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Vieillissement de la population et décès

En 2020, près d’une personne sur cinq (19,7 %) dans la population québécoise était âgée de 65 ans et plus selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ, 2020). De mars à juin 2020, le Québec a enregistré un pic de décès en raison de la pandémie de COVID-19. Dans les prochaines décennies, le Canada connaîtra également une croissance et un vieillissement marqués de sa population. L’augmentation du nombre de personnes vieillissantes se traduira naturellement par une augmentation proportionnelle du nombre de décès. À cet effet, on estime qu’en 2030, le Québec enregistrera plus de 80 000 décès par année (ISQ, 2018).

En plus des effets normaux du vieillissement, les personnes âgées de 65 ans et plus présentent un risque plus élevé de développer des maladies chroniques et des atteintes cognitives (Institut national de santé publique du Québec, 2017). En effet, environ 75 % des personnes âgées se disent atteintes d’une maladie chronique telle que l’hypertension et les maladies cardiaques, les maladies inflammatoires touchant les articulations (arthrite, arthrose), les diagnostics de cancer, l’ostéoporose, le diabète, et diverses maladies pulmonaires chroniques (ISQ, 2013). À ces affections chroniques, s’ajoutent des atteintes cognitives telles que la maladie d’Alzheimer, la démence vasculaire et la démence à corps de Lewy dont l’incidence augmente avec l’âge (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2017). Actuellement, on estime que plus d’un demi-million de Canadiens sont atteints d’un tel trouble cognitif et qu’à partir de 65 ans, la prévalence des cas double tous les cinq ans (ASPC, 2019). Ainsi, en 2031, 937 000 Canadiens âgés de 65 ans et plus vivront avec un diagnostic de démence (Société Alzheimer du Canada, 2016).

Démence

La démence, aussi appelée trouble neurocognitif, correspond à un ensemble de signes et symptômes associés à une détérioration progressive des fonctions cognitives (ASPC, 2017). Il existe plusieurs types de démences telles que la maladie d’Alzheimer (qui est la forme la plus courante), la démence vasculaire, la démence à corps de Lewy, la démence fronto-temporale et les troubles neurocognitifs mixtes (Seeley et Miller, 2018). Les symptômes de la maladie prennent la forme d’un déclin cognitif touchant à la fois la capacité d’attention, les fonctions exécutives, l’apprentissage, la mémoire et le langage (Kane et al., 2017; American Psychiatric Association, 2015).

Bien que certaines approches pharmacologiques permettent de retarder l’apparition des signes et symptômes de la maladie, il n’existe, à ce jour, aucun traitement curatif de la démence. Ainsi, les nombreux dommages cérébraux poussent ultimement la personne dans un état de dépendance dans l’ensemble de ses activités de la vie quotidienne (Seeley et Miller, 2018; Park, 2016). La personne atteinte pourra également présenter de la dysphagie[1], de l’aphasie[2], de l’apraxie[3], de la désorientation, de la confusion, et ce, jusqu’au moment où elle aura besoin d’aide pour boire, manger et se laver. Au fil de ce déclin progressif causé par la démence, différentes affections aiguës, telles que des épisodes de pneumonie, de lésion de pression et d’infection urinaire, sont susceptibles de se manifester. À ce stade de la maladie, les personnes atteintes auront quatre fois plus de risques de mourir que les autres personnes du même groupe d’âge. Par ailleurs, une fois le diagnostic posé, leur espérance de vie est évaluée entre cinq et sept ans (Organisation mondiale de la santé [OMS], 2012). Dans ce contexte, l’option thérapeutique qui leur est offerte consiste essentiellement en des soins palliatifs et, au dernier stade de la maladie, des soins de fin de vie (ASPC, 2019; van der Steen et al., 2014).

Soins palliatifs et de fin de vie

Les soins palliatifs et de fin de vie sont définis comme :

Une approche pour améliorer la qualité de vie des patients (adultes et enfants) et de leur famille, confrontés aux problèmes liés à des maladies potentiellement mortelles. [Elle prévient et soulage] les souffrances grâce à la reconnaissance précoce, l’évaluation [adéquate] et le traitement de la douleur et des autres problèmes, qu’ils soient d’ordre physique, psychosocial ou spirituel.

