Comptes rendus

CAMPEAU, Georges, De l’assurance-chômage à l’assurance-emploi (Montréal, Boréal, 2001), 396 p.[Record]

  • Alvin Finkel

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  • Alvin Finkel
    Centre des études de l’État et de la loi
    Université Athabasca

Il existe une littérature abondante concernant l’histoire de l’assurance-chômage au Canada, mais cet ouvrage présente la première synthèse critique de cette pièce maîtresse de l’État-providence. Georges Campeau esquisse un aperçu de l’assurance-chômage, de ses origines canadiennes au moment de la Crise des années 1930 aux ennuis des dernières années du xxe siècle, à l’ère du néolibéralisme. Il constate que deux visions antagonistes de l’assurance-chômage se sont toujours opposées : l’une qui soulève des considérations actuarielles et l’autre qui insiste sur la reconnaissance du droit social des sans-emploi à un revenu garanti. Tandis que la vision actuarielle ignore les causes sociales du chômage et met l’accent sur le maintien d’un équilibre entre les cotisations et les prestations, la vision sociale souligne la responsabilité du marché dans la création du chômage et, par conséquent, réclame de l’État qu’il ne punisse pas les victimes des caprices du marché. Campeau se pose en défenseur de la vision sociale et indique que son livre « fait suite à plusieurs années de pratique à titre d’avocat spécialisé dans la défense des droits des sans-emploi, effectuée en collaboration avec des mouvements de défense des chômeurs et des organisations syndicales » (p. 16). Campeau commence son ouvrage en examinant le débat entourant l’introduction de l’assurance-chômage en Grande-Bretagne avant la Première Guerre mondiale. Il observe que les mêmes discussions se sont répétées au Canada après la guerre, mais qu’un mouvement ouvrier plus faible et des luttes fédérales-provinciales concernant la compétence sur un régime de l’assurance-chômage y ont affaibli le projet d’une prise en charge des chômeurs par l’État. Dans les milieux syndicalistes, surtout là où les communistes et les socialistes étaient présents, la plupart des partisans de l’assurance-chômage demandaient un régime financé par tous les contribuables, c’est-à-dire un régime non contributif. Mais la législation mise de l’avant par le gouvernement de Mackenzie King en 1940 (après une tentative ratée du gouvernement de R. B. Bennett en 1935), faisait reposer le financement du régime sur les travailleurs eux-mêmes et ne prévoyait qu’une très petite assistance financière de l’État. Pour Campeau, l’évolution de l’assurance-chômage témoigne de changements dans les rapports sociaux et leur impact sur la pensée étatique. Le régime initial, tout en répondant au militantisme des sans-emploi durant la Crise, respectait le désir des employeurs de voir s’établir un système largement autofinancé et dont les prestations seraient assez maigres pour empêcher les hausses de salaires. Les milieux d’affaires, en effet, tenaient pour vraie la fiction selon laquelle le chômage relève d’un choix volontaire, d’où leur défense du régime actuariel. Au moment de son instauration, l’assurance-chômage était marquée par l’exclusion des travailleurs saisonniers et des travailleurs précaires ; ceux-ci étaient associés aux travailleurs licenciés pour inconduite ou à ceux qui démissionnent sans raison valable (aux yeux de l’employeur et de l’État), et ils étaient pénalisés par la longue attente qu’ils devaient subir avant de recevoir leurs prestations. Dans l’après-guerre, avec la croissance des idées keynésiennes, vues comme un compromis entre le libre marché et le socialisme, il y a eu un changement graduel dans le caractère du régime de l’assurance-chômage au Canada. Peu à peu, on entendait que le chômage était une conséquence du système économique et non plus le choix des gens qui refusaient de travailler. Dans les années 1950 et 1960, les catégories des travailleurs couverts par l’assurance-chômage se sont élargies, et le traitement de ceux qui quittaient un travail ou étaient congédiés s’est assoupli. Les syndicats ont joué un rôle important dans cette évolution. Même le sexisme, que le régime initial perpétuait, a été ébranlé. Un règlement de 1950, qui disqualifiait la plupart des femmes mariées, a …