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Ce petit ouvrage de Karim Rholem, jeune photographe d'origine marocaine, présente trente-cinq clichés photographiques d'Inuit du Nord canadien. Pris seuls ou en famille, les individus représentés proviennent de plusieurs communautés du Nunavut, notamment d'Arviat, d'Ikpiarjuk (Arctic Bay), d'Aujuittuuq (Grise Fiord) et de Salliq (Coral Harbour) où l'auteur a séjourné de 1994 à 1996. Uvattinnit se veut un hommage aux Inuit dont le photographe a partagé le quotidien. Les clichés sont accompagnés de brefs commentaires publiés en français et en anglais auxquels le photographe a ajouté quelques citations recueillies auprès des Inuit. Les textes qui accompagnent les photographies sont bien écrits mais il faudrait corriger quelques petites erreurs et flottements dans l'écriture des termes inuit. Hervé Paniaq porte un qulittuq (p. 16) alors que ce terme est écrit qulituuq dans le glossaire (p. 82) et qu'il faudrait, en fait, lire qulittaq. À la page 32, amauti est écrit avec deux orthographes différentes, etc. Au-delà de ces menus détails, la plupart des clichés du photographe — comme l'affirme très justement Betty Kobayashi Issenman qui a préfacé l'ouvrage — dénotent une grande sensibilité artistique en même temps qu'ils dégagent de profondes émotions.

Pour faire l'avocat du diable, on pourrait indiquer qu'aucune référence n'est faite à l'oeuvre controversée d'Edwards S. Curtis. Karim Rholem ne la connaît peut-être pas mais il est dommage ne pas en dire un mot dans la mesure où plusieurs de ses photographies évoquent certains portraits du célèbre photographe américain. Comme ces derniers, en effet, les clichés en noir et blanc de Rholem ont parfois l'air un peu vieillot. Du coup, plusieurs photos comportent une certaine ambivalence. D'un côté, le lecteur est séduit par la qualité et la beauté des images. De l'autre, il se sent un peu frustré car les clichés en question ne montrent pas vraiment les Inuit tel qu'ils s'habillent aujourd'hui mais tel que les non-Inuit ont toujours rêvé de les voir habillés. Autrement dit, même si ces tenues de fourrure sont toujours utilisées, on en voit aussi apparaître d'autres plus modernes que le photographe a choisi de ne pas représenter. Rholem aurait pu profiter de son expérience pour dissiper ces ombres et faire part de ses véritables objectifs dans une introduction un peu plus étoffée. Il aurait pu aussi mieux situer son travail dans l'histoire des représentations que les non-Inuit se font des Inuit. Sans avertissement, le livre a tous les ingrédients pour nourrir les attentes de ceux et celles qui aiment voir les Inuit comme un peuple proche de “la nature” et qui survit à ses aléas depuis des millénaires. Comme le savent les Inuit, il y a là une vision profondément ancrée chez les Qallunaat, habitués eux à survivre dans des environnements urbains.

Mais peu importe, dédié aux Inuit, Uvattinnit demeure un régal pour les yeux.