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Introduction

Les formations meubles holocènes du secteur aval de la rivière Ouelle (Dionne, 1967 ; Bélanger, 1993), sur la rive sud du moyen estuaire du Saint-Laurent, sont constituées d’unités lithostratigraphiques qui permettent de mettre en évidence des fluctuations du niveau marin relatif (NMR) au cours de l’Holocène.

Les grandes lignes des événements survenus ont été tracées à partir d’une coupe sur la rive gauche, il y a une douzaine d’années (Dionne, 1988a). À l’instar de celle de Montmagny (Lortie et Dionne, 1990), cette coupe a aussi fait l’objet d’une étude de la microflore (diatomées).

La présente contribution offre des données complémentaires à la note préliminaire. Les deux nouvelles coupes étudiées confirment pour l’essentiel les données antérieures, à savoir l’existence d’un bas niveau marin à l’Holocène moyen suivi d’une phase d’aggradation estuarienne et fluviatile ainsi que d’une seconde phase de transgression marine (Transgression laurentienne). Se sont ajoutées à la liste plusieurs dates au 14C, qui permettent de préciser les événements.

Caractéristiques du milieu

Le site étudié est situé dans le secteur aval de la rivière Ouelle, près de la localité de Rivière-Ouelle (fig. 1), sur la rive sud du moyen estuaire du Saint-Laurent, à environ 150 km au NE de Québec (47o 26' N, 70o 01' O). À cet endroit, la rivière a entaillé la terrasse de 8 m et y a creusé une vallée dans le fond de laquelle elle compose des méandres (Dionne, 1988a). Ce secteur est atteint par la marée et forme donc un petit estuaire. Les trois coupes étudiées se trouvent justement au droit de deux méandres actifs, qui maintiennent à vif un escarpement permettant d’observer les unités lithostratigraphiques composant la terrasse de 8 m.

Figure 1

Carte de localisation et croquis géomorphologique de la région de Rivière-Ouelle. 1-R : till mince sur roc ; 2 : plages de la Mer de Goldthwait (sable et gravier) ; 3 : limon-argile de la Mer de Goldthwait ; 4 : basse terrasse côtière (6-8 m), alluvions limoneuses sur argile en profondeur ; 5 : terrasses de méandres ; 6 : dépôts fluviatiles récents ; 7 : dépôts deltaïques.

Location map and a geomorphological sketch of the area surrounding the Rivière-Ouelle. 1-R: till over bedrock; 2: sand and gravel, raised beaches (Goldthwait Sea); 3: silt and clay (Goldthwait Sea); 4: low coastal terrace (6-8 m alt.), stratified silts overlying marine clay; 5: meander terraces; 6: recent fluvial deposits; 7: delta deposits.

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Description des coupes

Coupe no 1

La figure 2 décrivant la coupe no 1 reprend pour l’essentiel les données déjà publiées (Dionne, 1988a). On observe à la base l’argile grise de la Mer de Goldthwait, surmontée d’une unité alluviale complexe, comprenant deux faciès. La sous-unité 2a correspond à des alluvions sableuses et limoneuses stratifiées, de couleur gris pâle à gris foncé. Elle contient beaucoup de débris organiques (bouts de bois, brindilles, etc.) ainsi que des Macoma balthica. Cette unité a été interprétée comme étant un dépôt estuarien. Au-dessus, la sous-unité 2b, est composée de sable moyen à grossier, de gravier et de lits ou lentilles de galets ; le tout est plus ou moins bien stratifié ; on y trouve aussi plusieurs bouts de bois dont des troncs d’arbres. Les derniers 20 à 30 cm de cette sous-unité, également constitués de sable et gravier infiltrés de limon et localement oxydés, contiennent beaucoup de myes (Mya arenaria) en position de vie. Il s’agit vraisemblablement de la surface relique d’un estran. Cette couche est recouverte par 150 à 175 cm de sable fin et de limon gris pâle avec des traces d’oxydation (unité 3) ; le tout forme une série laminée qui possède les caractéristiques des dépôts intertidaux. Il s’agit en fait d’une ancienne slikke (vasière) et d’un schorre inférieur à Spartina alterniflora dont on peut observer les traces oxydées des racines et des tiges.

Figure 2

Coupe lithostratigraphique no 1 au droit du méandre du chemin des Écorces entaillant la terrasse de 8 m, sur la rive gauche de la rivière Ouelle.

Geologic section no.1, meander on the left side of Rivière Ouelle along des Écorces road, cut into the 8-m terrace.

