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Introduction

La crise de l’euro du premier semestre 2010 a suscité un débat très vif en Europe sur le rôle stabilisateur ou déstabilisateur – selon les points de vue – qu’a joué l’Allemagne. D’un côté, les marchés financiers perçoivent à l’évidence l’Allemagne comme un pôle de stabilité, ce dont témoigne le fait que les taux allemands sont de nouveau les plus faibles de la zone euro et constituent la référence vis-à-vis de laquelle sont calculés les écarts de taux d’intérêt entre les obligations publiques des États membres. Ceci vient du fait que l’économie allemande semble en bien meilleure posture que ses voisines : dette et déficit publics contenus, excédent commercial important, reprise soutenue, chômage maintenu à un bas niveau. L’Allemagne est dans la position du « bon élève » dont les efforts passés sont récompensés.

A l’opposé, de nombreux observateurs (Habermas[1], Jones) ont dénoncé les tergiversations allemandes – et le retour à une certaine forme d’égoïsme national – qui ont précédé la création du fonds de stabilité financière et le plan d’assistance à la Grèce. La chancelière Angela Merkel a été accusée d’agir de façon irresponsable (Jones, 2010), c’est-à-dire de mettre en péril l’existence même de l’euro uniquement pour des motifs de politique interne (l’opposition de la presse et d’une partie importante de l’opinion publique au plan d’assistance à la Grèce dans un contexte électoral), avant de se résigner au dernier moment et à contrecoeur devant l’insistance de ses partenaires (y compris le président américain) et le risque d’un krach boursier.

Ce débat intervient dans un contexte de crise qui a révélé d’importantes divergences, économiques et politiques, au sein de la zone euro. Des divergences économiques d’abord : certains pays de la zone euro ont des finances publiques en grande difficulté (la Grèce mais aussi l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et l’Italie) et/ou présentent un déficit de la balance des paiements courants résultant d’un endettement privé excessif et d’une compétitivité dégradée. Ces divergences ont été encouragées par la protection offerte par l’euro aux économies les plus fragiles (taux d’intérêt plus faibles incitant à l’emprunt). Même des économies aussi intégrées que la France et l’Allemagne ont vu leur stratégie diverger complètement depuis le début des années 2000 (Jamet, 2009), la France soutenant la consommation des ménages tandis que l’Allemagne menait une politique déflationniste au service de ses exportations. Le résultat en est clair : alors que la part des exportations dans le PIB était identique dans les deux pays en 1997 (26-27%), elle était en 2008 près de deux fois plus élevée en Allemagne (47,2%) qu’en France (26,1%).

Cependant, ce n’est pas seulement le fait d’ouvrir les yeux sur ces divergences économiques qui a fait vaciller l’euro au printemps 2010 en alarmant les marchés financiers, c’est aussi le constat de divergences politiques importantes. Ces divergences se sont nouées autour de deux enjeux cruciaux pour une union monétaire comme la zone euro : l’existence d’une supervision crédible d’une part (en matière budgétaire mais aussi bancaire et financière), un accord sur le degré de solidarité en période de crise pour éviter la contagion d’autre part. Autrement dit un accord sur la bonne manière de gérer les biens publics économiques européens. Or la crise grecque a fait apparaître au contraire des désaccords fondamentaux :

  • un désaccord sur la méthode (intervention ou non du FMI – à laquelle la France était défavorable au contraire de l’Allemagne –, gestion dans le cadre de l’Eurogroupe ou du Conseil européen à 27 de la politique économique européenne) ;

  • un désaccord sur la solidarité budgétaire (l’Allemagne ne souhaitant pas remettre en cause la principe de “non bail-out”[2] tout en refusant d’envisager un défaut de la Grèce tandis que la France demandait la mise en place d’un fonds de soutien susceptible d’apporter des prêts et des garanties à la Grèce pour éviter la contagion) ;

  • un désaccord sur les solutions à apporter à plus long terme :

    1. sur les sanctions politiques en cas de non respect des règles – Angela Merkel avait proposé que ces sanctions aillent jusqu’à l’exclusion de la zone euro, ce que la France refuse catégoriquement – ;

    2. sur la réduction des déséquilibres macroéconomiques internes à la zone euro – la France souhaitant que l’Allemagne contribue à la réduction de son excédent commercial en soutenant plus sa demande intérieure –) ;

    3. sur la création d’un Fonds monétaire européen incluant un mécanisme de défaut – à laquelle l’Allemagne est favorable et la France plus réticente – ;

L’objet de cette contribution sera de revenir sur la position allemande dans la crise grecque afin d’examiner ce qu’elle révèle du rapport de l’Allemagne à l’Union économique et monétaire (UEM). Pour cela, nous revenons d’abord sur les fondements de l’ « éthique » économique allemande et la façon dont elle s’est exprimée pendant la crise. Puis nous examinons le difficile positionnement de l’Allemagne, entre “normalisation” de sa politique économique européenne – qui reflète désormais les enjeux de politiques internes comme dans les autres Etats membres – et tentative de prendre le leadership de la réforme de la gouvernance économique européenne.

1. L’« éthique » économique allemande : une culture de la stabilité à l’épreuve de la crise

De nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre de la gestion par la chancelière Angela Merkel de la crise grecque. Elles insistent sur le manque de solidarité européenne de la chancelière et sur son manque de conscience des interdépendances économiques au sein de la zone euro. Ces critiques négligent néanmoins l’attachement extrêmement fort de l’élite et de l’opinion publique allemandes à un modèle visant à préserver la stabilité macroéconomique et leur crainte de devoir payer in fine pour les erreurs de leurs partenaires européens.

1.1 La culture du respect des règles

Plus que tout autre État membre de la zone euro, l’Allemagne est attachée à la définition et au respect de règles en matière économique. Ceci s’explique par un héritage historique particulier, sur lequel il n’est pas inutile de revenir car il continue d’influencer non seulement la position des économistes allemands mais aussi celle de l’opinion publique. Dans les années 1920, l’Allemagne a fait l’expérience d’une hyperinflation qui a réduit à néant l’épargne des ménages allemands et précipité une forte hausse du chômage. Le conflit sur les réparations dues au titre de la Première guerre mondiale et l’incapacité de l’Allemagne à revenir à l’équilibre budgétaire, conduisirent à un épisode dramatique d’hyperinflation en 1922-1923 : la valeur du mark déclina ainsi de 4,2 marks par dollar avant l’hyperinflation à 4200 milliards de marks par dollar le 20 novembre 1923. La stabilisation n’intervint qu’avec la création d’une nouvelle devise, le Rentenmark, et la fin de la monétisation de la dette. D’après l’historiographie économique, l’évolution de l’inflation en Allemagne entre 1919 et 1923 s’explique avant tout par l’accumulation des déficits publics et par les anticipations des agents sur la capacité de l’État à revenir à l’équilibre budgétaire[3] (Webb, 1986). En outre, l’historiographie insiste sur le fait que le boom allemand de la deuxième moitié des années 1920 était financé par un emprunt extérieur qui exposa l’Allemagne au risque d’une crise de la dette en 1929. Ceci l’obligea à une politique déflationniste douloureuse par la suite (menée par le chancelier Brüning) pour restaurer la compétitivité de l’économie et ainsi revenir à l’équilibre de la balance des paiements courants (Ritschl, 1998). Cette politique déflationniste, qui propulsa le chômage à des niveaux record, pris fin avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler qui préféra faire défaut sur la dette externe de l’Allemagne en 1933.

Ces épisodes dramatiques de l’histoire allemande, restés très présents dans la mémoire et la formation de l’élite politique et académique allemande, ont souligné les conséquences de l’inflation, mais aussi le risque de l’endettement public et de l’endettement extérieur pour l’économie et l’équilibre politique du pays. Il en résulte aujourd’hui une aversion des élites pour des politiques de nature à déstabiliser la monnaie, aversion qui est relayée plus généralement auprès de la population par la presse et les médias. La stabilité monétaire – et ses corollaires (en particulier la stabilité budgétaire et l’absence d’un déficit commercial chronique) – a ainsi été le principal objectif de la Bundesbank après la guerre. Son succès a été une source de fierté pour les Allemands, le Deutsche Mark devenant le symbole du miracle économique allemand et une référence pour les marchés financiers ainsi que pour les voisins de l’Allemagne. Cet attachement au Deutsche Mark explique que l’Union économique et monétaire n’ait jamais été populaire dans l’opinion allemande même si celle-ci a accepté l’euro dans le cadre du « consensus permissif »[4] favorisé par la réunification, le soutien des exportateurs allemands et l’engagement personnel d’Helmut Kohl[5].

