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La création du Groupe de Travail Autochtone de l’Institut royal de l’architecture du Canada (IRAC), en 2016, et de la tenue du premier « Symposium international de l’architecture et du design autochtones » de l’IRAC (2017), marquent la prise en considération de l’architecture autochtone aux niveaux national et international, et témoignent de l’importance de la participation des Autochtones dans la conception de leurs milieux de vie. Il ressort de ce symposium que « l’architecture est un moyen puissant de laisser une empreinte dans les paysages urbains, ruraux et nordiques de milliers d’années, de savoirs et de présence des peuples autochtones. » (IRAC 2017) et que la participation des habitants est nécessaire pour créer une pertinence à long terme et concevoir une architecture avec une résonance particulière chez les peuples autochtones.

Au Nunavik, les politiques du logement mises en place depuis le début de la sédentarisation dans les années 1940 ont entraîné une prise en charge totale du gouvernement sur les questions du logement et une série de conséquences sociales, politiques et économiques dans la société inuit. Même si les modèles de maisons ont été améliorés, la relation des habitants à l’habitation a peu évolué : 96 % des logements sont des logements sociaux (SCHL 2010). Afin de répondre à la crise du logement, la conception, la production et la construction des logements ont été standardisées, ce qui laisse peu de place à l’intégration des pratiques locales et des valeurs socio-culturelles des habitants. Les liens culturels entre la forme de la maison et la vie sociale se sont effacés en même temps que la transmission de la tradition constructive, porteuse de valeurs sociales et d’une conception commune du monde. Cependant, les pratiques inuit de l’habiter persistent et les milieux de vie et d’habitation des Inuit d’aujourd’hui sont les témoins d’une appropriation culturelle hybride entre un habitat imposé par les autorités gouvernementales et un mode de vie hérité de la culture nomade (Havelka 2018).

Pour les Nunavimmiut, l’intégration de la population locale dans les enjeux du logement est essentielle pour définir l’avenir d’un logement culturellement durable et significatif (Société Makivik et al. 2014). Depuis quelques années, certaines initiatives innovantes de co-design participatif dans le secteur de l’architecture au Nunavik (SHQ, Blouin Orzes architectes, Evoq architecture, etc.) émergent pour intégrer les habitants inuit dans les discussion et comprendre leurs aspirations, leurs besoins et leurs visions du monde quant à la production du logement. Ces initiatives sont encore ponctuelles et ciblées mais ouvrent la porte vers des opportunités de construire « mieux » et au plus proche des habitants. Ces initiatives cherchent non seulement à réduire le fossé entre l’espace conçu des maisons proposées par l’État québécois et les attentes des Inuit en matière d’habitation, mais également à comprendre et à se questionner sur ce que signifie la maison pour les Nunavimmiut : quelles sont les qualités essentielles attendues ? Et quels rôles souhaitent-ils jouer dans la définition de cette habitation ? Dans le but d’ouvrir la réflexion vers un logement culturellement significatif pour les communautés inuit du Nunavik, cet article présente les résultats préliminaires d’une recension des écrits, réalisée de janvier à juin 2020[1]. Cette recension s’est basée sur des écrits scientifiques mais également sur la littérature inuit (écrits, poèmes, essais, articles, etc.) afin d’apporter un regard depuis l’intérieur de la communauté. Des pistes de réflexions pour une architecture culturellement significative qui intègrent les habitants, leurs gestes et leurs attentes, pourront ainsi être proposées. Les résultats préliminaires de la recherche sont présentés à travers les définitions de la maison dans la culture inuit, de même que les représentations et les qualités essentielles qui y sont associées, tout en considérant les enjeux contemporains de l’habiter inuit.

Approche théorique sur la maison : univers symbolique et identitaire

Concevoir une architecture significative, c’est d’abord comprendre l’essence même d’une maison, sa définition symbolique, mais aussi les gestes, les pratiques et les habitudes des habitants, afin de pouvoir ensuite traduire le tout adéquatement en une forme bâtie sensée. Selon Kahn (2003), la maison se définit en trois univers (Figure 1) : (1) un univers symbolique ou l’idée de la maison qui est une image ou une représentation propre à chaque culture et à chaque individu ; (2) l’univers matériel qui est la maison comme objet conçu par l’architecte sur la base de l’interprétation de l’idée d’une maison ; et (3) la maison comme univers approprié par ses habitants, qui représente la dynamique relationnelle entre le soi et l’espace de la maison, c’est la maison, les personnes et les choses. L’univers symbolique ou l’idée de la maison répond à la question : « quoi ? », qu’est-ce que l’on construit ? Tandis que la forme et l’espace bâti répondent à la question : « comment le construit-on ? » (Ibid.). Ainsi, la maison est à la fois un espace physique et un concept cognitif qui intègre les sens et l’affectif (Rapoport 1995). Selon Goetz (2011, 104), « les maisons sont faites de matériaux et de pensées, d’architecture et de philosophies, mais aussi de comportements et de gestes ». Goetz souligne ainsi que l’habitant, en occupant l’espace, participe à configurer le monde habité. La maison n’existe que d’être habitée et nul n’existe sans habiter. L’univers symbolique de la maison est une toile de significations, qui forme une tapisserie de représentations mentales de l’environnement bâti (Ingold 2011). La fabrication de l’imaginaire et de la symbolique de la maison repose sur l’assemblage d’une constellation de symboles et d’images rêvées, imaginées et vécues, que ce soit par notre appartenance culturelle à un groupe ou par la construction de notre imaginaire personnel. L’univers matériel de l’espace bâti se base sur les constructions des anciennes générations qui se transmet ainsi aux jeunes générations : c’est un processus évolutif où « les modèles de maison répondaient à un modèle, dit “traditionnel” : c’est-à-dire que tout le monde connaissait le modèle, il n’y avait donc pas besoin de dessinateurs ou d’architectes, une maison devait ressembler à toutes les maisons bien construites dans une aire connue » (Rapoport 1972, 8). Ainsi, l’univers symbolique et matériel de la maison est propre à chaque culture et sa compréhension est un point de départ pour concevoir une architecture sensible et significative.

