Recensions

Frédérick Bastien, Tout le monde en regarde ! La politique, le journalisme et l’infodivertissement à la télévision québécoise, Québec, Presses de l’Université Laval, 2013[Record]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Université Laval

Ce premier livre de Frédérick Bastien dérive de sa thèse de doctorat (soutenue à l’Université de Montréal), qui fut finaliste au Prix de la Fondation Jean-Charles-Bonenfant de l’Assemblée nationale du Québec. Il a également été finaliste pour le Prix francophone de l’Association canadienne de science politique (ACSP) de 2014. L’auteur est maintenant professeur à l’Université de Montréal. Le but de cette recherche est de saisir le fonctionnement de l’infodivertissement tel qu’il se pratique à la télévision québécoise depuis plusieurs décennies. Tout le monde en regarde ! se subdivise en sept chapitres touchant successivement 1) l’historique de l’infodivertissement, 2) la dynamique des émissions où l’on traite de politique (à partir de certains cas limites), 3) les mécanismes des échanges de questions et de réponses, 4) le penchant plus ou moins calculé des politiciens en entrevue pour la confidence et la confession, 5) l’influence réelle des émissions d’infodivertissement et 6) les normes et la dimension éthique de ce type d’émission inclassable et hors norme. Les dernières pages ouvrent un débat sur l’avenir de l’infodivertissement. Sur le plan conceptuel, Tout le monde en regarde ! se range du côté de la sociologie des médias avec un ancrage théorique axé sur la tradition québécoise, laissant de côté les apports de la « Celebrity Culture » telle qu’on l’étudie en Grande-Bretagne. Je proposerai ici une définition de manière provisoire. Genre hybride, l’infodivertissement combine deux genres télévisuels distincts et permet de légitimer ce qui demeure une formule axée essentiellement sur le divertissement en y incluant occasionnellement et à petites doses des touches d’information et de sujets sérieux. Quelques brefs extraits de ces émissions sont retranscrits et analysés. Paraphrase du titre du film de John Ford Toute la ville en parle (1935) et du titre de l’émission française Tout le monde en parle, l’analyse de Frédérick Bastien s’intéresse aux discours des politiciens lors de ces émissions télévisées présentées aux heures de grande écoute. Dans son introduction, Frédérick Bastien a bien raison de relier plusieurs de ces émissions et bon nombre de chroniques dans les quotidiens montréalais à une certaine médiocrité (p. 5). Cependant, puisque tant de spectateurs les regardent (d’où le titre de l’ouvrage) et les lisent quotidiennement, leur influence semble indéniable et leur étude par des universitaires apparaît donc comme étant parfaitement pertinente. Le corpus choisi regroupe principalement des émissions québécoises (anciennes et actuelles) sur nos grandes chaînes, comme Le Poing J. de Julie Snyder, mais aussi La fosse aux lionnes (p. 4). Autrement dit, le meilleur côtoie ici le pire et l’analyse de Frédérick Bastien ne s’intéresse pas forcément aux concepts les plus instructifs ni aux échanges les plus nobles. Destiné en premier lieu à un lectorat restreint de politicologues ouverts d’esprit et de sociologues des médias, l’ouvrage de Frédérick Bastien est indéniablement instructif. Quelques chiffres découlant de la recherche de Frédérick Bastien mériteraient une attention particulière, dont ceux portant sur la construction même de ces émissions par leurs animateurs respectifs, par exemple par rapport au fait que, lors de ces entrevues à bâtons rompus, on calcule que « 9 % du temps de parole portait sur la personnalité ou la vie privée des politiciens dans les émissions d’information, 34 % dans les émissions d’infodivertissement et 56 % dans les émissions de divertissement » (p. 71). Autrement dit, c’est le personnage même, sa personnalité publique et privée, et non le programme du parti ou le message politique, qui primerait dans ce contexte. Par ailleurs, sur la question de l’influence réelle des émissions d’infodivertissement au Québec, l’auteur reste plus timoré (p. 136). En revanche, le sixième chapitre sur les règles devant encadrer l’infodivertissement pose des …