Article body

L’idée de ce numéro thématique d’Études/Inuit/Studies a germé lors d’une session intitulée « Inuit health and well-being : Cultural, social and environmental perspectives / La santé et le bien-être des Inuit : perspectives culturelles, sociales et environnementales », que nous avions organisée à l’occasion du 19e Congrès d’Études inuit à Québec en 2014. L’intérêt suscité par cette session a dépassé de très loin nos attentes, nous laissant penser qu’il y aurait de la place pour un numéro spécial sur ce sujet. À ce moment, nous venions tout juste d’entamer notre collaboration à l’enquête sur la santé Qanuilirpitaa ? (« Comment allons-nous maintenant ? ») qui aura bientôt lieu au Nunavik en 2017. Nos spécialisations universitaires divergentes – la géographe et chercheure en santé des populations Mylène Riva est spécialisée dans les études quantitatives au niveau populationnel, tandis que l’anthropologue Christopher Fletcher, spécialiste des recherches qualitatives, travaille en contact étroit avec des communautés sur des problèmes au niveau local – nous ont amenés à de riches discussions sur la meilleure façon de définir la santé communautaire chez les Inuit pour rejoindre de multiples interlocuteurs, y compris les professionnels de la santé, les membres des communautés inuit, les administrateurs régionaux et des chercheurs dans le domaine de la santé provenant de diverses disciplines. L’appel d’articles pour ce numéro thématique est issu de cette session initiale lors du 19e Congrès d’Études inuit, et de nos discussions sur la méthodologie à élaborer pour l’enquête à venir.

Bien que la revue Études/Inuit/Studies ait déjà publié des articles individuels portant sur la santé dans les communautés inuit, nous nous étonnons que ce sujet soit si rarement apparu dans ses pages. En fait, l’unique et dernier volume thématique sur la santé a été publié en 1981 ; il contenait six articles de recherche répartis sur deux numéros. Il s’agissait du volume 5, et dans le premier numéro, George Wenzel comparait le modèle biomédical occidental et le modèle inuit en matière d’étiologie, nous procurant du même coup l’un des premiers exemples de travaux sur les modèles culturels inuit relatifs à la santé et à la maladie. Il arrivait à des conclusions paradoxales : tandis que les Inuit pensent que la biomédecine est efficace, elle les prive en même temps des modèles culturels inuit qui situent la santé et la maladie dans des contextes historiques, sociaux et géographiques. Dans un autre article, John O’Neil explorait le rôle des nouveaux organismes communautaires, tels que les églises et les écoles, dans la préservation de la santé communautaire. Arguant du fait que la santé, en tant que projet des communautés inuit, commençait à s’ancrer dans les actions d’institutions et de groupes communautaires qui n’étaient pas nécessairement perçus comme des organismes voués à la « santé », il décrivait un processus que l’on pourrait aujourd’hui qualifier « d’autochtonisation » des ressources communautaires locales. Enfin, Margaret Wheatley et Brian Wheatley discutaient des effets d’un test de contamination par le mercure, isolé et peut-être relevant d’une anomalie, sur les habitudes alimentaires à Salluit (que l’on appelait Sugluk à l’époque). Leur article décrivait la façon dont les gens avaient rapidement modifié leurs choix alimentaires, en s’éloignant de la nourriture traditionnelle au profit des alternatives proposées par les magasins, démontrant ainsi à quel point les Inuit sont sensibles aux informations relatives à la santé et combien il est important de diffuser les résultats de la recherche avec prudence et en tenant compte de leurs possibles conséquences.