Figure 1

Les trois univers de la maison, selon Louis Khan (2003)

Les trois univers de la maison, selon Louis Khan (2003)
Interprétation libre de l’auteure

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Dans la culture inuit, l’univers symbolique et matériel de la maison contemporaine est le résultat d’un façonnement conjoint des pratiques, entre l’héritage culturel de la culture nomade inuit et les influences exogènes des dernières décennies (Figure 2).

Figure 2

Facteurs qui témoignent du façonnement des pratiques et valeurs culturelles de l’Habiter inuit contemporain

Facteurs qui témoignent du façonnement des pratiques et valeurs culturelles de l’Habiter inuit contemporain

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Dans la littérature inuit recensée, la maison est perçue à travers le spectre de l’ancestralité, de la maison-souvenir de l’enfance et du passé nomade dans la tente et l’iglou, tandis que le véritable chez-soi se rapporte toujours au territoire (Amagoalik 2001 ; Isaac 2010 ; Ipellie 2000 ; Simigak 1994 ; Taqralik 2010a). Cette maison-souvenir est celle d’avant la rencontre avec les Qallunaat (non-Inuit). L’évocation de l’iglou, en tant qu’habitat originel, nous renseigne à la fois sur les pratiques culturelles qui ont persisté, qui ont été perdues ou transformées (soit l’usage du monde[2]) mais également sur une vision du monde qui a basculé. « How can one call himself Inuk with pride when he is living in a rented house ? » (Kalingo 1985)[3]. Ce détachement par rapport à la maison démontre la perte du lien entre l’habitat et l’habitant, alors la question n’est pas tant la possibilité de pratiquer ou non la culture inuit mais dans la liberté et le contrôle que les Inuit ont sur leur environnement pour jouir de la liberté de pratiquer leur culture. « When someone says, “I want to practise my own culture”, it doesn’t mean going back to freezing in igloos and hunting with bows and arrows. It means regaining the control we had over our lives before… » (Nellie Cournoyea, citée in Petrone 2017, 286).

L’enjeu n’est pas de s’adapter mais d’avoir des possibilités et des choix en reprenant le contrôle sur son habitat. L’époque de l’iglou était celle du contrôle sur leur vie et l’autonomie était hautement valorisée dans la culture inuit (Hervé et Laneuville 2017). La maison-souvenir évoque alors des qualités et des valeurs qui se sont perdues : l’autonomie, le contrôle sur l’habitation et l’harmonie avec le territoire.

Quand un Inuk monte sa tente ou son igloo, il ne choisit pas l’endroit le plus attrayant. Il tient compte des vents, il détermine avec soin l’orientation de la porte. Il inspecte le sol avant d’être sûr que la tente ne s’affaissera pas. J’ai visité ces jolies maisonnettes construites sans tenir compte du climat ; ma famille y a habité. L’hiver, pendant les tempêtes, la neige s’amasse contre la porte et s’infiltre par les fentes ; la porte reste bloquée par la glace formée par la condensation. Le matin, avant que le poêle soit poussé au maximum et que la chaleur des corps réchauffe la maison, on peut patiner sur le plancher dans les coins des pièces…

Freeman 1991, 58

Dans son discours, Freeman met en évidence le lien entre la perte de contrôle sur l’habitat et la perte de qualité de l’environnement bâti. La maison s’adaptait à la vie, au lieu et aux besoins. Elle était un objet que l’on conçoit, que l’on modifie, que l’on transforme. Aujourd’hui, à travers son essai autobiographique, Dorothy Mesher, déplore que la maison fournie par le gouvernement québécois déresponsabilise : « Many of our young people don’t even know what a clothesline would look like or what it would be for ! They take all these things for granted ; they don’t even consider that money is involved. » (Mesher et Woollam 1995, 95). Alors la maison moderne n’est plus un projet de vie mais un objet que l’on utilise pour habiter. Vivre dans la maison, c’est vivre comme les Qallunaat, et dans une culture matérialiste en rupture avec la beauté poétique de vie et de la culture inuit de jadis (Société Makivik et al. 2014).