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Bien que représentative des unités composant la terrasse de 8 m, qui correspond à une surface de remblaiement dans la vallée creusée dans l’argile de la Mer de Goldthwait, on constate qu’il existe, de part et d’autre de cette coupe, des variations latérales de l’unité 2. Par endroits, cette dernière est entièrement sableuse ; à d’autres endroits, la sous-unité 2b est essentiellement caillouteuse et formée de galets bien roulés. Ces variations granulométriques, cependant, constituent un phénomène normal dans un environnement mixte dominé par les agents estuariens en période de bas niveau et par les agents fluviatiles en période de crue. Un petit glissement de terrain survenu en 1987, un peu en amont de la coupe représentée sur la figure 2, a justement exposé l’ensemble de l’unité 2 qui, à cet endroit, était entièrement sableuse. Ce décrochement de paroi a aussi exposé l’argile grise de la Mer de Goldthwait, qui, jusque là, n’était pas visible, mais dont on connaissait l’existence grâce à une tranchée pratiquée à la base de l’escarpement.

Coupe no 2

La coupe no 2 (fig. 3) est située sur la rive droite, dans le grand méandre entaillant la terrasse de 8 m du côté nord de la vallée (fig. 1). Cette coupe a été étudiée par Françoise Pfalzgraf dans le cadre d’un mémoire de maîtrise. Une étude des diatomées a été faite qui, dans l’ensemble, confirme l’interprétation des trois faciès observés dans la coupe no 1.

Figure 3

Coupe lithostratigraphique no 2 au droit d’un méandre sur la rive droite de la rivière Ouelle, entaillant la terrasse de 8 m.

Geologic section no. 2, meander on the right side of Rivière Ouelle cut into the 8-m terrace.

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À la base, on observe l’argile stratifiée, gris pâle, molle et collante, de la Mer de Goldthwait (unité 1), qui contient des cailloux de délestage glaciel, ainsi que de rares coquillages, notamment des gastéropodes (tabl. I). À cet endroit, l’argile se trouve à un niveau plus élevé dans l’escarpement riverain que dans la coupe no 1. Toutefois, la partie supérieure de cette unité est de couleur gris foncé à noir, ce qui indique une exposition à l’air pendant un certain temps en milieu réducteur. L’argile marine est surmontée d’une unité sablo-graveleuse comprenant trois sous-unités. À la base (2a), environ 70 cm de sable et gravier stratifiés, relativement homogènes et contenant des troncs d’arbres mis en place par des eaux de ruissellement ; il s’agit d’un faciès fluviatile typique. Cette sous-unité est surmontée de 80 cm de sable moyen, de petit gravier et de limon argileux stratifiés (2b) et contient aussi des troncs d’arbres et autres bouts de bois ; il s’agit d’un faciès mixte fluviatile et estuarien. Les 25 cm de la troisième sous-unité (2c) sont constitués de sable et gravier avec une matrice limoneuse infiltrée. On y trouve aussi des fragments de bois.

L’unité 3, en surface, qui mesure environ 2 m à cet endroit, est homogène et composée de lamines de sable fin limoneux, gris pâle, avec d’abondantes traces de débris de plantes oxydées. On y a observé quelques valves de myes (Mya arenaria) ; il s’agit d’un dépôt intertidal semblable à celui de la coupe no 1.

Coupe no 3

La coupe no 3 est située sur la même rive, à une centaine de mètres en aval de la coupe no 2 ; elle entaille, elle aussi, la terrasse de 8 m. Bien qu’on y trouve les trois unités des deux coupes précédentes, elle est plus complexe (fig. 4).

Figure 4

Coupe lithostratigraphique no 3 dans la terrasse de 8 m, sur la rive droite de la rivière Ouelle.

Geologic section no. 3 in the 8-m terrace, on the right side of Rivière Ouelle.

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À marée basse et en période d’étiage, l’escarpement mesure environ 7 m. À la base (unité 1), au niveau du lit de la rivière, on observe une argile gris pâle, collante, de type stratifié, qui contient des Portlandia arctica. Elle est surmontée (unité 2) d’un diamicton sableux et pierreux, à matrice argileuse, gris pâle et fossilifère (tabl. I), qui mesure environ 100 cm d’épaisseur.

Tableau I

Liste des macro-fossiles récoltés dans l’argile goldthwaitienne, à la base des coupes nos 1 et 2

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Au-dessus du diamicton (unité 3), on observe environ 3 m d’argile gris pâle, stratifiée (rythmites), molle et collante, dans laquelle il ne semble pas y avoir de macro-restes de coquillages. Cette argile a vraisemblablement été mise en place durant la phase terminale de la Mer de Goldthwait.

