Comptes rendus

LAMARRE, Jean, The French Canadians of Michigan. Their Contribution to the Development of the Saginaw Valley and the Keweenaw Peninsula, 1840-1914 (Detroit, Wayne State University Press, 2003), 215 p.[Record]

  • Yves Frenette

…more information

  • Yves Frenette
    Département d’Études pluridisciplinaires
    Collège universitaire Glendon

Jean Lamarre propose ici une histoire des Canadiens français du Michigan entre le milieu du xixe siècle et la Première Guerre mondiale. Il s’agit de la traduction de son étude parue chez Septentrion en 2000, elle-même un remaniement de sa thèse de doctorat soutenue à l’Université de Montréal en 1996. L’auteur a épuré son travail des longueurs et lourdeurs propres à la majorité des recherches doctorales. Ce faisant, il fait ressortir les traits saillants de la contribution des Canadiens français au développement de deux régions du Michigan, la vallée forestière de la Saginaw et la péninsule minière de Keweenaw. Bien que trop brève, avec ses 160 pages de texte, la monographie de Lamarre est la bienvenue, la majorité des spécialistes de l’émigration canadienne-française ayant fait porter leurs efforts sur le nord-est des États-Unis. Avant de traiter du Michigan, Lamarre consacre un chapitre au xixe siècle québécois. Tour à tour, il reprend les thèses, vieilles et moins vieilles, sur la traite des fourrures, l’industrie du bois, les pressions démographiques, les problèmes agricoles, la subdivision des terres. Puis, en quatre pages et en s’appuyant sur les travaux classiques d’Hansen, de Vicero et de Roby, il fait un survol rapide des migrations vers les États-Unis. Les néophytes trouveront matière à réflexion, mais les spécialistes n’apprendront rien. Le chapitre se termine par un autre survol, cette fois de l’émigration vers le Midwest. Comme celle-ci est moins connue, Lamarre fait ici oeuvre utile. Il insiste, avec raison, sur la filiation entre les mouvements séculaires de population liés à la traite des fourrures et les migrations agricoles et proto-industrielles qui débutent vers 1830. Avec perspicacité, il explique pourquoi la région attire peu de migrants comparé à la Nouvelle-Angleterre. Pour s’établir dans le Midwest comme cultivateur, il fallait du capital, et les Canadiens français qui en possédaient préféraient demeurer au Québec, contrairement à la Nouvelle-Angleterre qui reçoit davantage les familles et les individus démunis. Le chapitre 2, qui porte sur l’évolution socio-économique de la Saginaw et de la Keweenaw, reprend l’essentiel de la thèse de doctorat de l’auteur. Dans le premier cas, c’est la traite des fourrures qui, dès 1815, y amène les Blancs, en majorité des Canadiens. Mais, à partir de 1840, l’industrie forestière devient le moteur économique de la vallée. À cet égard, la contribution la plus originale de Lamarre est de montrer la migration des barons américains du bois, du Nord-Est vers le Midwest. À l’échelle nationale, le Michigan est le plus important producteur forestier entre 1870 et 1890. Les forêts plus à l’ouest sont ensuite exploitées et la Saginaw perd sa prépondérance et décline, ce qui amène des tensions sociales. C’est à l’industrie du cuivre que la région inhospitalière de la péninsule de Keweenaw doit son développement rapide, qui attire une population diverse sur le plan ethnoculturel. Lamarre décrit en détail les conditions de travail dans ce secteur et les pratiques paternalistes des compagnies. Selon lui, le « consensus social » s’effrite, vers 1900, suivant les changements technologiques dans ce secteur, et une grande grève en 1913-1914 a pour conséquence le départ de nombreux mineurs. C’est au chapitre 3 que Lamarre entre dans le vif du sujet en étudiant la présence canadienne-française dans la vallée de la Saginaw. Alors que leurs prédécesseurs oeuvraient dans la traite des fourrures et dans l’agriculture, les migrants d’après 1840 travaillaient surtout en forêt. Certains provenaient du Québec, d’autres des colonies semi-permanentes des États du Nord-Est ; ils suivaient simplement les entreprises forestières dans le Midwest. Il est dommage que l’auteur n’étudie pas le phénomène en profondeur. De la même façon, le lecteur reste sur sa …