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S’adapter à la surcharge de travail dans un contexte d’incertitude

L’insertion professionnelle représente un défi dans tous les domaines. Selon Martineau, Gervais, Portelance et Mukamurera (2008), l’insertion professionnelle peut être décrite comme une expérience de vie qui nécessite un processus d’adaptation et d’évolution chez le nouvel enseignant (cités par Carpentier-Bujold, 2014). Certes, le baccalauréat nous a permis d’établir les bases de notre identité professionnelle, mais nous considérons que rien ni personne n’était en mesure de nous préparer à vivre une première rentrée scolaire en contexte de pandémie. Nous sommes donc deux nouvelles enseignantes au premier cycle et à travers ce texte, nous souhaitons partager notre expérience avec vous.

Une première rentrée comme enseignante comporte déjà de nombreuses nouveautés, mais une rentrée pendant une pandémie demande beaucoup de gestion qui s’ajoute à notre nouvelle réalité, sans compter les innombrables rumeurs qui ont circulé sur les réseaux sociaux quant aux nouvelles procédures qui allaient être mises en place. Nous les écoutions d’une oreille attentive afin d’être en mesure de nous adapter. Il a donc été difficile de se retrouver prises au dépourvu. La COVID-19 demande des mesures jamais prises auparavant, ce qui explique les innombrables changements qui ont été effectués. En effet, des périodes de surveillance ont été ajoutées pour assurer l’organisation d’un nouvel horaire favorisant le respect de mesures de la santé publique. Dans la situation actuelle, toutes ces nouveautés s’ajoutent à la charge de travail des enseignants débutants tels des poids sur une personne en situation de noyade. Même si les mesures ont été allégées dans les classes comparativement au printemps dernier, il est tout de même nécessaire de désinfecter davantage les surfaces, ainsi que le matériel puisque dans certains cas, ce dernier peut devoir circuler d’une bulle-classe à une autre.

Lavage de mains, horaires de toilettes et désinfection sont maintenant à notre horaire. De plus, puisque l’enseignement à distance représente une épée de Damoclès qui est constamment au-dessus de notre tête, plusieurs considèrent qu’il est important de se préparer. Les ajouts dus à la COVID-19 requièrent du temps que nous aimerions utiliser à des fins pédagogiques. De ce fait, la planification est une tâche qui demande du temps et la pression est forte en ce qui concerne la création d’activités motivantes. Il s’agit souvent de notre première vraie expérience dans le niveau. Malgré l’expérience vécue en stage, la planification est à réaliser complètement. Les activités impliquent souvent la création du matériel. En début de carrière, nous trouvons difficile de lâcher prise. D’ailleurs, il est important de noter que la COVID-19 a un rôle important à jouer dans la planification. En effet, il a été nécessaire de faire une révision approfondie des notions qui devaient être enseignées l’année précédente. Le fait de ne pas maîtriser tous les aspects de notre nouveau métier fait surgir un sentiment d’incompétence pédagogique (COPFE, 2002) qui, selon nous, est plus grand en temps de pandémie.

La collaboration en temps de distanciation

Lorsqu’un individu met les pieds dans un nouvel environnement, il est connu que l’aspect social a une influence considérable sur son adaptation. Les mesures imposées par la COVID-19 compliquent les rapports entre les individus. À la rentrée, il n’y a pas eu de rassemblement pour favoriser l’intégration des nouveaux membres dans les écoles. Nous devons faire notre place parmi tous les anciens qui sont obligés, pour des raisons de sécurité, de rester à l’écart. Nous avons tous davantage tendance à fermer notre porte et à vivre dans notre petite bulle-classe. Évidemment, tout cela complique énormément les principes fondamentaux de la collaboration, qui est si importante dans le milieu de l’éducation.

Lorsqu’il est question des programmes d’insertion professionnelle mis en place par les centres de services, l’un des aspects importants est la présence du réseau d’entraide (Leroux et Mukamurera, 2013). Normalement, des mentors sont alors assignés dès le début de l’année aux débutants dans la profession. Par contre, la COVID-19 a affecté la tâche des enseignants d’expérience également. Ces derniers, étant eux aussi débordés et dépassés, sont plus difficiles à joindre considérant que, malgré leur bonne volonté, la réalité de l’année 2020 fait en sorte qu’ils n’ont tout simplement pas le même temps pour nous accompagner. Encore une fois, la distanciation crée aussi un fossé qui nous oblige davantage à rester chacun de notre côté. Comme enseignantes débutantes, nous sentons donc un peu plus l’isolement.