Les rythmites argileuses sont surmontées d’une unité sableuse (unité 4) composée de deux faciès. Le premier (4a), de 70 cm d’épaisseur, est composé de sable moyen à grossier relativement bien trié, avec quelques lits minces de petit gravier ; on y trouve des bouts de bois. Il s’agit d’un dépôt fluviatile. Le deuxième faciès (4b), également de 70 cm d’épaisseur, est composé de lits de sable fin à moyen dont certains sont oxydés. On y trouve aussi plusieurs bouts de bois et même des fragments de coquillages, dont des valves de myes complètes au sommet de l’unité. Ces alluvions ont été interprétées comme étant un faciès estuarien.

Les alluvions sablo-graveleuses au-dessus des rythmites sont, à l’instar des deux autres coupes, coiffées de 160 cm de sable fin limoneux, gris pâle, de type laminé, contenant des traces de racines de plantes oxydées. Il s’agit d’un faciès intertidal.

Âge des unités

Les tableaux II à IV ainsi que les figures 2 à 4, fournissent l’ensemble des dates obtenues sur les différentes unités dans les trois coupes. L’argile de la Mer de Goldthwait n’a pas été datée dans les coupes étudiées ; par contre, nous disposons de deux datations au 14C pour la même unité dans le secteur aval de la rivière Kamouraska, située à une vingtaine de kilomètres en aval. À cet endroit, des individus complets de Macoma calcarea avec le périostracum conservé ont donné un âge de 11 320 ± 130 BP (UL-1116), alors que des fragments de Balanus hameri ont été datés à 10 520 ± 150 BP (UL-1117).

Tableau II

Dates au 14C pour la coupe no 1, à Rivière-Ouelle

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Tableau III

Dates au 14C pour la coupe no 2, à Rivière-Ouelle

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Tableau IV

Dates au 14C pour la coupe no 3, à Rivière-Ouelle

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Les coquillages mélangés récoltés dans le diamicton de la coupe no 3 ont un âge au radiocarbone de 11 020 ± 100 BP (UL-1484). On peut donc conclure que la mise en place de l’argile marine à la base des trois coupes est antérieure à 11 ka. Curieusement, les datations UL-1116 et UL-1484 sont plus vieilles que celles faites sur des coquillages dans un diamicton marin gris et compact (QU-564 : 10 670 ± 90 et QU-565 : 10 920 ± 90), situé près de Mont-Carmel, un site à environ 11 km à l’est de Rivière-Ouelle mais à une altitude de ± 115 m (Martineau, 1977 ; Lortie et Guilbault, 1984). Un autre échantillon de coquillages mélangés provenant aussi d’un diamicton argileux gris, vers 75-80 m d’altitude, au NE de Saint-Germain-de-Kamouraska, a été daté à 11 420 ± 140 BP (UL-1799, date inédite, Dionne 1997). Compte tenu de l’altitude du site (> 100 m), les deux dates QU sont vraisemblablement trop jeunes. Sinon, elles pourraient dater une petite récurrence glaciaire survenue au Dryas récent (La Salle et Shilts, 1993 ; Richard et al., 1997 ; Hétu et Gray, 2000).

L’abondance de débris organiques et parfois de coquillages dans l’unité 2 des trois coupes a permis de dater cette unité d’une façon satisfaisante. La coupe no 1 présente une série de dates comprises entre 3 et 6 ka (tabl. II). Le faciès estuarien à la base de l’unité 2 n’a pas été retrouvé à cette position dans les deux autres coupes. Il est plus ancien que le faciès fluviatile propre aux trois coupes. L’âge varie de 6100 ± 100 BP (UQ-1001) à 5700 ± 100 BP (UQ-984). Pour sa part, le faciès fluviatile de la coupe no 1 a été daté à 5330 ± 70 BP (Beta-18322) et 5450 ± 100 BP (UQ-1002).

Dans la coupe no 2, six datations sur du bois (troncs) et des débris organiques dans l’unité 2 (fluviatile) ont donné des âges compris entre 4350 ± 70 BP (Beta-32839) et 4810 ± 90 BP (UL-582) (tabl. III), alors que dans la coupe no 3, l’âge des neuf bouts de bois datés va de 4710 ± 80 BP (UL-1011) à 5160 ± 100 BP (UL-1319) (tabl. IV) ; les fragments de coquillages (Mya arenaria) dans la partie supérieure de l’unité ont livré un âge de 4410 ± 100 BP (UL-1317). Cette séquence ressemble donc à celle de la coupe no 2 à proximité, mais elle est un peu plus jeune que celle de la coupe no 1.