OMS, 2020

Les soins palliatifs et de fin de vie s’offrent dans divers milieux de soins tels que les centres hospitaliers, les établissements de soins de longue durée, les centres de soins palliatifs et à domicile (Santé Canada, 2018). L’intégration d’une approche palliative est appropriée et bénéfique, et ce, dès l’apparition des manifestations cliniques associées au diagnostic de démence (OMS, 2014). De façon générale, l’approche des soins palliatifs intégrée implique une planification préalable des soins; une communication sensible et transparente entre l’équipe de soins et les proches; une gestion de la douleur et des symptômes et un soutien aux proches (ASPC, 2019; Santé Canada, 2018). Elle se poursuit jusqu’au décès et lors du processus de deuil des proches. Considérant que chaque décès au Canada affecte le bien-être de cinq autres personnes, ce qui représente plus de 1,6 million de personnes (Coalition pour les soins de fin de vie de qualité du Canada, 2010), l’encadrement des soins palliatifs et de fin de vie vise également le soutien, l’accompagnement psychosocial et le répit offerts aux proches.

Proches de personnes en soins palliatifs et de fin de vie

Les proches de personnes en soins palliatifs et de fin de vie occupent une place fondamentale dans le processus de soins. D’ailleurs, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) reconnaît que le soutien apporté aux proches et leur contribution aux soins sont des éléments essentiels au bon maintien de l’approche palliative (MSSS, 2015). Les proches peuvent accomplir différentes tâches et soins, tels qu’offrir du soutien pour les soins personnels, émotionnels, sociaux et financiers. À ce propos, le gouvernement du Québec a d’ailleurs adopté en 2020 la Loi visant à reconnaître et à soutenir les personnes proches aidantes, qui guide la mise en oeuvre d’une politique nationale pour les personnes proches aidantes afin de reconnaître leur contribution et leur offrir du soutien dans leur rôle. Dans son Plan de développement 2015-2020 en soins palliatifs et soins de fin de vie, le MSSS visait l’amélioration de l’offre de services par l’entremise de diverses formations, de la mise en place de nouvelles pratiques et par le développement de la recherche dans le domaine des soins palliatifs et de fin de vie. Le MSSS s’est engagé à respecter certaines priorités et mesures stratégiques, telles qu’offrir aux Centres d’hébergement de soins de longue durée des services cliniques qui tiennent compte d’une expertise en soins palliatifs et de fin de vie. Il est d’ailleurs question de « rendre disponibles des outils d’évaluation normalisés pour identifier l’ensemble des besoins des personnes en [soins palliatifs et de fin de vie] » (MSSS, 2015, p. 27). À ce jour, aucun indicateur n’a été spécifiquement développé. C’est dans ce contexte qu’est apparue l’urgence de se pencher sur les instruments de mesure actuels portant sur l’évaluation de la qualité des soins palliatifs et de fin de vie offerts à une clientèle âgée atteinte de démence sévère. L’objectif de notre revue était d’identifier les instruments qui permettent de mesurer la qualité des soins palliatifs et de fin de vie des personnes atteintes de démence et d’analyser leurs qualités psychométriques.

Méthodologie

Devis de l’étude

Une recension des écrits a été menée afin d’identifier les instruments qui évaluent la qualité des soins palliatifs et de fin de vie offerts à une clientèle âgée atteinte de démence sévère. Comme la clientèle atteinte de démence sévère est incapable de communiquer ses besoins, ces instruments recueillent la perspective des proches.

Critères de sélection (inclusion/exclusion) et population d’intérêt

Une question de type PICO a été définie : (Population) Proches aidants des patients; (Intervention) Outil, instrument, échelle et questionnaire; (Comparateur) Fin de la vie dans un contexte de démence sévère; (Outcome, critère de jugement) Qualité des soins. Les critères de sélection étaient des articles de développement d’instruments de mesure portant 1) sur une clientèle âgée et hébergée atteinte de démence en fin de vie et 2) sur l’évaluation de la qualité des soins de fin de vie par l’entremise d’un instrument standardisé. Des critères d’exclusion ont aussi été prédéterminés : les instruments développés pour les patients atteints de cancer, les instruments prospectifs de suivi clinique et les documents non scientifiques n’ont pas été inclus dans l’analyse.