Dans le deuxième numéro du volume 5, A.P. Ruderman et G.R. Weller mentionnaient que les Inuit du District de Keewatin (dans ce qui est aujourd’hui le Nunavut) étaient mécontents des services de santé du Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qu’ils trouvaient paternalistes et déconnectés de la réalité sociale et politique dans laquelle ils étaient dispensés. Ces auteurs étaient parmi les premiers à plaider pour une approche de la santé préventive, holiste et contrôlée par les Inuit, ce qui était au-delà des possibilités du système de soins de l’époque, en grande partie curatif. Jean Labbé, médecin lui-même, en arrivait à des conclusions très semblables dans son article sur l’état de la santé et des systèmes de soins dans le nord du Québec. Il lui paraissait nécessaire de procéder par une approche globale avec la pleine et entière participation des Inuit ; une telle approche en était à ses balbutiements au moment de la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois par les Inuit du Nunavik, et au moment du développement subséquent de leurs institutions politiques. Enfin, Margaret Lantis avait étudié les vecteurs de diffusion des zoonoses[1] (vers parasites, bactéries et virus) au nord du Canada et en Alaska, et la façon dont ces maladies affectaient les modes de vie et les conditions de vie des Inuit. Elle préconisait un certain nombre de stratégies pour remédier à ces problèmes, allant de la diffusion de l’information rédigée en langage simple jusqu’au recrutement d’un anthropologue spécialisé en études médicales pour accroître les connaissances sur la façon dont ces maladies se transmettent aux êtres humains et les mesures à adopter pour les prévenir. Bien que les systèmes sociaux et de soins de santé aient considérablement changé dans le Nord depuis 1981, les thèmes de ces articles restent incontournables dans le paysage sanitaire et de la recherche en santé dans le nord du Canada aujourd’hui.

Les articles de ce numéro thématique reflètent à la fois l’évolution de la pensée touchant la santé et des actions dans les communautés inuit, ainsi que la persistance de certains problèmes de santé et de conditions sanitaires dans l’Arctique. Il est probable que la relativement faible attention que l’on accorde au thème de la santé et la culture dans Études/Inuit/Studies reflète une conception partagée que la santé est en quelque sorte au-delà de la culture, qu’elle s’inscrit dans le domaine physique du corps et non dans le domaine social de la vie quotidienne. Bien entendu, rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité, et nous pouvons assurer que nombre d’articles d’Études/Inuit/Studies, au fil des ans, se sont intéressés à la santé et au bien-être des Inuit en termes sociaux, cosmogoniques, spirituels, environnementaux et familiaux. Quelques-uns ont directement abordé les questions de santé d’un point de vue historique (p. ex., Olofsson et al. 2008 ; Tester et al 2001 ; Vanast 1991).

En présentant ce numéro thématique, nous mettons de l’avant une conception de la santé en tant que champ d’action dont la complexité sociale et historique produit des schémas de mal-être, de maladies et de souffrance. Différents travaux de recherche ont amplement démontré que les Inuit diffèrent grandement de la majorité de la population en ce qui concerne un certain nombre d’affections chroniques et/ou sociales. Nous avons consciemment choisi de ne pas décrire les particularités de ces disparités en détail, car cela peut déjà être consulté ailleurs (p. ex., Anctil 2007 ; Wallace 2014)[2]. Notre objectif est d’examiner de plus près les interventions existantes et les nouvelles avenues d’amélioration de la santé, plutôt que de réitérer les mêmes problèmes une fois de plus.

Pour découvrir des solutions et alléger le fardeau de la maladie et de la souffrance sociale, il faut, en toute équité et en toute conscience, établir une coordination et une collaboration à travers des différences linguistiques et culturelles. Ces processus sociaux exigent, ainsi que Labbé, O’Neil et Wenzel en avaient eu l’intuition dans leurs articles de 1981, une revalorisation des moyens que les communautés peuvent mobiliser pour la santé et le bien-être. Les groupes communautaires, les gouvernements et les organismes dédiés à la santé doivent agir en collaboration de façons novatrices et compatibles avec la culture, afin de créer des programmes d’intervention en santé qui aient suffisamment de résonance chez les Inuit pour avoir un véritable impact. Comme le démontraient les articles de Wheatley et Wheatley et de Lantis, la recherche en santé exige également une profonde connaissance de la culture, des partenariats harmonieux et un dialogue efficace si l’on veut que les résultats de la recherche soient repris par les autorités médicales, les organisations locales et les gens du Nord.