Cette culture allemande de la stabilité monétaire s’est en outre trouvée renforcée par l’analyse économique, reprise dans le débat public par les économistes allemands – en particulier les professeurs d’université et les économistes de la Bundesbank qui jouissent d’une indéniable autorité dans la société allemande –. L’analyse économique a en effet montré (Kydland et Prescott, 1977) que les gouvernements avaient intérêt à se lier les mains en matière monétaire et budgétaire pour résister aux sirènes de politiques trop accommodantes (baisses des taux d’intérêt et financement des dépenses publiques par l’emprunt). En effet, un surcroît de croissance peut être obtenu à court terme par une « surprise d’inflation » : des taux d’intérêt réels suffisamment faibles conduisent à une inflation plus forte que prévue tout en soutenant la croissance. De la même façon, le financement par l’emprunt d’un accroissement des dépenses publiques ou de la baisse de la pression fiscale peut permettre d’accélérer temporairement la croissance. Cependant, ces politiques de court terme, qui peuvent être rentables politiquement, ne sont pas soutenables sur le long terme : une politique monétaire trop accommodante peut déclencher une spirale inflationniste et une politique budgétaire laxiste accroît la dette publique. Lorsqu’il devient évident qu’il faut revenir sur ces politiques accommodantes (pour calmer l’inflation ou pour éviter la faillite des finances publiques), le prix à payer peut être très lourd (hausse des taux et réduction du déficit conduisent à une contraction de la croissance et à une hausse du chômage qui peuvent être brutales).

Ce contexte aide à comprendre l’insistance d’Angela Merkel et des leaders d’opinion allemands sur le respect des règles du Pacte de stabilité (en particulier la règle de non bail-out) et leurs réticences à l’encontre d’un plan de soutien à la Grèce : de leur point de vue, c’étaient là le meilleur moyen de défendre l’intérêt commun européen et plus particulièrement la stabilité de l’euro, le contraire revenant à encourager l’aléas moral (c’est-à-dire le non respect des règles). Comme l’a rappelé Angela Merkel dans une interview au Monde, “pour l’Allemagne, cette culture de stabilité ou de solidité n’est pas négociable”[6].

1.2 De Maastricht à Karlsruhe : les conditions de la participation allemande à l’Union économique et monétaire

L’attachement aux règles s’est traduit lors de la négociation du Traité de Maastricht par un certain nombre d’exigences posées par l’Allemagne comme contreparties à l’abandon du Deutsche Mark et comme conditions à l’entrée dans la zone euro :

  • l’indépendance de la Banque centrale européenne, pour la soustraire aux pressions politiques, et l’édiction d’un objectif d’inflation très faible (2%) ;

  • la création de règles budgétaires (d’abord dans le cadre des critères de convergence imposés pour la participation à l’UEM puis dans le cadre du Pacte de Stabilité mis en place avec le Traité d’Amsterdam) : limitation du déficit public à 3% et de la dette publique à 60%, équilibre budgétaire à moyen terme, interdiction du bail-out d’un Etat membre faisant défaut.

Il est notable que ces exigences n’ont pas été ensuite défendues avec une force égale par le gouvernement allemand. Tandis que les conditions posées par l’Allemagne en matière de politique monétaire ont été généralement respectées, cela n’a pas été le cas en matière budgétaire.

Sur le plan de la politique monétaire, l’Allemagne est restée intransigeante quant au statut de la BCE et sur l’objectif d’inflation. Elle a toujours refusé que les chefs de gouvernement exercent des pressions à son encontre et s’est montrée de ce fait réticente à une plus grande institutionnalisation de l’Eurogroupe. Elle a de même refusé de définir une politique de change alors même que le Conseil en a la possibilité dans le cadre des Traités. De ce point de vue, l’influence allemande s’est faite sentir non seulement au sein même de la BCE où le gouverneur de la Bundesbank a traditionnellement défendu une politique orthodoxe, c’est-à-dire une politique visant à ancrer les anticipations d’inflation et à renforcer la crédibilité de la politique monétaire européenne. De facto, l’objectif d’inflation de la BCE a été systématiquement atteint au niveau de la zone euro dans son ensemble entre 1998 et 2007. Lorsqu’en 2008, l’inflation a été sensiblement supérieure en rythme annuel au seuil des 2%, en raison notamment de l’augmentation du prix des matières premières, la BCE a réagi en augmentant ses taux, au motif qu’elle souhaitait éviter une spirale prix-salaire (les demandes salariales augmentant en raison de la hausse des prix mais exacerbant elle-même l’inflation). Ce choix était éminemment contestable alors que la crise avait déjà commencé (son pic devait intervenir 6 mois plus tard, c’est-à-dire le délai généralement estimé pour la transmission des décisions de politique monétaire) mais il témoigne de la force du mandat donné à la Banque centrale ainsi que de la volonté de celle-ci de montrer qu’elle ne cède pas aux pressions extérieures, en l’occurrence celles du président français. Une seule entorse aux exigences allemandes originelles de l’Allemagne en matière monétaire peut être soulignée : la décision en mai 2010 par la BCE d’acheter sur le marché secondaire des bons du trésor de certains États membres en difficulté a été très contestée en Allemagne et même au sein de la BCE par le gouverneur de la Bundesbank et candidat à la succession de Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE, Axel Weber. La BCE a en effet été accusée d’avoir accepté de se transformer en « bad bank » et d’avoir ainsi cédé aux pressions des États, à l’encontre de son statut indépendant. Sans surprise, l’Allemagne a fait de la succession de Jean-Claude Trichet à la présidence de la BCE en octobre 2011 un objectif prioritaire de l’année à venir.

Sur le plan des règles budgétaires, la vigilance de l’Allemagne a été beaucoup moins constante. L’Allemagne a en effet accepté un compromis politique qui permettait à des pays ne respectant pas les critères de convergence de Maastricht d’entrer néanmoins dans l’UEM au motif qu’ « en tendance » ils s’en rapprochaient. C’est le cas de pays fondateurs comme l’Italie (Jamet, 2008) et la Belgique mais aussi comme la Grèce. Ces pays étaient loin de respecter le critère d’une dette inférieure à 60% du PIB au moment de leur entrée dans la zone euro : la dette italienne et la dette belge atteignaient ainsi 113,7% du PIB en 1999, la dette grecque 103,7% du PIB en 2001. Ce critère a d’ailleurs été de moins en moins respecté par la suite, la France et l’Allemagne passant au dessus de ce seuil, respectivement en 2003 et en 2002. Plus grave encore, de nombreux pays ont enfreint de façon répétée le critère de déficit public sans que le Conseil ne décide de l’imposition de sanctions : la Grèce, l’Italie, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et le Portugal. Dans ces pays, les programmes de retour à l’équilibre des finances publiques présentés dans le cadre des procédures pour déficit excessif ont régulièrement été ajournés au motif de contraintes conjoncturelles. Ces infractions répétées ont souligné que trop souvent, les autres gouvernements européens ont renoncé à exercer une pression forte en vue de l’ajustement budgétaire dans ces pays. L’Allemagne elle-même a du reste vu son déficit public dépasser constamment 3% entre 2002 et 2005. Le chancelier Schröder a alors préféré négocier en mars 2005 une réforme du Pacte de Stabilité qui en assouplissait les critères[7], contre l’avis de la Bundesbank. Néanmoins, cet épisode étonnant au regard de l’attachement allemand aux règles du Pacte de Stabilité fut suivi par un retour des finances publiques à l’équilibre. Avant la crise, en 2007 (et encore en 2008), le déficit public allemand était nul.

Quant à la clause de non bail-out – qui assure notamment qu’aucun gouvernement ne se verrait tenu de garantir la dette publique accumulée par d’autres Etats membres –, elle est défendue par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe comme une condition de la participation allemande à l’UEM. Dans son jugement d’octobre 1993 sur le Traité de Maastricht, la Cour constitutionnelle définit du reste « l’objectif de stabilité comme critère de l’Union monétaire »[8] et suggère que la participation de l’Allemagne est conditionnelle à cette stabilité. Dans son jugement du 30 juin 2009 sur le Traité de Lisbonne, la cour constitutionnelle a en outre jugé que l’article 352 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE implique que toute disposition législative prévoyant de nouveaux instruments pour les politiques de l’Union puisse faire l’objet d’une loi d’autorisation préalable adoptée par le Bundestag et le Bundesrat. Ceci entraîne que toute décision visant à renforcer la solidarité budgétaire entre États membres sera soumise à l’autorisation du législateur allemand et pourra être potentiellement attaquée devant la Cour constitutionnelle, par exemple par des professeurs d’université (en droit ou en économie) qui s’y opposeraient.

