Les Inuit et le changement climatiqueThe Inuit and climate change[Record]

  • A. Nicole Stuckenberger

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  • A. Nicole Stuckenberger
    Institute of Arctic Studies, John Sloan Dickey Center for International Understanding, Dartmouth College, Hanover, NH 03755, USA
    astuckenberger@lstc.edu

L’impact du changement climatique mondial sur l’Arctique se manifeste de multiples manières: par une diminution du couvert de la banquise; des modifications des conditions métérologiques et saisonnières; des altérations de la biodiversité; des effets secondaires sur la vie culturelle, sociale et économique locale, les croyances religieuses, l’accès aux ressources minérales, les contraintes et les opportunités de l’industrialisation; et par les liens plus étroits qui s’ensuivent avec les marchés mondiaux (ACIA 2005; AHDR 2004; IPCC 2007; Kattsov et Kallen 2005; UNESCO 2009). Les modèles statistiques décrivent les principales tendances associées au réchauffement planétaire mais, en réalité, les processus sont variables au niveau local et, de plus, exercent des effets secondaires spécifiques sur la vie humaine, au niveau culturel (Moran 2000). En eux-mêmes, les changements climatiques n’ont rien d’inhabituel en Arctique, même si l’envergure et les dynamiques des tendances actuelles sont sans précédent dans la mémoire locale (par exemple, Fitzhugh 1972, 1972; Hoffecker et Elias 2003; Sabo 1991; Yamanouchi 2009: 57f). Par le passé, les groupes autochtones se sont adaptés, ainsi que le montrent Berkes et Armitage dans ce numéro, par divers moyens, à savoir une connaissance exhaustive de l’environnement et des savoir-faire pour une grande variété de techniques de subsistance; une utilisation flexible et variée des ressources; une grande mobilité du groupe; des réseaux sociaux d’assistance mutuelle; et des pratiques chamaniques médiatrices entre les personnes et le monde des esprits (Balikci 1968; Berkes et Jolly 2002; Brody 1976; Ford et al. 2006; Ford et la Communauté d’Igloolik 2006; Saladin d’Anglure 1980, 1990; Sabo 1991; Stuckenberger 2005). Avec la conversion au christianisme et l’installation dans des établissements sédentaires aux XIXe et XXe siècles, les peuples autochtones de l’Arctique ont fait l’expérience de changements radicaux au niveau de leurs conditions de vie communautaire. Le christianisme est devenu partie intégrante de l’identité inuit et la vie moderne leur a procuré une plus grande sécurité et une indépendance vis-à-vis des conditions naturelles. Mais ce changement de situation a également provoqué une diminution de la mobilité et de l’accès à l’apprentissage exhaustif des savoirs et savoir-faire autochtones qui étaient autrefois essentiels à leur adaptabilité (Abryutina 2009; Dorais 1997; Ford et al. 2006; Rasing 1994; Stuckenberger 2005, 2007). Dans ce contexte, les scientifiques ont étudié la manière dont les Autochtones de l’Arctique comprenaient le changement climatique, principalement en faisant l’inventaire des observations et des stratégies locales d’adaptation au changement, plutôt qu’en analysant le cadre culturel sur lequel se fondent ces observations et ces stratégies (par exemple, Krupnik et Jolly 2002; Nickels et al. 2005; SEARCH 2001; UNESCO 2009). À l’inverse, certains leaders politiques autochtones ont souvent aidé les décideurs politiques nationaux et internationaux en adoptant les discours occidentaux sur le changement climatique plutôt qu’en recourant à leurs propres cadres culturels. Ce sont ces cadres qu’examinent les articles de ce numéro thématique d’Études/Inuit/Studies. Comment les impacts du changement climatique (et du changement environnemental en général) sont-ils compris, et comment ces compréhensions contribuent-elles à donner forme aux processus d’adaptation locale? Ces articles nous procurent les diverses perspectives de différents observateurs au sujet du changement climatique mondial et local: celles des peuples autochtones du Groenland, de l’est de l’Arctique canadien et de l’Alaska; celles des femmes inuit; celles du Canadian Awakening Ministries dans l’est de l’Arctique canadien; celles de participants à la conférence de 2009 des Nations Unies sur le changement climatique à Copenhague; et celles des institutions de cogestion environnementale et économique. Ces voix multiples nous disent que le changement climatique n’est pas qu’une réalité objective mais lointaine. Il est (et devient de plus en plus) une réalité pour nous tous, réalité qui imprègne la …

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