Comptes rendus

BINNEMA, Theodore, Gerhard J. ENS et R. C. MacLEOD, dir., From Rupert’s Land to Canada : Essays in Honour of John E. Foster (Edmonton, University of Alberta Press, 2001), xxxiii-288 p.[Record]

  • Carolyn Podruchny

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  • Carolyn Podruchny
    Département d’histoire
    Western Michigan University

Aux premiers temps de l’histoire nord-américaine, la Terre de Rupert était une entité culturelle et géographique complexe. Ainsi nommée pour décrire le territoire concédé par Charles II d’Angleterre à la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1670, elle comprenait l’ensemble de terres dont les eaux s’écoulaient dans la Baie d’Hudson. Le territoire entourant les Grands Lacs, l’espace devenu aujourd’hui l’Ouest canadien, ainsi que la plus grande partie du nord-ouest américain ont été à une certaine époque considérés comme « la Terre de Rupert ». Sa population se composait d’Amérindiens, d’Anglais, d’Écossais, de natifs des Orcades, de Canadiens français et de Métis. Professeur à l’Université de l’Alberta, John E. Foster (1938-1996) fut un des premiers universitaires à s’y intéresser. Malheureusement décédé avant la publication d’une grande partie de son excellent travail, il inspira de nombreux étudiants et de nombreux chercheurs par l’enthousiasme et l’intelligence qui marquèrent sa trop brève carrière. Mélange publié en son honneur, From Rupert’s Land to Canada met brillamment en relief son oeuvre et celle de ses étudiants et de ses plus proches collègues. En introduction, les directeurs de l’ouvrage proposent une description détaillée de l’oeuvre de Foster et une bibliographie de ses publications. Les études sur le commerce de la fourrure ayant jusqu’alors été menées sous l’angle économique et dans la perspective des métropoles, Foster visait à en déplacer l’accent sur l’aspect local, spécifiquement sur celui des habitants de l’Ouest. Il s’intéressa particulièrement à l’émergence des communautés métisses, notamment celles formées par les descendants des mariages entre Amérindiens et Européens de langue anglaise. La suite de l’ouvrage se divise en trois parties dont chacune s’ouvre sur un essai historiographique. Michael Payne amorce la première, ayant pour titre « Native History and the Fur Trade in Western Canada », en décrivant comment les tenants d’une histoire sociale révisionniste ont traité le commerce de la fourrure comme un facteur parmi d’autres ayant façonné les débuts de l’Ouest canadien. Dans un article sur les voyageurs iroquois, Jan Grabowski et Nicole St-Onge révèlent, à la suite d’une analyse quantitative des contrats de travail, que les Iroquois de la région de Montréal se sont lancés en grand nombre dans ce commerce au début du xixe siècle et se sont installés dans l’Ouest de façon permanente. Dans un superbe essai intitulé « Partial Truths : A Closer Look at Fur Trade Marriage », Jennifer S. H. Brown approfondit sa propre recherche sur les familles des commerçants autochtones en abordant le sujet, cette fois, dans la perspective d’un unique commerçant — un commis relativement peu connu nommé George Nelson qui épousa deux femmes ojibwas. De ces deux mariages, dont le premier dura 9 mois et le second 23 ans, Nelson donne des évocations fort différentes dans son journal quotidien et, plus tard, dans ses souvenirs. Brown montre comment les sources ne procurent qu’une vision partielle de l’histoire et remarque que le mariage tel qu’admis « selon la coutume du pays » n’était pas une pratique parfaitement établie mais modulée selon les contextes individuels. Dans un article consacré aux mariages chez les cadres et agents de la Compagnie de la Baie d’Hudson, Heather Rollason Driscoll conteste l’interprétation selon laquelle le gouverneur George Simpson amena à la Terre de Rupert son épouse britannique, Frances, parce que les commerçants manifestaient de plus en plus, durant les années 1820, de préjugés raciaux à l’endroit des femmes autochtones et métisses. Driscoll soutient que la fusion de 1821, de même que les changements en cours en matière économique, dans les méthodes de commerce et de colonisation, ont tous contribué à motiver les commerçants à amener leurs épouses à la …