Introduction 

L’histoire globale et le comparatisme[Record]

  • Catherine Colliot-Thélène

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  • Catherine Colliot-Thélène
    Université de Rennes 1

La revue Eurostudia accueille ici quelques textes qui ont été présentés lors d’un colloque déjà ancien, puisqu’il s’est tenu à Berlin en juin 2004, à l’initiative du Centre Marc Bloch (Berlin) et du Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne (CIERA, Paris). Ce colloque portait pour titre : Un comparatisme à l’échelle globale ? Komparatistik auf globalem Niveau ? La difficulté à rassembler les communications ainsi que les charges diverses des organisateurs n’ont pas permis la publication des Actes de ce colloque dans des délais raisonnables. Tout éditeur, français ou allemand, hésite à publier des recueils en plusieurs langues, et la traduction de l’ensemble des textes, rédigés en français, allemand ou anglais, représentait un coût pour lequel les financements sont difficiles à trouver. La revue Eurostudia, lieu d’échanges privilégié entre les communautés scientifiques allemande, anglaise et française, autorise au contraire une publication plurilingue. Elle offre ainsi la possibilité de mettre à la disposition d’un public large un certain nombre des contributions à ce colloque. Cette publication nous paraît utile dans la mesure où les quatre années qui se sont écoulées depuis lors n’ont fait que confirmer l’importance de la réflexion que, sous des formes diverses, les articles qui suivent développaient sur les alternatives possibles à une histoire centrée sur des cadres nationaux. Ces textes ont été revus récemment par leurs auteurs, et leurs bibliographies en particulier ont été actualisées. La problématique proposée pour ce colloque était axée sur la question du comparatisme, plus précisément d’un comparatisme « à l’échelle globale ». Cette expression avait été choisie pour ouvrir le champ des interprétations possibles plus largement que ne le permettent des expressions plus courantes, telles que comparatisme interculturel ou même transculturel. L’oeuvre de Max Weber, notamment les essais qui composent L’éthique économique des religions mondiales ainsi que des pans entiers de l’ouvrage connu sous le titre Economie et Société, était explicitement citée comme exemple d’une démarche qui relève incontestablement de l’histoire (bien que les écrits de Weber soient difficiles à classer du point de vue des partages disciplinaires qui se sont imposés au 20e siècle), mais qui transgresse limites géographiques et culturelles en prenant le monde comme champ d’étude, tout en récusant l’universalisme de la Weltgeschichte du 19e siècle aussi bien que les schèmes évolutionnistes, c’est-à-dire toutes les théories qui préjugent de l’unité de développement de l’ensemble des sociétés humaines. L’intervention de Stephen Kalberg reproduite dans la présente livraison d’Eurostudia expose avec une grande précision les prémisses méthodologiques (et les prudences) de cette entreprise sans équivalent en son temps et sans postérité directe, qui justifie de voir rétrospectivement en Weber, selon une formule de Jürgen Osterhammel, « un pionnier de la sociologie historique comparative des grands complexes de civilisation ». Tous les participants à ce colloque étaient loin cependant de partager cette référence à l’oeuvre wébérienne. En outre, bien que l’intérêt de tous soit allé aux efforts de dépassement du tropisme national qui a déterminé pour la plus grande partie du 20e siècle les pratiques dominantes de l’enseignement et de la recherche historiques, ce n’est pas nécessairement du côté du comparatisme, fût-il sans frontière, qu’ils vont chercher des alternatives à ce nationalisme. Ce que mettent au contraire en évidence les textes de Dominic Sachsenmaier, Hartmut Kaelble, Johann P. Arnason et Matthias Middell, est la diversité de ces alternatives. Le comparatisme est l’une d’entre elles, mais aussi bien les projets, très hétérogènes, conduits sous le sigle de la global history, le programme des « multiples modernités » inspiré par Shmuel Eisenstadt, ou encore l’étude des transferts culturels et des histoires croisées. Bien loin d’être …

Appendices