Abstracts
Résumé
Cet article porte sur la façon dont les crématoires – considérés à la fois comme espaces techniques et lieux d’accueil des proches et de préparation des corps – ont été progressivement intégrés à l’environnement des cimetières. Prenant appui sur une recherche ethnographique menée en Suisse romande, il décrit les tendances qui s’observent dès le tournant du 21e siècle lors de rénovations architecturales d’espaces funéraires, tendances qui mettent en exergue le caractère transitionnel et éphémère du cycle de vie, dans une perspective humaniste. Ces dernières s’articulent néanmoins avec les composantes monumentales des cimetières héritées du 19e siècle. Cela se traduit dans une forme d’hybridité funéraire qui alimente les imaginaires que les sociétés contemporaines entretiennent avec les morts et la mort.
Mots-clés :
- Crématoires,
- cimetières,
- transition funéraire,
- architecture,
- spatialité,
- Suisse romande
Abstract
This article examines the way in which crematoria - considered both as technical spaces and as places for receiving relatives and preparing bodies - have gradually been integrated into the cemetery environment. Based on an ethnographic research carried out in French-speaking Switzerland, it describes the trends that have been observed since the turn of the 21st century in the architectural renovation of funerary spaces, trends that emphasize the transitional and ephemeral nature of the life cycle, from a humanist perspective. These trends are nevertheless articulated with the monumental components of cemeteries inherited from the 19th century. This translates into a form of funerary hybridity that feeds contemporary societies’ imaginations of the dead and death.
Keywords:
- Crematoria,
- cemeteries,
- funerary transition,
- architecture,
- spatiality,
- French-speaking Switzerland
Resumen
Este artículo aborda cómo los crematorios, considerados tanto como espacios técnicos como lugares de acogida para los allegados y de preparación de los cuerpos, han sido progresivamente integrados en el entorno de los cementerios. Basándose en una investigación etnográfica realizada en la Suiza romanda, describe las tendencias observadas desde el cambio de siglo XXI en las renovaciones arquitectónicas de los espacios funerarios. Estas tendencias destacan el carácter transicional y efímero del ciclo de la vida desde una perspectiva humanista. No obstante, se articulan con los componentes monumentales de los cementerios heredados del siglo XIX. Esto se traduce en una forma de hibridación funeraria que alimenta los imaginarios que las sociedades contemporáneas mantienen con los muertos y la muerte.
Palabras clave:
- Crematorios,
- cementerios,
- transición funeraria,
- arquitectura,
- espacialidad,
- Suiza romanda
Article body
Plasticité des espaces funéraires
L’imagination des individus est centrale pour se représenter le monde et l’investir. Elle l’est tout autant pour établir des rapports avec ce qui n’est pas, ce qui pourrait être ou encore ce qui n’est plus. Articulée aux perceptions et aux expériences corporelles, l’imagination permet ainsi de tisser des liens entre vivants et morts. C’est à travers elle que se dessine la limite entre ces deux catégories d’existants, limite qui est alternativement affirmée et effacée, renforcée ou atténuée, continuellement déplacée et reconfigurée (Berthod, 2022). Cela se fait non seulement d’un point de vue discursif et symbolique, mais également d’un point de vue pratique et matériel, car les rapports entre vivants et morts s’inscrivent toujours dans des dispositifs organisés et concrets, situés dans une spatialité susceptible d’accueillir, d’une part, les restes des personnes décédées – en particulier cimetières et nécropoles – et, d’autre part, les gestes, pratiques, paroles de leurs proches en deuil, au sein des espaces funéraires ou deathscapes (Maddrell et Sidaway, 2010) qui les subsument.
Dans cette perspective, le fait de créer des souvenirs et le fait de commémorer apparaissent comme des éléments clés du rapport aux défunts. À ce sujet, en introduction de la publication d’un numéro spécial consacré aux articulations entre cité des morts et cité des vivants, l’architecte Bartolomei (2015) fait remarquer combien la tombe, dans les conceptions occidentales, joue un rôle déterminant : la sépulture, lorsqu’elle en impose, produit ce sentiment de permanence voire de perpétuité que l’imagination associe volontiers avec le bâti monumental. Bon nombre de cimetières romantiques du 19e siècle en sont emblématiques. Les personnes amenées à les visiter actuellement se laissent d’ailleurs encore volontiers saisir par leur esthétique de pierre et de marbre susceptible de faire conjuguer commémoration des morts avec impression d’ancienneté, une « impression de stratification multiséculaire » comme l’ont bien noté les historiens Bertrand et Carol concernant la France (Bertrand et Carol, 2016, p. 5).
Or, les cimetières et autres espaces funéraires sont protéiformes. Ils n’ont jamais cessé d’évoluer et de se diversifier. Ils font preuve d’une grande plasticité et n’ont rien d’atemporel. Commentant l’évolution architecturale récente de ces espaces, Bartolomei fait le constat suivant : « Le caractère affirmé de la permanence est remis en question dans l’architecture contemporaine à travers des formes qui font écho à l’éphémère, au transitoire et au précaire. » (2015, p. 3 [notre traduction de l’anglais]) Autrement dit, les tendances visant à inscrire la mort et les morts dans la spatialité et le bâti font désormais une place à ce qui ne dure pas, aux dimensions cycliques et transitionnelles de la vie.
Partant de ce constat, notre article vise à apprécier la façon dont ces tendances se manifestent dans les espaces funéraires, lors d’adaptations ou de renouvellements de certains bâtiments ou dispositifs techniques. Plus précisément, il place au centre de la réflexion le rôle joué par les crématoires[1] dans ce processus. La conception et l’organisation de ces composants architecturaux de la prise en charge des défunts n’ont en effet guère été étudiées dans la littérature des sciences sociales jusqu’à présent en relation avec les transitions funéraires. Ce sont eux pourtant qui ont concrétisé les aspirations des mouvements crématistes apparus durant la deuxième moitié du 19e siècle et qui font désormais l’objet de projets d’entretien ou de rénovation d’envergure : comment les crématoires ont-ils été pensés, puis intégrés dans l’environnement des cimetières, tant du point de vue de la gestion des corps que de l’accueil des proches? Et reflètent-ils désormais cette esthétique de l’éphémère et de la transition qui semble caractériser en arrière-fond le rapport qu’entretiennent les personnes en deuil avec les défunts?
