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Introduction: cultures inuit, gouvernance et cosmopolitiques

Du Groenland au Nunatsiavut (Labrador), du Nunavik au Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest à l’Alaska et même dans les régions urbaines du Sud, les Inuit n’ont pas cessé de souligner la nécessité d’un respect mutuel des valeurs, des langues et des traditions. Ces revendications sont fréquemment exprimées sur le plan politique, tantôt par des revendications autonomistes, tantôt par la mise en place de politiques locales, tantôt par des déclarations publiques. Aujourd’hui, alors que les États reconnaissent l’importance grandissante des régions nordiques sur le plan économique et géopolitique, les Inuit entendent faire valoir leurs points de vue tout en maintenant un dialogue avec les populations du Sud et les gouvernements, espérant trouver dans cette position ouverte et pragmatique l’assurance de voir leurs communautés gagner du bien-être et des réformes attendues depuis longtemps en matière de logement, d’éducation, de santé et de services sociaux, par exemple.

Dans l’Arctique, de nombreux exemples dans des champs aussi variés que ceux de l’économie, de la politique, de la religion, de la langue, de la culture, etc. montrent que ce défi anime les acteurs à différents niveaux. En Alaska, citons, par exemple, ces initiatives des Yupiit et des Inupiat qui ont décidé depuis longtemps déjà de reprendre la chasse à la baleine, réitérant leur volonté de prendre en main leur futur, notamment sur les plans économique et environnemental. Au Groenland, citons les débats mouvementés dans les domaines de l’éducation et de l’exploitation des hydrocarbures, les Kalaallit brandissant régulièrement l’idée de renégocier le Home Rule. Au Nunavik, au Nunatsiavut et parmi les Inuvialuit, la gouvernance et les enjeux politiques demeurent des sujets brûlants pour les gouvernants comme pour les communautés qui, après plusieurs années d’expériences de cogestion et de partenariats avec les Qallunaat, souhaitent se faire entendre davantage. Il est vrai que les populations locales deviennent de plus en plus exigeantes, pas seulement face au pouvoir postcolonial mais également vis-à-vis de leurs propres leaders dont elles exigent qu’ils soient plus actifs, transparents et à l’écoute des besoins communautaires. Au Nunavik, par exemple, les Inuit attendent d’être consultés et impliqués davantage dans la mise en oeuvre du Plan Nord qui, à leurs yeux, ne pourra se réaliser sans que le gouvernement provincial rende visibles les retombées sociales et économiques de ces activités pour les populations locales et respecte pleinement l’environnement fragile du Grand Nord. Il est vrai que pour les Inuit, la circulation sur le territoire et la chasse aux animaux restent considérées comme des activités au fondement de leurs cultures (Laugrand et Oosten 2014). Face à ces exigences, les gouvernements provincial et fédéral n’ont donc d’autres choix que de négocier et de respecter davantage les perspectives et les valeurs des Inuit.

Au Nunavut, cette attitude à la fois conciliante et exigeante des Inuit est devenue plus visible dans les institutions et les politiques. On se souvient de l’introduction il y a une dizaine d’années de l’Inuit qaujimajatuqangit, «les savoirs de jadis toujours valides pour l’époque contemporaine». L’introduction de ce dispositif a en effet permis aux Inuit du Nunavut de mieux incorporer leur langue, leurs pratiques et leurs valeurs ancestrales dans les nouvelles institutions modelées sur celles d’Ottawa. Dans son tout dernier rapport intitulé Achieving saimaqatigiingniq et publié en octobre 2010, la Qikiqtani Inuit Association poursuit cette logique mais recommande qu’au terme d’une histoire mouvementée marquée par des abus et une politique d’assimilation (sédentarisation, relocalisations forcées, tueries de chiens, etc.)[1], Inuit et non-Inuit soient à présent capables de se réconcilier et de renouer le dialogue. Le rapport insiste pour qu’Inuit et Qallunaat démarrent une nouvelle relation basée sur le respect mutuel des valeurs et des traditions. Diverses attentes sont mentionnées, comme la prise de conscience et la reconnaissance des erreurs du passé et la nécessité d’un engagement mutuel à la collaboration interculturelle. D’autres recommandations proposent de concilier les points de vue sur le monde, dans la mesure où la volonté des Inuit de renforcer leur culture et leur mode de gouvernance en incorporant les savoirs et l’Inuit qaujimajatuqangit ne doit pas déboucher sur un repli sur soi. Au contraire, c’est dans l’optique de la résilience que les Inuit entendent profiter des avantages, des technologies et des services modernes, l’objectif étant de parvenir à développer des communautés locales plus saines et plus équilibrées en bénéficiant des meilleurs aspects des systèmes en présence. Mais comment un tel projet est-il possible et réalisable? Où se situent les points de convergence et les obstacles? En quoi cette orientation, formulée ici dans le cadre du Nunavut, est-elle inédite si on la compare à d’autres projets d’indigénisation (Sahlins 2007)? Ces ambitions sont-elles envisageables ou utopiques? Peut-on parvenir à une telle «synthèse»? Qu’implique le renouvellement de tels partenariats entre les Inuit et les Qallunaat à une époque où ces nouvelles administrations sont lourdement influencées par la bureaucratie des Qallunaat (Nadasdy 2003)?