Ainsi, les pratiques de l’habiter contemporain, mais également la vision du monde des Inuit prend la forme d’une recherche de sens et d’identité entre hier et aujourd’hui. Une meilleure compréhension de cette contemporanéité pourrait constituer un point de départ pour informer une architecture plus significative. Quelles sont ces représentations mentales hybrides et symboliques de la maison, porteuses de sens et d’identité ? Quelles sont les attentes architecturales et matérielles qui en résultent ?

Univers symbolique : définir la maison inuit

Selon Michèle Therrien (1987, 40), « Les Inuit ne parlent pas du concept de maison, glace ou embarcation mais de telle qualité de maison, de glace, d’embarcation, ce qui ne signifie pas qu’ils soient incapables d’abstraction. Il s’agit d’une approche autre ». Alors que signifie « habiter » chez les Inuit ? En inuktitut, « habiter » un lieu se dit nunaqaqpuq (« il a une terre »), et les cohabitants d’une même terre se dit nunaqqatigiit qui signifie : « celles et ceux issus de camps différents qui se retrouvent collectivement pour un temps délimité » (Ibid.). Alors « habiter », c’est s’approprier un lieu, c’est créer un lien entre le lieu et les habitants en s’appropriant temporairement une partie de cette terre. Cette appropriation est davantage symbolique que physique (Ibid.).

La définition de la maison est présentée selon trois grands thèmes qui sont les plus présents dans la littérature étudiée. Ces trois définitions de la maison doivent être comprises comme des univers complémentaires, comme une constellation d’un tout que l’on cherche à décrire et à imager afin de traduire le symbolique en images conceptuelles et spirituelles de la maison. Ces trois univers sont : 1) la maison-territoire (harmonie entre le lieu et le chez-soi) ; 2) la maison-sujet (un corps protecteur des gestes et des corps) ; et 3) la maison-famille (l’espace social et l’espace de parol) (Figure 3).

Figure 3

Schéma de l’univers symbolique de la maison inuit

Schéma de l’univers symbolique de la maison inuit
Dessin par l’auteure

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La maison-territoire ou la maison comme une partie de nuna

À travers le corpus littéraire inuit, le chez-soi est toujours relié au territoire qui est perçu comme une maison qui s’étend à l’infini où la toundra est un immense matelas, « the toundra is one big tiring mattress to walk on » (Partridge 2010a), et l’immensité de l’arctique est un jardin : « the high arctic was his backyard » déclare Amagoalik (1997b) en parlant d’un chasseur inuit. Le territoire est omniprésent dans le discours inuit qui aime à rappeler que le corps de l’homme et nuna ne font qu’un : « The land is cold. The land is immense. It is a desert. It is unforgiving. It can be cruel. The land is also home. It sustains life. It breathes. It can bleed. It is part of our mother, the earth. It is beautiful. It nourishes our culture. We are part of it as it is part of us. We are one ! » (Amagoalik 2001, 9). « Is it me going by the land or the land passing by ? » (Simigak 1994, 88).

Le territoire est aussi un lieu de refuge, une échappatoire face à la ville et à la maison (Simigak 1994). C’est un repère culturel et un lieu de ressourcement. Selon Dorais (2008, 12), nuna est un monde où tout est dans tout. L’habitant, parmi les autres êtres vivants fait partie de nuna en la parcourant et en l’habitant. Dans cette perception du monde centrée sur l’univers, la maison est perçue comme un micro-territoire qui fait partie d’un tout qui est le territoire nuna. Selon Collignon (2001) la maison est perçue comme un environnement où les habitants, leurs valeurs, leurs aspirations et leur logement, par sa matérialité, participent ensemble à créer un micro-territoire qui est la maison appropriée. La maison est vue comme un « petit univers caractérisé par un dedans et un dehors, un microcosme plus ou moins privé, à la fois ouvert et fermé » (Therrien 1987, 42). Desbiens (2017) note qu’aujourd’hui ce micro-univers est poreux et que l’espace urbain devient une extension directe de l’habiter qui s’exprime par une participation des habitants, que ce soit par des modifications sur le bâti, par la mobilité ou par les cabanons auto-construits (Breton et Cloutier 2017). Brière et Laugrand (2017) ajoutent que ce micro-environnement s’étend aujourd’hui au-delà des frontières municipales où les Inuit construisent des cabanes dans le territoire afin de retrouver un certain contrôle sur leur logement. Ainsi, le territoire participe à la définition de la maison et la maison, en tant que micro-territoire, appartient entièrement au territoire-maison.