Malgré les critiques dont elle a fait l’objet, la position de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe est importante car elle bénéficie d’un grand prestige dans l’opinion publique et les élites allemandes. Elle a en outre régulièrement refusé de reconnaître la supériorité des normes communautaires sur la constitution allemande. C’est là une situation différente de celle qui prévaut dans un pays comme la France où lorsque des cas d’incompatibilité de la Constitution avec des normes communautaires se sont présentés (par exemple, en 2008 au moment de la ratification du traité de Lisbonne[9], ou encore en 2005 lors de la création du mandat d’arrêt européen[10]), la Constitution a été modifiée par le Parlement et le Sénat réunis en Congrès. La position de la Cour constitutionnelle implique au contraire que le peuple allemand ne saurait accepter de compromis sur des valeurs qui lui paraissent fondamentales[11] :

  1. la souveraineté des États (gardiens des Traités);

  2. la stabilité de la monnaie (protégée par la clause de non bail-out et l’indépendance de la BCE) ;

  3. le respect de la démocratie allemande (le peuple allemand n’étant pas représenté de façon équitable au Parlement européen d’après la Cour – ce en quoi il n’est pas possible de lui donner entièrement tort même si la composition du Parlement reflète un compromis entre la représentation des populations et la représentation des Etats membres[12]).

En ce sens, la Cour constitutionnelle ne représente pas uniquement une certaine vision de la politique économique souhaitable mais aussi une éthique politique reposant sur un équilibre entre règles et démocratie. Il est probable que ses positions et le risque juridique associé à sa possible saisine et à sa jurisprudence seront pris en compte désormais à Bruxelles. Ils pourront constituer soit un argument stratégique pour le gouvernement allemand, soit une contrainte en raison de la crainte de voir une décision acceptée à Bruxelles contestée à Karlsruhe. Dans le cas de la négociation sur le plan d’assistance à la Grèce, le risque d’une contestation devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe au nom d’une violation de la clause de non bail-out a clairement joué un rôle important dans l’argumentaire de la Chancellerie et dans la position allemande. C’est notamment la raison pour laquelle Angela Merkel a insisté pour que ce plan d’assistance ne soit considéré que comme un dernier recours.

1.3 Le compromis des années 2000 : soutenir les exportations par une politique déflationniste pour préserver l’emploi

La culture économique allemande et le positionnement qui en résulte dans le débat qui a entouré la crise grecque sont aussi marqués par le compromis accepté au début des années 2000 par les syndicats allemands dans le cadre de l’Agenda 2010 autour des éléments suivants :

  1. la modération salariale – combinée à une modification de la fiscalité visant à réduire le coût du travail (baisse des charges sociales compensée par une hausse de la TVA) – ;

  2. l’adaptation du système de protection sociale (retraites et assurance maladie) ;

  3. un ensemble de réformes visant à rendre le marché du travail plus flexible (les réformes Hartz adoptées entre 2003 et 2005)

Ce compromis visait à faire baisser le chômage en incitant les entreprises allemandes à maintenir leurs implantations en Allemagne et à exporter. Il s’agissait par là de résorber la surévaluation du Deutsche Mark au moment de l’entrée de l’Allemagne dans l’UEM et de réussir à faire significativement baisser le chômage hérité de la réunification.

Ce modèle a effectivement permis à l’Allemagne d’accumuler un excédent commercial très important et à faire revenir le taux de chômage en dessous des 8%, y compris pendant la crise. Néanmoins, il n’est pas non plus une panacée dans la mesure où la croissance allemande a été faible dans les années 2000 (1,5% en moyenne entre 2000 et 2007), et même la plus faible de la zone euro à l’exception de l’Italie. L’Allemagne a en outre été fortement touchée par le recul du commerce mondial, son PIB reculant de 4,9% environ en 2009. En outre, la stratégie allemande n’a pas été suivie par ses voisins, ce qui a conduit à la création de déséquilibres macroéconomiques internes importants au sein de la zone euro. L’essentiel de l’excédent commercial allemand est en effet réalisé vis-à-vis de la zone euro : tandis que le soutien de la consommation dans les pays voisins a profité aux exportations allemandes, la faiblesse de la demande interne allemande a réduit les débouchés des exportations des autres États membres de la zone euro.

La recherche d’une stratégie commune en Europe est rendue plus difficile par ces divergences entre les États membres. Les divergences franco-allemandes sont plus particulièrement préoccupantes (Gougeon, 2010) car la France et l’Allemagne ont constitué le moteur historique de la construction européenne, en raison de l’importance symbolique de leur réconciliation mais aussi de leur poids démographique, économique et politique au sein de l’UE. Depuis le début des années 2000, la France et l’Allemagne ont suivi des trajectoires opposées malgré l’interdépendance de leurs économies (Jamet, 2009). En particulier, la croissance française a été soutenue par la consommation des ménages tandis que la croissance allemande a été tributaire du rôle croissant de son commerce extérieur. Cette divergence des moteurs de la croissance des deux côtés du Rhin est pour une grande part le résultat de choix de politique économique divergents : soutien de la demande en France et réduction des coûts du travail en Allemagne. Cette divergence a modifié la structure des économies des deux pays, créant des incitations politiques différentes. Les critiques (maladroitement formulées) adressées par la ministre française en charge de l’économie, Christine Lagarde[13], à l’encontre de l’excédent commercial allemand[14], ont été particulièrement mal reçues en Allemagne où la chancellerie a immédiatement répondu qu’il était absurde de reprocher à l’Allemagne d’être trop compétitive et que ses voisins devraient suivre la même voie et consentir les mêmes efforts. Le débat sur les déséquilibres internes à la zone euro est difficile, notamment parce que la stratégie économique allemande est associée à une éthique de l’effort et au constat des résultats obtenus par l’Allemagne en matière d’emploi et d’excédent commercial. Dans cette interprétation, l’Allemagne est compétitive parce que ses salariés ont accepté de se serrer la ceinture, et il est donc hors de question qu’elle paie pour l’incapacité de ses voisins à consentir les mêmes efforts et à faire des choix stratégiques similaires.

1.4 L’éthique allemande face au mensonge grec

Cette éthique économique, et le consensus national qui l’entoure, aide à mieux comprendre la réaction allemande dans le cadre de crise grecque et notamment sa dimension moralisante.

La crise grecque a en effet conduit à une vive réaction de l’élite allemande, des médias et de la population, autour des arguments suivants :

  • l’État grec a menti sur l’état de ses finances publiques, d’abord pour faciliter l’entrée de la Grèce dans l’UEM puis pour respecter en apparence les critères du Pacte de Stabilité. Du point de vue allemand, la Grèce a ainsi violé les règles qui fondaient le contrat européen ;

  • le risque de défaut grec a déstabilisé l’euro en faisant craindre un risque de contagion, mettant ainsi en péril un élément fondamental de la culture économique allemande – la stabilité monétaire – et suscitant un regret du Deutsche Mark dans la population allemande –. Il a également rappelé le traumatisme qu’avait constitué l’abandon du Deutsche Mark ;

  • la Grèce a vu sa compétitivité se dégrader en raison d’une inflation de ses coûts salariaux non justifiée par une augmentation correspondante de la productivité. Cette dégradation est attribuée par certains médias allemands à des institutions qu’ils décrivent comme corrompues et à l’absence d’une éthique de l’effort, en contraste complet avec le modèle allemand ;

  • la Grèce a vécu d’une façon générale à crédit grâce à des taux d’intérêt trop faible, bénéficiant des mêmes taux d’intérêts que l’Allemagne alors que l’inflation y était plus élevée ;

Ainsi, la Grèce est apparue – dans la presse notamment – comme un symbole de ce que l’Allemagne craignait de voir se réaliser avec l’entrée des pays du Sud de l’Europe dans la zone euro. L’abandon de sa monnaie la faisait dépendre d’Etats dépensiers vivant à crédit et aux mains de gouvernements clientélistes – voire corrompus ou menteurs – sans que les citoyens allemands n’aient de prise sur la politique budgétaire des Etats qui ne respectent pas les règles collectives. Si l’on ajoute à cela les efforts consentis par les Allemands sur le plan intérieur (sur le plan salarial et fiscal notamment) et dans le cadre de la contribution allemande au budget européen (l’Allemagne a la contribution nette la plus élevée des Etats membres en valeur absolue), il n’est pas étonnant qu’une violente réaction se soit produite : qui voudrait continuer à se montrer solidaire avec un Etat qui ne respecte pas les règles collectives alors que de son côté il a le sentiment de consentir des sacrifices importants ? De facto l’aide à la Grèce a été très impopulaire au sein de la population allemande qui considère le gouvernement grec comme responsable de cette crise[15] et refuse la création d’une “union de transferts”. La crise grecque a ainsi ravivé dans l’opinion publique allemande des débats similaires à ceux qu’avaient suscités la réunification et les inégalités de développement économiques entre länder. Ces débats sont propres à toute organisation fédérale : ils soulèvent la question de la solidarité interne et de la bonne utilisation des fonds publics prélevés dans ce cadre. Ce faisant, ils posent ainsi la question du vivre ensemble, qui fonde toute communauté politique. De ce point de vue, les fractures créées au sein de l’UE, et particulièrement en Allemagne, par la crise grecque ne sont pas encourageantes pour le renforcement d’une communauté politique européenne dépassant le seul cadre institutionnel. On ne saurait dès lors s’étonner du mouvement actuel vers un renforcement du caractère intergouvernemental de la gestion des affaires européennes et vers un recentrage de la politique économique européenne de l’Allemagne sur la défense de ses intérêts propres.