Fait intéressant, ces démarches font écho à des réflexions qui ont lieu bien loin du Nord, dans des cercles intellectuels où des chercheurs de divers horizons — sociologie, anthropologie, philosophie, etc. — tentent d’imaginer «un monde commun mais pluriel», pour reprendre le titre d’une oeuvre de Bruno Latour (2003) qui, dans un essai polémique et jugé utopique et peu réaliste, a proposé de créer un Parlement des choses au sein duquel tous les existants, objets et entités du monde pourraient enfin dialoguer ensemble (Latour et Gagliari 2006). D’autres chercheurs utilisent les notions d’«existants», de «modes identificatoires» et s’interrogent sur ces «collectifs», cherchant à saisir la diversité du monde (Descola 2005, 2010). Des philosophes ont pour leur part introduit ou relancé des concepts comme ceux de «cosmopolitiques» (Stengers 2004) ou de «cosmopolitanisme» (Beck 2004, cf. Latour 2004). Plusieurs anthropologues opposent, eux, le «multiculturalisme» occidental d’un côté, au «multinaturalisme» ou au «perspectivisme» des autochtones d’Amérique de l’autre (Viveiros de Castro 1998, 2004, 2009), tandis que d’autres encore, comme Tim Ingold, proposent de refonder les sciences modernes et les savoirs indigènes sur une «écologie de l’esprit» (Ingold 2013), ou brandissent la notion de «sphère» (Sloterdijk 1998, 1999, 2004) pour repenser la diversité culturelle, sortir du naturalisme et imaginer un univers où humains et non-humains pourraient vivre ensemble. Selon ces auteurs, le naturalisme moderne aurait conduit le monde dans un cul-de-sac d’autant plus dangereux qu’il s’accompagne aujourd’hui d’un épuisement des ressources naturelles, les humains étant parvenus pour la première fois dans la longue histoire de la terre à la transformer de manière radicale et à la détruire potentiellement par leurs actions. Pour prendre acte de cette rupture, plusieurs experts avancent l’idée que la terre serait dorénavant entrée dans une nouvelle ère, celle de l’anthropocène. Il est évidemment impossible de discuter ici de ces visions apocalyptiques mais il ne fait aucun doute que le monde doit, pour en sortir, dialoguer et interagir, trouver des solutions acceptables pour tous. Bruno Latour évoque ainsi la nécessité d’une «diplomatie culturelle», devant aboutir à des «compromis», tandis que Philippe Descola, lui, penche pour «un universalisme relatif», ce terme étant ici défini comme relationnel et non comme une forme d’ultra-relativisme. En ce sens, Descola (2011) suggère d’identifier d’abord les relations de continuités et de discontinuités entre les ontologies et de déplacer l’homme de sa position centrale, ce qui permettrait un meilleur entendement, l’alternative étant l’ethnocentrisme. On le constate, tous ces travaux ne sont pas sans évoquer les conditions de cette «réconciliation» dont parlent les Inuit.