Dans les souvenirs d’enfance de Minnie Aodla Freeman, la maison est également un point de départ pour « aller voir le monde », on n’y reste pas, c’est dehors que l’on habite (Freeman 1991). La maison se définit alors comme un habitat-centre (Goetz 2011, 92) : elle est le point de départ d’un mouvement cyclique d’aller-retour vers le territoire. La maison devient une base pour partir/revenir et rejoindre le dehors. Dans un poème plus contemporain de Taqralik Partridge (2010b), le discours est fait d’aller-retour entre le village et le territoire. Alors cette même notion d’habitat-centre apparaît aujourd’hui non plus à l’échelle domestique, mais à l’échelle du village. Le village est le lieu où il y a tout, selon Partridge : la famille, la maison, l’école, le travail, l’épicerie, etc. C’est un lieu d’importance pour la vie inuit moderne dans lequel « on tourne en rond », mais le territoire est facilement accessible, d’un bond dans le pick-up, alors le village perd son importance et diminue lorsqu’on est « on the land », jusqu’à même disparaître. Selon Goetz, cette manière d’habiter le territoire en rayonnant à partir d’un centre témoigne d’une manière nomade d’habiter. Cependant, ce mouvement cyclique tend à disparaître avec la géométrisation de l’espace habité (rues, routes, etc.) (Goetz 2011,93). Alors la maison est aussi une vision du monde qui se traduit par un rapport collectif au territoire et une manière mobile d’habiter où la maison est un rythme régulier entre le dedans et le dehors : celui de partir/revenir. Cette confrontation mène à plusieurs pistes de réflexion : comment favoriser la porosité entre le village et le territoire (vers une maison-territoire) ? Selon Blouin (2020), le premier lien physique avec le territoire, c’est la relation de la maison avec le sol. L’approche d’implantation utilisée aujourd’hui (avec remblai granulaire nivelé, compacté et maison sur vérins ajustables) dans la construction des maisons renforce, dans l’imaginaire, le caractère exogène du village et la rupture avec le territoire (Ibid.). Pour certains Inuit, la surface en gravier crée un espace stérile où jouent les enfants en contradiction avec la beauté de la nature et du territoire (Ibid.). La maison avec ses vérins ajustables est comparée à un trailer qui peut être déplacé à tout moment, ce qui provoque un sentiment d’insécurité et d’instabilité. Les Inuit revendiquent l’assise sur des fondations plus solides et résilientes aux intempéries climatiques pour améliorer le confort. Le rapport au sol reste important dans la culture inuit et le rez-de-chaussée ainsi que les types de fondations utilisés peuvent offrir une continuité entre le sol et l’espace du rez-de-chaussée, qui peut être utilisé comme un espace non chauffé pour des activités traditionnelles (Zrudlo 2001).

Dans l’étude menée par Zrudlo (2001), plusieurs Inuit ont soulevé l’importance que les maisons soient orientées de façon à offrir une vue sur la mer et sur la rivière, et pas seulement pour la beauté du paysage mais pour surveiller les activités de chasse et de pêche. Les maisons peuvent être implantées en décalage afin de réduire les vues non désirées et les vis-à-vis entre les maisons, ou perpendiculaires à la rue afin de favoriser les percées visuelles (SHQ2012) (Figure 4).

Figure 4

Implantation des maisons. Extrait du Rapport de charrette (SHQ 2012)

Implantation des maisons. Extrait du Rapport de charrette (SHQ 2012)
Dessin par l’auteure

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Blouin (2020) suggère une séquence linéaire, inspirée du plan de l’iglou pour favoriser la transition de l’intérieur vers l’extérieur. Une approche double-orientation permet également de briser la frontière village/territoire et favoriser l’interpénétration des deux modes d’habiter (sédentaire et nomade) d’après Blouin (2020). L’entrée sur la rue signale l’appartenance au village tandis que l’entrée sur la cour offre une ouverture vers l’extérieur, vers le territoire. La maison devient alors un pont entre le village et le territoire : elle s’adapte au lieu et devient poreuse, comme un prolongement de l’espace extérieur vers l’intérieur (Figure 5).

Figure 5

Plan de maison à double-orientation inspiré du plan de l’iglou

Plan de maison à double-orientation inspiré du plan de l’iglou
Bender 2007 et Blouin 2020, 16-17

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Plusieurs Inuit ont également souligné l’importance d’avoir un porche froid et un porche chaud, et souhaitent avoir une entrée pour l’hiver et une autre pour l’été (Zrudlo 2001). Le porche froid permet de stocker le matériel et réaliser certaines activités traditionnelles (gravure, séchage de peau) (Dawson 2006 ; SHQ 2012) tandis que le porche chaud sert de vestiaires et de rangement sécurisé pour le matériel sans réduire les espaces de vies (SHQ 2012). Cette considération pour la température des espaces souligne la volonté d’espaces de transition intérieur/extérieur et la volonté d’adaptation de la maison aux saisons et aux activités traditionnelles qui dépendent elles-aussi du climat. Malgré sa rudesse, le climat ne doit pas être vu comme un inconvénient mais comme un véritable support à l’habiter et une opportunité de construire en harmonie avec l’environnement : « Blizzards are also necessary to create snow banks with enough depth and the right kind of consistency for igloo building. A blizzard creates the right conditions so man can build shelter from it. So, instead of cursing the next blizzard, think of it as an air freshener, playground maker and provider of construction material » (Amagoalik 1997a).