Dans les trois coupes, l’unité intertidale à la surface de la terrasse de 8 m ne contenait pas de débris organiques datables, à l’exception d’un petit bout de bois à la base de l’unité 3 de la coupe no 1 ; ce fragment a donné un âge de 5590 ± 90 BP (Beta-24666) ; cet âge est trop vieux puisque cette unité surmonte le lit de sable et gravier contenant des myes en position de vie datées entre 4 et 3 ka. Il s’agit vraisemblablement d’un fragment de bois repris de l’unité 2 et redéposé, au début de la transgression. Dans la coupe no 2, cependant, nous avons trouvé des valves de myes (Mya arenaria) transportées, qui ont donné un âge au radiocarbone de 4140 ± 90 BP (UL-581), alors que dans la coupe no 3, des myes juste sous l’unité intertidale ont été datées à 4410 ± 100 BP (UL-1317). D’après ces deux coupes, la transgression serait en partie postérieure à 4 ka. Ceci est confirmé par la coupe no 1. Les myes en position de vie dans la partie supérieure de l’unité 2, juste sous le dépôt intertidal, ont en effet donné des âges au radiocarbone compris entre 3150 ± 100 BP (UQ-961) et 3830 ± 50 BP (TO-4451), avec une médiane (n- 9) de 3460 ± 70 BP (Beta-18324) (tabl. II). Il convient de mentionner que la date du laboratoire de Toronto est une date SMA haute précision obtenue sur l’une des valves d’un individu de mye en position de vie. En principe, cette date devrait être plus fiable que les autres. Toutefois, comme les dates au 14C du laboratoire de Toronto ont un 13C de –25 â, il faut soustraire environ 400 ans si on veut la comparer aux données des trois autres laboratoires mentionnés, ce qui donne un âge de 3400 ans environ, soit l’âge médian des neuf dates obtenues sur des myes en position de vie.

En se basant sur les dates de la coupe no 1, l’unité intertidale transgressive dans le secteur de la coupe no 1 serait vraisemblablement postérieure à 4 ka. Ainsi, la Transgression laurentienne, à Rivière-Ouelle, serait plus récente qu’à Montmagny et à l’anse de Bellechasse (Dionne, 1988b, 1997, 2000a, 2001) ; par contre, elle aurait été contemporaine de la transgression mise en évidence dans la région de Matane (Dionne et Coll, 1995). Si c’est effectivement le cas, il faut évoquer des influences néo-tectoniques pour expliquer la diachronie de la Transgression laurentienne dans l’estuaire du Saint-Laurent (Dyke et Peltier, 2000). Ceci n’est pas impossible, car le site de Rivière-Ouelle est localisé sur le pourtout externe de l’enceinte de l’impact météoritique de Charlevoix (Rondot, 1979), caractérisé par une faille circulaire. Cette dernière étant susceptible de favoriser des mouvements verticaux différentiels, le secteur entre Villages-des-Aulnaies et le cap au Diable (baie de Kamouraska) a donc pu évoluer différemment, au cours de l’Holocène, du secteur de Montmagny – Cap-Saint-Ignace (Dionne, 1988b, 1998, 2001).

Autres datations

Après la Transgression laurentienne, la rivière Ouelle s’est de nouveau encaissée dans la nappe alluviale ayant remblayé le secteur aval de la vallée. L’encaissement de la rivière a conduit au tracé sinueux actuel ; la profondeur est telle que tout le secteur aval est atteint par la marée. La basse terrasse, qui ourle la boucle des méandres, est postérieure à 2 ka. Dans un des méandres, deux bouts de bois au contact entre la surface argileuse et les alluvions estuariennes ont donné des âges au 14C de 1830 ± 60 BP (Beta-28373) et 1470 ± 80 BP (UL-472) ; dans un autre méandre en amont, une branche a donné un âge de 1800 ± 60 BP (UL-362). Ces âges sont semblables à celui obtenu sur une branche située à la base de l’ancien schorre supérieur formant la basse terrasse de ± 4 m localisée entre l’autoroute 20 et l’aboiteau construit au cours du XXe siècle.