Ces dernières années, les points de vue critiques ont élargi et remodelé la notion de santé en soulignant la nature politique et idéologique des services de santé et des discours qui les accompagnent, et la façon dont ceux-ci, en retour, peuvent reproduire les conditions ayant généré des iniquités de santé. La culture est désormais placée au centre du dialogue, attirant ainsi l’attention sur son rôle dans l’atteinte de résultats équitables en matière de santé. Il s’agit d’un effort global, qui implique les populations autochtones et minoritaires ainsi que des voix s’élevant de nombreux endroits du monde. Dans les professions de la santé, des concepts tels que celui de compétence culturelle ont fait leur apparition, en tant que nouvel ensemble de capacités institutionnelles et d’aptitudes des praticiens visant à procurer efficacement des soins dans des situations complexes sur les plans culturel et linguistique. La compétence culturelle est l’aptitude des institutions et du personnel soignant de travailler avec la différence culturelle. Il s’agit d’un ensemble cohérent de pratiques, qui va au-delà de la sensibilité et des notions culturelles et qui, tout en étant important, constitue un premier pas en direction de systèmes destinés à oeuvrer avec la culture. En réaction aux difficultés que rencontraient les infirmières maori dans les dynamiques interculturelles des soins de santé, la Nouvelle-Zélande a fait de la sécurité culturelle un objectif organisationnel et professionnel. La sécurité culturelle représente l’effort de faire prendre conscience aux professionnels de la santé du rôle des relations de pouvoir dans la création des iniquités. Elle fait maintenant partie intégrante des systèmes de soins et elle est considérée comme souhaitable chez les praticiens de la santé, en réaction au poids idéologique rarement remis en question qui accompagnait auparavant les actes médicaux dans les communautés autochtones. Le concept d’humilité culturelle a tout d’abord pris de l’ampleur en travail social avant d’être repris, en tant qu’objectif interculturel, par les responsables de la santé des Autochtones de l’Ouest canadien (entre autres), en tant que façon d’instaurer partage et reconnaissance entre les différents systèmes de culture et de savoir des peuples autochtones et non autochtones. Ceux-ci sont proposés en tant qu’actes réflexifs qui favorisent des moyens culturellement appropriés de prodiguer des soins de santé dans les communautés autochtones qui soient centrés sur le patient. L’émergence de ces concepts et pratiques signale que l’on prend de plus en plus conscience que les cadres idéologiques de la santé et de la maladie constituent des points importants de tensions interculturelles, et que les relations entre les professionnels de la santé et leurs patients reflètent souvent, à un niveau plus large, les relations de pouvoir, de privilège et de disparité entre les peuples autochtones et les populations non autochtones.

Dans ce numéro, l’article de Helle Møller part de ces développements intellectuels pour explorer ce qu’implique le fait de donner une formation de « double culture » aux infirmiers/infirmières inuit et non inuit au Groenland et au Nunavut. Son travail, qui est une étude nuancée des relations sociales au sein et entre les cultures, examine la communication non verbale dans les environnements cliniques aux cultures multiples. Le savoir culturel conduit à des soins plus efficaces et à une meilleure communication. Cela inclut les subtilités du langage, et non seulement le volume, le rythme et le moment de la prise de parole, mais aussi les façons corporelles et non verbales de communiquer telles que les silences, le positionnement corporel et les regards. La compréhension est par conséquent influencée par les habitus tant du soignant que du patient lors d’une rencontre médicale. Les façons d’être ensemble ne peuvent être enseignées dans toute leur complexité. Ainsi que l’indique son exemple des infirmières non inuit expérimentées qui finissent par comprendre le langage corporel, ces aptitudes s’acquièrent au fil du temps et non en un unique apprentissage. Dans ce cas, nous constatons également que l’accès à des soins prodigués par des personnes disposant de cette compétence culturelle a une influence sur la réussite des traitements.

Les efforts pour remodeler les relations culturelles qui produisent de la santé trouvent écho dans une compréhension, une pratique et une recherche en santé qui s’éloignent d’une attention portée sur la maladie pour mettre l’accent sur les facteurs contextuels qui accentuent et entretiennent les iniquités de santé. L’approche des « déterminants sociaux » a été largement adoptée dans la communauté de la santé autochtone. Des documents fondateurs, tels que le rapport de Reading et Wein (2009) décrivent les déterminants sociaux spécifiques à la santé des peuples autochtones et les classent en facteurs proximaux, intermédiaires et distaux. Les facteurs proximaux comprennent l’éducation, l’environnement physique et la sécurité alimentaire ; les facteurs intermédiaires comprennent les infrastructures communautaires et la continuité culturelle ; et les facteurs distaux comprennent l’expérience du colonialisme et les mouvements d’autodétermination. Cette approche est essentielle à la structuration et la description d’une très large gamme de facteurs spécifiques qui influencent la santé des peuples autochtones. Inuit Tapariit Kanatami a aussi produit un rapport sur l’équité en matière de santé pour les Inuit, qui identifie différents contextes et conditions comme déterminants de la santé dont : les conditions du développement dans la petite enfance, la culture et la langue, le logement, l’éducation, la sécurité alimentaire, la disponibilité des services de santé, le bien-être mental et l’environnement (ITK 2014).