Dans ce numéro double d’Études/Inuit/Studies, les différents contributeurs ont tenté de réfléchir à plusieurs de ces questions en s’inspirant plus ou moins de ces essais qui marquent le tournant ontologique actuel. D’autres ont préféré travailler sans y faire référence pour aborder les multiples enjeux de cette rencontre des mondes et des cultures et ce, au passé comme au présent, en faisant ressortir quelques éléments saillants de ces ambitions et des dispositifs mobilisés par les Inuit. Pour ce faire, plusieurs études de cas et grands domaines clés ont été pris en compte: les relations interculturelles mais aussi les ontologies, les relations humains-animaux, la religion, les institutions politiques et le développement socioéconomique. Le Grand Nord apparaît en effet comme une sorte de vaste laboratoire d’expériences où se sont rencontrées, croisées, mélangées ou entrechoquées des cosmopolitiques, c’est-à-dire des régimes de valeurs et des visions du monde souvent très contrastées — mais pas incommensurables —, susceptibles de se transformer mutuellement.

La plupart des réflexions de ce numéro ont été menées lors du IXe séminaire itinérant d’IPSSAS (International PhD School for Studies of Arctic Societies) qui a été organisé à Wendake, à Essipit et à Québec, du 16 au 27 mai 2013[2]. Ce séminaire, qui a été un succès, a pu être organisé grâce à l’appui financier de plusieurs institutions parmi lesquelles figurent le Conseil de recherches en Sciences Humaines du Canada (CRSH), la Faculté des sciences sociales et le département d’anthropologie de l’Université Laval, la Fédération des Coopératives du Nouveau-Québec, la Commission scolaire et l’Administration régionale Kativik, l’Association Inuksiutiit Katimajiit, le réseau ArcticNet, le programme de recherche ARUC Leadership et gouvernance inuit aux Nunavut et Nunavik, et le CIÉRA. Que toutes ces institutions soient ici chaleureusement remerciées pour leur appui ainsi que les trois étudiants qui ont participé activement à son organisation, Amélie Breton, Emmanuel Luce et Pascale Laneuville, sans oublier les jeunes Inuit du programme IPL (Individual Path of Learning) de Puvirnituq et leur professeur de kayak, Alain Cloutier, qui se sont momentanément transformés en éducateurs de tout le groupe lors d’une initiation collective au kayak.

La première partie du numéro comprend quatre contributions qui abordent les relations interculturelles et les valeurs qui distinguent ou unissent les Inuit et les non-Inuit. Betsy Annahatak, une Inuk de Kangirsuk (Nunavik) connue pour ses travaux remarquables dans le domaine de l’éducation où elle a oeuvré pendant de nombreuses années, revient sur la valeur du silatuniq qui demeure, selon elle, au fondement de l’ontologie inuit. Basée sur le respect de l’autre, cette valeur explique en partie l’ouverture des Inuit et leur capacité à intégrer des éléments exogènes sans se sentir pour autant menacés. Pour Annahatak qui a vécu plusieurs transitions et transformations importantes dans sa communauté, le silatuniq permet de comprendre comment les Inuit interagissent avec les entités du monde proche et lointain qui les entoure, d’où sa présence dans l’éducation des enfants. En s’intéressant au cas de la musique telle que celle-ci est aujourd’hui conçue et pratiquée dans plusieurs communautés du Labrador, Tom Artiss montre bien cette capacité des Inuit à incorporer des traditions de l’extérieur, notamment des hymnes chrétiens. À certains égards, son travail fait écho au remarquable film Avaala de Myna Ishulutaq, une Inuk originaire de Pangnirtuuq qui a participé au séminaire IPSSAS et qui a documenté l’usage des hymnes chrétiens par des chasseurs de phoques qui les utilisaient pour endormir leurs proies. Artiss, lui, rappelle justement combien les sociétés inuit du Labrador et d’ailleurs ont connu de vastes transformations culturelles sans pour autant perdre leurs identités. Les Inuit seraient donc parvenus avec succès à «inuitiser» ou indigéniser des traditions importées par les Qallunaat à différentes périodes de leur histoire en établissant des liens émotionnels entre ces mêmes traditions, rendant possibles, du coup, des continuités culturelles perceptibles au-delà des transformations induites par ces changements. D’où le titre de son article, «plus blanc ne veut pas dire nécessairement moins inuit».