2. La politique européenne de l’Allemagne dans le domaine économique : normalisation ou leadership ?

Si la crise des finances publiques de la Grèce – et, au-delà, des pays qualifiés avec dédain de « PIIGS » (Portugal, Italie, Irlande, Grèce, Espagne) ou de pays du « Club Med » – est apparue aux Allemands comme une violation du contrat européen et une situation inacceptable au regard de leur éthique et de leur modèle économique, ce n’est là qu’une des explications du comportement (et des tergiversations[16]) du gouvernement allemand au moment des négociations sur le plan de soutien à la Grèce. Comme nous allons le voir, la mise en forme politique de cette éthique dans le contexte électoral allemand révèle une nouvelle conception du gouvernement allemand quant à sa participation au “concert européen”. L’intérêt national y est désormais clairement identifié et défendu, au prix parfois d’une certaine hypocrisie : l’Allemagne cherche à se présenter comme un élève modèle face aux politiques économiques plus laxistes de ses partenaires sans toujours admettre ses propres faiblesses notamment celles de ses banques. C’est dans ce contexte de normalisation et de renationalisation de la politique européenne de l’Allemagne que celle-ci doit pourtant assumer son leadership de fait sur l’économie européenne.

2.1 Intérêt national et intérêt européen : la normalisation de la position allemande à la lumière de la crise économique

Classiquement, les États membres défendent leurs intérêts nationaux au sein du Conseil à Bruxelles. C’est là une situation « normale » dans la mesure où les gouvernements nationaux sont ensuite responsables de leurs prises de position, relayées par les média, devant leur opinion publique et peuvent être sanctionnés lors d’échéances électorales locales ou nationales. Les gouvernements sont en outre exposés à la pression des intérêts particuliers nationaux, en particulier des milieux d’affaires. Les gouvernements ne sont d’ailleurs pas seuls concernés par cette influence nationale : les députés européens le sont également, en fonction de leur Etat membre d’origine. Les gouvernements nationaux contribuent du reste, aux côtés des lobbies, à organiser cette stratégie d’influence nationale au sein du Parlement européen. Enfin, il est notable que l’influence des Etats membres dans les décisions européennes s’est accrue au cours de la crise, le Conseil prenant le pas sur la Commission.

Jusqu’à la fin du siècle passé, néanmoins, l’Allemagne a eu une position originale dans le jeu européen. Les affaires européennes faisaient l’objet d’un consensus transpartisan en faveur de l’intégration (Konsenspolitik). Cette position a néanmoins évolué avec les gouvernements de Gerhard Schröder et Angela Merkel, deux chefs d’Etat qui n’ont pas connu la guerre et qui ont entretenu des relations plus difficiles avec leurs homologues français (Gougeon, 2009). Les hommes politiques allemands – à l’exception du ministre des finances Wolfgang Schäuble qui appartient à la génération qui a connu la guerre – sont désormais plus indifférents au projet européen (Proissl, 2010) et Angela Merkel elle-même n’a pas de projet clair et ambitieux pour l’UE. La position allemande à Bruxelles est de fait devenue plus influencée par les intérêts nationaux du pays, témoignant d’une certaine « normalisation » de la politique européenne de l’Allemagne (Lefebvre, 2003 ; Hassner, 2010). Cela s’est vu par exemple dans le domaine de l’énergie (stratégie de sécurisation des approvisionnements au travers d’un rapprochement avec la Russie, rupture entre Areva et Siemens, lobbying de l’industrie allemande lors des négociations du paquet Energie-Climat en vue de rendre moins ambitieux les objectifs de la lutte contre le réchauffement climatique). C’est d’ailleurs ce portefeuille que l’Allemagne a négocié – et obtenu – au sein du nouveau collège des commissaires. La « normalisation » de la politique européenne de l’Allemagne s’est également manifestée dans le cadre des négociations sur les perspectives financières 2007-2013 (Bréhon, 2010), le gouvernement allemand souhaitant limiter la contribution nette de l’Allemagne au budget communautaire et prêtant dès lors une attention particulière à l’impact financier des politiques européennes.

Au cours de la crise grecque, la prise en compte de l’intérêt national s’est manifestée de deux façons. Tout d’abord, par le comportement d’Angela Merkel, qui a cherché à gagner du temps à l’approche d’une échéance électorale particulièrement importante en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, puisque la majorité au Bundesrat se jouait à cette occasion. Or la crise grecque a été au coeur de la campagne électorale compte tenu de l’impopularité d’un plan d’assistance à la Grèce dans l’opinion publique et auprès de ses partenaires libéraux du FDP au sein de la coalition gouvernementale. La crise grecque était en effet à la une des tabloïds allemands qui dénonçaient le rôle de « Zahlmeister » (trésorier-payeur) de l’Allemagne[17] et estimaient que le contributeur allemand, après avoir payé pour les excès du secteur financier, allait devoir à nouveau payer pour les erreurs des autres si le gouvernement allemand cédait à Bruxelles. De fait, Angela Merkel et son gouvernement ont vu leur taux de satisfaction chuter dans les sondages après l’acceptation du plan de stabilisation de 750 milliards d’euros.

Le deuxième élément de prise en compte de l’intérêt national est passé plus inaperçu : la protection des intérêts des banques allemandes. Celles-ci – en particulier les Landesbanken – ont été très fragilisées par la crise financière de 2007-2008 et constituent depuis un risque important pour la stabilité de l’économie allemande. Le soutien qu’a alors dû leur apporter le gouvernement allemand a été extrêmement impopulaire auprès de l’opinion publique. Or les banques allemandes étaient particulièrement exposées en Grèce où elles ont consenti d’importants crédits (auprès de l’État, des entreprises et des ménages). Dans ce contexte, l’hypothèse d’un défaut grec était extrêmement périlleuse pour les banques allemandes qui la voyaient dès lors d’un très mauvais oeil. Et donc, plutôt que d’admettre les risques excessifs pris par les banques allemandes en Grèce et plus généralement dans un certain nombre de pays du Sud de l’Europe, le gouvernement allemand a préféré demander des efforts d’assainissements draconiens à la Grèce et maintenir l’opacité sur l’exposition des banques allemandes. Le gouvernement allemand a ainsi refusé dans un premier temps qu’elles soient soumises à des stress tests puis a refusé que ces stress tests – finalement réalisés et rendus publics au début de l’été 2010 - prennent en compte l’exposition au risque souverain. En refusant un défaut grec, même partiel, puis en acceptant finalement avec les apparences de la contrainte le plan d’assistance à la Grèce, Angela Merkel a en fait apporté un soutien indirect aux banques allemandes, auteurs d’un fort lobbying, en leur évitant des pertes importantes et la nécessité d’une recapitalisation supplémentaire par l’Etat, qui aurait été extrêmement impopulaire.

Cette mise en évidence du rôle de l’intérêt national dans la politique allemande au cours de la crise grecque permet de relativiser l’image d’Epinal qui a été créé par le gouvernement et la presse en Allemagne d’un pays vertueux refusant de payer pour les erreurs des autres. Il y a eu de ce point de vue une forte contradiction dans la politique allemande au cours de la crise entre une grande prudence à l’égard des banques – dont la situation réelle a été maintenue dans l’opacité – qui tranche avec la dénonciation virulente des excès des marchés financiers et des erreurs des États membres en proie à une crise budgétaire.

En même temps, la « renationalisation » de la politique européenne de l’Allemagne ne doit pas être exagérée. Elle se produit dans un contexte de désenchantement de la perception du projet européen en Allemagne (Emmanouilidis et Möller, 2010). Seuls 30% des Allemands pensent aujourd’hui que l’euro a plus d’avantages que de désavantages d’après un sondage réalisé en avril 2010[18]. Néanmoins, l’élite politique allemande reste dans une large mesure consciente des avantages que l’économie du pays tire de la zone euro, en particulier dans le cadre d’une stratégie tournée vers les exportations (Schwarzer, 2010). De plus, l’opinion publique allemande considère majoritairement (52%) que le niveau européen est le niveau où la crise doit être résolue, contrairement à ce qui est observé dans des pays comme la France, l’Italie, l’Espagne ou le Royaume-Uni où les citoyens préfèrent des solutions nationales[19]. Parmi les principaux partis allemands, seul Die Linke s’est montré explicitement critique à l’encontre des développements récents de la construction européenne, en particulier du Traité de Lisbonne. Une incertitude pèse néanmoins sur le SPD, qui s’est abstenu lors du vote sur le plan d’assistance à la Grèce, dans un contexte électoral.