Étude des diatomées

Les coupes nos 1 et 2 ont fait l’objet d’une étude détaillée des diatomées par Françoise Pfalzgraf (Pfalzgraf et al., 1996) dont voici les principaux résultats (tabl. V).

Tableau V

Liste des diatomées fossiles des coupes du secteur aval de la rivière Ouelle

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Coupe du haut de la rivière : coupe no 2

La séquence biostratigrahique des dépôts holocènes de la coupe no 2 de Rivière-Ouelle compte trois zones de diatomées. Les espèces listées dans le diagramme (fig. 5) sont celles qui atteignent plus de 5 % sur au moins un niveau stratigraphique.

Figure 5

Diagramme d’abondance relative des diatomées de la coupe du Haut de la Rivière (coupe no 2), à Rivière-Ouelle.

Diagram of relative abundance of diatoms in geologic section no. 2, at Rivière-Ouelle.

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La biozone 1 (607-462 cm) se caractérise par la pauvreté en diatomées qui exclut toute analyse quantitative. Dans la biozone 2 (462-246 cm), 21 niveaux ont été analysés. Les teneurs en valves vont de faibles à très faibles, excédant rarement 10 X 106 valves par gramme. L’assemblage est représenté principalement par des taxons polyhalobes euryhalins, planctoniques et tychoplanctoniques, rarement inférieurs à 40 %, comprenant : Paraliasulcata (< 36 %) : tpl-benthique ; Thalassiosirapacifica (< 18 %) : planctonique ; Delphineis minutissima (< 14 %) : tpl-épontique ; et Navicula lucens (< 12 %) : benthique.

L’assemblage mésohalobe est diversifié et représenté essentiellement par des taxons périphytiques, dont l’abondance relative excède rarement 5 %. Les plus répandus sont : Achnantesdelicatula (< 17 %) : épontique ; Nitzschia aequorea (< 10 %) : épontique ; Opephora olsenii (16 %) : épontique ; Navicula perminuta (< 6 %) : épontique-benthique et Nitzschia aff. rautenbachiae (< 6 %) : benthique.

D’autres espèces mésohalobes périphytiques ont une présence notable (< 5 %) : Amphoratenerrima ;Amphora aff. tenarescens ;Navicula aff. spartinetensis et Naviculaphyllepta.

L’assemblage oligohalobe regroupe principalement des taxons périphytiques, indifférents à la salinité : Achnantes minutissima (< 12 %) : épontique ; Fragilaria brevistriata,F. pinnata et F. construens et ses variétés (< 11 %) : épontique-benthique.

Dans la biozone 3 (246 - 37 cm), 12 niveaux ont été analysés. Les teneurs en valves, rarement inférieures à 10 x106 valves par gramme, sont nettement supérieures à celles la biozone 2, atteignant un maximum de 35 x 106 à 137 cm. Les taxons polyhalobes Thalassiosira pacifia (< 12 %) et Paralia sulcata (< 51 %) sont en déclin notable sauf à 235 et 47 cm, alors que Thalassiosira decipiens (< 8 %) devient plus abondant.

La flore mésohalobe est prépondérante (maximum de 65 % et rarement moins de 35 %) avec la diversification des formes périphytiques benthiques et épontiques vers le sommet (117 cm). Elle comprend les taxons suivants : Cyclotella striata (< 21 %) : tychoplantonique-benthique ; Nitzschia hustedtiana (< 11 %) : benthique ; Achnanthes delicatula (< 10 %) : épontique ; Navicula perminuta (< 8 %) : épontique-benthique, et Thalassiosira visurgis (< 6 %) : tychoplanctonique.

D’autres taxons périphytiques mésohalobes accusent une présence notable au sommet de la séquence avec un pourcentage variant de 1 à 5 % : Achnanthes brevipes var. intermedia ; Caloneis westii ; Ctenophora pulchella ; Nitzschia sigma ; Denticula subtilis ; et Diploneis reichardtii var. tschucktschorum.

Quant au niveau de la flore oligohalobe, on y note une diversification des taxons halophiles avec Navicula capitata var. luenenburgensis (< 6 %) : benthique et Navicula cincta (< 6 %) : benthique. Ce changement s’accompagne d’une diminution de l’incidence d’Achnanthes minutissima (< 5 %). On trouve aussi dans une proportion totale de < 11 % Fragilaria brevistriata,F. pinnata et var., et F. construens et var. venter.

D’autres taxons périphytiques oligohalobes (1 à 5 %) ont aussi été trouvés : Cyclotella meneghiniana : halophile ; Nitzschia levidensis : halophile ; Navicula seminulum : indifférent ; Achnanthes lanceolata et var. : indifférent, ainsi que Pinnularia appendiculata var. budensis : halophobe.