Pour apporter des éclairages en lien avec ces questions, nous prenons appui sur une recherche ethnographique que nous avons menée en Suisse entre avril 2021 et mars 2025. Intitulée Necropolis. Transition funéraire et deuil dans le grand âge[2], celle-ci documente la diversification contemporaine des manières de prendre soin des défunts et de vivre le deuil, plus particulièrement celui des personnes âgées de plus de quatre-vingts ans. Nous nous sommes intéressés à la personnalisation du traitement des corps, des obsèques et des traces mémorielles ainsi qu’aux innovations technologiques et écologiques liées aux modes de disposition des morts, aux cimetières et aux sépultures, plus particulièrement dans les cantons de Genève, Neuchâtel et Vaud. À l’été 2024, nous avons assisté à 48 entretiens entre les pompes funèbres et leurs clients; effectué plus de cinquante observations relatives à la préparation des corps dans les espaces funéraires dédiés, aux cérémonies d’adieu, aux inhumations, aux remises de l’urne ou de dispersion des cendres. Nous avons mené 33 entretiens avec divers types de professionnels actifs dans le secteur funéraire et 52 entretiens avec des personnes en deuil – rencontrées jusqu’à quatre reprises durant leur première année de deuil – ainsi qu’avec les éventuels proches concernés et intéressés à participer à l’étude[3].
Dans cet article, nous mobilisons la partie de nos matériaux de recherche portant sur les espaces funéraires, leur architecture et leur matérialité. Nous passons tout d’abord en revue quelques traits saillants de la transition funéraire qui s’observe depuis quelques décennies en Europe occidentale (Cuchet, 2018) avant d’évoquer le rôle et la place des crématoires dans cette transition. Nous focalisons ensuite nos analyses sur l’exemple de la Suisse, qui connaît depuis le début du 20e siècle l’un des taux de crémation les plus élevés parmi les pays d’Europe. Nous y décrivons plus spécifiquement la rénovation finalisée en 2021 de l’espace funéraire et du crématoire de Beauregard, situés dans le canton de Neuchâtel. Leur concept général est fondé sur le principe de l’ouroboros – symbole du cycle de la vie et de l’éternel retour – inscrit dans un environnement construit où les proches en deuil sont invités à se sentir « comme chez eux ». Par cette illustration, nous espérons contribuer aux travaux émergents qui montrent comment les projets architecturaux de crématoires façonnent en partie les imaginaires de la mort dans les sociétés contemporaines et, corollairement, les rapports avec les morts.
Transformation et régulation des lieux de sépulture
À l’époque moderne, jusqu’à la fin du 18e siècle environ, les morts reposaient principalement dans ou à proximité des lieux de culte dans la plupart des régions d’Europe occidentale. Dans ce contexte chrétien, il importait avant tout d’être enseveli dans un environnement ayant été béni. En revanche, chacun était relativement libre de choisir l’endroit de sa sépulture (Bertrand et Carol, 2016), l’enjeu étant de reposer parmi les croyants de la religion officielle. De fait, cela signifiait l’exclusion de ces mêmes espaces d’autres catégories de la population, minoritaires, voire stigmatisées. Il arrivait ainsi que les défunts issus d’autres confessions fussent inhumés, lorsque cela était accepté ou toléré, dans des lieux disparates propres à leur communauté. Pour leur part, les individus n’ayant pu attester de leur foi, les indigents ou encore les suicidés pouvaient être inhumés dans des champs et autres friches, y compris dans les environnements urbains. Tant dans les lieux de sépulture chrétiens que dans les cimetières de fortune, il n’existait guère d’espaces réservés aux proches pour le recueillement, sinon à l’intérieur des églises ou au domicile, lors de veillées funèbres qui variaient en importance selon le rang social (Beaune, 1975). Les tombes ne faisaient pas toujours l’objet d’un soin particulier; à ce propos, Zeller relève que l’insalubrité des cimetières, dans le dernier quart du 18e siècle, était même devenue un enjeu de santé publique (Zeller, 2002).
À la suite des Lumières et avec l’avènement des mouvements hygiénistes, ce mode d’ensevelissement et ce format de cimetière jouxtant les églises ont connu des transformations fondamentales. Comme le relèvent Bertrand et Carol, « il a fallu réinventer au tournant des 18e et 19e siècles en Europe de l’Ouest cet équipement public majeur […]. Un paysage funèbre nouveau y est apparu, fortement humanisé et de plus en plus élaboré. Il est viabilisé, planté d’arbres et de fleurs, de plus en plus densément couvert de tombeaux alignés le long des allées […]. Il devient lieu de mémoire familiale et collective » (Bertrand et Carol, 2016, p. 6). Si l’espace funéraire était auparavant marqué par une proximité avec les vivants, il devient progressivement un lieu bien circonscrit, établi en dehors des villes et villages, au nom de la décence et de l’hygiène. La plupart des cimetières se muent en des lieux publics, laïcs, où chacun devrait pouvoir y être inhumé, et où les proches et autres curieux viennent s’y recueillir ou s’y promener. L’édiction de nouvelles règles administratives ont cependant limité – plus ou moins drastiquement – le libre choix du lieu de sépulture. Ainsi, les imaginaires des espaces funéraires ont progressivement été imprégnés d’une plus grande dépendance aux administrations publiques et communales au détriment des églises et autorités ecclésiastiques.
Dans son histoire des cimetières, basée sur la société américaine, Sloane (1991) raconte très bien comment ces lieux de sépulture ont été établis et se sont singularisés, tout d’abord dans un style monumental, puis paysager; comment ces espaces funéraires se sont ensuite adaptés aux nombreuses transformations démographiques et socioéconomiques qui ont affecté nos rapports à la mort. Dans un opus plus récent, intitulé de manière provocatrice Is the cemetery dead?, Sloane (2018) renouvelle son propos et soutient que les cimetières sont désormais entrés dans une phase inédite d’évolution, phase qui reflète les vastes changements survenus dans la façon d’appréhender – entre autres éléments – les frontières entre dimensions culturelles et commerciales des prestations funéraires, ces dernières tendant à se confondre dès lors qu’elles deviennent plus personnalisées.
Pour en rendre compte, l’historien distingue trois périodes depuis le 19e siècle : la première (1830-1890) est celle de la présence de la mort encore articulée entre ville et foyers; elle correspond à l’agrandissement des espaces dédiés aux sépultures et à leur sécurisation, si bien que les cimetières deviennent des lieux de participation publique. La deuxième période (1890-1970) est marquée par la professionnalisation de la prise en charge des défunts et l’institutionnalisation des lieux de sépulture ainsi que par un éloignement des cimetières des espaces urbains, voire leur isolement. La troisième période (1970 - actuellement) correspond à un regain d’intérêt pour les questions relatives à la mort au sens large et à leur diversification.