Sources d’informations et stratégies de recherche

Deux bases de données ont été consultées, soit MEDLINE et CINAHL le 5 mars 2019. Un plan des concepts a été élaboré, en concertation avec une bibliothécaire spécialisée en sciences de la santé, et a servi de base à la conception de la stratégie de recherche. Les mots-clés utilisés étaient : close relatives of patients, quality of care, end-of-life in a context of severe dementia, tool, instrument, scale, questionnaire.

Processus de sélection

Les articles ont été lus et sélectionnés notamment en raison de leur correspondance à la question de recherche initiale, mais aussi selon les divers critères d’inclusion et d’exclusion. Des échanges avec les coauteurs ont permis d’en venir à un consensus de sélection d’articles.

Extraction et analyse des données

Dans un premier temps, pour évaluer la pertinence du contenu et l’intelligibilité des instruments, chaque item a été classé dans un domaine du cadre de référence de Howell et Brazil (2005), qui tient compte de la perspective du patient et de ses proches. Selon ce cadre, la qualité des soins palliatifs et de fin de vie que reçoivent les personnes atteintes de démence est examinée selon huit domaines, lesquels comportent plusieurs sous-thèmes : 1) la gestion de la douleur et des symptômes; 2) le non-acharnement thérapeutique; 3) la préparation au décès; 4) l’accompagnement des proches; 5) le soutien à la prise de décisions; 6) l’accompagnement spirituel; 7) les soins holistiques et individualisés; 8) le décès dans un environnement favorable (Howell et Brazil, 2005). Plus spécifiquement, le premier domaine, celui de la gestion de la douleur et des symptômes, réfère au confort physique, de la réponse à la douleur et de son contrôle. Les deux domaines suivants ont essentiellement pour thème la mort et ce qui l’entoure, soit son moment et les traitements futiles et le soutien émotionnel pour s’y préparer, le support, la communication et l’éducation nécessaire afin d’y faire face et de dire au revoir à ses proches. Le quatrième domaine porte sur le soutien, l’implication et l’éducation des proches alors que le cinquième couvre tout ce qui touche au soutien à la prise de décisions et fait référence à la communication et au respect des préférences liées au processus du mourir. Ce domaine inclut notamment des éléments portant sur une prise de décision partagée. Le sixième domaine évoque les besoins spirituels, religieux et d’accomplissement de soi. Le septième domaine, celui des soins holistiques et individualisés, aborde l’unicité de la personne, ses valeurs et ses relations de soutien avec les prestataires de soins. Finalement, le huitième domaine aborde les préférences quant au lieu de décès, notamment un environnement paisible où la personne se sent en sécurité. Il prend aussi en considération la présence ou non des proches et de l’interaction avec les professionnels de la santé. Lors de ce processus d’analyse, il a été constaté que certains instruments possédaient des items plus généraux et n’étaient pas spécifiques à la clientèle en fin de vie atteinte de démence et vivant en hébergement. En outre, ces instruments avaient été utilisés pour cette clientèle sans que leurs items ciblent des dimensions caractéristiques des soins de fin de vie reçus par cette dernière. Afin de déterminer quel instrument de mesure permettait au mieux d’évaluer la qualité des soins palliatifs et de fin de vie offerts à une clientèle âgée atteinte de démence sévère, cette phase d’analyse de la pertinence a été bonifiée de deux critères de sélection supplémentaires liés aux spécificités de la population cible, soit : 1) instrument spécifique pour les résidents en soins de longue durée (long-term care) et 2) instrument spécifique pour les patients atteints de démence (tableau 1).