Ce sont là d’importants exemples de pratiques « d’autochtonisation » dans lesquelles les conditions particulières des modes de vie et de l’histoire des Autochtones sont mobilisées pour signaler que la disparité en matière de santé est le produit de l’action humaine, des évènements historiques et de la structuration politique. Ces pratiques nous rappellent que les vies des gens s’inscrivent toujours dans des contextes qui peuvent favoriser ou non la santé. Les articles de ce numéro parlent de différentes façons et au moyen de divers exemples de cette réalité. Plusieurs d’entre eux décrivent des interventions et des projets qui répondent en particulier à la situation complexe et souvent difficile des jeunes Inuit d’aujourd’hui. Par exemple, Andréanne Lemaire et ses collègues discutent de la façon dont Artcirq – un programme d’activités de cirque destiné aux jeunes basé à Igloolik, Nunavut – crée de nouveaux espaces pour le bien-être des jeunes par le biais de l’expression artistique, afin de contribuer à la réduction des taux alarmants de suicide. Leur approche extrêmement innovante des difficultés des jeunes s’ancre dans des formes d’expression culturelle et s’inspire de la culture populaire contemporaine. Ce programme donne aux jeunes l’opportunité de réfléchir à leur propre sentiment d’authenticité et de lui donner forme. Sous cet éclairage, la culture représente un champ d’exploration et de créativité pour des jeunes désireux de penser à l’avenir en partageant avec les autres dans le moment présent. L’art n’est plus un produit, mais plutôt un médiateur de sens dans l’immédiateté de la vie quotidienne.

Rachel Hirsch et ses collègues présentent dans leur article le même type d’effort, consistant cette fois à promouvoir la santé mentale chez les jeunes tout en soutenant la production locale de nourriture. Dans ce cas, les jeunes des communautés du Nunatsiavut au Labrador apprennent des chasseurs et les aident à alimenter le congélateur communautaire. Ils se connectent ainsi, certains pour la première fois, à l’acquisition traditionnelle de nourriture provenant du territoire et aux activités socialement valorisées du partage et de l’aide apportée à ceux qui en ont besoin, ce qui contribue à accroître le capital culturel.

Bien que le fait d’aider soit sans l’ombre d’un doute une valeur importante, la création de programmes qui « aident » n’est pas forcément simple. Sarah Fraser et ses collègues décrivent les problèmes organisationnels qui se sont posés lors de la création de ressources au niveau communautaire pour la promotion de la santé au Nunavik. Dans leur étude des pratiques collaboratives nécessaires pour soutenir le programme Ilagiinut (« Pour les familles »), la culture des multiples organisations est apparue comme un champ d’études en elle-même. Alors que les acteurs individuels du système sont motivés par la nécessité d’aider les jeunes et les familles, leurs initiatives sont freinées par la complexité structurelle qui limite la collaboration et sape le nécessaire travail d’équipe.

Les réseaux sociaux et de parenté ont une importance capitale dans la conceptualisation de la santé des Inuit aujourd’hui. En termes inuit, « être en bonne santé » signifie se situer parmi des gens et des familles attentionnés, qui disposent tous d’un environnement physique et social rassurant et sûr dans lequel vivre. Les nouveaux médias et le transport aérien ont permis de réduire les distances et d’abattre les distinctions entre Nord et Sud, cela ayant pour résultat, entre autres, le développement de grandes communautés inuit animées dans plusieurs villes canadiennes du Sud. Stéphanie Vaudry explore la complexité et l’innovation culturelles au moyen desquelles de jeunes Inuit à Ottawa nouent des amitiés qui leur apportent un sentiment d’appartenance et de confort dans la ville, malgré les expériences de discrimination et d’être perçus comme étrangers. Ces jeunes développent de nouvelles relations, et leur optimisme est un fort indicateur de la réussite de leurs stratégies en faveur du bien-être en contexte urbain.