Ce regain a en partie été induit par la production, d’une part, de travaux sur la mort dénonçant un déni de la mort en Occident et une disparition des pratiques rituelles funéraires (Ariès, 1975; Gorer, 1965; Thomas, 1975) et par les personnes mourantes et endeuillées elles-mêmes d’autre part, du moins celles qui aspirent à se réapproprier la mort tout en nourrissant une certaine défiance à l’égard de sa médicalisation et de son institutionnalisation (Walter, 1994; 2017). Cette troisième période est donc caractérisée par la coexistence d’une pluralité de pratiques et d’attentes en la matière, marquée en outre par une importante féminisation de ce secteur professionnel (Donley, 2019). Elle est encore influencée par certaines approches critiques revendiquant une plus grande justice sociale dans ce domaine, à l’instar du Collective for Radical Death Studies[4].
Si le séquençage temporel proposé par Sloane (2018), certes schématique, demeure relatif à l’histoire américaine, de nombreuses convergences se laissent observer avec le contexte européen et, dans une certaine mesure, helvétique. Les travaux d’historiens francophones publiés durant ces vingt dernières années (Bertrand et Carol, 2016; Lauwers, 2005; Treffort, 2015) s’accordent en effet à reconnaître l’ampleur de cette transition. Les manières de l’analyser et de l’expliquer peuvent diverger, mais la grande majorité des auteurs s’appuient sur un ensemble de constats similaires : les cimetières construits à l’extérieur des villes sont réabsorbés dans les agglomérations en expansion, ce qui conduit à repenser le caractère hétérotopique des espaces funéraires (Brossat, 2010; Clements, 2017). Ces transformations remettent en perspective l’idée selon laquelle ces derniers doivent nécessairement être des entités autonomes bien identifiables, avec des sépultures singulières, suggérant la permanence.
En outre, depuis cent cinquante ans, les taux de crémation n’ont cessé de croître dans la plupart des pays, si bien que disposer des cendres permet de diversifier les lieux de sépulture et de dispersion (Prothero, 2001; Roudaut, 2012). Cela peut se faire dans des espaces collectivisés – les jardins du souvenir ou les cimetières naturels ou écologiques (Penmellen Boret, 2016; Davis et Rumble, 2012) – ou singuliers, car choisis par la personne défunte de son vivant ou ses proches. Parallèlement, la mémoire des morts peut être honorée lors de cérémonies individualisées sur mesure (Gordon-Lennox, 2011) et parfois même être matérialisée dans l’espace public de manière créative et insolite : peintures murales, bouquets funéraires au bord des routes; chaussures accrochées à des câbles électriques; ghost bikes ou vélos fixés dans un coin de rue et peints en blanc, à la mémoire de la personne décédée (Sloane, 2018).
Parfois spectaculaire, l’augmentation des taux de crémation a aussi contribué à la diminution du nombre d’inhumations en pleine terre et, de ce fait, à l’occupation des zones disponibles dans certains cimetières, non sans susciter des interrogations sur leur éventuelle requalification (Berthod, 2019a). Dans le même temps, de nouveaux publics investissent les cimetières ou, du moins, tendent à reconfigurer leurs espaces. Il est possible d’évoquer à ce propos non seulement les carrés (multi-)confessionnels ou communautaires, mais aussi les carrés des enfants, ceux des défunts ayant légué leur corps à la science ou encore ceux des personnes indigentes. Ces regroupements de défunts partageant une caractéristique commune sont révélateurs d’enjeux sociaux qui dépassent la seule question du lieu d’inhumation dans la mesure où ils s’inscrivent dans des contextes institutionnels et professionnels plus ou moins déconnectés entre les moments du décès, de la prise en charge des corps et du deuil. Ces contextes en transition redéfinissent certaines conceptions de la personne – avec la périnatalité par exemple – et donnent à lire la teneur des dimensions solidaires et citoyennes potentiellement associées au devoir de sépulture (Berthod, 2019b; Castronovo, 2001).
Par conséquent, le cimetière n’apparaît plus – comme il a pu l’être durant la dernière partie du 19e siècle – comme le lieu privilégié du partage public du deuil, autrefois marqué par une architecture du bâti instillant un sentiment affirmé de permanence. Au fond, il est devenu l’un des maillons d’une diversité de pratiques liées à la mort qui se croisent, qui se superposent ou qui se vivent en parallèle en plusieurs contextes. Comme l’avancent encore Bertrand et Carol en conclusion de leur ouvrage, « une ère nouvelle semblerait s’esquisser, où le cimetière n’est plus qu’un lieu parmi d’autres où aboutissent les restes des morts, et où ces derniers seraient dissociés des lieux (au sens large) où se conserve leur mémoire » (Bertrand et Carol, 2016, p. 362).
Partageant ces constats, nous relevons toutefois que les nombreuses études qui rendent compte de cette diversification des pratiques de la mort et du deuil dans une pluralité d’espaces n’intègrent que très peu le rôle et la place des crématoires dans leurs descriptions et analyses. Tout semble se passer comme si ces dispositifs techniques et concrets demeuraient partiellement désarticulés de la mise en récit de l’histoire des cimetières. La place et le rôle de ces dispositifs apparaissent surtout dans les travaux sur l’histoire de la crémation, une histoire qui chemine un peu en parallèle de la précédente.
Les crématoires, des structures en quête de distinction
Dans les pays occidentaux, l’émergence de la pratique de la crémation s’est inscrite sous le signe du renouveau, en référence à l’Antiquité notamment. Ce renouveau est intervenu dans un contexte au long cours mêlant les conflits politiques entre pouvoirs spirituel et temporel, le développement des savoirs médicaux et de l’hygiénisme, et l’importance grandissante des États sur le plan de la gestion des populations et de la santé publique (Kuberski, 2012; Prothero, 2001). Pour notre propos, il convient de faire remarquer que les débats, projets et premières réalisations en la matière ont pris place dans le dernier quart du 19e siècle. La promotion de la crémation était sous-tendue par une vision utilitariste, basée sur une approche rationnelle et efficace devant bénéficier au plus grand nombre. Elle coïncidait aussi avec un recul du rôle des églises chrétiennes dans la gestion des défunts et des sépultures et avec les efforts prodigués par les pouvoirs publics pour assainir et réorganiser les cimetières.
