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Nous assistons depuis quelques années à une prolifération d’examens préparés par le personnel enseignant, les commissions scolaires, le ministère de l’Éducation et autres organismes officiels, et ce, à tous les ordres d’enseignement et dans plusieurs ordres professionnels. Or, qui dit examen dit aussi tricherie. C’est du moins ce que rapportent les nombreuses recherches menées auprès d’élèves et d’étudiants de plusieurs pays (p. ex., Crittenden, Hanna et Peterson, 2009). La tricherie aux examens n’est pas un phénomène nouveau. En fait, un des premiers articles scientifiques à mentionner un acte de tricherie date du début du vingtième siècle (Barnes, 1904). Cet auteur rapporte le vol par un étudiant d’une copie d’examen à l’imprimerie d’une grande université américaine. Depuis, les méthodes de tricherie se sont diversifiées et multipliées et la recherche récente fait état de l’ampleur considérable du phénomène, des facteurs qui motivent les étudiants à tricher, mais aussi des initiatives mises en place pour réduire la tricherie, notamment dans les universités.

Ampleur du phénomène

Selon les auteurs consultés, les statistiques sur la tricherie aux examens (incluant souvent le plagiat dans les travaux) varient entre 30 % et 80 % (Williams et Williams, 2012). Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur le pourcentage de tricheurs, il n’en demeure pas moins que la tricherie est bien présente dans nos milieux scolaires, et ce constat va au-delà de nos frontières nord-américaines. En effet, certains chercheurs parlent même d’une culture mondiale de la tricherie pour décrire la situation dans le milieu universitaire à travers le monde (Crittenden et al., 2009).

Méthodes utilisées pour tricher

Trois catégories de méthodes pour tricher sont identifiées dans la littérature. La première catégorie se présente en amont de l’examen et implique un échange d’informations qui ne devraient pas être partagées. La publication sur les réseaux sociaux des questions d’examens produits par la commission scolaire avant que tous les élèves aient fait l’examen en est un bel exemple. La deuxième catégorie comprend l’utilisation de matériel interdit pendant les examens, par exemple, l’usage de notes écrites sur les avant-bras ou d’informations encodées dans des montres intelligentes. La troisième catégorie de méthodes s’applique après l’examen, par exemple, lorsqu’un étudiant prétend que l’enseignant a fait des erreurs dans sa correction alors qu’il a lui-même modifié ses réponses lors du retour de l’examen en classe. Avec le développement de la technologie et la mise en marché de certains outils (oreillette branchée à un souffleur de réponses, loupe pour lire les minuscules caractères sur une étiquette de bouteille d’eau, etc.), l’imagination du tricheur est la seule limite face à la diversité des méthodes existantes pour faciliter la tricherie.

Facteurs qui motivent les étudiants à tricher

La recherche montre que certaines variables démographiques comme le sexe, l’âge, les résultats scolaires ou une expérience antérieure de tricherie auraient une incidence sur la décision de l’étudiant de tricher à un examen. Ainsi, les garçons d’un plus jeune âge qui ont déjà triché dans le passé seraient les plus enclins à tricher (Olafson, Schraw, Nadelson, Nadelson et Kehrwald, 2013).

L’influence des pairs sur la décision de tricher est largement documentée, et les chercheurs s’entendent pour dire que le fait d’avoir des amis qui trichent, ou même simplement de savoir que certains étudiants de la classe trichent, serait suffisant pour inciter un étudiant à tricher (Rettinger et Kramer, 2009).

Un autre facteur serait l’engagement de l’étudiant dans ses études et le type de but qu’il poursuit. Ainsi, un étudiant qui consacre peu de temps à ses études, qui n’est pas motivé et qui a tendance à procrastiner dans ses tâches scolaires serait plus enclin à tricher. De même, lorsque l’étudiant poursuit des objectifs centrés sur l’obtention de notes élevées ou d’un diplôme ou qu’il étudie dans un environnement axé sur la performance plutôt que sur l’apprentissage, la tricherie devient une option à considérer lors des examens.

Initiatives pour réduire la tricherie

Des études réalisées dans le milieu universitaire (p. ex., Fendler, Yates et Godbey, 2018; McCabe, Butterfield et Trevino, 2012) ont mené les décideurs à se doter de cadres officiels pour mettre en oeuvre des démarches pour combattre et réduire la tricherie dans leur institution. Par exemple, plusieurs universités ont des politiques sur la tricherie et le plagiat, des comités qui gèrent les cas des étudiants tricheurs, des activités de promotion de l’intégrité académique, etc. Une démarche qui semble assez prometteuse dans les universités américaines consiste à faire signer aux étudiants un code d’honneur dans lequel ils s’engagent à faire preuve d’intégrité académique dans leur cours et tout au long de leur parcours universitaire.

Au Québec, un groupe de chercheurs se sont donné comme objectif de faire le point sur le phénomène de la tricherie aux examens dans les facultés d’éducation de cinq universités québécoises. Le premier volet de la recherche était de mesurer l’étendue du phénomène dans les facultés d’éducation. Les résultats préliminaires indiquent que les étudiants en éducation seraient moins portés à tricher que ce qui est rapporté par la littérature internationale. Le deuxième objectif de l’étude était de situer le phénomène de la tricherie dans le contexte plus large du raisonnement moral qui sous-tend l’agir éthique des futurs enseignants. Les résultats préliminaires de cette deuxième étape de la recherche indiquent que les étudiants adoptent un agir éthique qui est largement tributaire d’une conception légale, plutôt que morale, lors de la prise de décisions.

Les recherches sur la tricherie abondent dans la littérature scientifique et permettent de mieux comprendre ce phénomène. Cependant, d’autres questions méritent d’être posées. Par exemple, quel est le bienfondé d’encourager la course à la performance dans nos institutions scolaires? Sans contester l’importance de valoriser l’excellence, on peut se demander si l’excellence passe obligatoirement par l’obtention d’une note élevée. En fait, faire preuve d’excellence dans un domaine d’études, n’est-ce pas plutôt de maitriser le savoir, le savoir-faire et le savoir-être propre à la discipline? Or, est-ce possible de valoriser l’excellence de l’apprentissage sans que cela passe par une valorisation de la note dont la signification n’est pas toujours porteuse de sens? Ces enjeux méritent d’être abordés dans un contexte où ce sont les notes qui servent de barème pour l’obtention d’un diplôme et, par conséquent, d’ouverture aux portes de l’emploi, et non la reconnaissance des compétences de l’étudiant. Il en résulte alors une question fondamentale : quelle confiance peut-on avoir en un diplôme pouvant être obtenu par un étudiant tricheur?