2.2 Garantir la stabilité de l’euro : la vision allemande du futur de la gouvernance économique européenne

A la suite de la crise grecque où elle a été critiquée de toute part – à la fois par ceux qui s’opposaient au principe même d’un plan d’assistance à la Grèce et par ceux qui considéraient qu’en tergiversant longuement elle avait fragilisé l’euro et accru considérablement le coût du sauvetage de la Grèce –, Angela Merkel a l’occasion de reprendre l’initiative[20] dans le cadre de l’adoption de nouvelles règles de gouvernance économique. Sans surprise, c’est autour d’un renforcement de la surveillance macroéconomique que s’articule la position allemande. Sur ce point la France et l’Allemagne ont présenté des propositions communes très proches du point de vue allemand[21], c’est-à-dire visant « l’application de sanctions fondées sur des règles »[22]. Ces propositions concernent l’établissement de règles de droit interne garantissant le retour à l’équilibre des finances publiques (sur le modèle de la règle constitutionnelle dont s’est dotée l’Allemagne[23]), d’un « semestre européen » en vue de permettre un avis de la Commission sur les budgets nationaux, d’une surveillance élargie aux divergences de compétitivité, à la dette privée et à la stabilité financière, et enfin d’une plus grande transparence des comptes et des statistiques. Sur le plan des sanctions, la proposition franco-allemande insiste sur le fait de frapper au portefeuille en imposant un dépôt portant intérêt aux Etats faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif – procédure qui serait accélérée –, et en créant la possibilité de cesser le versement des fonds structurels aux Etats ne respectant pas les règles budgétaires communes. Cette proposition envisage néanmoins également des sanctions politiques sous la forme d’un retrait du droit de vote au Conseil d’un Etat membre enfreignant de façon grave et répétée les engagements communs.

La France et l’Allemagne s’opposent néanmoins sur certains points. Par exemple, la France a refusé de considérer la possibilité d’exclure un État membre de la zone euro, mécanisme pourtant suggéré par Angela Merkel devant le Bundestag en mars 2010. La France considère également que l’Allemagne a adopté trop tôt une politique d’austérité[24] alors que ses finances publiques lui permettaient de poursuivre l’effort de relance au bénéfice de l’ensemble de la zone euro. Les chefs d’Etat et de gouvernement français et allemand s’opposent aussi sur le style de la gouvernance. Ce n’est pas là qu’une question de personne, c’est également une question de culture et d’organisation politico-administrative. Le processus de décision politico-administratif peut-être plus rapide en France en raison de son caractère extrêmement hiérarchisé, le chef de l’État rendant les arbitrages en dernier ressort sur les sujets les plus importants. Il est plus lent dans le système fédéral allemand où la Chancelière joue un rôle de médiatrice entre points de vue divergents.

En outre, le gouvernement français souhaitait un renforcement de l’Eurogroupe en vue de disposer d’un organe de décision des chefs de gouvernement des États membres de l’UEM. Cette initiative est perçue d’un mauvais oeil par le gouvernement allemand pour deux raisons principales. La première est que l’Allemagne se sent relativement isolée au sein de la zone euro face à la France : les plus grands pays de la zone euro hors la France et l’Allemagne sont l’Italie et l’Espagne, dont l’intérêt n’est pas dans une posture ferme à l’égard des finances publiques compte tenu de la piètre situation des leurs. L’Allemagne risque moins d’être mise en minorité dans l’UE à 27 car le soutien des pays scandinaves, de plusieurs pays d’Europe centrale et sur certains sujets du Royaume-Uni (en particulier sur le budget de l’UE) lui permettent de former des coalitions plus larges. La deuxième raison n’est pas nouvelle : le gouvernement allemand craint que l’Eurogroupe ne soit transformé – par la France notamment – en un instrument de pression à l’encontre de la Banque centrale européenne. Jusqu’ici l’Allemagne l’a emporté sur ce point.

Les propositions qui seront présentées cet automne par le groupe de travail piloté par Herman Van Rompuy montreront si les exigences formulées par le gouvernement allemand en vue du renforcement de la surveillance au sein de l’UEM sont satisfaites. Il est certain en tout cas qu’Angela Merkel compte dessus pour rassurer son opinion publique après avoir du accepter le plan d’assistance à la Grèce.

3. Conclusion

Que l’Allemagne ait à assumer le leadership pour garantir la stabilité de l’euro est indéniable en raison de son poids économique et de son rôle d’étalon pour les autres économies de la zone euro. Néanmoins la crise grecque a montré la difficulté d’assumer ce rôle. Il s’agit en effet de rendre compatible l’exigence de contrôles crédibles – en cohérence avec l’éthique économique allemande – avec une solidarité budgétaire en période de crise – solidarité à laquelle les élites, la presse et l’opinion publique allemandes sont réticentes. La crise grecque a suscité des inquiétudes à cet égard, en raison des tergiversations du gouvernement allemand. Ces inquiétudes ne doivent cependant pas être exagérées : l’opinion publique allemande reste dans sa majorité attachée à l’unité européenne tout en étant soucieuse de la préservation d’une culture de la stabilité qui définit son éthique économique.

La question que ce rôle pose aujourd’hui concerne la faisabilité et l’opportunité pour les autres Etats membres d’adopter un modèle proche du modèle allemand à défaut d’avoir l’éthique qui l’accompagne. D’ores et déjà, les marchés financiers créent une forte incitation pour les autres Etats membres à assainir leurs finances publiques. La BCE les a de son côté invités à suivre l’exemple allemand en matière de réformes structurelles[25]. Le Traité de Lisbonne décrit également l’économie européenne comme une « économie sociale de marché », un concept d’origine allemande (Soziale Marktwirtschaft), et le gouvernement français envisage explicitement d’aligner la fiscalité française sur la fiscalité allemande. Néanmoins, l’adoption par la zone euro du modèle allemand, si elle peut être facteur de stabilité pour l’euro, ne saurait être un remède miracle, comme l’indique la faible croissance en Allemagne ces dernières années. Il n’est en outre aucunement évident qu’une politique déflationniste tournée vers les exportations rencontre l’adhésion de l’opinion publique dans l’ensemble des États membres.


Introduction

The euro crisis of the first half of 2010 became the source of extremely lively debate in Europe over Germany’s stabilising or destabilising role. On the one hand, the financial markets obviously saw Germany as a centre of stability. German interest rates were the lowest in the euro area and provided a reference point for the calculation of interest rates on the public debt of Member States. This is due to the fact that the German economy appears to be in a much better state than its neighbours’; with public debt and deficit under control, a substantial trade surplus, strong recovery, unemployment maintained at a low rate, Germany is the “good boy” whose past efforts are now being rewarded.

Many observers[1] have nevertheless criticised German procrastination and the return of a certain kind of national egotism which preceded the creation of a Financial Stability Facility and the aid plan for Greece. Angela Merkel, accused of acting irresponsibly and of endangering the very existence of the euro solely on the grounds of domestic policy (embodied in the opposition of the press and a major share of public opinion to the aid plan for Greece within an electoral context) resigned herself to adopt the plan unwillingly at the very last minute as she faced her partners’ insistence (as well as that of the American Presidency) and the risk of the stock market’s collapse.

The debate came at a time of crisis, revealing major divergences, both economic and political, within the euro area. Economically, the public finances of some eurozone countries (Greece, Spain, Portugal, Ireland and Italy) are experiencing great difficulty and/or the balance of their current account payments is in deficit, resulting in excessive private debt and impaired competitiveness. This divergence has been fostered by the protection offered by the euro to the weakest economies (low interest rates that encouraged borrowing). Even the most integrated economies such as France and Germany witnessed the divergence of their economies since the beginning of the last decade, with France supporting household consumption whilst Germany undertook a deflationist policy to the benefit its exports. The result is clear: whilst the share of exports in the GDP was identical in both countries in 1997 (26-27%), in 2008 it was nearly twice as high in Germany (47.2%) than in France (26.1%).

It was not just awareness of economic divergence that destablised the euro in the spring of 2010, alarming the financial markets; it was also the acknowledgement of major political divergence. This focused on two issues that are vital to a Monetary Union such as that of the euro: the existence of credible supervision – from a budgetary, but also from a banking and financial point of view – and an agreement on the degree of solidarity during a crisis to avoid contagion. In other words, this meant an agreement on best practice in the management of European public goods. The Greek crisis, however, revealed some fundamental disagreements:

  • disagreement on the method (intervention or not of the IMF – which, unlike Germany, France did not support–, management by the Eurogroup or the European Council of the European economic policy);

  • disagreement on budgetary solidarity (Germany did not want to bring the “No bailout” clause[2]into question and yet rejected the idea of default by Greece, whilst France asked for the establishment of a support fund that might provide loans and guarantees to Greece to avoid contagion);

  • disagreement on the long term solutions :

    1. with regard to political sanctions in the event of rules not being respected, Angela Merkel suggested that sanctions should go as far as the exclusion from the eurozone, but the proposal was categorically rejected by France;

    2. with regard to the reduction of macroeconomic imbalance in the eurozone, where France suggested that Germany contribute to the reduction of its trade surplus by supporting its domestic demand;

    3. with regard to the creation of a European Monetary Fund that included a default mechanism – supported by Germany, reticence on France’s part.