À partir d’une étude minutieuse des archives, en particulier des extraits de la presse locale groenlandaise, Karen Langgård rappelle que si les Groenlandais ont été impressionnés par les compétences et l’audace de l’explorateur norvégien Fridtjof Nansen qui a traversé la calotte glaciaire du Groenland dans les années 1880, lorsque le Danemark est entré en conflit avec la Norvège au sujet du Groenland, ces mêmes Groenlandais sont restés fidèles à la puissance coloniale danoise, visiblement attachés à l’intégrité ethnique et territoriale de leur pays, autant d’attitudes qui montrent la complexité des relations entre ces pays nordiques et l’existence, déjà, d’une conscience nationale, d’une volonté d’exister comme une société autonome et ce, bien avant le régime du Home Rule qui sera signé en 1979, établissant un gouvernement local. Karen Langgård pose cependant une question fondamentale: de quelle réconciliation le Groenland a-t-il besoin, alors que le pays assume son identité dans un monde globalisé? Mary Caroline Rowan explore le concept de saimaqatigiingniq qui renvoie à l’idée de rencontre et de «réconciliation», une autre manière d’affirmer la compatibilité entre les cultures et les valeurs des Inuit et celles des Qallunaat. Rowan mène sa réflexion en examinant diverses expériences et programmes dans le domaine de l’éducation des enfants, cherchant à savoir comment les Qallunaat et les Inuit pourront s’accorder, dans l’esprit du saimaqatigiingniq, au sujet de l’éducation de la petite enfance? Les réponses demeurent toutefois difficiles car, si ce travail de synthèse a en partie été réalisé sur le plan politique, il reste à entreprendre sur le plan éducatif et de nombreux obstacles devront être négociés.

La seconde partie du numéro traite plus spécifiquement de l’indigénisation des institutions, une réalité observable au Nunavut mais également au Nunavik. Thierry Rodon aborde pour commencer l’histoire toute récente du Nunavut qu’il présente comme une chimère, comme une «composition inachevée», dans la mesure où si ses institutions ont en effet été en bonne partie calquées sur celles d’Ottawa, les Inuit semblent bel et bien décidés à s’en servir maintenant comme un outil de gouvernance pour faire valoir leurs perspectives. Se basant sur le concept de composition de Latour (2010), Rodon s’interroge toutefois sur la nature et l’ampleur de l’autonomie de cette structure postcoloniale. Francis Lévesque poursuit la réflexion en revenant sur l’histoire récente du gouvernement du Nunavut, né de l’Accord sur les revendications territoriales. Lévesque décrit la nouvelle bureaucratie du territoire et ses structures politiques. Il revient enfin sur le concept d’Inuit qaujimajatuqangit qui combine des éléments complètement exogènes à des valeurs anciennes auxquelles les Inuit se sentent profondément attachés. Lévesque propose toutefois de ne pas traiter ce dispositif comme un geste de résistance aux institutions coloniales mais plutôt comme un moyen permettant aux Inuit de s’approprier de nouvelles structures et de les adapter à leurs usages. Il faut admettre que beaucoup reste à faire pour atteindre les objectifs que se donnent les Inuit, si bien que ce concept demeure encore très prospectif. Caroline Hervé, qui a consacré sa thèse de doctorat à l’étude du leadership inuit, montre que le Nunavik n’est pas en reste. S’appuyant sur une perspective relationnelle et ontologique, elle examine le cheminement de cette région et de ses habitants vers l’autonomie politique, avançant l’idée que les Nunavimiut envisagent cette autonomie moins comme une séparation que comme «un processus à travers lequel ils tentent de préserver leur relation avec l’État», un bon gouvernement devant être un gouvernement capable de combler les besoins de ses citoyens. Elle relit ainsi à nouveaux frais l’échec du référendum du 27 avril 2011.

La troisième partie comporte une dimension sociohistorique dans la mesure où les recherches actuelles montrent que les Inuit ont depuis longtemps multiplié les initiatives pour incorporer les traditions des Qallunaat, un processus qui n’a toutefois pas été facile. Frédéric Laugrand et Jarich Oosten décrivent ainsi comment la soeur Pélagie Inuk a toujours été déchirée entre sa vocation à Dieu et sa volonté d’aider les autres. Tandis que les missionnaires en ont fait un modèle, la vie de Pélagie montre qu’elle a plutôt été souvent confrontée à des difficultés dans sa volonté de concilier sa vie de soeur grise avec sa vie d’Inuk, les valeurs de la famille étant demeurées essentielles à ses yeux face à une institution profondément empêtrée dans une conception romaine du religieux et incapable de régler la question du célibat, un point déjà soulevé jadis par le missionnaire oblat Robert Lechat, par exemple. Florence Dupré, qui a terminé une excellente thèse de doctorat sur la parenté contemporaine à Sanikiluaq, au Nunavut, montre très justement la force des structures sociales inuit. Elle aborde ici les techniques de représentations imagées de la personne et en particulier la photographie et des représentations graphiques, interrogeant le rôle de l’agencement domestique des photographies de famille dans les pratiques d’appropriation de l’enfant ainsi que la fonction de ce qu’elle nomme des «tatouages-relation» dans le processus de production, de pratique et d’interruption du lien de parenté. On y voit, entre autres, comment les Inuit se sont facilement approprié de nouvelles technologies comme Bebo et Facebook pour en développer des usages qui leur convenaient et qui demeuraient compatibles avec leurs traditions.