Depuis les premiers jours de l’exploration et de la colonisation de l’Arctique, les gens qui y vivent et leur environnement naturel ont attiré les scientifiques, dont la présence chez les Inuit a augmenté de façon exponentielle depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est que depuis les deux dernières décennies que les pratiques de recherche ont été soumises à des normes éthiques imposées par les organismes subventionnaires nationaux et par des organismes inuit régionaux et territoriaux. Dans son article portant sur son travail avec l’association Pauktuutit Inuit Women of Canada pour promouvoir la recherche éthique et participative, Marika Morris décrit le processus d’élaboration d’un projet de recherche-action participatif à Ottawa avec des jeunes et des organisations inuit. Cet article décrit en détail l’attention et la persévérance qu’il faut pour nouer de véritables relations, tout en nous procurant une étude de cas de réalisme en matière de recherche. Son projet met également en exergue les nouvelles façons qu’ont les jeunes Inuit de se soutenir les uns les autres en contexte urbain.

Christopher Fletcher discute de la subjectivité de la recherche et de ses effets sur les Inuit, soutenant que la recherche portant sur la nourriture dans les communautés inuit est depuis longtemps un site de contact interculturel et de complexité culturelle. De tels projets de recherche sont courants dans le Nord, et l’intérêt des Qallunaat (non Inuit) pour le régime alimentaire des Inuit est aussi ancien que les premiers contacts entre Inuit et Européens. Ainsi qu’il le démontre, l’étude de la nourriture a provoqué une certaine gêne chez les Inuit quant à leur culture et leurs traditions. Les pratiques alimentaires quotidiennes se sont changées en actes qui ont désormais une signification supplémentaire, allant de la gêne à la résistance en passant par la fierté. Les relations de recherche sont entremêlées dans les différentes histoires de colonisation et, dans certains cas, nous constatons que le fait d’étudier un phénomène tend à le transformer, quelles que soient les intentions du chercheur. Cela rejoint à nouveau la leçon de l’article de 1981 de Wheatley et Wheatley. C’est pour cette raison que des projets comme celui d’Annie Lamalice et de ses collègues exigent tant de prudence. Le développement de prototypes de serres au Nunavik et au Nunavut signifie l’implantation d’un mode de production totalement importé (l’horticulture) dans une communauté inuit nordique. D’un côté, l’idée de faire pousser la nourriture – en opposition à la cueillette, la pêche ou la chasse – représente une nouvelle orientation pour les Inuit et l’on risque de voir une nouvelle forme de pratique territoriale s’immiscer dans la vie du Nord. D’un autre côté, le projet de serre pourrait être considéré comme totalement en accord avec les pratiques inuit, à savoir qu’il s’agit d’une activité collective destinée à apporter de la nourriture à la communauté tout entière. Nous pourrions peut-être pousser ce raisonnement jusqu’à dire qu’en plus des légumes, ce sont les valeurs inuit qui seraient cultivées par ce processus, et que cette double production paraît séduire les plus petites communautés, telles que Kangiqsujuaq au Nunavik.

Pour les Inuit et les autres personnes des communautés de l’Arctique, l’attention portée à la place de la culture dans le système de santé, aux pratiques de guérison et à la valorisation de leurs résultats sur le plan culturel, constitue une opportunité encourageante pour continuer à façonner les systèmes en place et l’espace que la culture et le savoir inuit y occupent. Malgré ces changements importants, certains continuent de percevoir la culture comme un facteur qui complique, voire limite, la possibilité de vivre en santé dans le Nord. Or, comme le démontrent les articles de ce numéro thématique, la culture est un chemin qui mène à la santé et au bien-être. Nous espérons que ce numéro contribuera à élargir la conversation sur la santé et la culture, tout en procurant aux praticiens de la santé et aux chercheurs, Qallunaat comme Inuit, des informations éclairées, quel que soit leur rôle.


This thematic issue of Études/Inuit/Studies germinated from a session on “Inuit health and well-being: Cultural, social and environmental perspectives / La santé et le bien-être des Inuit: perspectives culturelles, sociales et environnementales,” which we organized for the 19th Inuit Studies Conference in Quebec City in 2014. The level of interest far exceeded our expectations, suggesting that there was room for a special issue on the topic. At the time, we had just begun to collaborate on the now imminent 2017 Nunavik health survey Qanuilirpitaa? (‘How are we now?’). Our divergent academic backgrounds—geographer and population health researcher Mylène Riva specializes in population-level quantitative studies, while anthropologist Christopher Fletcher is a qualitative researcher who works closely with communities on locally defined issues—led to engaging and open-ended discussions about how to characterize Inuit community health in ways that would be responsive to multiple audiences, including health professionals, Inuit community members, regional administrators, and other cross-disciplinary health researchers. The call for papers for this issue grew out of that initial session at the Inuit Studies conference and our discussions on the emerging methodology for the survey.