La maison-sujet ou la maison comme un corps protecteur et identitaire

Dans la cosmologie inuit, les habitants croyaient que chaque maison avait une âme particulière, son inua (âme ou esprit vivant) et pouvait décider de l’endroit où elle se déplaçait en amenant avec elle objets et habitants. Cette inua créait un lien spirituel entre l’habitant et la maison. « In the olden days, people could move their houses. All that was needed was just to wish whenever one wanted to go. Then the whole house went off through the air with everything in it. But then one day someone complained that the noise of houses rushing through the air was painful to the ears, and after that, houses lost the power of travelling through the air. » (Kibkarjuk cité in Rasmussen 1921).

En plus d’avoir une âme, la maison était pensée comme un corps féminin protecteur, comme en témoigne le riche vocabulaire descriptif de la maison qui se rapporte au corps dans la langue inuktitut (Therrien 1987). Ce corps est alors considéré comme « une méta-personne qui englobe, nourrit et protège ses habitants » (Collignon 2001, 390). Cette représentation anthropomorphique joue un rôle central dans l’élaboration et la transmission des valeurs inuit et de l’identité culturelle. Ainsi l’espace domestique n’est pas un simple support aux valeurs culturelles mais un véritable acteur doté d’une force propre. Cette force assure le sentiment d’appartenance à une même maisonnée par les habitants qui partagent cet espace et cohabitent de façon durable, ou silaqqatigiit qui se traduit par « ceux qui respirent le même air » (Therrien 1987, 43).

Qu’en est-il aujourd’hui de cette représentation symbolique ? Même si certains mots du champs sémantique du corps féminin sont encore présents aujourd’hui en inuktitut, il existe cependant un véritable détachement par rapport à la maison moderne, en contradiction avec cette notion d’appartenance, car les Inuit ne sont ni les concepteurs ni les responsables de leur maison. La maison est acceptée telle qu’elle est (Breton et Cloutier 2017 ; Brière et Laugrand 2017), et l’on ne spécule pas sur ce qu’elle pourrait être ou comment la modifier (Collignon 2001). Cette opposition entre l’iglou et la maison se traduit dans les récits, comme celui d’Alootook Ipellie : « Igloos are calm in the camp » où l’iglou, calme et apaisé, dort tranquillement malgré le vent et la noirceur de la nuit tandis que dans le récit souvenir de Liz Semigok (2017) « My little house »[4], la maison moderne est décrite comme un corps petit, puant et gelé qui tente de se réchauffer mais qui difficilement assume son rôle d’abri : l’air froid souffle à l’intérieur (Semigok 1992 ; Simigak 1994), les fenêtres sont trop petites et il est difficile de s’asseoir confortablement. La maison moderne est présentée comme un corps qui n’assume plus son rôle protecteur. Le lien entre le corps et l’architecture a également fortement évolué : la maison à pièce unique répondait à l’analogie du corps humain, tandis qu’aujourd’hui les espaces de la maison sont définis pour des fonctions particulières. Cependant les Inuit continuent à l’occuper selon leur mode d’occupation culturel (manger au sol, partage des espaces de coucher, porte extérieure ouverte, etc.). C’est donc à travers les gestes (manger, couper, se déplacer, dormir, s’asseoir, etc.) que s’exprime l’identité inuit et notamment les gestes des femmes qui, selon Partridge, sont les véritables « réceptacles des traits identitaires inuit » (Duvicq 2015, 2). Si la maison contemporaine n’assume plus son rôle protecteur et identitaire, ce sont les gestes et les pratiques d’aujourd’hui qui définissent la manière inuit d’être à l’espace.

À travers la littérature inuit recensée les auteurs déplorent le manque de confort dans les maisons modernes et la recherche d’une harmonie spatiale et sensorielle entre les corps et le lieu. Les Inuit recherchent toujours cette notion de protection en préférant des maison en « coin » ou en « L », offrant un espace protégé des vents et de la neige pour des activités (Zrudlo 2001). La maison de forme ronde (faisant référence à l’iglou) est rejetée car elle est considérée comme impraticable avec trop de perte d’espace pour des meubles rectangulaires, comme les lits, tables, rangements, etc. Les Inuit expriment également la nécessité d’installer des matériaux plus résistants, notamment dans la cuisine (comptoirs) et pour les planchers, car le mode de vie inuit, par le découpage de viande ou les repas à même le sol, nécessite des matériaux résistants, de bonne qualité et plus appropriés aux pratiques locales (SHQ 2012). Dans les récents rapports officiels des organisations inuit (ITK 2016 1019, Société Makivik 2016, Société Makivik et al. 2014), la volonté de fabriquer des maisons durables et efficaces énergétiquement est très souvent exprimée afin de mieux résister aux conditions climatiques mais aussi au surpeuplement (qui implique une dégradation plus rapide des logements).