Dans l’ère pré-COVID, les rencontres du personnel permettaient de faire le point sur la réalité du milieu. Les écrans semblent maintenant constituer une barrière à cette si belle collaboration. Nos micros sont fermés et nous ne les ouvrons que pour poser des questions ou demander des précisions. Cette distance physique se transpose dans notre pratique qui devient, malheureusement, beaucoup plus individualiste. Ainsi, la réalité virtuelle, aussi performante soit-elle, n’égale pas l’authenticité du contact humain.

En outre, il est impossible d’aborder le sujet de la collaboration sans traiter de la relation école-famille qui est aussi affectée par la distance. En effet, comme nouvelles enseignantes, nous rêvions du moment où nous rencontrerions pour la première fois les parents de nos premiers élèves. Cependant, en début d’année, nous avons dû faire notre rencontre de façon virtuelle. Même si le contenu était le même lors de cette réunion d’accueil, nous n’avons pas eu la chance d’interagir avec les parents comme nous le souhaitions. De plus, tout comme nous, les parents sont complètement envahis par la communication électronique en provenance du centre de services, de l’école et de la classe. Il devient alors évidemment difficile pour eux de faire le tri et de saisir l’information qui est réellement importante. Malgré tout, nous considérons primordial de mettre l’accent sur une relation positive puisque cela permet à l’enseignant d’obtenir des informations complémentaires et déterminantes quant au cheminement scolaire de l’enfant (Morin, 2007). Même s’il est nécessaire de trouver de nouvelles façons d’y arriver, il faut continuer de s’unir, de se comprendre, de s’entraider, car ces qualités ont toujours été reconnues chez les acteurs du milieu de l’éducation.

Et l’évaluation dans tout ça ?

Cette année, les écarts sont plus creux que jamais. Pour notre part, nous observons des défis importants chez certains enfants en ce qui concerne la maturité, l’autonomie, ainsi que la socialisation. Cela a une influence qui n’est pas à négliger sur leurs comportements dans la cour d’école et dans la classe. Cependant, la COVID-19 n’a pas seulement engendré des écarts en ce qui concerne la sphère sociale. Effectivement, les élèves ne sont pas tous rendus où ils devraient habituellement l’être sur le plan des apprentissages. Nous croyons qu’il s’agit d’un défi pour tous les enseignants, et ce, qu’ils soient expérimentés ou non.

Les écarts impliquent par le fait même des défis en ce qui concerne l’évaluation des apprentissages des élèves, puisque ceux-ci ne sont pas prêts pour réaliser les tâches habituelles. Il faut alors reconsidérer nos attentes, ainsi que nos objectifs. Comme enseignante, nous souhaitons répondre aux besoins de chaque enfant pour tenter de respecter le rythme d’apprentissage de chacun. Cependant, nous devons tout de même sanctionner l’apprentissage à des moments précis, et ce, à des fins administratives (Fontaine, Savoie-Zajc et Cadieux, 2013). Selon Chouinard, « évaluer formellement les apprentissages, non pas au gré du calendrier scolaire, mais lorsque les données de l’évaluation formative montrent clairement qu’ils sont prêts contribue à maximiser les taux de réussite et à limiter les mises en échecs inutiles » (2002, p. 5). Dans la réalité actuelle, cette pratique est toutefois difficile à mettre en place.

Conclusion

Ce qui est positif dans toute cette situation, c’est l’aspect de normalité que l’on retrouve une fois en classe. En effet, puisque nos classes sont considérées comme des bulles, il n’y a pas de distanciation physique requise entre les élèves. Ce qui se produit dans nos classes demeure ce qui se produisait avant l’arrivée de cette fameuse COVID-19. Il est plus qu’agréable de retrouver de la normalité au sein de ce chaos. Nous trouvons d’ailleurs que les élèves sont plus reconnaissants de pouvoir venir à l’école maintenant qu’ils ont vécu quelques mois sans pouvoir y aller. Les élèves ont une soif d’apprendrerenouvelée et redécouvrent les joies de la socialisation. Par ailleurs, en tant que nouvelles enseignantes, il faut apprendre à nous donner une petite chance et à choisir nos batailles, car tout ne peut pas être parfait du premier coup.