De nouveaux bâtiments comportant des fonctions mortuaires et funéraires inédites ont par conséquent dû être érigés dans l’environnement de ces cimetières qui, durant cette période, se singularisent progressivement et qui se caractérisent par une architecture monumentale. Pour les Pays-Bas, tout en regrettant le manque de littérature en général sur le sujet, les géographes culturels Klaassens et Groote (2012) en ont retracé l’histoire. Ils distinguent quatre phases successives : la première, qualifiée de « prémoderne », témoigne – du moins dans les premiers plans et projets de cette fin de siècle, puisque leur réalisation n’intervient qu’au cours du 20e siècle – de la volonté de préserver l’esthétique monumentale en vigueur en évitant toutefois les connotations religieuses afin de ne pas être en porte-à-faux avec l’idéologie crématiste. Les auteurs notent ainsi qu’il n’y a pas eu de cassure d’un point de vue architectural avec les crématoires malgré la radicalité du traitement des défunts proposé.
Les deux phases suivantes font de plus en plus explicitement place à des dimensions fonctionnelles. Entre les années 1930 et 1970, la phase shake-hands modernism – un style commun en Hollande, inspiré du modernisme nordique selon les auteurs – met en avant une architecture qui privilégie une esthétique simple, susceptible néanmoins de laisser une empreinte marquante sur les personnes qui viennent y dire un dernier adieu à leur proche disparu. Les années 1970 et 2000 correspondent à la phase qualifiée de sub-modernist. Klaassens et Groote (2012) notent que les crématoires, dans cet intervalle, ont été conçus, voire perçus, comme des lieux sans valeur symbolique et sans signification. Ils sont devenus des « non-lieux » (Augé, 1992) rappelant l’absence de réflexion sur la place accordée à la mort dans les hôpitaux et plus largement dans la société durant cette période.
Ce point est concomitant avec les dénonciations portées par bon nombre d’intellectuels de cette époque – comme nous l’avons relevé précédemment – à l’encontre d’un traitement social caché, voire dénié de la mort. Dans un autre article, Klaassens et Groote (2014) complètent leurs analyses et avancent que les crématoires sont emblématiques de cet état de fait : ces lieux ont été associés à l’impersonnalité et réduits à leurs fonctions techniques pour améliorer l’efficacité du traitement des défunts et la gestion des flux[5]. Ces conceptions ont généré un sentiment de traitement industrialisé des corps, éloigné non seulement d’une prise en compte du symbolisme de la mort, mais aussi du soin accordé à la valorisation et à l’expression des émotions des personnes en deuil. Les deux auteurs précisent que ces conceptions ont persisté malgré l’augmentation tangible des taux de crémation dès les années 1970 aux Pays-Bas et malgré des demandes grandissantes pour la personnalisation des obsèques dans ce pays, comme dans bien d’autres d’ailleurs.
Une inflexion se laisse toutefois observer à partir des années 2000. Elle caractérise la quatrième et dernière phase décrite par Klaassens et Groote (2012; 2014), qualifiée de « postmoderne ». Analysant la construction récente de trois crématoires dans différentes villes du pays, ces auteurs soutiennent que ces projets tendent à dépasser le modernisme, en intégrant des principes qui célèbrent le cycle de la vie et en multipliant les références produisant du sens, avec pour objectif un soutien au processus de deuil des personnes qui fréquentent ces lieux : « En contexte de postmodernité […], une large place devrait être faite à des rituels funéraires personnalisés, expressifs et flexibles qui assument le fait de donner de nouvelles significations à une transformation humaine fondamentale. » (2014, p. 5 [notre traduction de l’anglais]) Autrement dit, l’environnement construit doit mieux prendre en considération les rapports à la mort et aux morts : « Par conséquent, le défi pour les architectes a été de concevoir un crématoire qui combine des espaces fonctionnels et symboliques tout à la fois. » (2014, p. 6 [notre traduction de l’anglais])
Cet exemple, s’il demeure spécifique à un pays donné, fournit quelques pistes d’analyse intéressantes sur la façon dont les crématoires ont été intégrés aux cimetières et, plus largement, aux espaces funéraires en transition tout comme sur la façon dont ils font miroir aux imaginaires de la mort par le biais de leur architecture. Concernant le premier point, ces dispositifs tendent à se singulariser pour devenir un élément significatif parmi d’autres de l’institution des rapports que les individus entretiennent avec les morts. Leurs aménagements, jusqu’à la ligne de fours parfois, devraient ainsi permettre à chacun, sur un mode personnalisé, de vivre un deuil qui se déploie dans une multiplicité d’autres espaces, tant funéraires que relationnels (Berthod, 2016; Despret, 2017). Sur le second point, les crématoires devraient être ouverts à toutes les religions et à toute forme de spiritualité. Ils ne sont donc pas que le reflet d’un processus de sécularisation, mais bien de la diversification des pratiques et croyances autour de la mort qui caractérisent les sociétés pluralistes (de Spiegeleer, 2017).
Pour y parvenir, ces lieux doivent apparaître comme des espaces polyvalents, car ils comportent un enjeu de citoyenneté comme l’ont récemment souligné Maddrell et ses collègues (2023). Dans leurs travaux relatifs à l’Europe multiculturelle, ces derniers font remarquer que les espaces combinés cimetières – crématoires (cemeteries-crematoria) – sont des objets trop peu considérés dans les débats publics alors qu’ils sont centraux sur un plan de la santé publique en matière d’infrastructures. Ils insistent sur le fait que ces espaces véhiculent et combinent pour les collectivités un ensemble de significations – culturelle, religieuse, sociale, symbolique – permettant de réfléchir aux enjeux de diversité et, plus généralement, de citoyenneté et de justice sociale.
Analyser les aménagements et la spatialité des cimetières-crématoires apparaît comme une possibilité de jeter un éclairage sur la façon dont les valeurs qu’une société met en exergue sont négociées et concrétisées. Il ne s’agit donc plus de concevoir la tombe ou la sépulture comme le pivot de la constitution de la mémoire des défunts, mais d’apprécier la façon dont les rapports entre morts et vivants sont configurés dans la diversité des espaces qui les sous-tendent. Dans cette perspective, les crématoires apparaissent comme l’un des maillons d’une chaîne, porteurs de signes d’inclusion et d’exclusion de certaines pratiques culturelles, sociales, religieuses ou spirituelles, comme le soutiennent encore Maddrell et ses collègues : « […] dans quelques pays ou localités européennes, les minorités migrantes ou ethno-religieuses sont marginalisées dans l’espace public des cimetières-crématoires municipaux par la conception et la gouvernance d’infrastructures et de services définis par la majorité, tels que les formes et symboles architecturaux, les règlementations limitant le déplacement des restes crématisés et la semaine de travail du lundi au vendredi […] » (2023, p. 130 [notre traduction de l’anglais]).
