Recensions

Sylvain Schryburt, De l’acteur vedette au théâtre de festival : histoire des pratiques scéniques montréalaises 1940-1980, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2011[Record]

  • Hervé Guay

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  • Hervé Guay
    Université du Québec à Trois-Rivières

Le nouvel ouvrage de Sylvain Schryburt sera un précieux outil pour aider le professeur de théâtre de niveau collégial et universitaire à préparer ses cours, car l’auteur produit avec ce livre une première synthèse des pratiques scéniques montréalaises des années 1940 jusqu’à 1980. D’un côté, « l’année 1980 marque la fin à la fois brutale et rapide du mouvement des collectifs de création des années 1970 » (p. 12). De l’autre, il fait remonter les débuts de l’histoire de la mise en scène au Québec à l’aventure de L’Équipe de Pierre Dagenais, première troupe, selon lui, à allonger la période de répétitions dévolue à l’élaboration du spectacle. Dans la mesure où ces quatre décennies comptent parmi les plus cruciales du développement de notre théâtre professionnel, il est heureux qu’un chercheur, prenant appui sur les abondantes recherches qui existent et grâce à la compulsion de multiples documents non encore dépouillés, fasse ressortir les principaux changements institutionnels et esthétiques qui ont marqué les scènes montréalaises durant cette période. Si ce découpage historique se tient et est bien justifié, je suis moins convaincu de la thèse que Schryburt défend et qui nous vaut les appellations employées dans son titre pour désigner le mode de production des années 1940 (régime de l’acteur vedette) ainsi que celui qui émergerait au seuil des années 1980 (régime du théâtre de festival). Pour qu’il y ait régime de l’acteur vedette, il faudrait minimalement que l’un de ces acteurs possède ses propres moyens de production ou jouisse d’un grand prestige, comme c’était le cas au temps de l’actor-manager. Au reste, les vraies vedettes du temps ne sont-elles pas les stars du cinéma français et américain ? Or le Théâtre Arcade, qui sert à Schryburt à asseoir sa désignation, a beau aligner quelques vedettes, il appartient à France-Film et la production semble plutôt définie par Joseph-Alexandre DeSève, le propriétaire de l’entreprise. En effet, à partir du moment où ce dernier installe une troupe à l’Arcade, il décide du type de théâtre qu’elle jouera, ainsi que cela se passait avant la Première Guerre mondiale. De même, suffit-il que des festivals internationaux naissent au Québec au milieu des années 1980 pour que l’ensemble de l’activité théâtrale soit infléchi de manière à se « raccorde[r] au circuit international de tournées » (p. 360) ? Il est clair, cependant, que le théâtre commercial survit dans les années 1940 à Montréal et que davantage de troupes québécoises tournent à partir des années 1980 – ainsi que l’a observé Schryburt – sans qu’on puisse pour autant attribuer ces phénomènes à un seul facteur structurant. Cette lecture très verticale de la dynamique théâtrale montréalaise tient sans doute aux fondements théoriques sur lesquels repose cet essai, à savoir la théorie du champ de Bourdieu et l’horizon d’attente de Jauss, appuis que Schryburt ne prend pas la peine d’adapter à la situation nord-américaine ni au bilinguisme de la métropole. Il est significatif à cet égard qu’il écarte d’emblée le théâtre montréalais d’expression anglaise sans le justifier. Cela explique aussi son intérêt pour les pratiques les plus légitimées – surtout au début de l’ouvrage – avant que ne s’assouplisse son point de vue après l’éclosion de la dramaturgie québécoise et de la création collective à la fin des années 1960, moment de l’écriture où l’auteur sent le besoin d’ajouter des références théoriques, celles de Nicole Fortin (Une littérature inventée) en particulier, pour cerner un phénomène étranger aux thèses bourdieusiennes. Cet ajustement indique que Schryburt est à la fois capable de se montrer rigoureux dans l’application de son cadre théorique et de faire preuve de souplesse dans …