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BERTRAND, Nicolas, 2016. Une école à la dérive. Essai sur le système d’éducation au Nunavik. Québec, Septentrion[Record]

  • Gisèle Maheux

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  • Gisèle Maheux
    Unité d’enseignement et de recherche en sciences de l’éducation, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Campus de Rouyn-Noranda
    Gisele.Maheux@uqat.ca

Cet essai examine la situation de l’éducation dans les communautés inuit du Nord-du-Québec. Cette tentative de comprendre s’est imposée à Nicolas Bertrand en réponse au choc d’un premier contact avec une communauté du Nunavik, Kangirsuk, en tant que nouveau milieu de vie. Sa représentation idéalisée du monde inuit a été confrontée aux réalités quotidiennes d’une société millénaire qui vit des transformations rapides et récentes en raison de l’intervention coloniale. La démarche est rigoureuse et le résultat, généreux. Chaque question est pertinemment et systématiquement documentée. L’auteur expose des situations problématiques surprenantes et offre des pistes de questionnement, de réflexion, de recherche et d’action pour une transformation du système scolaire du Nunavik. Ceci est d’intérêt général et s’avère fort pertinent dans la foulée des travaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Les chercheurs et les enseignants en formation ou en exercice, ainsi que les administrateurs de l’éducation y trouvent une description de la problématique de la scolarisation en milieu inuit et un questionnement qui ont été documentés, alors que la problématique a été élaborée au contact du lieu où se pratiquent les actions d’enseigner et d’apprendre. Bertrand présente ses observations au sujet d’une situation scolaire vue de l’intérieur, ainsi que l’analyse qu’il en fait. Fort de ses expériences de travail et de vie, il observe la situation scolaire en se référant à sa connaissance d’un modèle d’établissement organisé et fonctionnel du sud du Québec, analyse, corrobore ses observations, les organise et les documente. Il formule une lecture fiable de la situation, ainsi que des propositions pertinentes porteuses de pistes d’action. Son ouvrage est imprégné de sensibilité et de respect à l’endroit de tous les acteurs de l’école, Inuit et Qallunaat. Cette recension prend principalement appui sur l’expérience et des savoirs développés en situation de partenariat pour la formation des enseignants inuit dans deux communautés du Nunavik. Le premier chapitre présente une fine description de la situation organisationnelle de l’établissement scolaire où l’auteur est embauché comme enseignant. Les difficultés d’embauche et de rétention d’enseignants de langue seconde, française ou anglaise sont telles, au Nunavik, que dans l’attente du recrutement d’une nouvelle personne pour remplacer celle qui vient de se désister en tout début d’année, on lui offre un poste d’enseignant suppléant, bien qu’il n’ait pas les qualifications requises. La situation se répétera au cours du séjour. Bertrand décrit la situation d’enseignement dans laquelle il se trouve. Il observe et discute l’absence de balises claires en ce qui a trait aux contenus à enseigner, la disponibilité d’un matériel didactique qui est éclectique et jugée peu approprié à l’âge des élèves, un désintéressement marqué des élèves pour les activités strictement scolaires en langue seconde, qui se manifeste aussi par des comportements qui le surprennent en classe. L’auteur décrit l’absence de dialogue entre les enseignants et la direction, ainsi qu’avec les parents. Il s’ensuit le constat d’une désorganisation, attribuée à des facteurs humains et structurels, ces derniers référant particulièrement aux conditions de vie nordiques. Les facteurs humains mettent en cause l’assiduité du personnel scolaire en général. Ces constats donnent lieu à une démarche de recherche et de compréhension de la pertinence du système éducatif « bipolaire » en place. L’auteur rappelle que la finalité formellement énoncée de l’éducation est la conservation de la langue et de l’identité inuit, ainsi que la réussite scolaire, selon les standards de la société englobante. Il y a consensus voulant que les jeunes inuit n’aient pas le choix d’accomplir la seconde pour se sentir bien dans le monde actuel et à venir. Or, pour réussir sa scolarisation, du point de vue de l’individu, il faut se sentir bien …