Dans un second temps, les deux instruments retenus suite à la première phase ont été évalués selon leurs caractéristiques générales et leurs qualités psychométriques à partir des standards reconnus (Devellis, 2017). Les caractéristiques générales évaluées sont : la population cible, le mode de collecte de données et les répondants, le type d’administration, les sous-échelles, les domaines et le nombre d’items. Pour ce qui est des qualités psychométriques, la validité de contenu lors du développement des instruments originaux, la validité de construit, la validité convergente et la cohérence interne ont été évaluées. Afin d’approfondir l’analyse des instruments, les études mettant en évidence l’utilisation clinique ou scientifique de l’instrument ont été recensées de façon à mettre en lumière ses retombées et sa pertinence à l’échelle internationale. Pour être retenu, l’instrument devait présenter à la fois les meilleures qualités psychométriques et la plus grande utilisation à l’échelle internationale.

Résultats

La recension a permis d’identifier huit études. Toutes les études ont été réalisées aux États-Unis à l’exception de celle associée à l’instrument Integrated Palliative Care Outcome Scale for Dementia (IPOS-DEM), qui a été effectuée au Royaume-Uni.

Évaluation de la pertinence et de l’intelligibilité des instruments

L’analyse de la pertinence et de l’intelligibilité a permis de mettre en évidence qu’aucune des huit dimensions de Howell et Brazil (2005) n’a été couverte par tous les instruments analysés. Quatre instruments (soit 50 %) présentaient toutes les dimensions du cadre (l’EOLD, le FATE, le FPCS et le TIME). Les dimensions des soins palliatifs et de fin de vie telles que définies par Howell et Brazil (2005) les plus couvertes par les instruments, soit à 75 %, étaient : la première, la troisième, la cinquième et la septième, soit respectivement la gestion de la douleur et des symptômes, la préparation au décès, le soutien à la prise de décisions, et les soins holistiques et individualisés. Le domaine 2 (non-acharnement thérapeutique) est celui qui a été identifié le moins souvent dans les instruments recensés, soit dans 50 % d’entre eux : End-of-Life Care in Dementia (EOLD), Family Assessment of Treatment at the End-of-Life (FATE), Family Perception of Care Scale (FPCS) et le Toolkit of Instruments to Measure End-of-Life Care (TIME). Le Mini-Suffering State Examination (MSSE) est l’instrument qui couvrait le moins de dimensions (une seule), soit la première (la gestion de la douleur et des symptômes). L’IPOS-DEM ne ciblait quant à lui que la dimension de la gestion de symptômes (la première) et la dimension spirituelle (la sixième). Des huit articles portant sur le développement d’instruments de mesure retenus, seulement deux remplissaient tous les critères supplémentaires, liés aux spécificités de la population. Ces instruments étaient l’EOLD et le FPCS. Ceux-ci ont donc été retenus pour la deuxième phase de l’analyse, soit l’interprétation des qualités psychométriques. Une synthèse de l’analyse de contenu est présentée dans le tableau 1.

Tableau 1

Les instruments recensés selon les dimensions de Howell et Brazil (2005) et les critères supplémentaires liés aux spécificités de la population

Les instruments recensés selon les dimensions de Howell et Brazil (2005) et les critères supplémentaires liés aux spécificités de la population

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Caractéristiques générales et qualités psychométriques des instruments retenus

Le FPCS est un questionnaire autoadministré destiné aux proches. Il permet de mesurer la satisfaction des proches aidants face aux soins palliatifs et de fin de vie, et ce, après la mort du patient résidant en soins de longue durée. L’instrument, créé en anglais, est réparti en quatre sous-échelles et est composé de 27 items. Une version française est aussi disponible depuis 2018 (Verreault et al., 2018).

L’EOLD est aussi un questionnaire autoadministré destiné aux proches qui permet d’évaluer la qualité des soins palliatifs et de fin de vie pour des personnes atteintes de démence avancée (Volicer et al., 2001). Il compte trois sous-échelles qui permettent de mesurer un domaine spécifique aux soins palliatifs et de fin de vie, soit le confort, la gestion des symptômes et la satisfaction à l’égard des soins (tableau 2). L’EOLD est actuellement disponible en anglais et a fait l’objet d’une traduction partielle en français (Bénihoua, 2018; Verreault et al., 2018).