Although individual articles on health in Inuit communities have been published in Études/Inuit/Studies, it surprises us that the topic has so rarely appeared between its covers. Indeed, the last and only thematic volume on health was published in 1981 and contained six research articles spread over two issues. This was volume 5, and in its first issue George Wenzel compared Western biomedical and Inuit models of disease etiology, in the process offering an early example of writing on Inuit cultural models of health and illness. His conclusions raise a paradox: while biomedicine is perceived by Inuit as efficacious, it also alienates them from cultural models that situate Inuit health and illness in historical, social, and geographic contexts. In another article, John O’Neil explored the role of new community organizations, like churches and

schools, in maintaining community health. Arguing that health as a social project of Inuit communities is becoming anchored in the actions of institutions and community groups not typically seen as “health” organizations, his analysis describes a process of what today may be called “indigenization” of local community resources. Lastly, Margaret Wheatley and Brian Wheatley discussed the effect of a single, perhaps anomalous, mercury test result on the eating habits of people in Salluit (called Sugluk at the time). Their article described how people rapidly shifted their food choices away from country food and towards store-bought alternatives, showing how sensitive Inuit are to health-related information and how important it is to disseminate research results in a measured way and with consideration of their possible effects.

In volume 5(2), A.P. Ruderman and G.R. Weller reported that Inuit from the District of Keewatin (in what is now Nunavut) were dissatisfied with the health services of the Government of the Northwest Territories, which they perceived as paternalistic and disconnected from the social and political contexts in which these services were provided. These authors were early advocates for an Inuit-controlled, holistic, and preventative approach to health, something beyond the scope of the largely curative health care system in place at the time. Jean Labbé, himself a medical doctor, came to very similar conclusions in his paper on the state of health and health care services in northern Quebec. A comprehensive approach with the full participation of the Inuit was needed; such an approach was in its early days with the signing of the James Bay and Northern Quebec Agreement by the Inuit of Nunavik and with the subsequent development of their political institutions. Finally, Margaret Lantis studied the disease vectors of helminthic (i.e. linked to parasitic worms), bacterial, and viral zoonoses[1] in northern Canada and Alaska and how these conditions intersect with Inuit lifestyles and living conditions. She recommended a number of strategies to address these conditions, ranging from dissemination of information written in plain language to hiring a medical anthropologist to increase knowledge of how the diseases are transmitted among humans and how they may be prevented. Although social and health care systems have changed considerably throughout the North since 1981, the themes of these papers remain prominent in the landscape of health and health research in northern Canada today.

The papers in the current volume reflect both the evolution of health-related thinking and action in Inuit communities and the persistence of some health problems and health-related contexts in the Arctic. The relative lack of attention given to health and culture in Études/Inuit/Studies likely reflects a broadly held social construct that health is somehow beyond culture, being embedded in the physical realm of the body and not in the social realm of everyday life. Of course, nothing could be further from the truth, and we could argue that many articles in Études/Inuit/Studies over the years have addressed Inuit health and wellbeing in social, cosmological, spiritual, environmental, and family-related terms. A few have directly addressed health issues from an historical perspective (e.g., Olofsson et al. 2008; Tester et al. 2001; Vanast 1991).

In presenting this issue we foreground the idea of health as a socially and historically complex field of action that produces patterns of disease, illness, and suffering. It has been amply shown in the literature that Inuit differ greatly from the majority population over a range of chronic and/or social health conditions. We have consciously chosen not to describe the specifics of those disparities in detail, as they are readily available elsewhere (e.g., Anctil 2007; Wallace 2014).[2] Our objective is to look more closely at existing interventions and at new paths towards better health rather than reiterating the same problems once again.

Finding solutions and relief from the burdens of illness and social suffering requires equitable and self-aware coordination and collaboration across linguistic and cultural differences. These social processes require, as the papers by Labbé, O’Neil, and Wenzel intuited in 1981, new appreciations for the ways in which communities can mobilize for health and wellbeing. Community groups, governments, and health organizations must act collaboratively in novel and culturally coherent ways to create health intervention programs that resonate with Inuit to have a real impact. As Wheatley and Wheatley’s and Lantis’ papers showed, health research also requires deep cultural knowledge, functioning partnerships, and effective dialogue if research findings are to be taken up by health authorities, local organizations, and people in the North.

