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Six auteurs ont contribué à la parution de cet ouvrage consacré à l’enseignement de l’histoire nationale au Québec. Ils ont privilégié trois thèmes : les programmes d’enseignement liés à l’histoire du Québec et du Canada, les manuels d’histoire nationale utilisés pour l’enseignement primaire et secondaire et les discours « souvent révélateurs des orientations religieuses, sociales ou politiques que l’on veut donner à l’enseignement de l’histoire dite nationale » (p. 11). Treize chapitres couvrent l’enseignement de l’histoire depuis le début du xixe siècle jusqu’à 2010.

Dans un premier chapitre intitulé « La préhistoire de l’enseignement de l’histoire nationale au Québec », Paul Aubin montre la difficulté de situer les débuts de l’enseignement de l’histoire du Canada dans les institutions d’enseignement québécoises. Il en établit toutefois les débuts durant la décennie 1820 dans quelques petites écoles et au Couvent des Ursulines de Québec et aux environs des années 1830 dans les collèges classiques du Québec.

Au chapitre suivant, Michel Allard évoque, notamment, l’enseignement de l’histoire nationale de 1831 à 1873, particulièrement l’Abrégé de l’histoire du Canada de Joseph-François Perreault destiné aux écoles primaires. Perreault fait entre autres école par une interprétation glorifiant le passage de colonie française à britannique et une pédagogie centrée sur la mémorisation.

Auteur des chapitres 3, 4 et 5, Paul Aubin scrute d’abord les programmes d’études de 1873 à 1904 sous les « deux grands commis » que sont les surintendants de l’éducation Gédéon Ouimet et Charles-Eugène Boucher de la Bruère. Il s’agit de programmes plus élaborés où l’on suggère de « partir du présent pour enseigner le passé » et où l’histoire est encore vue comme « une école de civisme, de morale et de patriotisme ». Puis, le même auteur fait état des changements apportés aux programmes d’études de 1905 à 1947. Le programme de 1923 « remplace les cours d’histoire de France, d’Angleterre et des États-Unis par un cours d’histoire de l’Église », et celui de 1937 ajoute une nouveauté : un cours sur l’histoire locale ou régionale. Enfin, Aubin aborde les changements apportés aux programmes scolaires et aux manuels des années 1948-1963, encore placées sous la gouverne du Conseil de l’instruction publique : introduction du cahier d’exercices ; abandon de l’idée, tant chez les historiens anglophones que francophones, d’un même manuel d’enseignement de l’histoire du Canada ; diminution de l’importance de l’enseignement de l’histoire ; montée des éditeurs laïques remplaçant les communautés religieuses.

Marie-Claude Larouche aborde dans les chapitres 6 et 7 l’enseignement de l’histoire nationale au primaire, un enseignement qui fait l’objet d’un « grand ménage » durant la période de 1964 à 1980. À la suite des recommandations du rapport Parent et de la création du ministère de l’Éducation, on assiste en effet à la prise en charge de l’éducation par l’État. Les programmes sont « dépouillés » de leur contenu religieux, des thèmes liés à l’histoire économique et sociale apparaissent. On s’intéresse aux immigrants, mais bien peu aux femmes. Enfin, des didacticiens évoluant en milieu universitaire émergent. Leur influence sur l’enseignement de l’histoire nationale au primaire est déterminante durant les années 1980-2010. Ainsi, « on n’enseigne plus une matière, mais une discipline, pour laquelle on désire développer les capacités intellectuelles de l’enfant », notamment la pensée historique et la capacité d’analyse. De politico-religieuse et événementielle, l’histoire devient économique et sociale. Des éléments d’avant 1980 demeurent toutefois, entre autres le souci d’un programme conçu pour l’élève.

Félix Bouvier aborde dans quatre chapitres successifs les changements apportés à l’enseignement de l’histoire nationale au secondaire de 1960 à 2012. Ainsi, au chapitre 8, il évoque les « mutations accélérées » de la décennie 1960, montrant l’écart existant dans la province entre les programmes d’histoire du Canada : alors que le « monde anglo-québécois » propose plus particulièrement l’étude de l’évolution économique canadienne des xixe et xxe siècles, les Québécois francocatholiques proposent une histoire essentiellement canadienne-française. S’intéressant ensuite aux années 1970-1983, l’auteur souligne notamment le fait que l’enseignement de l’histoire nationale au Québec arrive à une « certaine maturité ». L’histoire du Québec-Canada devient obligatoire. Puis, il rappelle les réflexions des années 1983-1995 sur la nécessité d’un enseignement de l’histoire et de l’éducation à la citoyenneté qui serait basé sur l’approche par compétence. Enfin, au chapitre 11, consacré aux années 1995-2012, Bouvier aborde la mise en place progressive de l’approche par compétence de l’histoire du Québec et celle des programmes « Histoire et éducation à la citoyenneté » du deuxième cycle du secondaire de 2006. Des programmes qui, selon lui, ont « [nié] la réalité propre de l’histoire du Québec » et qui ont suscité de vifs débats entre les didacticiens, les historiens et les intellectuels québécois.

Gilles Laporte évoque, au chapitre 12, « Le déclin de l’histoire nationale au cégep » depuis 1968. Il regrette que cette histoire ait été au départ essentiellement « confinée » au programme préuniversitaire de sciences humaines, puis successivement grugée par l’introduction d’un cours d’histoire de la civilisation occidentale, par l’approche programme et, plus récemment, par « l’attrait pour des thématiques plus exotiques », alors qu’« une meilleure connaissance des origines du Québec actuel peut seule permettre à des jeunes de 16 à 19 ans d’intégrer la société ».

Enfin, Gabriel Arsenault livre son enquête sur l’enseignement de l’histoire nationale dans les 55 communautés autochtones du Québec. Dotées d’une importante autonomie en matière de programme depuis la Convention de la Baie-James notamment, ces communautés « se sont approprié cet enseignement », si bien que la situation de l’enseignement de l’histoire du Québec y est « diversifiée, voire éclatée ». Ainsi, les Cris, les Inuits et la communauté de Kahnawake suivent un curriculum élaboré localement, quatre autres communautés suivent le programme d’une autre province et celles qui adoptent celui du Québec l’adaptent, par exemple en offrant des cours complémentaires en culture amérindienne.

En définitive, ce recueil de textes présente une évocation fouillée et souvent novatrice de l’évolution de l’enseignement de l’histoire du Québec à l’école secondaire et aussi dans le secteur primaire. C’est peut-être, d’ailleurs, la situation au primaire qui pourrait intéresser davantage le lecteur, plus souvent interpellé par les débats actuels sur l’enseignement de l’histoire au secondaire et au collégial.