La quatrième et dernière partie comprend deux contributions qui se complètent, bien qu’elles concernent deux régions arctiques fort éloignées l’une de l’autre. Pascale Laneuville, qui a consacré son mémoire de maîtrise à ce sujet, montre avec brio comment les Inuit de Qamani’tuaq, au Nunavut, entretiennent un lien étroit avec leur territoire, cette conception demeurant profondément marquée par une conception singulière du temps et de l’espace qui renvoie à une manière d’être au monde, et donc à une ontologie. Au-delà des revendications politiques, les Inuit de la communauté abordent avec beaucoup de pragmatisme la construction de la mine d’or de Meadowbank, faisant état de leur usage de la route nouvellement construite mais aussi de leurs relations étroites avec les caribous qu’ils chassent et les multiples entités non humaines qui les entourent et les regardent. On y découvre comment un peuple nomade peu enclin à penser l’espace avec des frontières, entend à la fois l’exploiter et le préserver. Le dernier article de la partie thématique de ce volume, celui de Zoe Todd, aborde de manière originale les relations humains-poissons dans la région de Paulatuuq, dans les Territoires du Nord-Ouest, voyant cet endroit comme un «site actif d’engagement». En examinant ce sujet sur une période de plusieurs décennies, Todd propose une compréhension nuancée des stratégies dynamiques utilisées par les Paulatuuqmiut qui naviguent dans les réalités environnementales, politiques, légales, sociales, culturelles et économiques de leur territoire, et font à la fois preuve de pragmatisme et d’une détermination à réitérer leur attachement profond à cet espace qui les entoure et aux acteurs animaux avec lesquels ils le partagent quotidiennement.

Préserver leurs différences, améliorer la gouvernance et réconcilier leurs cultures avec celles des non-Inuit, tels demeurent donc plusieurs des grands défis qui guettent les sociétés du Grand Nord et d’ailleurs. Ce volume d’Études/Inuit/Studies devrait le démontrer amplement à ses lecteurs.

Introduction: Inuit cultures, governance and cosmopolitics

From Greenland to Nunatsiavut (Labrador), from Nunavik to Nunavut, from the Northwest Territories to Alaska, and even in the urban areas of the South, the Inuit have always stressed the need for mutual respect of values, languages, and traditions. Such claims are often expressed politically, sometimes through demands for autonomy, sometimes through local policy making, and sometimes through public statements. Today, with States recognizing the growing importance of northern regions economically and geopolitically, the Inuit intend to promote their views while maintaining dialogue with the people of the South and the federal and provincial governments, in the hope that this open and pragmatic position will bring their communities a better life and long-awaited reforms in housing, education, health care, and social services, for example.

In the Arctic, people are rising to this challenge at different levels, as seen in many examples from fields as diverse as economics, politics, religion, language, culture, and so on. In Alaska, we have for example the initiatives of the Yupiit and the Inupiat who have long since decided to go whaling again, thus reiterating their wish to take charge of their future, economically and environmentally in particular. In Greenland, turbulent debates are taking place over education and oil and gas development, the Kalaallit regularly brandishing the idea of renegotiating Home Rule. In Nunavik, in Nunatsiavut, and among the Inuvialuit, governance and policy are still hot issues for politicians, as they are for communities that, after several years of experience with co-management and partnerships with the Qallunaat, wish to be heard more. Local populations are becoming more and more demanding, not only with postcolonial authorities but also with their own leaders, whom they are pressuring to be more active, transparent, and attentive to community needs. In Nunavik, for example, the Inuit expect to be consulted and to get more say in implementing the Plan Nord, which in their eyes cannot be carried out unless the provincial government clearly shows the social and economic benefits of planned activities for local people and fully respects the fragile environment of the Far North. The Inuit still consider hunting and free movement over the land to be activities that underlie their cultures (Laugrand and Oosten 2014). With these demands being made, the provincial and federal governments have no other choice but to negotiate and show more respect for Inuit views and values.