The aim of this article is to review the German position in the Greek crisis and what it reveals about Germany’s relationship with the Economic and Monetary Union (EMU). To do this we shall review the basis of German economic “ethic” and the way this emerged in the crisis. We shall then examine the difficult position that Germany occupies between the “normalisation” of its European economic policy –which now reflects internal political issues as in other Member States – and an attempt to take over leadership of the reform of European economic governance.

1. The German economic “ethic”: a culture of stability under test during the crisis

A great amount of criticism was directed at Angela Merkel’s management of the Greek crisis. Its main focus was the lack of European solidarity on the part of the German Chancellor and her lack of awareness of economic interdependence within the euro area. This criticism does not however take into account the German elite and public opinion’s extremely strong affection for a model that aims to protect macroeconomic stability and their fear of having to pay for the mistakes made by their European partners.

1.1 The culture of abiding by the rules

Germany is attached to the definition and respect of economic rule more than any other Member State in the eurozone which can be explained by the specific historical heritage of the country. In the 1920’s, Germany experienced hyperinflation which reduced German household savings to zero and brought about a sharp rise in unemployment. The dramatic rise in inflation between 1922 and 1923 was caused by the conflict over WWI reparations and Germany’s inability to recover budgetary balance. The value of the mark fell from 4.2 dollars before hyperinflation to 4200 billion marks per dollar on 20th November 1923. Stabilisation only came with the creation of a new currency, the Rentenmark, and the end of the monetization of the debt. According to economic historiography, the explanation of the development of inflation in Germany between 1919 and 1923 can mainly be found in the accumulation of public deficits and the anticipation of rating agents with regards to the state’s ability to recover budgetary balance[3]. Furthermore, emphasis is put on the fact that the German boom in the second half of the 1920s was funded by foreign borrowing that exposed Germany to the danger of a debt crisis in 1929. As a consequence, the government was forced to adopt a painful deflationist policy (undertaken by Chancellor Brüning) to restore the economy’s competitiveness and also to recover the balance of current payments. This deflationist policy, which pushed unemployment to record levels, came to an end with Hitler’s rise to power, as he chose to default on Germany’s foreign debt in 1933.

These dramatic episodes in German history which have remained present in the memory and education of the German political and academic elite highlight the effects of inflation and also the risk that public debt and foreign debt represent for the country’s economy and its political balance. Elites are therefore averse to policies that may destabilise the currency, an aversion which is conveyed to the population by the press and the media. Monetary stability and its corollaries – particularly budgetary stability and the absence of a chronic trade deficit – was the Bundesbank’s main goal after the war. Its success was a source of pride for the Germans, and the Deutsche Mark (DM) became the symbol of the German economic miracle and a reference for financial markets as well as for Germany’s neighbours. This attachment to the DM explains why the Economic and Monetary Union has never been popular in German opinion. Ultimately, the euro was accepted through a “permissive consensus[4] that was boosted by the reunification, the support of German export firms and Helmut Kohl’s personal commitment[5].

Germany’s ‘monetary stability’ culture was further promoted by the findings of economic analyses which became the subject of public debate among German economists, particularly university professors and economists at the Bundesbank who enjoy undeniable authority in German society. Economic analysis indeed showed that governments should resist the temptation offered by over accommodating fiscal or monetary policies (e.g. decreases in interest rates and the funding of public spending via borrowing).Extra growth can indeed be achieved short term by “inflation surprises”: real interest rates that are sufficiently low lead to inflation that is higher than forecast, whilst at the same time supporting growth. Likewise, financing via borrowing leads to an increase in public spending or a reduction in fiscal pressure which enables a temporary acceleration in growth. These short term policies, whilst politically worthwhile, are not sustainable in the long term; an over accommodating monetary policy can lead to an inflationist spiral, and a lax budgetary policy increases public debt. When it becomes clear that a u-turn has to be made with regard to these complacent policies, the price to pay can be extremely high: a rise in interest rates and a reduction in the deficit leads to a decrease in economic growth and a potentially sharp rise in unemployment.

This context helps us understand Angela Merkel’s and German opinion leaders’ insistence on the respect of the Stability and Growth Pact rules, particularly the “no bailout” clause and their reticence with regard to a support plan for Greece. From their point of view, this was the best way to defend European common interest and more particularly the stability of the euro, as the contrary would be tantamount to encouraging moral hazards, that is the non respect of rules. As Angela Merkel recalled in an interview in Le Mondein Germany’s opinion this culture of stability or strength is not up for negotiation.”[6]

1.2 From Maastricht to Karlsruhe: the terms of German participation in the Economic and Monetary Union

During the negotiations over the Maastricht Treaty, the attachment to rules emerged via a certain number of requirements set by Germany in exchange for giving up the DM and as conditions for entry into the euro area:

  • the independence of the European Central Bank to ensure its isolation from political pressure and the edict of a very low inflation target (2%);

  • the creation of budgetary rules, firstly as part of the convergence criteria set for participation in the EMU, then as part of the Stability and Growth Pact that was established with the Amsterdam Treaty. These entail the restriction of the public deficit to 3% and the public debt to 60%, mid-term budgetary balance and a ban on bailing out a Member State that defaults.

It is noteworthy that these requirements were not always defended by the German government itself. Whilst the requirements set by Germany with regard to monetary policy were respected, the same cannot be said about the budget.

From the point of view of monetary policy, Germany remained adamant with regard to the ECB’s status and the inflation target. It has always refused that heads of government might exercise pressure on the ECB, and the country was reticent toward the further institutionalisation of the Eurogroup. It even refused to define an exchange rate policy, even though the Council can do this within the framework of the treaties. Here, German influence went beyond the ECB, where the governor of the Bundesbank has traditionally defended an orthodox policy, that is a policy that aims to set inflation targets and enhance the credibility of the European monetary policy. The ECB’s inflation target was systematically achieved across the entire euro area from 1998 and 2007. When in 2008 inflation was higher than the annual 2% threshold, notably because of the increase in the prices of raw materials, the Bank responded by increasing its rates, saying that it wanted to avoid a price/salary spiral (wage demand increases because of price rises but exacerbates inflation in its own right). The choice was highly questionable since the crisis had already started (it peaked six months later, i.e. the time it is generally believed to take for monetary policy decisions to produce their full impact on the economy), but it bears witness to the strength of the mandate given to the ECB as well as to the determination it showed in not giving in to external pressure, at the time that of the French president. One infringement of the original German requirements with regard to monetary matters should be pointed out: in May 2010, the ECB decided to purchase Treasury bills on the secondary market from certain Member States who were facing economic problems. This became a great source of controversy in Germany, and even for Axel Weber, the Bundesbank’s governor and candidate to succeed Jean-Claude Trichet as head of the ECB. The ECB was accused of having agreed to become a “bad bank” and of having given in to the pressure coming from the States contrary to its independent status. Unsurprisingly, Germany has made the succession to Jean-Claude Trichet’s presidency of the ECB in October 2011 a priority this coming year.

As far as budgetary rules are concerned, Germany’s vigilance has been much less constant. Germany accepted a political compromise that allowed countries which did not respect the Maastricht convergence criteria to enter the EMU on the grounds that they “tended” towards reaching them. This was the case with founding countries such as Italy and Belgium and even Greece. On no account did these countries respect the criteria of having a debt below 60% of the GDP when they entered the euro area: the Italian and Belgian debt totalled 113.7% of the GDP in 1999, whereas the Greek debt was 103.7% in 2001. Since then, the criteria was respected less and less, with France and Germany rising above this threshold respectively in 2003 and 2002. On an even more serious note, many countries repeatedly infringed the public deficit criteria without the Council ever introducing sanctions. Amongst these, we find Greece, Italy, France, Germany, the Netherlands, Austria and Portugal. In these countries, programs for the return to balance of their public finances presented as excessive deficit procedures were regularly adjourned. These repeated infringements have highlighted the fact that too often other governments have given up exercising significant pressure in view of achieving budgetary adjustment in these countries. What is more, Germany’s public deficit constantly rose beyond the 3% mark between 2002 and 2005. Chancellor Schröder chose to negotiate a reform of the Stability and Growth Pact in March 2005, relaxing the criteria[7] in opposition to the opinion of the Bundesbank. This surprising episode in the light of German attachment to the rules of the Stability and Growth Pact was followed by a return to balanced public finance. Before the crisis in 2007 and 2008, the German public deficit was zero.