C’est notamment pour contrer ces effets que certains projets architecturaux, comme les réalisations postmodernes mentionnées auparavant, ambitionnent de rendre les crématoires plus accessibles. Ces projets favoriseraient ainsi la convivialité et le cosmopolitisme, par la création d’espaces pensés comme des zones de contact multiculturelles où chaque personne est susceptible de s’approprier les lieux dédiés au traitement des défunts et, plus spécifiquement, à leur transformation par la crémation. Autrement dit, il convient d’éviter de standardiser par le bâti et l’organisation de l’espace la ritualité funéraire et le deuil, qui s’inscrivent tous deux dans des contextes différenciés sur le long terme (Thiollière, 2019).
Réaménagements helvétiques
Si la littérature mobilisée jusqu’à présent paraît quelque peu disparate, c’est qu’elle reflète le faible nombre de travaux empiriques sur les crématoires en sciences sociales. Elle a néanmoins l’avantage de poser quelques jalons pour appréhender le développement des pratiques crématistes en Suisse et de les mettre en perspective avec les transitions funéraires qui s’observent dans d’autres pays européens et, plus largement, occidentaux. Sans surprise, les mouvements crématistes se sont implantés sur sol helvétique durant les années 1870 et suivantes. La presse a commencé à relayer les premiers projets et expériences de crémation réalisées en Allemagne et en Italie; des initiatives – par le biais d’associations nouvellement créées – ont ensuite vu le jour dans plusieurs cantons[6]. Leur but était de lever des fonds et de sensibiliser l’opinion publique aussi bien que les autorités politiques. Il est intéressant de noter qu’en date du 9 mars 1884, le quotidien L’Impartial publiait une longue lettre de lecteur qui prédisait avec perspicacité l’évolution à venir : « Oui, je le sais, et j’en suis bien persuadé, nous les partisans de la crémation, avons à lutter contre la routine, l’ignorance et le parti-pris; malgré cela l’idée de la crémation fait son petit bonhomme de chemin et finira par s’implanter dans tous les pays[7]. »
Il a toutefois fallu attendre le début de l’année 1889 pour une concrétisation officielle : « Le crématoire de Zurich a consumé samedi après-midi le premier cadavre, lequel provenait de la faculté de médecine. L’opération […] a parfaitement réussi[8]. » D’autres grandes villes lui ont emboîté le pas (Bâle en 1898, Genève en 1902), si bien que la Suisse disposait, en 1914, de quatorze crématoires avant que l’Union suisse de crémation vît le jour à Bienne en 1916 afin de répondre collectivement à des difficultés communes[9]. Il est à noter que les taux de crémation ont été élevés en Suisse dès ses débuts, contrairement à d’autres pays européens – en particulier aux Pays-Bas, évoqués auparavant – comme le stipule encore un article de L’Impartial paru le 24 avril 1922 : « C’est la Suisse qui, proportionnellement à l’importance de sa population, possède, en Europe, le plus grand nombre de crématoires et aussi le plus fort chiffre d’incinérations[10]. » Cette tendance n’a cessé de se confirmer jusqu’à ce jour. Les taux de crémation avoisinent le 80 %, voire plus dans certaines villes : 85 % à Genève pour l’année 2020 et même 97 % pour la ville de Neuchâtel en 2022[11].
L’explication de cet état de fait semble tenir dans la convergence d’au moins quatre facteurs, dont certains sont spécifiques à la Suisse. Premièrement, le système fédéral délègue aux cantons des compétences importantes, notamment du point de vue de l’organisation religieuse et des cimetières (Schmitt, 2016). Ce sont ainsi les cantons protestants qui ont, les premiers, soutenu les mouvements crématistes. Le contexte multiconfessionnel helvétique a certainement contribué à la répartition territoriale de l’importance des disputes à l’encontre de ce procédé, comme l’ont soutenu les auteurs d’une plaquette éditée à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Union suisse de crémation, en 1965. Ceux-ci estimaient en effet que les idées crématistes n’avaient jamais été instrumentalisées pour lutter, à l’instar de ce qu’il s’était passé en Italie, contre l’Église de Rome : « De tels motifs ont toujours été étrangers à l’Union suisse de crémation, la preuve est que les lieux des obsèques sont aménagés en vue de cérémonies religieuses[12]. »
Cela n’a toutefois pas exclu l’existence de fortes oppositions, en particulier de la part des catholiques helvétiques jusque dans les années 1960, ce qui s’est traduit dans des constructions de crématoires plus tardives dans certains cantons. Mais le développement de la crémation n’en a pas pour autant été freiné puisque la Constitution fédérale stipulait uniquement le pourvoi de funérailles décentes. Au fond, il n’y avait aucune barrière législative majeure à lever pour l’autoriser, ce qui constitue un deuxième facteur important. À cela s’ajoute, troisièmement, un octroi très précoce, au tournant du 20e siècle, par certaines villes – Zurich et Genève, par exemple – de la gratuité de la crémation pour leurs habitants. Le quatrième facteur tient dans la grande liberté que les proches ont de disposer des cendres selon leurs souhaits ou ceux des personnes décédées.
La combinaison de ces différents facteurs explique la rapide progression des taux de crémation en Suisse. Elle a surtout généré un creuset favorable à l’implantation de ces nouvelles structures au sein d’espaces funéraires et de cimetières qui avaient eux-mêmes dû être réorganisés, à l’instar des autres pays de l’Europe occidentale, durant la dernière partie du 19e siècle. Comme le fait remarquer l’architecte Roulin, avec la nouvelle Constitution fédérale de 1874, « [l’État] a obtenu le rôle principal d’appliquer l’égalité du traitement des morts et d’uniformiser les cimetières publics suisses. » (2020, p. 31). Par conséquent, les espaces funéraires ont progressivement cherché à combiner l’implantation de nouvelles infrastructures qui ont drastiquement changé le rapport aux défunts et l’expression plus traditionnelle de l’ancrage des corps et de la mémoire collective par l’inhumation et la sépulture : « Il [le crématorium] est devenu la principale innovation architecturale du domaine funéraire contemporain – sur un plan technique et social – et joue un rôle important dans la conscience collective de la conception de la mort. » (Roulin, 2020, p. 104)
Les crématoires reconfigurent ainsi les relations entre les différents espaces funéraires. Bien souvent, ces derniers demeurent toutefois considérés comme des unités spécifiques, voire autonomes, coupées des projets de planification urbaine qui les englobent. Comme le note encore Roulin, « le programme du cimetière est souvent écarté de la scène architecturale. La plupart du temps, se reposer sur les structures déjà présentes suffit à répondre à la demande potentielle. » (2020, p. 77) Les pouvoirs publics cherchent à préserver sous l’angle du patrimoine non seulement les cimetières plus anciens, mais aussi certains crématoires, tout en trouvant les moyens de les adapter aux attentes et pratiques plus contemporaines autour de la mort et du deuil.