Tableau 2

Caractéristiques des instruments originaux sélectionnés à partir de standards reconnus

Caractéristiques des instruments originaux sélectionnés à partir de standards reconnus

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Dans la deuxième phase de l’analyse, une analyse critique des qualités psychométriques a été réalisée (validité et fiabilité) afin d’identifier l’instrument qui semble le mieux documenter les soins palliatifs et de fin de vie pour les personnes atteintes de démence sévère. La validité de contenu, la validité de construit, la validité de critères ainsi que différents tests de fidélité (cohérence interne) de chaque instrument et de leurs sous-échelles, s’il y avait lieu, ont été analysés et comparés entre eux à partir des articles sélectionnés.

En ce qui a trait aux qualités psychométriques du FPCS, la cohérence interne globale de l’instrument était excellente (α= 0,96). Les résultats pour les sous-échelles variaient d’adéquat (Rooming; α= 0,78) à bon (Family support; α= 0,85, Communication; α= 0,88) à excellent (Resident care; α= 0,95) (Vohra et al., 2004). Dans l’étude de Vohra et al. (2004), l’instrument a fait preuve d’une validité de contenu de type logique et écologique et d’une validité de construit qui ont permis d’expliquer 64 % de la variance de satisfaction. De plus, les auteurs ont indiqué que la satisfaction des proches était plus élevée lorsque les patients étaient décédés dans des résidences de soins de longue durée plutôt que dans des hôpitaux (t(201)=4.04, p=0,001). Une version française a été développée par l’équipe de Verreault et al. (2018) dans leur étude visant à décrire les soins de fin de vie que reçoivent des résidents en milieu de soins de longue durée. Cependant, l’étude n’a effectué aucune validation psychométrique de l’instrument traduit. De plus, aucune étude ayant utilisé l’instrument n’a été recensée à l’international. Néanmoins, une étude comparative d’outils a démontré que son utilisation aux États-Unis était adéquate, ce qui n’a pas été jugé le cas aux Pays-Bas (van Soest-Poortvliet et al., 2013). Aucune donnée n’a été recensée quant à sa facilité d’utilisation.

L’EOLD possède également des résultats satisfaisants quant à ses qualités psychométriques. En effet, dans l’étude originale, les sous-échelles (excepté l’EOLD-SM) ont présenté une bonne cohérence interne (Volicer et al., 2001) (tableau 3). Une autre étude, qui a utilisé l’échelle auprès de proches aidants et d’infirmières, a démontré néanmoins des alphas de Cronbach légèrement inférieurs, variant de passable (α= 0,68) à bon (α= 0,83) (Kiely et al., 2006). Cette étude a également évalué la validité convergente en corrélant l’EOLD avec le Decision Satisfaction Inventory (DSI) et le Quality of Life in Late-stage Dementia Scale (QUALID). Les résultats ont montré une validité convergente satisfaisante (r EOLD-SWC.DSI = 0,81, p=0,0001; r EOLD-SM.QUALID = -0,64, p=0,0001; r EOLD-CAD.QUALID = -0,50, p=0,0002). Par ailleurs, l’EOLD a été largement utilisé dans le domaine des soins de fin de vie à l’échelle internationale (van der Steen et al., 2009; Kiely et al., 2006; Volicer et al., 2003) et les proches peuvent facilement s’en servir (van Soest-Poortvliet et al., 2013). Il a aussi fait l’objet d’une évaluation interpays qui a démontré une stabilité entre les différents contextes sociaux et culturels (van der Steen et al., 2009). Si l’utilisation d’une ou deux des sous-échelles a été préconisée dans plusieurs études (Bolt et al., 2019; Boyd et al., 2019; Frey et al., 2019; Bénihoua, 2018; Verreault et al., 2018; Pivodic et al., 2018; van Soest-Poortvliet et al., 2015; Klapwijk et al., 2014; Vandervoort et al., 2014), l’administration simultanée des trois sous-échelles permet d’évaluer globalement la qualité du processus de décès, la gestion des symptômes et la satisfaction à l’égard des soins palliatifs et de fin de vie.

