, which is key to shamanism (cf., Saladin d’Anglure 2004, 2006)[28].