Coupe du chemin des écorces : coupe no 1

La coupe du chemin des Écorces est la plus en aval des trois coupes décrites plus haut. Comme l’unité argileuse à la base de l’escarpement n’était visible que dans le lit de la rivière au niveau des plus basses eaux, elle n’a pas été échantillonnée pour les diatomées. En conséquence, les biozones étudiées correspondent aux deux unités supérieures équivalant à celles de la coupe no 2. Les assemblages de diatomées sont similaires dans les deux coupes, les différences étant principalement d’ordre quantitatif (fig. 6).

Figure 6

Diagramme d’abondance relative des diatomées de la coupe du chemin des Écorces (coupe no 1), à Rivière-Ouelle.

Diagram of relative importance of diatoms in geologic section no. 1, at Rivière-Ouelle.

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Dans la biozone 2 (502-247 cm), les 25 niveaux analysés révèlent des teneurs en valves généralement plus faibles que dans la coupe no 2, celles-ci n’excédant pas 12 x 106 valves par gramme. La composante polyhalobe prédomine dans une plus forte proportion (souvent supérieure à 50 %) que dans la coupe no 2. L’assemblage est représenté par les mêmes taxons mais dans des proportions relatives différentes : Delphineis minutissima (< 40 %) ; Thalassiosira pacifica (< 26 %) ; Paralia sulcata (< 13 %), et Navicula lucens (< 9 %).

Constitué essentiellement de formes périphytiques, l’assemblage mésohalobe est également très similaire à celui de la coupe no 2. Achnanthes delicatula (< 9 %), Navicula perminuta (< 8 %) et Nitzschia aequorea (< 6 %) sont répandus dans les deux coupes mais restent peu abondants. L’assemblage se distingue par la rareté d’Opephoraolsenii ainsi que par la présence notable de Navicula viminoïdes (< 9 %) et de Nitzschia aff. perspicua (< 8 %). On trouve aussi dans une proportion allant de 1 à 5 %, Amphora coffaeiformis var. acutiuscula et Navicula phyllepta.

L’assemblage oligohalobe comporte essentiellement les mêmes taxons que la coupe no 2, en amont. Il se distingue par une incidence légèrement moins marquée d’Achnanthes minutissima (< 9 %) au profit du genre Fragiliaria spp. (< 12 %).

Dans la biozone 3 (247-35 cm), les 12 niveaux analysés ont révélé des teneurs en valves comparables à celles de la coupe no 2 (rarement inférieures à 20 x 106 valves par gramme), mais atteignant un maximum supérieur de 63 x 106 valves par gramme au sommet de la séquence. Les changements floristiques sont similaires à ceux de la coupe no 2. Le déclin marqué de l’abondance relative du groupe polyhalobe (< 20 %) se caractérise par la quasi absence (< 5 %) de Delphineis minutissima et de Paralia sulcata et par une présence plus accentuée de Thalassiosira decipiens (< 9 %), tout comme dans la coupe no 2. Thalassiosira pacifica compte pour (< 9 %).

La composante de l’assemblage mésohalobe comporte les mêmes éléments prédominants que dans la coupe no 2, mais se distingue par une abondance relative moins notable de Cyclotella striata (< 14 %) tandis que Thalassiosira visurgis (< 12 %) est mieux représenté. Les autres taxons trouvés sont : Achnanthes delicatula (< 11 %), Nitzschia hustedtiana (< 8 %) et Navicula perminuta (< 8 %). De plus des formes longues et fragiles comme Tabularia fasciculata et Ctenophora pulchella apparaissent au sommet de la séquence et comptent pour moins de 3 %.

L’assemblage oligohalobe est aussi semblable à celui de la coupe no 2. Il se distingue par une proportion légèrement plus élevée des taxons indifférents dont Achnanthes minutissima (< 8 %), Navicula capita var. luenenburgensis (< 7 %) et Fragilaria brevistriata, F. pinnata et var., ainsi que F. construens et var. (< 11 %).

D’autres taxons périphytiques oligohalobes ont une présence notable (< 5 %) et sont communs aux deux coupes : Navicula seminulum, Nitzschia levidensis, Achnanthes lanceolata et Navicula cincta.

En conclusion, on peut affirmer que les deux coupes révèlent des assemblages très similaires qui se distinguent principalement sur le plan quantitatif. On observe une similitude dans la succession des assemblages et une corrélation stratigraphique des changements majeurs à 245 cm.

