Comptes rendus

PICHÉ, Lucie, Femmes et changement social au Québec. L’apport de la Jeunesse ouvrière catholique féminine, 1931-1966 (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2003), 349 p.[Record]

  • Amélie Bourbeau

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  • Amélie Bourbeau
    Département d’histoire
    Université du Québec à Montréal

Cet ouvrage, issu d’une thèse soutenue en 1997 à l’Université du Québec à Montréal, retrace l’histoire de la Jeunesse ouvrière catholique féminine (JOCF). Les grandes problématiques qui traversent la réflexion de Lucie Piché touchent à la nouveauté — ce qu’elle appelle le « potentiel novateur » — des mouvements d’action catholique spécialisée dans les années 1930, particulièrement pour les jeunes ouvrières, ainsi qu’à la question des rapports sociaux de sexe. Le premier questionnement l’amène à faire l’histoire de la JOCF, non en évaluant ses réalisations concrètes, mais en se penchant plutôt sur ce que l’expérience de l’Action catholique a pu amener à ses membres. Quant aux rapports sociaux de sexe, Lucie Piché tâche d’évaluer dans quelle mesure les membres de la JOCF les ont contestés ou endossés, selon le cas. Ces deux problématiques sont liées entre elles, en cela qu’elles sont tournées avant tout vers les changements à travers le temps, ce qui accentue le caractère dynamique de cette histoire. Au fil d’une histoire générale de l’organisme, qui n’a pas fait l’objet de recherches historiques intensives jusqu’ici (p. 14-22), l’auteure aborde successivement les origines et la structure de la JOCF (chapitre II), sa composition sociale (chapitre III), son cheminement idéologique (cha-pitre IV), ses positions sur la condition de jeune travailleuse (chapitre V) et, enfin, ce que la JOCF a pu représenter pour ses membres, soit un moyen nouveau de s’insérer dans la sphère publique (chapitre VI). Les premiers chapitres constituent avant tout une introduction essentielle à l’histoire de la JOCF, base sur laquelle Lucie Piché a pu construire le reste de l’ouvrage, qui comporte la plus grande part d’originalité. Ainsi, elle explique comment la JOCF est passée, des années 1930 aux années 1960, du corporatisme au socialisme démocratique — avec, entre ces extrêmes, deux transitions liées à la fois aux transformations sociales qu’a connues le Québec et aux crises internes à la JOCF (p. 131-178). Une fois l’évolution idéologique de l’organisme mise en lumière, elle poursuit en analysant les positions ambiguës de la JOCF face au travail ouvrier féminin. En effet, tout en regroupant des jeunes travailleuses, la JOCF défend une vision du monde suivant laquelle « la famille constitue le point d’ancrage et les femmes, la pierre d’assise » (p. 179). On peut envisager d’entrée de jeu le type de contradictions auxquelles les membres de la JOCF vont faire face, elles qui ne répondent pas nécessairement à ce canon. Lucie Piché réussit cependant à donner de la cohérence à la question, en soulignant les aménagements et les compromis apportés à cette vision du monde qui concorde peu avec ce que vivent les jocistes. Le dernier chapitre, enfin, s’attarde à la facette éducative de la JOCF : l’éducation sociale et religieuse reçue par les jocistes, mais aussi celle qui est prodiguée par elles, sur la place publique. En introduction, Lucie Piché insiste sur l’importance d’explorer, dans l’étude de la JOCF, les « avenues qui laissent [...] place à la transformation des rapports sociaux » (p. 9). Elle est effectivement très attentive à cerner à la fois les constantes et les éléments de changement au sein de la JOCF, son analyse fine des discours de militantes et de membres du clergé lui permettant de suivre l’évolution de l’idéologie portée par l’organisme et de la situer dans les transformations de la société québécoise durant une période clé de son histoire. Sa recherche constitue par ailleurs une nou-velle fenêtre sur l’histoire des petits centres urbains au Québec, car elle étudie un mouvement qui a eu moins de retentissement à Montréal qu’à Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, Chicoutimi et Joliette (p. 100). De plus, elle porte …