In Nunavut, this conciliatory and yet demanding Inuit attitude has become more visible in institutions and policies. We remember the introduction around 10 years ago of Inuit qaujimajatuqangit, “the knowledge of the past that still applies to modern times.” With this knowledge system now in place, the Inuit of Nunavut can better incorporate their language, practices, and ancestral values into the new institutions modelled on those in Ottawa. In its latest report Achieving saimaqatigiingniq, published in October 2010, the Qikiqtani Inuit Association pursues this thinking but recommends that after a turbulent history marked by abuses and a policy of assimilation (creation of year-round settlements, forced relocations, killings of sled dogs, etc.),[3] Inuit and non-Inuit should now be able to reconcile and resume dialogue. The report stresses that Inuit and Qallunaat should enter into a new relationship based on mutual respect of values and traditions. Various goals are mentioned, such as becoming aware of the errors of the past and acknowledging them and the need for mutual commitment to intercultural cooperation. Other recommendations propose reconciling divergent worldviews, insofar as the desires of Inuit to strengthen their culture and mode of governance by incorporating traditional knowledge and Inuit qaujimajatuqangit do not lead to withdrawal from the non-Inuit world. Resilience is the keynote. The Inuit intend to enjoy the advantages, technologies, and services of modern life, with a view to working toward developing healthier and more balanced local communities and benefiting from the best aspects of the systems now available. But how possible and doable is such a project? Where are the areas of agreement and the obstacles? How is this policy aim, formulated here for Nunavut, breaking new ground in relation to other indigenization projects (Sahlins 2007)? Are these ambitions unrealistic or utopian? Can such a “synthesis” be brought about? What is implied in renewing such partnerships between the Inuit and the Qallunaat at a time when the new administrations are heavily influenced by Qallunaat bureaucracy (Nadasdy 2003)?

Interestingly, these efforts have been echoed by similar thinking far from the North, in intellectual circles. Researchers from different fields—sociology, anthropology, philosophy, etc.—are trying to imagine “a common but plural world,” to borrow the title of a book by Bruno Latour (2003). In a polemical essay deemed to be utopian and unrealistic, he proposed to create a Parliament of Things in which all existing objects and entities of the world could finally dialogue together (Latour and Gagliari 2006). Other researchers are using notions of “existing entities” and “ways of self-identifying” and are pondering these “collective entities” in order to understand the world’s diversity (Descola 2005, 2010). For their part, philosophers have introduced or re-introduced such concepts as “cosmopolitics” (Stengers 2004) or “cosmopolitanism” (Beck 2004, cf. Latour 2004). Several anthropologists are pitting Western “multiculturalism” against the “multinaturalism” or “perspectivism” of American Native peoples (Viveiros de Castro 1998, 2004, 2009). Others, like Tim Ingold, propose to re-erect modern science and Native knowledge on an “ecology of mind” (Ingold 2013), or brandish the notion of “sphere” (Sloterdijk 1998, 1999, 2004) as a means to rethink cultural diversity, to get away from naturalism and imagine a universe where humans and nonhumans may live together. According to these authors, modern naturalism has led the world into a dead end that is all the more dangerous because natural resources are being used up. Humans have managed for the first time in the earth’s long history to transform it radically and can now destroy it through their actions. To acknowledge this rupture, several experts have advanced the idea that the earth has entered a new era: the Anthropocene. Such apocalyptic visions cannot evidently be discussed here. Nonetheless, to resolve the current crisis, people will have to dialogue, interact, and find solutions that are acceptable to everyone. Bruno Latour evokes a need for “cultural diplomacy,” which should lead to “compromises.” Philippe Descola has opted for “relative universalism,” this term being here defined as relational and not as a form of ultra-relativism. In this sense, Descola (2011) suggests first identifying the relationships of continuity and discontinuity between ontologies and then shifting humans away from their central position, thereby making better understanding possible. The alternative is ethnocentrism. Clearly, all of these essays call to mind conditions for the “reconciliation” that the Inuit are calling for.