Tableau 3

Résultats des qualités psychométriques des différents instruments

Résultats des qualités psychométriques des différents instruments

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À la lumière des qualités psychométriques présentées, l’EOLD a été évalué dans un plus grand nombre d’études et a fait l’objet d’une plus grande variété d’analyses. D’ailleurs, son utilisation à l’international et sa facilité d’utilisation auprès des proches sont des éléments qui ont joué en sa faveur dans le processus d’analyse et de sélection. Ainsi, ce dernier semble actuellement être l’instrument le plus adapté afin d’évaluer la qualité des soins palliatifs et de fin de vie offerts à une clientèle âgée atteinte de démence sévère.

Discussion

Les résultats de cette recension ont mis en évidence des instruments visant à évaluer la qualité des soins palliatifs et de fin de vie. D’abord, la phase un, soit l’évaluation de la pertinence du contenu et de l’intelligibilité des instruments, a permis de catégoriser les instruments retenus selon les huit domaines du cadre de référence de Howell et Brazil (2005). Quatre instruments (EOLD, FATE, FPCS et TIME) présentaient toutes les dimensions du cadre, alors que la moitié (FPPFC, MSSE, IPOS-DEM et QOD-LTC) présentaient moins de 50 % de ses dimensions. Ceci porte à penser que ces derniers permettent d’évaluer seulement certaines composantes des soins palliatifs et de fin de vie. Parmi tous les instruments étudiés, seulement deux (EOLD et FPCS) étaient spécifiques aux patients atteints de démence en contexte d’hébergement. Les autres instruments qui ne répondaient pas à ces critères présentaient des items plus généraux liés aux soins palliatifs et de fin de vie ou n’avaient pas été développés pour cette clientèle. Ceci témoigne de la variété des instruments recensés tant sur le plan de leur contenu que de leur spécificité. Cette variété peut être liée à la difficulté de définir clairement sur le plan opérationnel et d’une manière spécifique les soins palliatifs et de fin de vie offerts aux personnes atteintes de démence vivant dans un établissement de soins de longue durée (Allen et al., 2018; Küpper et Hugues, 2011).

Par la suite, l’évaluation des qualités psychométriques dans la deuxième phase avait pour objectif de définir lequel des deux instruments retenus présentait les meilleures qualités psychométriques. Malgré les forces que présentait le FPCS, son utilisation a été jugée limitée au contexte canadien. L’une des principales explications est que l’instrument a été développé à partir des principes et normes de l’Association canadienne des soins palliatifs (ACSP). Cette spécificité de l’instrument contraint son déploiement et son utilisation à l’échelle internationale.

L’interprétation de différentes mesures de validité et de fidélité a permis de démontrer que l’EOLD constitue un instrument plus solide autant sur le plan psychométrique que sur le plan de la transférabilité à l’international; il serait par conséquent le meilleur candidat pour évaluer la qualité des soins palliatifs et de fin de vie dispensés à des personnes en fin de vie atteintes de démence et vivant dans des établissements de soins de longue durée. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus par Zimmerman et al. (2015). Cette étude, réalisée aux États-Unis, a analysé les qualités psychométriques ainsi que les caractéristiques d’administration de 11 instruments. L’objectif était de déterminer la mesure optimale permettant d’établir la qualité des soins palliatifs et de fin de vie en contexte de soins de longue durée (Zimmerman et al., 2015). À la suite de l’administration rétrospective des 11 instruments à des membres de la famille du défunt lors d’une entrevue téléphonique (n=264), la sous-échelle (EOLD-SWC) a été identifiée comme étant celle qui permettait de mesurer spécifiquement le processus des soins de fin de vie. De surcroît, l’EOLD-CAD et l’EOLD-SM se sont avérés être des mesures de résultats de la qualité de mort, concept faisant partie intégrante des soins palliatifs et de fin de vie. Van Soest-Poortvliet et al. (2013) étaient arrivés aux mêmes conclusions quelques années auparavant.