In recent years, critical perspectives have expanded and reshaped notions of health by highlighting the political and ideological nature of health services and discourses and how these in turn may reproduce the conditions that lead to health inequity. Culture has shifted to the very centre of dialogue, thus bringing new attention to its role in the effort to produce equitable health outcomes. This is a global effort that involves Indigenous and minority peoples and voices from many places around the world. In the health professions, concepts like cultural competence have emerged as a new set of institutional and system capacities and practitioner skills with an aim to providing effective care in culturally and linguistically complex situations. Cultural competence is the ability of institutions and health care providers to work with cultural difference. It is a coherent set of practices that go beyond cultural sensitivity and awareness and which, while important, are only a first step towards developing systems that work with culture. In response to the difficulties that Maori nurses experience in the intercultural dynamics of health care, New Zealand has made cultural safety an organizational and occupational objective. Cultural safety is an effort to make health care

workers aware of the role of power relations in creating inequity. It has become a feature of health care systems and a desired characteristic of health care service providers in response to the often unexamined ideological baggage that has accompanied delivery of health care to Indigenous communities. The concept of cultural humility first gained currency in social work and has been taken up as an intercultural objective by Western Canadian Indigenous health authorities (among others) as a way to situate sharing and recognition between the different cultural and knowledge systems of Indigenous and non-Indigenous peoples. These are proposed as self-reflexive acts that foster culturally effective means for delivering patient-centred care to Indigenous communities. The emergence of these concepts and practices points to growing recognition that the ideological frameworks for health and illness are important points of intercultural tension and that the relationships between health care providers and their patients often reflect broader relations of power, privilege, and disparity between Indigenous people and non-Indigenous populations.

Helle Møller’s paper in this volume draws on these intellectual developments to explore the implications of training Inuit and non-Inuit nurses in Greenland and Nunavut to be “double cultured.” A nuanced study of social relations within and between cultures, her work looks at the extra-verbal communication of multiple-cultured clinical environments. Cultural knowledge leads to effective care and communication. It includes subtleties of language, not only volume, pace, and timing of speech but also non-verbal, embodied modes of communicating, such as the use of silence, posture, and gaze. Understanding is therefore influenced by the habitus of both nurse and patient in a medical encounter. Ways of being together are more complicated than they may be taught and, as suggested by her example of experienced non-Inuit nurses who become competent in body language, one grows into these skills over time rather than learning them in a single try. In this case, we also see how access to culturally competent care influences health outcomes.

Attempts to reshape the cultural relations that produce health are also reflected in attempts to move health-related understanding, practice, and research away from a focus on the disease and towards sustained engagement with the contextual factors that instantiate and maintain health inequity. The “social determinants” approach has been broadly embraced in the Indigenous health community. Foundational documents like Reading and Wein’s (2009) report describe the social determinants specific to Indigenous peoples’ health and organizes them into proximal, intermediate, and distal factors. Proximal factors include education, the physical environment, and food security, intermediate factors include community infrastructure and cultural continuity, and distal factors include experiences with colonialism and movements for self-determination. This approach is key to structuring a very broad range of influencing factors and describing health determinants that are specific to Indigenous peoples. Inuit Tapariit Kanatami has likewise produced a report on health equity for Inuit wherein multiple contexts and conditions are organized within a general model of heath determinants. These include the conditions of early childhood development, culture and language, housing, education, food security, availability of health services, mental wellness, and the environment (ITK 2014).

These are important examples of indigenizing practices wherein the specific conditions of Indigenous livelihoods and histories are mobilized to situate health disparity as a product of human action, historical events, and political structuring. These practices remind us that people’s lives are always embedded in contexts that can foster or hinder health. The papers in this volume speak in different ways and through various examples to this reality. Several describe interventions and projects that specifically address the complex and often difficult situation of young Inuit today. For example, Andréanne Lemaire and her colleagues discuss the ways that Artcirq—a youth circus program based in Igloolik, Nunavut—is establishing new spaces for youth wellbeing through artistic expression helping to address the distressingly high rates of suicide. Their highly innovative approach to the difficulties of youth is grounded in cultural forms of expression and draws on contemporary popular culture. The program opens up opportunities for youth to reflect on and fashion their own senses of authenticity. In this light, culture is a field of exploration and creativity for young people who are motivated to look to the future by sharing with others in the present. Art is thus no longer a commodity but rather a mediator of meaning in the immediacy of everyday life.