In this double issue of Études/Inuit/Studies, the different contributors have tried to reflect on some of these questions by, to varying degrees, referring to the above essays that have shaped the current shift in ontological thinking. Some of the contributors have preferred not to refer to them when dealing with the many issues of this encounter of worlds and cultures, both in the past and in the present, while highlighting several key aspects of ambitions held by the Inuit and the means at their disposal. To this end, they have drawn on several case studies and key areas of research: intercultural relations, and also ontologies, human/animal relations, religion, political institutions, and socioeconomic development. The Far North appears as a sort of vast experimental laboratory where one can examine encounters, crossovers, mixtures, or clashes between cosmopolitics, i.e. often very contrasting—but not incommensurable—value systems and worldviews that can transform each other mutually.

Most of the contributions to this issue originated in ideas exchanged at the 9th roving seminar of IPSSAS (International Ph.D. School for Studies of Arctic Societies), which was held in Wendake, Essipit, and Quebec City, May 16 to 27, 2013.[4] The seminar, which was a success, had been organized with funding from several institutions, including the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada (SSHRC), the Faculty of Social Sciences and the anthropology department of Université Laval, the Fédération des Coopératives du Nouveau-Québec, the Kativik School Board and the Kativik Regional Government, the Association Inuksiutiit Katimajiit, the network ArcticNet, the CURA Inuit Leadership and Governance in Nunavut and Nunavik research program, and CIÉRA. I warmly thank all of these institutions for their support, as well as the three students who took an active part in organizing the seminar: Amélie Breton, Emmanuel Luce, and Pascale Laneuville, not to mention the young Inuit of the IPL (Individual Path of Learning) program from Puvirnituq and their kayak instructor, Alain Cloutier, who temporarily became educators for the whole group while introducing all of them to kayaking.

The first part of this issue has four contributions about intercultural relations and the values that Inuit and non-Inuit have in common or do not. Betsy Annahatak, an Inuk from Kangirsuk (Nunavik) known for her remarkable studies in education over many years, focuses on the value of silatuniq, which she says is the foundation of Inuit ontology. Based on respect for others, this value partly explains the openness of the Inuit and their ability to integrate elements from other cultures without feeling threatened. For Annahatak, who has gone through many substantial transitions and transformations in her community, silatuniq shows us how the Inuit interact with the entities around them in the near or far world, hence her involvement in child education. Through his interest in music as it is now conceived and practised in several Labrador communities, Tom Artiss shows how well the Inuit have incorporated traditions from outside sources, notably Christian hymns. In some ways, his article echoes the remarkable film Avaala by Myna Ishulutaq, an Inuk from Pangnirtuuq who attended the IPSSAS seminar and who documented the use of Christian hymns by seal hunters who used them to lull their prey to sleep. Artiss likewise points out just how much Labrador’s Inuit societies have changed culturally without having lost their identities. The Inuit have successfully managed to “Inuitize” or indigenize Qallunaat-imported traditions that have entered their culture at different times of their history; they have done so by establishing emotional bonds with these traditions, thereby creating perceptible cultural continuities that transcend the transformations induced by these changes. Hence the title of his article, “more White does not always mean less Inuit.”

Karen Langgård prepared her article on Danish/Norwegian rivalry over Greenland by meticulously going through archives, in particular extracts from Greenland’s local press. Although Greenlanders were impressed by the skill and boldness of the Norwegian explorer Fridtjof Nansen, who crossed the Greenland icecap in the 1880s when Denmark was in conflict with Norway over ownership of Greenland, these same Greenlanders remained loyal to the Danish colonial authority, being visibly attached to their country’s ethnic and territorial integrity. These attitudes show the complexity of the relations between the two Nordic countries and the existence, already, of a national conscience, a desire to exist as a self-governing society, long before the signing into law of Home Rule in 1979 and the establishment of local government. Karen Langgård asks a fundamental question: what reconciliation does Greenland need, at a time when the country is assuming its identity in a globalized world? Mary Caroline Rowan explores the concept of saimaqatigiingniq, which refers to the idea of encounter and “reconciliation”—another way of affirming the compatibility between the cultures and values of the Inuit and those of the Qallunaat. Rowan pursues her line of enquiry by examining various experiments and programs in child education. Her question: How can Qallunaat and Inuit agree on early childhood education in the spirit of saimaqatigiingniq? The answers remain difficult. Although this coming together has been partly achieved politically, it remains to be done in education, and many obstacles will have to be negotiated.