Forces et limites

Devant l’urgence et le besoin de se doter d’instruments de mesure dans le domaine des soins palliatifs et de fin de vie, le sujet et les conclusions de cette recension des instruments constituent sa principale force. Par ailleurs, la méthode d’analyse utilisée constitue également une grande force. Le fait d’avoir évalué en deux temps séparés la pertinence du contenu et l’intelligibilité des instruments, et les qualités psychométriques des instruments témoigne de la rigueur du processus effectué. Cette évaluation des instruments est essentielle puisqu’elle permet de s’assurer que chaque instrument mesure ce qu’il est censé mesurer, et qu’il constitue une mesure fiable et valide du concept d’intérêt. L’ajout de critères supplémentaires, liés aux spécificités de la clientèle, a aussi permis d’exclure les instruments dont les items étaient trop généraux ou qui n’avaient pas été développés pour cette clientèle.

Toutefois, malgré la rigueur du processus d’analyse, celle-ci ne possède pas les propriétés d’une revue systématique. En effet, le fait de ne pas avoir suivi les étapes d’une revue systématique constitue une faiblesse de l’article. Elle n’a d’ailleurs pas été réalisée à partir d’un cadre méthodologique telle la méthodologie du COnsensus-based Standards for the selection of health Measurement INstruments (COSMIN) (www.cosmin.nl) servant à évaluer les qualités psychométriques d’outils cliniques; ainsi, elle ne permet pas d’aborder toutes les composantes du Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses (PRISMA) (www.prisma-statement.org). L’utilisation d’une telle méthodologie systématique aurait permis de diminuer les risques de biais autant lors du processus de sélection que lors de l’analyse des articles. En effet, dans le cadre de la recension effectuée, différents aspects des études sélectionnées n’ont pas été analysés. Par exemple, la qualité méthodologique des études de validation psychométrique n’a pas été évaluée. La méthodologie COSMIN nécessite aussi que deux personnes procèdent à l’extraction des données. Dans cette revue, cette démarche n’a été menée que par une personne. De plus, le fait de n’avoir sélectionné que deux bases de données pour la recherche des articles a pu limiter les données à analyser.

D’autre part, lors de la sélection des articles, une confusion a été constatée au sujet des concepts utilisés pour définir la qualité des soins palliatifs et de fin de vie. Certains auteurs référaient notamment aux soins de fin de vie (Casarett et al., 2008, Vohra et al., 2004; Teno et al., 2001, Volicer et al., 2001), à la qualité de mort (Aminoff et al., 2004), et d’autres à la qualité de vie (Munn et al., 2007), ce qui peut ainsi influencer la délimitation du concept effectuée par le chercheur et, conséquemment, sa portée.

Implications

Outre ses limites, cette recension a mis en lumière que deux instruments permettaient d’évaluer la perception des proches quant aux soins palliatifs et de fin de vie offerts à des personnes atteintes de démence en soins de longue durée. Parmi ces deux instruments de mesure, l’EOLD semble à ce jour être le choix le plus judicieux sur le plan scientifique. L’instrument montre non seulement une pertinence clinique et de l’intelligibilité, mais aussi des qualités psychométriques satisfaisantes, en plus d’avoir été largement utilisé à l’international et dans divers contextes socioculturels. Toutefois, les trois sous-échelles de l’instrument ne sont pas toutes disponibles ni validées en français. Une étude est néanmoins en cours afin de traduire et d’effectuer la validation de l’instrument au Québec et en Europe.

***

La présente recension des écrits avait pour but d’explorer des instruments de mesure qui permettent d’évaluer la qualité des soins palliatifs et de fin de vie dispensés à des personnes atteintes de démence sévère. À cette fin, 234 articles ont été repérés et étudiés selon différents critères d’inclusion et d’exclusion. Parmi ceux-ci, huit articles ont été sélectionnés. L’analyse de la pertinence du contenu et de l’intelligibilité des instruments ainsi que l’ajout de deux critères supplémentaires liés aux spécificités de la clientèle ont permis de restreindre le nombre d’instruments à analyser à deux (FPCS et EOLD). L’analyse des qualités psychométriques a permis de mettre en évidence que l’EOLD constitue présentement le meilleur instrument de mesure pour évaluer la perception des proches au sujet des soins palliatifs et de fin de vie offerts aux personnes atteintes de démence et vivant dans un établissement de soins de longue durée. Une étude est en cours afin d’effectuer une traduction de cet instrument de mesure et de tester son utilisation auprès de la population québécoise.