As for the “no bailout” clause, which notably ensures that no government would be obliged to guarantee the public debt accumulated by other Member States, it was defended by the Constitutional Court of Karlsruhe as a condition for German participation in the EMU. In its decision of October 1993 on the Maastricht Treaty the Constitutional Court also defined “the goal of stability as a criterion of Monetary Union[8] and suggested that Germany’s participation was conditional to this stability. In its decision of 30th June 2009 on the Lisbon Treaty, the Court decreed that article 352 of the TFEU implies that any legislative measure that plans for new instruments in the Union’s policies could be subject to a preclearance act adopted by the Bundestag and the Bundesrat. This means that any decision that aims to enhance budgetary solidarity between Member States will be submitted to clearance on the part of the German legislator and may possibly be brought before the Constitutional Court, for instance by university professors who may be against it.

In spite of the criticism which the Karlsruhe Constitutional Court is subject to, its position is important as it enjoys great prestige on the part of German public opinion and the elites. The Court has also regularly rejected the acknowledgement of the superiority of community norms over the German Constitution. This is quite a different situation from that which prevails in a country such as France where if there is an incompatibility between the Constitution and community norms (as occurred, for example, in 2008 when the Lisbon Treaty[9] was being ratified and in 2005 on the creation of the European Arrest Warrant[10]), the Constitution is modified by Parliament and the Senate which met together in Congress. On the contrary, the position of the German Constitutional Court implies that the German people will not accept a compromise with regard to values it deems fundamental[11]:

  1. States’ sovereignty (States being regarded as guardians of the Treaties);

  2. the stability of the currency (protected by the “no bailout” clause and the independence of the ECB);

  3. the respect of German democracy (According to the Court, the German people are not represented fairly in the European Parliament. This is admittedly not entirely wrong, although the composition of the Parliament reflects a compromise between the representation of the populations and that of Member States[12]).

The Constitutional Court therefore represents not only a certain vision of a desirable economic policy but also a political ethic that is based on a balance between rules and democracy. It is likely that the Court’s position and the judicial risk associated to the submission of cases to the Court may now be taken into consideration in Brussels. They may comprise for instance a strategic argument for the German government, from fear of seeing a decision accepted in Brussels but challenged in Karlsruhe. In the case of the negotiations on the aid plan for Greece, the risk of being challenged by the Constitutional Court of Karlsruhe in the name of an infringement of the “no bailout” clause clearly played an important role in the Chancellery’s argument and the German position. This is notably why Angela Merkel insisted that the aid plan should not be considered as a last resort. However, the Constitutional Court delivered a new decision in August 2010 that moderates its own decisions of 2009[13].

1.3 The 2000s compromise: supporting exports with a deflationist policy to safeguard employment

German economic culture and its resulting position in the debate over the Greek crisis are marked by the compromise that was accepted at the beginning of the 2000s by the German unions as part of the 2010 Agenda along the following lines:

  1. reduction in wages – combined with modified taxation that aimed to reduce the cost of labour (reduction in social charges compensated by a rise in VAT);

  2. the adaptation of the social protection system (pensions and health insurance);

  3. a series of reforms that aim to make the labour market more flexible (Hartz reforms adopted between 2003 and 2005).

This compromise aimed to reduce unemployment by encouraging German companies to remain in Germany and to export. It was an attempt at absorbing the over-valuation of the DM at the time of Germany’s entry into the EMU and to significantly reduce unemployment figures inherited from reunification.

This model enabled Germany to accumulate a substantial trade surplus and to bring the unemployment rate below the 8% mark including during the crisis. However it was not a cure; German growth was weak during the 2000s (1.5% on average from 2000 to 2007. The growth rate was the weakest in the eurozone, not counting Italy. Germany was seriously affected by the decline in world trade, with its GDP contracting by 4.9% in 2009. In addition to this, the German strategy was not copied by its neighbours, which led to major internal macro-economic imbalance in the eurozone. Most of Germany’s trade surplus is made within the zone: whilst support for consumption in the neighbouring countries benefited German exports, weak domestic demand in Germany limited imports from other Member States.

The quest for a common strategy in Europe is further impaired by the divergence between Member States. Franco-German divergence is all the more cause for concern because France and Germany have been the historic engine in European integration due to the symbolic importance of their reconciliation and also to their demographic, economic and political weight within the Union. Since the beginning of the 2000s, France and Germany have followed opposite paths in spite of the interdependence of their economies. More specifically, French growth was supported by household consumption whilst German growth depended on the growing role of its foreign trade. This divergence between the drivers of growth on either side of the Rhine is the result of diverging economic policy choices: support for demand in France and reduction of labour costs in Germany. This divergence modified the structure of the two countries’ economies thereby leading to different political incentives. Criticism addressed by French Economy Minister, Christine Lagarde[14], with regard to the German trade surplus[15] was perceived particularly badly in Germany, and the Chancellery immediately responded saying that it was absurd to accuse Germany of being too competitive and that its neighbours should follow the same path and consent to making the same efforts. The debate over internal imbalance in the eurozone is a difficult one, notably because German economic strategy is linked to the ethic of work and the acknowledgement of results achieved by Germany with regard to employment and trade surplus. In this view, Germany is competitive because its workers have accepted to tighten their belts and it is therefore out of the question for it to pay for the incapacity of its neighbours to accept the same investment and make similar strategic choices.

1.4 German ethic versus the Greek lie

This economic ethic and the national consensus that goes with it help us to better understand the German reaction in the context of the Greek crisis, notably from a moral point of view.

The Greek crisis led to a sharp response on the part of the German elite and the population, which focussed on the following arguments:

  • Greece lied about the state of its public finances, primarily to facilitate its entry into the EMU and then to respect in all appearance the criteria of the Stability and Growth Pact. From the German point of view, Greece infringed the rules that are at the basis of the European contract;

  • the risk of Greece defaulting destabilised the euro leading to a fear of contagion, thereby endangering the fundamental element of German economic culture – monetary stability – and causing regret over the DM amongst the German population. It was also a reminder of the trauma caused by the relinquishment of the DM;

  • Greece witnessed a decline in its competitiveness due to the unjustified inflation of its wage bill which was not matched by a rise in productivity. This decline was attributed by some German media to institutions they described as corrupt and to an alleged lack of work ethic in contrast with the German model;

  • Greece lived from a general point of view on credit at interest rates that were far too low, enjoying the same interest rates as Germany whilst inflation was higher there.

Greece therefore appeared to be – notably in the press – as the epitome of what Germany feared to see happen with the entry of southern countries into the euro area. The relinquishment of its currency made it dependent on spendthrift States living on credit and delivered it into the hands of vote-catching, even corrupt or deceitful governments. Moreover, German citizens had no influence over the budgets of those States which did not respect the collective rules. If we add to this the effort the Germans consented to from a domestic point of view, notably with regard to wages and taxes, or even within the context of the German contribution to the European budget (Germany has the highest net contribution of all Member States in absolute terms) it is not surprising that there was a violent response. Who would like to show solidarity towards a State that did not respect the collective rules whilst personally major sacrifices have been made? Aid to Greece was extremely unpopular amongst the German population who considers the Greek government as being responsible this crisis[16] and rejects the creation of a “transfer union”. The Greek crisis thereby revived debate in German public opinion similar to that caused by the reunification and the inequality of economic development between the Länder. These debates are particular to any federal organisation: they raise the issue of domestic solidarity and the good use of public funds in this context. They therefore raise the issue of living together, that is the basis of any political community. From this point of view the rifts created within the Union and particularly in Germany by the Greek crisis are not encouraging for the development of a European political community which extends beyond the mere institutional framework. In this context, it is no surprise that one can witness a trend towards the enhancement of the intergovernmental nature in managing European affairs and towards a refocusing of Germany’s European economic policy with regard to the defence of its own interests.

2. Germany’s European policy in the economic sector: normalisation or leadership?

Although in the German opinion Greece’s public finance crisis and those of countries that were disdainfully qualified as “PIIGS” (Portugal, Italy, Ireland, Greece, Spain) was an infringement of the European contract and an unacceptable situation in contrast with their ethic and their economic model, this is only one explanation of the German government’s behaviour and procrastination[17] when negotiations were underway over the support plan for Greece. The political shaping of this ethic in a German electoral context reveals a new view of its participation in the “European concert”. National interest could now clearly be pinpointed and defended sometimes at the expense of a certain amount of hypocrisy: Germany was trying to stand as the model pupil in the face of more indulgent economic policies employed by its partners but without admitting to its own weaknesses notably those of its banks. However it is in this context of normalisation and renationalisation of Germany’s European policy that the latter has to assume de facto leadership over the European economy.