The second part of this issue deals more specifically with indigenization of institutions—a reality that can be observed not only in Nunavut but also in Nunavik. Thierry Rodon begins with the very recent history of Nunavut, which he presents as an illusion and “unfinished composition.” Although its institutions were modeled on Ottawa’s, the Inuit seem to have decided to use them now as a governance tool to advance their own views. Drawing on Latour (2010) and his concept of composition (2010), Rodon wonders about the nature and extent of the autonomy of this postcolonial structure. Francis Lévesque pursues this train of thought by focusing on the recent history of the Nunavut government, which arose from the Nunavut Land Claims Agreement. He describes the territory’s new bureaucracy and political structures. He finally takes us back to the concept of Inuit qaujimajatuqangit, which combines elements of completely foreign origin with old values to which the Inuit feel deeply attached. Lévesque nonetheless argues that this concept should not be treated as an act of resistance to colonial institutions but rather as a way for the Inuit to take over new structures and adapt them to their own uses. Much remains to be done for the Inuit to reach the goals they have set for themselves, so much so that this concept is still very much a long-term project. Caroline Hervé, who has devoted her doctoral dissertation to study of Inuit leadership, shows that Nunavik has not been lagging behind. From a relational and ontological perspective, she examines the progress of this region and its inhabitants toward political autonomy, advancing the idea that the Nunavimiut see this autonomy not so much as a separation but as “a process whereby they are trying to preserve their relationship with the State.” A good government must be one that can fulfil its citizens’ needs. She provides a fresh look at the failure of the April 27, 2011 referendum.

The third part has a sociohistorical dimension insofar as current research shows that the Inuit have long been multiplying their initiatives to incorporate Qallunaat traditions. The process has been far from easy. Frédéric Laugrand and Jarich Oosten describe how Sister Pelagie Inuk always felt torn between her vocation to God and her desire to help others. Whereas missionaries have made her into a model to follow, Pelagie’s life shows that she often faced problems in her desire to reconcile her life as a Grey Nun with her life as an Inuk. She always considered family values to be essential while serving an institution that was deeply entrenched in the Roman Catholic conception of religion and that could not settle the issue of celibacy, a point already raised long ago by the Oblate missionary Robert Lechat, for example. Florence Dupré, who has written an excellent doctoral dissertation on contemporary kinship in Sanikiluaq, Nunavut, aptly shows the strength of Inuit social structures. She addresses here the techniques of representing a person pictorially and in particular photography and graphic representations. She discusses the home layout of family photos and their role in practices for integrating the child into kinship networks as well as the function of what she calls “relationship tattoos” in producing, practising, and breaking the kinship tie. We see here, for instance, how Inuit easily appropriated new technologies such as Bebo and Facebook to develop uses that suited them and were compatible with their traditions.

The fourth and last part includes two mutually supporting contributions, although they concern two Arctic regions far removed from each other. Pascale Laneuville, who wrote her master’s thesis on this subject, skilfully shows how the Inuit of Qamani’tuaq, Nunavut, have maintained a close bond with their territory, this conception being profoundly marked by a unique conception of time and space that refers to a way of being in the world, and therefore to an ontology. Beyond their political demands, the Inuit of the community show much pragmatism when discussing construction of the Meadowbank gold mine, as witnessed by their use of the newly built road and also their close relationships with the caribou they hunt and the multiple nonhuman entities that surround and watch them. We discover a nomadic people who tend to see their space as being borderless, and how they intend to use and preserve it. The last article of the thematic part of this volume, Zoe Todd’s, takes an original approach to human-fish relations in the Paulatuuq region, Northwest Territories, the author seeing this location as an “active site of engagement.” Todd examines these relations over a period of several decades and offers a nuanced understanding of the dynamic strategies used by the Paulatuuqmiut, who navigate through their territory’s environmental, political, legal, social, cultural, and economic realities, and who show both pragmatism and determination in reiterating their deep attachment to their surrounding space and to the animals they daily share it with.

Preserving their differences, improving governance, and reconciling their cultures with those of the non-Inuit—these are some of the major challenges that face societies in the Far North and elsewhere. This reality is what the current volume of Études/Inuit/Studies should amply demonstrate to its readers.