A similar focus is presented by Rachel Hirsch and her colleagues in their article. They describe an effort to foster mental health among youth while supporting production of country food. In this case, youth in Nunatsiavut communities of Labrador learn from and help hunters who supply the community freezer. They thereby connect, sometimes for the first time, with traditional land-based food production and the cultural capital that accrues to the socially valued activities of sharing and helping the needy.

While helping is without doubt an important value, creating programs that “help” is not necessarily simple. Sarah Fraser and her colleagues describe the organizational challenges of creating new community-level resources for health promotion in Nunavik. In their study of the collaborative practices needed to support the Ilagiinut (‘For families’) program, the culture of multiple organizations emerges as a field of research in itself. Individual actors in the system are motivated by the need to help youth and families, yet they are stymied by the structural complexity that limits collaboration and undermines the required teamwork.

The importance of social and kin networks is paramount in conceptualizing Inuit health today. To be healthy in Inuit terms is to be situated among caring people and families who all have comforting and secure physical and social environments to live in. Media technology and air travel have been reducing distances and breaking down distinctions between North and South, one outcome

being the development of large and vibrant Inuit communities in several southern Canadian cities. Stéphanie Vaudry explores the cultural complexity and innovation through which young Inuit in Ottawa build friendships to secure a sense of comfort and belonging in the city despite experiences with discrimination and externally imposed outsiderness. These youth are shaping new forms of relatedness, and their optimism is a strong indicator of their success in pursuing strategies for Inuit wellbeing in urban contexts.

Since the earliest days of Arctic exploration and colonization, the people who live there and their natural setting have attracted scientific researchers, whose presence among the Inuit has grown exponentially since the end of the Second World War. Only in the past two decades has research practice been subject to ethical standards imposed by national granting agencies and by Inuit regional and territorial organizations. In her paper on her work with the association Pauktuutit Inuit Women of Canada to promote ethical and participatory research, Marika Morris describes the process of establishing a participatory action research project in Ottawa with Inuit organizations and youth. The paper describes in detail the care and persistence required to build effective relationships through work, while also providing a case study of research realism. Her project also points to new ways for Inuit youth to engage with each other in an urban context.

Christopher Fletcher discusses research subjectivity and its effects on Inuit, arguing that food-related research in Inuit communities has long been a site of intercultural contact and cultural complexity. Such research projects are common in the North, and Qallunaat (non-Inuit) interest in Inuit diet is as old as contact between Inuit and European. As he shows, study of food has made Inuit self-conscious of their culture and tradition. Everyday practices of eating have been turned into acts that now have additional meaning and which range from resistance to embarrassment and to pride. Research relationships are entangled in the various histories of colonial engagement, and in some cases we see that the process of studying a phenomenon may tend to transform it, regardless of the researcher’s intention. Again, this would be the lesson of Wheatley and Wheatley’s 1981 paper. It is for this reason that projects like the one described by Annie Lamalice and her colleagues require such care. In developing greenhouse prototypes in Nunavik and Nunavut, an entirely imported mode of production (horticulture) is implanted in a northern Inuit community. At one level, the idea of growing food—as opposed to gathering, fishing or hunting it—represents a departure for Inuit and risks becoming a new form of territorial practice that insinuates itself into northern life. On the other hand, the greenhouse project could be seen as entirely consistent with Inuit practice in that it is a collective activity designed to bring food to the community at large. Perhaps we could extend this logic to say that in addition to vegetables Inuit values are being cultivated in the process and that this dual production is attractive to smaller communities like Kangiqsujuaq in Nunavik.

For Inuit and other people in Arctic communities, this attention to the place of culture in health care systems, healing practices, and culturally valued outcomes is an encouraging opportunity to continue to shape the systems in place and the space of Inuit culture and knowledge within them. Despite these and many other important changes, there is still a sense that some people see culture as a complicating factor that inhibits healthy living in the North. As the articles in this volume demonstrate, culture is a pathway to health and wellbeing. It is our hope that this issue will contribute to broader conversation on health and culture, while also providing Inuit and Qallunaat health care providers and researchers with insightful information, whatever their role.