2.1 National interest and European interest: the normalisation of the German position in the light of the economic crisis

Traditionally Member States defend their national interests within the Council. This is a “normal” situation in that national governments are then responsible for the positions they adopt, relayed by the media to their public opinion and possibly sanctioned in electoral periods. Governments are exposed to the pressure of specific national interests particularly in the business environment. In addition to this governments are not the only ones exposed to national influence: MEPs are also affected according to their native Member State. Moreover national governments contribute alongside the lobbies to the organisation of this strategy of national influence within the European Parliament. Finally it is noteworthy that Member States’ influence in European decisions increased during the crisis with the Council superseding the Commission.

Until the end of the past century however Germany occupied an original position in the European arena. European affairs were the subject of a transpartisan consensus in favour of integration (Konsenspolitik). Nevertheless this position evolved with the governments of Gerhard Schröder and Angela Merkel; neither had experienced the war and their relations with their French counterparts were more difficult. German politicians – except for Finance Minister, Wolfgang Schäuble – are now more indifferent of the European project and Angela Merkel does not have a clear, ambitious project for Europe. The German position in Brussels is now more influenced by the country’s national interests bearing witness to a certain “normalisation” of Germany’s European policy. This has been seen for example in the area of energy (where the emphasis has been put on the security of supplies via a rapprochement with Russia, the end of the Areva/Siemens relationship, German industry lobbying during the negotiations over the Energy/Climate Package with a view to reducing its ambitions). Incidentally this is the portfolio that Germany negotiated and obtained within the Commission. The “normalisation” of Germany’s European policy also emerged in the negotiations on the 2007-2013 financial perspectives; the German government wanted to limit Germany’s net contribution to the community budget and consequently lent specific attention to the financial impact of European policies.

During the Greek crisis the consideration of national interest emerged in two ways. Firstly via Angela Merkel’s behaviour – she played for time as the major electoral day drew closer in North Rhine Westphalia, since the majority in the Bundesrat was in the balance. The Greek crisis was the focus of the electoral campaign given how unpopular the aid plan to Greece was in public opinion and in the eyes of Merkel’s Liberal FDP partners within the government coalition. The Greek crisis made the headlines of the German tabloids which denounced Germany’s role of “Zahlmeister” (paymaster)[18] and estimated that the German taxpayer after paying for the excesses of the financial sector now had to pay for the errors of others if the German government gave in to Brussels. Hence Angela Merkel and her government witness a sharp decline in their satisfaction rates in the polls after the stabilisation plan of 750 billion euros was accepted.

The second point with regard to the consideration of national interest was not so evident: the protection of German banks’ interests. The latter, particularly the Landesbanken – had been weakened by the financial crisis of 2007-2008 and ever since had comprised a major risk for German economic stability. The support that the German government then had to provide was extremely unpopular with public opinion. But the German banks were particularly vulnerable in Greece where they had agreed to providing major loans (to the State, businesses and households alike). In this context the hypothesis of Greek default was extremely dangerous for German banks which now saw this in an extremely unfavourable light. Rather than admit to the excessive risks taken by German banks in Greece and in a certain number of other countries in the south of Europe the German government preferred to request draconian stabilisation efforts on the part of Greece and maintain opaqueness with regard to the vulnerability of German banks. Hence the German government at first refused for the latter to be submitted to “stress tests” then refused that these stress tests, which were finally undertaken and made public at the beginning of the summer of 2010, take into account the exposure to sovereign risk. By refusing a Greek default – even in part – then finally accepting, apparently under constraint – the aid plan for Greece, Angela Merkel did indeed provide indirect support to the German banks, the source of heavy lobbying, helping them avoid major losses and the need for additional recapitalisation by the State which would have been extremely unpopular.

Highlighting the role played by national interest in German policy during the Greek crisis allows us to relativise the image created by the German government and the press of a virtuous country refusing to pay for mistakes made by others. From this point of view there was a major contradiction in German policy during the crisis between extreme prudence with regard to the banks – whose real situation remained masked – contrasting sharply with the virulent censure of the excesses of the financial markets and the errors made by States suffering a budgetary crisis.

At the same time the “renationalisation” of Germany’s European policy must not be exaggerated. It happened at a time of disenchantment with the European project in Germany. Only 30% of Germans think that the euro has more advantages than disadvantages[19]. However the German political elite mainly remains aware of the advantages the country draws from the euro area particularly as part of a strategy that is oriented to exports. Moreover German public opinion mainly believes (52%) that Europe is the level at which the crisis should be resolved contrary to what has been seen in countries such as France, Italy, Spain and the UK where citizens prefer national solutions[20].

2.2 Guaranteeing the euro’s stability: the German vision of the future of European economic governance

In the wake of the Greek crisis when she was criticised from all sides – both by those who were against the very principle of an aid plan for Greece and by those who believe that by procrastinating at length she weakened the euro and increased the cost of saving Greece – Angela Merkel had an opportunity to take up the initiative again[21] in the context of the adoption of the new economic governance rules. Unsurprisingly it was towards enhancing macro-economic surveillance that the German position leant most. On this point both France and Germany presented joint propositions[22], aiming for “the application of sanctions based on rules”[23]. These proposals involve the establishment of rules of internal law that guarantee the recovery of balance in public finance (according to the model of the constitutional rule with which Germany has provided itself[24]), a “European Semester” in view of allowing an opinion on the part of the Commission over national budgets, surveillance extended to divergence in competitiveness, private debt, financial stability and finally greater transparency of accounts and statistics. From the sanctions point of view the Franco-German proposal insists on hitting where it hurts by imposing an interest bearing deposit on States which are subject to an excessive deficit procedure – which would be stepped up – thereby making it possible to stop paying structural funds to States that do not respect common budgetary rules. This proposal does however include political sanctions in the shape of a withdrawal of a Member State’s right to vote in the Council if the former infringes seriously and repeatedly common commitments.

However France and Germany do disagree on several points. For example France has refused to consider the possibility of excluding a Member State from the euro area, a mechanism that was put forward by Angela Merkel to the Bundestag in March 2010. France believes that Germany adopted an austerity plan too early[25] since its public finances would have allowed it to continue recovery work to the benefit of the entire euro area. French and German political leaders also disagree on the style of governance. Here it is not just a personal issue it is also a question of culture and politico-administrative organisation. The politico-administrative decision making process can be quicker in France because it is extremely hierarchical in nature, since the Head of State is the final arbiter on the most important issues. Matters move more slowly in the German federal system in which the Chancellor plays a role of mediator between several diverging points of view.

In addition to this the French government wanted to strengthen the Eurogroup in view of having a decision making body comprising heads of government of EMU Member States. This is not looked upon favourably by the German government for two main reasons. Firstly Germany feels relatively isolated within the euro area in the face of France: the biggest countries in the euro area apart from France and Germany are Italy and Spain whose interests do not lie in a firm stance with regard to public finance given the poor state of their own situation. Germany runs less of a risk of being isolated within the 27 because Scandinavian support and that of several countries in Central Europe and also with regard to several subjects on the part of the UK (particularly with regard to the European budget) helps it form wider coalitions. The second reason is not a new one: the German government fears that the Eurogroup will be transformed – notably by France – into an instrument to exercise pressure on the ECB. Until now Germany has always won on this point.

The proposals which will be presented this autumn by the working group steered by Herman Van Rompuy will show whether the requests made by the German government in view reinforcing surveillance within the EMU have been met. It is certain that Angela Merkel is counting on this to reassure her public opinion after accepting the aid plan for Greece.

3. Conclusion

That Germany should assume leadership to guarantee the stability of the euro is undeniable because of its economic weight and its role as a gauge for the other economies in the euro area. However the Greek crisis has shown how difficult it is to take this role on. Indeed it means making the requirements of credible control compatible – in line with German economic ethic – with budgetary solidarity in times of crisis –solidarity that the German elites, press and public opinion are reticent about. The Greek crisis was the source of great concern due to the German government’s procrastination. These concerns must not however be exaggerated: German public opinion is mainly attached to European unity and yet at the same time it is anxious to protect a culture of stability that defines its economic ethic.

The question that this role raises involves the feasibility and opportunity for other Member States to adopt a model close to that employed by the Germans or at least an ethic that falls in line with it. From now on the financial markets are encouraging the other Member States to stabilise their pubic finances. The ECB has invited them to follow the German example in terms of structural reform.[26] The Lisbon Treaty describes the European economy as a “social market economy”, originally a German idea (Soziale Marktwirtschaft) and the French government is explicitly planning to align French tax system with that of Germany. Nevertheless the adoption of the German model by the euro area, although it might be a factor of stability for the euro – will not provide a miracle remedy, as seen in weak German growth over the last few years. Also it is really not evident that a deflationist policy oriented to exports will meet the approval of public opinion amongst all Member States.