Le sentiment d’appartenance à la maison s’est effacé avec la standardisation mais le retour à l’iglou n’est pas souhaitable pour autant. Aujourd’hui, l’identité et la persistance des pratiques culturelles se reflètent dans les activités artisanales qui nécessitent un espace dédié, que ce soit ouvert ou fermé, de préférence ensoleillé et calme, pour coudre, se détendre ou étudier, par exemple, et avec des espaces de rangement et un bureau intégré pour faciliter le rangement du matériel (SHQ, 2012). La flexibilité spatiale est soulevée comme une qualité essentielle pour faciliter l’appropriation du logement et les pratiques culturelles, que ce soit pour la tenue d’activités traditionnelles mais aussi pour permettre une certaine mobilité intérieure. Cette mobilité intérieure se caractérise par les déplacements fréquents du mobilier dans la maison mais également par des espaces de mouvement, comme les seuils par exemple : c’est un lieu où l’on ne reste pas, c’est un espace de fluidité (Collignon 2001). Selon Havelka (2018), la possibilité de transformation de l’espace dépend d’une générosité spatiale qui se traduit, par exemple, par un plan ouvert ou un système modulaire qui permettrait cette mobilité intérieure. L’appartenance et l’appropriation de l’espace se traduit également dans l’auto-construction déjà fréquente au Nunavik : que ce soit des seuils pour se protéger des intempéries, des cabanons ou des cabanes dans le territoire. Cette appropriation constructive ouvre la porte vers de nouvelles pistes de design et des nouveaux modes de tenure où l’habitant pourrait participer à la définition propre de son habitation. Enfin, à l’échelle de la forme bâtie, les Inuit soulignent l’importance de l’image-représentation d’un élément culturel dans la forme architecturale (Zrudlo 2001). Cette image peut être assez abstraite mais doit être évocatrice d’un élément naturel.

La maison-famille ou la maison comme un espace social

La maison joue un rôle central dans la structure sociale de la société inuit, que ce soit à travers les visites (Brière et Laugrand 2017 ; Collignon 2001 ; Dawson 2008), à travers le partage ou les activités traditionnelles, elles-mêmes à fort caractère social (Dawson 2006, 2008), ou par l’utilisation des espaces des maisons (Ibid.). Selon Collignon (2001), la visite est un acte social car elle réactive en permanence les liens qui unissent les membres d’un groupe et la visite s’accompagne toujours du partage de nourriture. L’espace social est défini comme « un espace de parole » (Collignon 2001, 398), essentiel à la transmission de la culture, à la résolution des conflits et à la constitution des liens relationnels nécessaires au bon fonctionnement de la maison. Selon Dawson (2003), les Inuit passent 72 % de leur temps à circuler parmi les maisons pour visiter la famille et les amis. Il a également mis en évidence l’importance du concept de family togetherness (cohésion familiale) qui se traduit par la forte utilisation des espaces communs comme un espace multifonctionnel et la prédominance de dormir ensemble. À travers la littérature inuit, la notion de togetherness est encore très présente dans les textes à travers les souvenirs ou les images véhiculées, mais rarement mise en relation avec l’habitation. Taqralik Partridge l’exprime de façon poétique en parlant des mères inuit qui « bougent ensemble » (Partridge 2010c, 48) et forment un tout uni, un noyau solidaire et un relai de la culture inuit. Seule Dorothy Mesher fait le lien entre la maison moderne et la cohésion familiale. Elle témoigne de l’iglou comme un lieu idéal de regroupement familial où les aînés partageait leurs histoires et où les enfants pouvaient observer les adultes et ainsi apprendre simplement en observant.« In the old days we were constantly watching the older people do things and hearing them talk. When we saw and heard them we learned, “Oh ! that’s how it is !” » (Mesher et Woollam 1995, 39).

Aujourd’hui la maison moderne est souvent identifiée comme la responsable des maux actuels et des transformations sociales qui touchent les Inuit. Cette notion de togetherness est déformée par les clivages intergénérationnels, mais aussi par l’architecture de la maison moderne, trop compartimentée. Parmi les transformations les plus saisissantes, l’individualisme est souvent décrié en opposition à l’idée du partage et de vivre ensemble des Inuit (Breton et Cloutier 2017 ; Brière et Laugrand 2017). Le surpeuplement dans les logements crée des tensions familiales et l’espace de parole, trop compartimenté, n’arrive plus à jouer son rôle de médiateur de conflits. Les chambres deviennent des lieux d’isolement qui accentuent la difficulté à résoudre les conflits. Mesher (1995) déplore le fait que les jeunes générations ne se mêlent plus aux anciennes, ce qui crée un sentiment d’incompréhension entre les aînés et les plus jeunes, qui préfèrent être dans leurs chambres à regarder la tv ou écouter la radio. Collignon (2001) met en évidence que l’acte des visites, encore très présent, a perdu son sens : le partage est souvent refusé et les visites sont moins fréquentes. Même à l’échelle urbaine, l’apparition de la propriété privée et de limites claires autour des lots privés inquiètent les aînés qui y voient là une façon de posséder nuna, la terre des Inuit, qui appartient à tous (Breton et Cloutier 2017). La définition de la maison comme un espace social évolue fortement et paraît difficile à saisir aujourd’hui, mettant en évidence la non-homogénéité des valeurs et des besoins. La maison moderne est perçue comme un objet d’acculturation qui a rompu les liens entre les personnes mais aussi avec la culture inuit. « This new kind of housing, […] has torn our families apart. » (Mesher et Woollam 1995, 89).