Dans le cadre de notre recherche, nous avons établi des partenariats avec trois espaces funéraires qui comportent chacun un crématoire, dans trois cantons protestants de Suisse romande : le Centre funéraire et crématoire de Saint-Georges, dans le canton de Genève; le Centre funéraire de Montoie, à Lausanne dans le canton de Vaud; le Cimetière de Beauregard, en ville de Neuchâtel dans le canton du même nom. Leurs premiers crématoires ont été construits respectivement en 1902, en 1909 et en 1923. Sur le plan architectural, il est intéressant de relever que leur édification, puis leurs transformations successives reflètent grosso modo les différentes phases décrites auparavant pour les Pays-Bas (Klaassens et Groote, 2012; 2014).
Après le milieu du 20e siècle, tous trois se sont développés en construisant de nouveaux bâtiments ou en rénovant les anciens : Saint-Georges entre 1973 et 1976; Montoie en 1972 (puis encore en 1992 et en 1994); Beauregard en 1968. Ils se sont aussi dotés d’une technologie plus sophistiquée et plus complexe. Les parties techniques n’ont clairement pas été prévues pour y recevoir des personnes en deuil; elles étaient destinées au traitement rationnel et performant des défunts, un aspect caractéristique de la phase sub-moderne. C’est une raison pour laquelle les crématoires ont souvent été associés à des lieux fonctionnels, parfois décrits comme lugubres, y compris par certains de leurs employés jusqu’à ce jour, comme cela nous a été rapporté au moment de commenter les possibilités d’accueillir les familles dans ces espaces.
Se sentir comme « chez soi » dans des espaces funéraires interconnectés
Durant cette dernière décennie, d’importants crédits de rénovation ont été sollicités par ces trois villes, non seulement pour moderniser les infrastructures, mais aussi pour améliorer l’accueil des familles, y compris dans l’espace de la mise à la flamme, comme nous l’ont précisé nos différents partenaires. Si les centres funéraires de Genève et Lausanne n’ont pas encore commencé leurs projets de rénovation, celui de Neuchâtel a été concrétisé. Les travaux y ont débuté en 2019 et l’inauguration officielle des infrastructures s’est tenue le 17 septembre 2021. Dans cette section, nous prenons appui sur cet exemple pour illustrer quelques caractéristiques de cette transition funéraire déjà bien documentée dans la littérature. Nous mobilisons à cet effet des documents de présentation de ce projet de rénovation, des articles et communiqués de presse, ainsi que les entretiens que nous avons réalisés avec la responsable de l’Office des cimetières et le designer d’intérieur de la chapelle et du secteur administratif. Nous nous référons aussi aux visites et observations que nous avons effectuées in situ.
Le projet neuchâtelois a consisté en l’édification de nouveaux bâtiments, comprenant six chambres mortuaires, ainsi qu’en la rénovation de la chapelle laïque et des espaces administratifs[13]. Un nouveau four crématoire a également été construit tandis que l’ancien a été désaffecté. Ce dernier est néanmoins encore utilisé comme contrepoint aux avancées technologiques contemporaines lors de visites publiques du crématoire. Parallèlement, des travaux ont été entrepris pour repenser certains espaces du cimetière qui fait partie du complexe funéraire dans son ensemble. Une originalité de ce projet tient dans le design des espaces fréquentés par les personnes en deuil, espaces qui tranchent singulièrement avec tous les autres lieux funéraires visités dans le cadre de notre recherche. Ce design est explicitement mentionné dans le communiqué de presse de la ville annonçant la mise en service du nouveau centre, par les mots de sa responsable : « Le but, c’est que les familles puissent se sentir comme à la maison, dans une atmosphère bienveillante et hors du temps[14]. »
Lors d’un entretien réalisé avec le concepteur de ces espaces, en mars 2023, celui-ci a repris et détaillé la philosophie qui les sous-tend. Les proches qui entrent dans le centre funéraire ne doivent pas faire face à une administration – ce mot a été soigneusement évité – mais doivent se sentir dans un lieu d’accueil. C’est pourquoi l’espace est ouvert sur les bureaux; il n’y a pas de cloisons en dur, mais de fins rideaux de perles qui permettent de découper l’espace, sans pour autant entraver le regard sur l’ensemble du secteur. Une pièce pouvant être fermée est spécifiquement dédiée aux personnes en deuil, notamment pour la remise de l’urne. Le designer précise à ce sujet : « Là, on a l’impression d’être dans un salon, chez quelqu’un. » La surface, d’une quinzaine de mètres carrés environ, dispose d’une table basse, d’un divan et de chaises, d’une petite bibliothèque, de fins rideaux aux fenêtres ainsi que de divers objets et ornements.
L’intention est de provoquer un discret mouvement d’étonnement pour que les personnes oublient quelque peu la raison pour laquelle elles sont là : « C’est la volonté, le mouvement de dire ‘‘je suis surpris’’, donc une fraction de seconde, j’oublie peut-être », poursuit notre interlocuteur. Cet étonnement invite les personnes en deuil à trouver des « micro-refuges » – pour reprendre ses termes – en provoquant de brefs instants de distraction, dans un environnement pensé « comme paisible et bienveillant ». Le but est de soutenir la peine et le chagrin. Il ne s’agit toutefois pas de générer de la confusion, comme nous le précise le concepteur des lieux :
Les gens ne s’attendent pas du tout à ça […]. C’est un décor de théâtre que les gens ne s’attendent pas à voir dans une administration, et surtout pas dans l’administration d’un cimetière […]. Il fallait trouver un équilibre, pour qu’il y ait un effet mais sans que cela devienne non plus une sorte de parodie. Finalement, c’est un salon, mais un salon poétique qu’on ne retrouverait pas chez nous […]. On n’a pas fait une réplique de votre salon ou de mon salon.