Les différences quantitatives peu notables témoignent probablement de variations locales des conditions paléoenvironnementales qui pourraient s’accorder avec la position relative aval-amont des deux coupes.

La prédominance d’une flore périphytique à tychoplanctonique, marine euryhaline à saumâtre, tout le long de la séquence, témoignerait d’une mise en place dans un milieu peu profond, en contact avec la mer. Une hausse de l’incidence des taxons périphytiques, une baisse des taxons marins et une meilleure conservation vers le sommet de la séquence sont en accord avec une diminution de la profondeur et de l’exposition aux marées.

La prépondérance de taxons polyhalobes tychoplanctoniques caractéristique de l’unité 2 serait en accord avec une sédimentation de chenal estuarien. La présence notable d’Achnanthes minutissima et de Fragilaria spp. témoignerait vraisemblablement d’apports fluviatiles, lors de crues, tandis que la prédominance des taxons marins euryhalins indiquerait une prépondérance des marées. La diversité des taxons périphytiques mésohalobes témoigne d’un milieu saumâtre, soumis à d’importantes fluctuations de la salinité, typiques d’un estuaire.

La séquence des événements holocènes

Les nouvelles données confirment la séquence connue des événements géologiques survenus au cours de l’Holocène dans le secteur aval de la vallée de la rivière Ouelle. Après la transgression postglaciaire (Mer de Goldthwait ; Dionne, 1977), qui a mis en place des dépôts d’argile et de limon de plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur, entre 10 et 12 ka principalement, il y a eu une période de bas niveau marin au cours de laquelle la rivière d’alors s’est encaissée dans la surface argileuse et a creusé une dépression de 1,5 à 2 km de largeur et d’une dizaine de mètres de profondeur. Toutefois, comme le cours d’eau faisait des méandres, il a aussi construit des lobes qui ont par la suite été recouverts par des alluvions lors de la Transgression laurentienne. S’il demeure difficile de préciser la période durant laquelle l’argile de la Mer de Goldthwait a été érodée, on peut affirmer par contre que cela s’est produit entre 9 et 6 ka, mais plus probablement entre 8 et 6 ka. D’après d’Anglejan (1981), le bas niveau marin de l’ordre de -10 m a entraîné le creusement d’un chenal dans la surface de la plate-forme argileuse inter-.et infratidale qui a été postérieurement remblayé.

Après avoir atteint le bas niveau marin relatif responsable de la présence de la surface d’érosion dans l’argile, le secteur aval de la vallée de la rivière Ouelle a d’abord été sous l’influence de la marée. Le premier dépôt situé au-dessus de l’argile présente, en effet, les caractéristiques des alluvions mises en place en milieu estuarien. L’influence fluviatile a dominé par la suite durant quelques centaines d’années et mis en place des alluvions sableuses et graveleuses contenant beaucoup de troncs d’arbres et autres débris ligneux. Cette période fut suivie d’une remontée du niveau marin relatif ou d’une subsidence des terres. Dans la coupe no 1, la partie supérieure de la sous-unité 2b, dans laquelle on trouve des myes en position de vie, correspond à un bas estran relique indiquant le début de la transgression à cet endroit ; ailleurs, à plus basse altitude, la remontée du NMR a été plus précoce.

Dans l’ensemble des coupes, la partie supérieure de la terrasse de 8 m est constituée, comme on le sait, d’un dépôt de sable fin à très fin limoneux, de type laminé, contenant des débris de plantes in situ ; ce dépôt est caractéristique des milieux intertidaux : slikke et schorre inférieur. Le contraste entre ce dépôt et l’unité fluviatile sous-jacente est net partout. Les 150 à 200 centimètres d’épaisseur de sédiments fins intertidaux ayant été mis en place entre 4 et 3 ka environ, on a pu estimer le taux d’accrétion verticale à environ 1,5 à 2 mm par an ; ce taux est semblable à celui de nombreux estrans vaseux au Québec et ailleurs (Dionne, 1993).

Le secteur aval de la vallée de la rivière Ouelle creusée pendant le bas niveau marin a donc été en grande partie, sinon en totalité, remblayé au cours de la Transgression laurentienne. Par la suite, il y a eu une période de stabilité relative ou d’émersion des terres durant laquelle le cours d’eau s’est de nouveau encaissé dans la surface de remblaiement et a acquis progressivement un cours sinueux à grands méandres.

