L’auteur consacre son grand ouvrage à l’établissement du genre humain dans les franges les plus froides de l’hémisphère boréal. En fonction de la compréhension d’un « homme du Nord » de type Esquimau (Inuit), l’auteur remue, en rapport avec les conditions physiques, le passé anthropique depuis la seconde moitié du Pléistocène. Le tome premier comprend trois parties considérant la conception nordique durant l’Antiquité et le Moyen Âge. L’on y retrouve la position des Scythes, le dit de voyageurs, la notion de sphéricité chez Ptolémée, la « fausse carte » du Vinland, la « désinformation » de Zéno, de même qu’une fin des terres asiatiques vers l’Est. La deuxième partie s’éloigne des précédents fantasmes pour traiter d’une géographie physique centrée sur les glaciations. Les inlandsis, qui n’ont occupé ni synchroniquement ni également le Nord de l’Amérique, de l’Europe et de l’Asie, ont été accompagnés d’événements majeurs : immenses lacs de barrage proglaciaires (Amérique et Russie), maxi-écoulement à la suite du déglacement, immersion eustatique périphérique, redressement isostatique, couloir non englacé Yukon-Alberta, processus périglaciaires (cailloux, glaces flottantes, végétation, etc.). Ces conditions naturelles construisent une succession de « Grand Nord » dans le temps et l’espace. L’un des faits spectaculaires se rapporte au Déluge : dans le bassin de la mer Noire (Pont-Euxin), l’événement biblique pourrait correspondre à d’énormes transferts d’eau accompagnés de réajustements de profil en long ; des survivants se seraient réfugiés, avec leur bétail, dans des endroits élevés. La troisième partie, plus développée, traite d’abord du Grand Nord en Europe où on ne peut éviter, soit l’« Homme de Néandertal » (« le premier Européen du Grand Nord »), soit l’« Homme moderne » qui, après de plus vives interventions de l’intelligence, triomphe dans l’art pariétal magdalénien. Puis, l’auteur s’intéresse au Grand Nord de la Sibérie, celle-ci s’étendant de l’Oural au détroit de Béring. La végétation est favorable à de gros herbivores que le nomade abat dans les steppes. Au cours du Pléistocène supérieur, des chasseurs d’Asie font l’invention technique du débitage laminaire qui aura, en toutes latitudes et pendant des dizaines de milliers d’années, une carrière prestigieuse. Patrick Plumet rappelle que l’interprétation établie pour le volet européen ne répond pas bien à celle du volet sibérien, la marche planétaire de ces peuplements très anciens s’étant faite d’une façon différenciée. Le second tome est également consacré aux peuples du Grand Nord et, en premier lieu, à ceux de l’Eurasie septentrionale. Pour la fin de Pléistocène, on y présente d’une façon détaillée les populations en voie d’adaptation en divers domaines : habitations, modes de subsistance (très liés à la chasse aux mammouths), alimentation, art mobilier, champ culturel, etc. Puis, l’auteur considère un territoire maximal, tant en longitude qu’en latitude ; analyse est faite des écoumènes nordiques respectifs de l’Europe occidentale, des versants ouraliens, de la Sibérie (à l’est de la Lena), du Nord-Ouest du Canada, du Labrador (culture de l’« Archaïque maritime ») de même que de l’Asie (mer du Japon et Kamtchatka). Des recherches, surtout conduites par des Russes et des États-uniens, ont conduit au concept d’une « Grande Béringie » dont la charnière est tantôt terrestre, tantôt hydrographique. Des mongoloïdes entrent en Amérique où ils rencontrent sans doute des populations différentes déjà établies dans ce Nouveau Monde. Le rivage du Pacifique, étant utilisé comme voie de passage vers des espaces à occuper plus au sud, recèle peut-être les plus vieux sites archéologiques du Canada. « Les bouleversements écologiques Pléistocène-Holocène ont entraîné la disparition de la grande faune de la steppe-toundra béringienne mais aussi des changements essentiellement culturels dans l’Eurasie septentrionale... Encore plus qu’au Paléolithique, l’homme remonte vers le Grand Nord. …
Plumet, Patrick, 2004. Des mythes à la Préhistoire. Peuples du Grand Nord I. Éditions Errance, Paris, 322 p., 96 fig., notes, glossaire, 18 x 25 cm, 39 € (env. 63 $ CAD). ISBN 2-87772-270-8. Vers l’« Esquimau ». Du mammouth à la baleine. Peuples du Grand Nord II. Éditions Errance, Paris, 288 p., 81 fig., glossaire, index, 18 x 25 cm, 38 € (env. 61,50 $ CAD). ISBN 2-87772-276-7.[Record]
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Louis-Edmond Hamelin
Fondateur du Centre d’études nordiques Université Laval