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« Essentiellement, que doit-on retenir de l’histoire de la Nouvelle-France ? » demande Mathieu d’Avignon à Marcel Trudel, en plein entretien (p. 30). Alors que la plupart des spécialistes auraient saisi l’occasion d’esquisser une interprétation générale reflétant les acquis récents de la discipline, Trudel livre finalement deux réponses bien à lui. D’une part, il énumère des traits du Régime français qui, jusque vers 1945 ou 1960, auraient marqué la vie des Québécois : l’esprit d’aventure et celui de missionnaire, certaines expressions, des poids et mesures, un système légal, le calendrier religieux. D’autre part (p. 24-25), il explique pourquoi une période de domination française caractérisée, entre autres choses, par l’esclavage, le génocide des Renards et un système de justice « épouvantable » ne le rend guère nostalgique. Dans ces deux réponses, on voit se profiler différentes facettes de l’historien, qui fait ici le bilan de sa longue et féconde carrière (une cinquantaine de livres en 60 ans) : l’« homme d’Ancien Régime » qui, avant les bouleversements de la Révolution tranquille, aurait « connu la vie du Régime français en quelque sorte par [ses] parents » (p. 34); le pourfendeur volontiers iconoclaste de l’ancienne histoire apologétique; le praticien d’une histoire méthodique, en prise directe sur les documents et dont les découvertes le dispensent de trop se soucier des interprétations ultérieures; l’historien ravi de découvrir que ses cibles de naguère (Groulx, l’esclavage), sont de nouveau à l’ordre du jour. C’est fascinant. Une introduction célébrant les réalisations de M. Trudel et une utile bibliographie de ses travaux complètent l’ouvrage.