De nombreux détails cherchent à concrétiser cet équilibre dans ces espaces. Par exemple, tout doit être « doux », ce qui se traduit dans l’utilisation exclusive de courbes ou de matériaux comme le velours. Rien ne doit venir heurter les personnes. C’est pourquoi il n’y a aucun angle droit dans l’ameublement et l’organisation de l’espace, ce qui ne se voit pas spontanément. Comme le souligne notre interlocuteur, il n’y a aucun « angle dur » qui viendrait « rajouter un peu de violence ». Il ajoute avoir travaillé avec les dimensions non seulement physiques de l’espace, mais aussi psychologiques de son utilisation : « Il y avait une raison pour chaque chose, rien n’était laissé comme ça [au hasard] […]. Comme on voulait que cela fasse maison, on a insisté pour qu’il y ait du faux parquet dans le salon. » Cette insistance a permis d’éviter la pose initialement prévue d’un revêtement d’apparence bien plus industrielle.
Ces notions de « douceur » et de « rondeur » s’articulent par ailleurs à un symbole clé de ce projet de rénovation, l’ouroboros, ce serpent qui se mange la queue représentée sous forme de cercle. Il ne s’agit pas de jouer explicitement et frontalement sur ce symbole, mais de le décliner discrètement dans l’organisation de l’espace, dans les objets, dans les mots parsemés ici et là sur différents supports. Le designer précise à ce propos : « Il y a un sens pour chaque élément symbolique, les clés, les rondelles, et après chacun peut aller pêcher dans ces symboles. Et peut-être que ça renvoie à son histoire, ou à l’histoire de la personne qui est partie. » Ce dernier point est déterminant dans la mesure où ce réaménagement des espaces ne doit pas être connoté religieusement. En l’occurrence, l’ouroboros est conçu de manière archétypale, en référence à l’éternel recommencement. Il importe « que cela puisse fonctionner pour tout le monde sans heurter personne », souligne encore notre interlocuteur. Car « heurter, c’est entrer de nouveau dans la blessure ».
Bien que brève et partielle, la description de la philosophie qui sous-tend cette rénovation du crématoire de Beauregard témoigne de l’importance contemporaine visant à répondre à un enjeu d’accessibilité, non seulement pratique – les chambres mortuaires ont été dotées d’un code pour permettre un accès sans horaires – mais aussi social et « citoyen », car ouvert à toutes et à tous dans une société multiculturelle (Maddrell et al., 2023). Ces espaces sont en effet conçus pour accueillir toutes les expressions relatives à la mort de même que le deuil d’un point de vue culturel, social ou religieux. Leur réorganisation reflète par conséquent cette tendance à soutenir le cheminement personnel de la personne en deuil, dans une perspective humaniste. Cet aspect se retrouve avec force dans la chapelle laïque où se déroulent les cérémonies : aucune chaise n’y est pareille. La combinaison des couleurs, entre les quatre pieds et l’assise, permet de produire discrètement cette singularité dans un lieu de recueillement collectif, une singularité qui vient faire implicitement miroir à la singularité du vécu de deuil.
Au fond, ces espaces se distinguent architecturalement en combinant les dimensions fonctionnelles et symboliques de la mort selon un imaginaire qui privilégie la diversité des rapports aux défunts. Ils sont en outre interconnectés les uns aux autres : chambres mortuaires, chapelle, espaces d’accueil et administratifs, esplanade extérieure et cimetière. Il est à noter cependant que la rénovation des autres espaces n’a pas été réalisée par les mêmes concepteurs. Ceux-ci suivent par conséquent des philosophies connexes, plus ou moins articulées entre elles. Par exemple, les chambres mortuaires sont disposées en enfilade, comme une allégorie de la mise en tombeau. L’argile est ici utilisée pour les murs, en référence à la terre, par contraste avec la chapelle ou le salon, qui jouent plutôt sur un autre élément naturel : l’air, les nuages et le ciel, en l’occurrence. L’intérieur de ces chambres est sobre et simple. Le principe qui sous-tend son aménagement est néanmoins le même : les proches en deuil sont invités à s’approprier l’espace et à le personnaliser selon leurs souhaits. Une moto a par exemple été installée dans la chambre mortuaire à côté du cercueil du défunt.
Dans l’ensemble, tout est donc pensé pour éviter d’amplifier la peine. Tout est par ailleurs conçu pour favoriser la personnalisation des espaces funéraires et des expériences de deuil, à l’exception peut-être de la partie technique, la nouvelle ligne de fours, au sous-sol. Celle-ci demeure en effet centrée dans son aménagement sur ses composantes fonctionnelles. Les espaces où arrivent les véhicules, les lieux d’entreposage des défunts, ainsi que l’espace de la mise à la flamme ont néanmoins bénéficié avec les travaux de rénovation de plus grandes ouvertures sur l’extérieur, laissant mieux passer la lumière; des tableaux décoratifs ont été fixés sur les murs en béton, afin de créer une atmosphère plus conviviale pour les proches qui souhaitent assister à la mise à la flamme. Lors de l’une de nos visites, l’un des employés a fait remarquer que l’endroit est devenu plus agréable, du point de vue de la réalisation des tâches professionnelles en tous les cas, en soulignant que « c’était glauque auparavant ». Reste à savoir si ces réaménagements des espaces d’accueil et ces adaptations des espaces techniques correspondent aux attentes des personnes en deuil; les données que nous avons collectées ne permettent pas d’apporter des éléments de réponse à ce sujet.
Hybridité d’une transition funéraire
Pour notre argument, nous tenons à relever que l’originalité et les spécificités de la rénovation du centre funéraire neuchâtelois reflètent clairement les tendances décrites précédemment. Le crématoire est très loin ici du « non-lieu »; il traduit sa singularité pour soutenir les imaginaires que la collectivité entretient avec la mort et les morts, sur la base de principes susceptibles de fournir à chaque personne l’un des supports de l’expérience de deuil qui se déploie en de multiples contextes comme l’ont bien noté Klaassens et Groote (2014). En d’autres termes, cet espace apparaît comme emblématique d’une transition funéraire qui se laisse observer en Suisse comme dans bien d’autres pays occidentaux d’ailleurs (Cuchet et al., 2023). Cette transition n’est plus uniquement centrée sur une architecture monumentale faisant de la tombe le pivot de la mémoire individuelle et collective.
Au contraire, l’architecture de ces crématoires est désormais considérée comme un médium de communication entre les aménagements spatiaux et l’intériorité de la condition humaine. Ces espaces sont conçus comme des lieux polyvalents, ouverts à toutes les religions et à toutes les formes de spiritualité. Cette transition funéraire célèbre par ailleurs des principes liés à l’éphémère, au cycle de la vie, en privilégiant des rapports et des références à la nature pensés comme étant le moyen d’éviter les connotations religieuses, culturelles ou sociales.