En raison des changements imposés par la vie sédentaire au sein de grandes communautés et de l’influence de la culture occidentale, les liens interpersonnels se sont effrités. Alors que la communication était favorisée par la transmission de savoirs et que chaque membre de la famille était conscient de ses responsabilités envers ses proches, peu ont aujourd’hui conscience des liens assurant la cohésion de la communauté.

Société Makivik et al. 2014, 60

Alors comment les jeunes générations vivent et traduisent cette idée de cohésion sociale dans l’habitation ? Duvicq (2015), Partridge (2010a) et Tagaq (Tagaq et Hernandez 2019) apportent une première piste de compréhension : les jeunes se rassemblent dans des micro-lieux dans l’espace urbain, que ce soit l’arena, le porche en arrière de la maison où l’on fume des cigarettes (Taqralik 2010), la cabane de l’oncle Jacob (Partridge 2010a), la maison abandonnée dans laquelle on se cache pour se raconter des histoires (Tagaq et Hernandez 2019) ou le lac sur lequel on se lance des défis d’enfants (Tagaq 2019). La flânerie dans l’espace public fait de l’extérieur une sorte de dedans (Goetz 2011). Dans certains cas, la maison est le lieu où les adultes se rassemblent, boivent, font du bruit et deviennent violents (Ikey 2016 ; Tagaq et Hernadez 2019 ; Mesher et Woollam 1995), alors l’espace urbain offre certains lieux appropriables où les jeunes peuvent se rassembler. Ainsi la notion d’espace social a fortement évolué et témoigne de l’évolution sociale en parallèle avec l’évolution de l’espace bâti : le milieu urbain offre un ensemble de micro-lieux de rassemblement pour les jeunes où se construit peu à peu une nouvelle histoire collective, tandis que la maison moderne semble perdre son rôle de noyau social et éducatif intergénérationnel.

La maison comme un espace social amène à se questionner sur la notion de public/privé, sur la définition d’un ou des espaces à valeurs hautement sociale et à leur interconnexion spatiale. Chaque culture possède sa propre définition des espaces privés et des espaces publics. Nous avons relevé dans l’analyse symbolique de la maison, l’importance du vivre ensemble et du partage comme une activité nécessaire à la consolidation du groupe. Ce vivre ensemble se traduit par le besoin d’un espace hautement social qui est le salon/salle à manger/cuisine et qui regroupe la majorité des activités journalières du groupe domestique (Brière et Laugrand 2017). Ce lieu est considéré comme public car il est également ouvert à d’autres habitants de la maisonnée (Dawson 2006). La cuisine, le salon mais aussi l’entreposage doivent être des espaces hautement connectés. Certains Inuit souhaiteraient un espace polyvalent, généreux, de forme carrée qui ferait office d’aire de repas et/ou séjour pour pouvoir recevoir plusieurs personnes (SHQ 2012). Le mobilier bas, proche du sol est plus approprié aux habitudes culturelles. La cuisine actuelle nuit au mouvement et au déplacement. L’aire de repas/salon doit être assez généreuse non seulement pour accueillir tous les membres de la famille mais également car ces espaces sont parfois utilisés pour dormir ensemble.

Brière et Laugrand (2017) et Dawson (2006, 2008) confirment que la compartimentalisation des maisons est un frein au lien social. Ainsi, afin de favoriser l’intégration des espaces et éviter le cloisonnement spatial, deux solutions sont proposées par Collignon et Dawson. Collignon (2001) constate que l’espace de parole est réduit par la présence de murs qui deviennent des freins au dialogue. Alors l’espace doit être suffisamment ouvert pour laisser passer la parole, mais peut être isolé du regard, comme le suggère certains Inuit dans l’étude de Zrudlo (2001), avec l’utilisation de mezzanines : ainsi l’espace est à la fois connecté, mais également isolé. Pour Dawson (2008), il faut revoir les plans et le mobilier pour qu’ils soient adaptés aux pratiques traditionnelles et au vivre-ensemble. Il propose, non pas de faire un grand espace unique, mais d’augmenter les connexions entre les pièces avec des anneaux de circulation pour interconnecter les espaces de vie, réduire la privacité des espaces individuels et permettre une utilisation multifonctionnelle des espaces. Enfin pour être une maison-famille, Dawson (2006) définit la qualité essentielle du seuil comme un espace « ouvert à tous » mais aussi comme un espace signal : le bruit des pas indique l’arrivée d’un visiteur. Il doit donc être un espace de bruit, visuel et invitant à la sociabilité, l’échange et le partage.

