Abstracts
Résumé
Le mouvement du 4 mai 1919 en Chine présente la particularité d’appeler de ses voeux une démocratisation dont l’impulsion a été donnée par l’écriture de fiction. Cette nouvelle littérature, en langue vernaculaire et de forme supposément occidentale, est destinée à transformer son lecteur en citoyen, faisant symboliquement table rase de la « tradition ». Au-delà de leurs affinités, historiquement documentées, avec l’anarchisme politique, les penseurs du 4 mai valorisent plus largement la posture nihiliste d’une écriture de fiction qui se pose comme origine absolue et comme acte pur, comme le révèle l’étude du « Journal d’un fou » de Lu Xun (1918). Si les intellectuels rejettent la modernisation par les institutions pour lui préférer une démocratisation « profonde » par la culture, une autre célèbre nouvelle de Lu Xun, « L’édifiante histoire d’a-Q », montre comment l’écrivain dépasse la critique purement individuelle pour poser symboliquement à la communauté la question des normes justes, sans pour autant en trancher le contenu. De cette manière, la radicalité de l’interrogation anarchiste sur l’organisation sociale continue à marquer la réflexion sur la démocratie qui caractérise le mouvement du 4 mai.
Abstract
Of particular interest in China’s May 4, 1919, movement is an expressed wish for democratisation stemming from fictional writing. Allegedly taking after occidental fashion, such new vernacular literature sought to turn readers into citizens, symbolically doing away with “tradition”. Studying Lu Xun’s 1918 Diary of a Madman, one learns that beyond their historically documented affinity with political anarchism, May 4 leaders generally favoured the nihilist stance of a written fiction that claimed to be both an absolute beginning and pure. The True Story of Ah Q, another well-known short story by Lu Xun, reveals how the writer transcended purely selfish critique to put fair standards to the community without taking a position. This evokes the intellectual elite’s rejection of institutions in the modernisation process and their preference for a “deeper” democratisation through culture. Thus, anarchism’s radical questioning of social organisation continued to inform the democratic aspirations that underpinned the May 4 movement.
Appendices
Références
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