Il convient de souligner toutefois que les exemples décrits dans cet article ne sont pas forcément le signe d’une généralisation de ces principes. Ceux-ci témoignent d’une tendance qui s’inscrit dans des enjeux politiques et financiers marqués par certaines résistances ou tensions. Ces tendances postmodernes doivent en effet être intégrées aux espaces funéraires plus anciens, appréhendés sous l’angle du patrimoine. Les réorganisations de ces espaces sont donc susceptibles de combiner deux perspectives. D’une part, la préservation du patrimoine funéraire, qui renvoie à un imaginaire de la mort plus centré sur la permanence et la monumentalité. D’autre part, l’innovation sur un plan architectural lorsqu’il s’agit de rénover les infrastructures et dispositifs techniques selon un imaginaire de la mort plus focalisé sur l’expérience personnelle du deuil et sur un principe d’inclusivité. Comme le note Roulin, « à l’heure actuelle, l’expression des cimetières suisses, à l’exception des champs funéraires attenants aux églises, reflète le caractère ambivalent de ces influences. » (2020, p. 103)
Pour conclure, nous pensons que le dépassement de cette ambivalence – susceptible de se traduire dans une forme d’hybridité funéraire – nécessite, d’une part, une vision actualisée des politiques publiques sur « ce que doit et pourrait être le cimetière, voire plus largement la sépulture, alors même que le paysage funéraire est en profonde mutation » (Clavandier et Michaud-Nérard, 2019, p. 27). Or, cette vision semble manquer, les politiques publiques – lorsqu’il s’agit d’évoquer la place de la mort et de nos rapports aux morts dans la société – étant avant tout orientées sur les questions de fin de vie, moins sur les dimensions matérielles de la mort[15]. Les recherches empiriques, tout particulièrement en sciences sociales, font par ailleurs défaut pour soutenir le développement des politiques publiques en lien avec les nombreuses facettes de cette transition funéraire. Le peu de littérature de sciences sociales sur les crématoires, en Suisse comme ailleurs, en est le reflet. Mais ce manque constitue surtout une invitation à renforcer ce champ de recherche dans les études sur la mort.
Appendices
Notes
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[1]
Le terme « crématoire » est utilisé dans notre article de manière générique pour désigner à la fois le lieu du dispositif technique, les fours ainsi que le bâtiment qui l’englobe, et comporte d’autres espaces (administration, accueil des familles, chambres mortuaires, salles de préparation et de conservation des corps). C’est le terme le plus usité en Suisse romande, parallèlement à celui de crématorium. La notion de centre funéraire est la plus générique, mais elle ne signifie pas forcément la présence d’un four crématoire en son sein.
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[2]
Projet financé par le Fonds national suisse (FNS), no 192750 (https://data.snf.ch/grants/grant/192750). Ne portant pas sur les maladies humaines ni sur la structure et le fonctionnement du corps humain, ce projet n’entre pas dans le champ d’application de la Loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain; par conséquent, il ne requiert pas d’autorisation formelle délivrée par une Commission cantonale d’éthique. Le projet reste néanmoins soumis à la Loi fédérale sur la protection des données, qui englobe le respect des principes éthiques de la recherche scientifique.
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[3]
Le recrutement de ces personnes et le travail de terrain dans son ensemble sont liés aux partenariats de recherche que nous avons établis avec des entreprises de pompes funèbres privées et publiques, ainsi qu’avec les trois espaces funéraires mentionnés dans l’article. Ces espaces sont publics et ont chacun un crématoire sous gestion.
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[4]
The Collective for Radical Death Studies (https://www.radicaldeathstudies.com) est un groupe international de chercheurs et professionnels visant à décoloniser les études sur la mort et à « radicaliser » les pratiques funéraires, ce qui consiste à valoriser celles des groupes marginalisés et à militer pour une approche antiraciste dans les pratiques professionnelles, les recherches et les cursus de formation.
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[5]
Les nombreux décès liés à la pandémie de Covid-19 ont attiré l’attention sur les risques d’un traitement des corps industrialisé, sans symboles ni ritualité funéraire (Clavandier et al., 2021; 2023).
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[6]
Il est intéressant de noter que le 24 octobre 2022, la Société vaudoise de crémation a été dissoute par ses membres, estimant que les buts initiaux ont été atteints – 130 années plus tard – vu le taux de crémation actuel (près de 90 %) dans le canton. Voir l’article du quotidien 24Heures du 29 octobre 2022.
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[7]
L’Impartial du 9 mars 1884, p. 3.
-
[8]
L’Impartial du 10 janvier 1889, p. 2.
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[9]
Selon le site de l’Union suisse de crémation (https://www.kremation-svfb.ch/fr/association/histoire).
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[10]
Selon un extrait du Rapport de la Société neuchâteloise de crémation, publié dans L’Impartial du 24 avril 2022, p. 1.
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[11]
Selon un document interne du Service des pompes funèbres, cimetières et crématoire de la ville de Genève (avril 2021) et une note d’entretien réalisé le 22 février 2023 avec la responsable du centre funéraire de la ville de Neuchâtel. Il n’existe pas de statistique fédérale en la matière.
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[12]
Plaquette de 18 pages non numérotées, éditée en 1965 à l’occasion du Cinquantenaire de la fondation de l’Union suisse de crémation, et rédigée par Viktor Jent, Werner Juker et James Schwaar.
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[13]
Des explications et quelques photographies des lieux sont disponibles sur le site Web de la ville de Neuchâtel (https://www.neuchatelville.ch/fr/vivre-a-neuchatel/habitant-e-s/cimetieres/cimetiere-de-beauregard), ainsi que sur le site de la société Interior Design Philosophy, dans le portfolio « Ouroboros office » (https://www.jorgecanete.com/portfolio/).
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[14]
Communiqué de presse de la ville de Neuchâtel, 9 septembre 2020, intitulé Beauregard, un cimetière en pleine métamorphose.
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[15]
Ce point est notamment ressorti d’une autre enquête exploratoire que nous avons menée sur mandat de l’Office du médecin cantonal vaudois, auprès des personnels liés au funéraire et au mortuaire dans les structures sociosanitaires. Rédigée en avril 2023, une synthèse du rapport final est disponible au lien suivant : https://www.hetsl.ch/fileadmin/user_upload/rad/recherche/Rapports/82211_Synthese-rapportFinal.pdf
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