Le lien familial se définit également à l’échelle du village, alors cet espace social doit intégrer l’espace extérieur direct de la maison. Cependant, cet espace n’est peu ou pas aménagé car exclus de la planification des logements et des villages. L’espace extérieur autour des maisons a plusieurs rôles. Premièrement, il est un espace d’entreposage du matériel motorisé (voitures, motoneiges, tout-terrains, etc.) qui nécessite un vis-à-vis permanent pour la surveillance contre le vol. Plusieurs Inuit souhaitent même un garage fermé et sécurisé pour éviter le vandalisme (SHQ 2012). Et deuxièmement, c’est un espace de jeu pour les enfants, de socialisation, et d’évasion pour ceux qui ne peuvent pas se permettre financièrement des excursions dans le territoire. La vie et les activités extérieures sont limitées pour les familles qui n’ont pas les moyens de se rendre à l’extérieur du village (SHQ 2012). Cependant cet espace est inadapté : il est souvent boueux, peu accueillant et non aménagé. Des Inuit souhaitent : une prolongation de la maison, comme un balcon avec un toit, (pour l’installation d’une moustiquaire) ; revoir l’aménagement au sol pour éviter la boue, permettre d’installer un foyer extérieur et profiter de cet espace pour piqueniquer. Alors, tout comme la maison-territoire, la maison-famille doit être poreuse à l’espace urbain et à l’espace environnant direct.

Conclusion

Cette recension a permis de cerner plusieurs définitions de la maison symbolique inuit : elle se dessine comme un corps protecteur, un espace de refuge et un lieu de support à la transmission de la culture. C’est donc un espace de parole et de cohésion sociale essentiel à la vie en communauté qui forme un tout cohérent en harmonie avec le lieu et les êtres qui l’habitent. Ces définitions de l’univers symbolique ont évolué conjointement avec la matrice culturelle et peuvent être vues comme des pistes de réflexion conceptuelles. L’ensemble de ces définitions de la maison n’est qu’une prémisse vers une compréhension plus globale de l’habiter inuit. Certaines qualités n’ont pas été abordées, comme la lumière, les matériaux, les formes, les dimensions des espaces, et surtout, la relation de la maison par rapport à son milieu, maintenant urbain. Afin de combler cette compréhension des qualités architecturales de la maison inuit et appuyer la traduction de ces définitions en espace bâti, plusieurs charrettes ou études seront nécessaires à l’avenir, ainsi que l’élaboration de prototypes construits et testés sur place. Plusieurs rapports d’ITK soulignent l’importance de documenter davantage la recherche et de continuer de concevoir les projets en co-design avec les communautés (ITK 2019). Les trois définitions de la maison conduisent également aux défis à venir de l’architecture moderne : l’intégration des contraintes climatiques, la compréhension du mode de vie moderne, la diversification des modes de tenures et le rôle de l’habitant, l’intégration des valeurs inuit et la relation de la maison avec son environnement direct. « Si nous continuons de traîner le passé avec nous comme un qamutik surchargé, nous n’irons jamais de l’avant. » (Société Makivik et al. 2014).

D’après la Société Makivik, il est important aujourd’hui de parler positivement de la maison et de démontrer que la maison peut améliorer les milieux de vie (Société Makivik 2016). « Rien n’est pire que d’être habitué à de mauvais bâtiments et de ne pas avoir d’attentes plus élevées, car il est difficile d’imaginer mieux si l’on n’a jamais vécu dans un meilleur bâtiment. En effet, l’homme s’adapte au logement même si celui-ci est inconfortable et inadapté » (Strub 1996,71). Alors la maison ne doit pas être conçue et pensée comme un objet détaché du contexte social, culturel, climatique et territorial, mais comme un espace ouvert et vivant faisant partie intégrante de son environnement. Même si l’architecture est souvent réglementée et restreinte par des contraintes budgétaires, il ne faut pas s’empêcher de rêver. « Dans la vision d’un Inuk du Nunavik, on ne sépare pas la terre de l’être qui l’habite » (Désy 2010, 49), alors selon l’approche poétique de Jean Désy, c’est en s’éloignant de la cosmologie de l’existence et de l’essence de l’être que nous nous éloignons du bonheur. Ainsi, cet article appuie l’idée que les environnements bâtis d’aujourd’hui devraient être en plus grande harmonie avec le vivant et avec la vision cosmologique inuit. En effet, dans une région où les bâtiments permanents n’ont pas plus de 70 ans, la définition d’une architecture, d’un paysage et d’une planification inuit sont encore à inventer (Sheppard et White 2019). Pour conclure, Strub (1996) recommande de former de jeunes architectes inuit qui seront capables de produire une architecture qui reflète leur mode de vie et de mettre de côté nos idées préconçues sur la maison et de travailler directement avec les autorités locales de chaque village. C’est ainsi que l’environnement bâti pourra être conçu et imaginé au plus proche des préoccupations et de la vision du monde inuit.