À l’instar du secteur aval de la rivière Boyer (Dionne, 1985), les alluvions mises en place lors de la Transgression laurentienne cachent des dépôts complexes et parfois emboîtés d’origine estuarienne et fluviatile qui reposent sur un substrat argileux taillé dans les argiles de la Mer de Goldthwait. Il existe donc une lacune de 3 à 4 millénaires entre l’âge de l’argile du substrat et les dépôts alluvionnaires formant la terrasse de 8 m de la rivière Ouelle.

Après la Transgression laurentienne, l’émersion des terres semble avoir été assez rapide. Le niveau de base du cours d’eau a été plus bas que le niveau actuel ou récent, c’est-à-dire au cours du dernier millénaire. La base terrasse en bordure des méandres (niveau de 4,5 à 5 m environ) a été édifiée il y a moins de 2000 ans.

Présentement, nous ne disposons pas de données suffisantes permettant d’affirmer.qu’il y a eu élévation progressive du NMR, à Rivière-Ouelle. Le schorre supérieur, en bordure de la baie de Sainte-Anne, a été édifié au cours du dernier millénaire (tabl. VI) dans la partie sise au sud de l’autoroute 20, alors que le secteur externe, situé entre l’autoroute et l’aboiteau, est plus jeune de 500 à 600 ans. D’après des données partielles, le taux moyen annuel d’accrétion verticale du schorre supérieur, récupéré il y a une centaine d’années, aurait été de 2,5 à 3 mm.

Tableau VI

Dates au 14C de l’ancien schorre supérieur entre Rivière-Ouelle et La Pocatière

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De son côté d’Anglejan (1981) n’a pas observé de modifications importantes du tracé des méandres ni de recul de la batture (schorre) entre 1927 et 1976, ce qui indiquerait une certaine stabilité du NMR. Pour leur part, Champagne et al. (1983, p. 16) et Sérodes et Dubé (1983, p. 25) pensent que le relèvement isostatique des terres se poursuit de nos jours dans la région voisine de Kamouraska, de sorte que les battures sont présentement en équilibre.

Comme nous l’avons souligné ailleurs (Dionne, 1999, 2000a, 2001), l’insuffisance des données concernant la tendance actuelle du NMR dans l’estuaire du Saint-Laurent ne permet pas de déterminer d’une façon satisfaisante si le niveau s’abaisse ou s’élève légèrement en réponse à celui des océans (Emery et Aubrey, 1991 ; Pirazzoli, 1986), même si, ici et là, on observe des indices comme le recul des microfalaises du schorre supérieur et la formation de bancs de gravier transgressifs à la surface des schorres supérieurs (Dionne, 2000b ; Dionne et Bouchard, 2000). Rappelons que d’après Emery et Aubrey (1991), le NMR à Pointe-au-Père serait à la hausse, alors qu’il serait à la baisse à Rivière-du-Loup. De leur côté Anctil et Troude (1992) affirment que, depuis une soixantaine d’années, la tendance générale du NMR à Pointe-au-Père serait à la baisse à un taux moyen annuel de l’ordre de 0,3 mm. Bref, les opinions sont partagées sur la tendance actuelle du NMR dans l’estuaire, de sorte que l’on peut difficilement trancher.

Conclusion

Les dépôts meubles dans le secteur aval de la rivière Ouelle comprennent trois unités principales qui contiennent des restes végétaux, des coquillages marins et des diatomées qui permettent de retracer et de dater certains événements géologiques survenus au cours de l’Holocène :

  1. la transgression postglaciaire (Mer de Goldthwait), entre 12 et 10 ka ;

  2. un niveau voisin du niveau actuel entre 9 et 8 ka ;

  3. un bas niveau marin entre 8 et 6 ka environ ;

  4. un niveau à la hausse entre 6 et 4 ka ;

  5. une transgression de plusieurs mètres (Transgression laurentienne) entre 4 et 3 ka ;

  6. un relèvement isostatique des terres après 3 ka, ponctué de fluctuations mineures (± 1 m), en particulier entre 2 et 1 ka.

Quant à la tendance actuelle, seuls des indices géomorphologiques portent à croire que le NMR est à la hausse à un taux annuel de l’ordre du millimètre. Le site de Rivière-Ouelle offre de bonnes conditions pour parvenir à préciser les divers événements géologiques survenus au cours de l’Holocène dans le moyen estuaire du Saint-Laurent. Malheureusement, faute de moyens, cet objectif n’a pu y être atteint. Nous souhaitons donc que cette lacune soit bientôt comblée.