Comptes rendus

LABONTÉ, François, Alias Anthony St-John. Les Patriotes canadiens aux États-Unis : décembre 1837 - mai 1838. Première partie (Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 2004), 297 p.[Record]

  • Louis-Georges Harvey

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  • Louis-Georges Harvey
    Département d’histoire
    Université Bishop’s

En novembre 1837, les chefs politiques du Parti patriote, nommés dans des mandats d’arrestation émis par le gouverneur Colborne, fuient les villes pour gagner la vallée du Richelieu. Après la défaite des forces patriotes à Saint-Charles, Louis-Joseph Papineau et son lieutenant E. B. O’Callaghan décident de s’exiler sur le territoire « libre » et républicain des États-Unis afin de se soustraire aux autorités. Craignant pour sa vie et soucieux d’échapper aux espions anglais, Papineau se réfugie à Albany. Le pseudonyme « Anthony St-John » permettra au chef patriote et à son lieutenant O’Callaghan de communiquer avec les divers éléments du mouvement, tout en protégeant leur anonymat. Conservée principalement dans les archives de la Famille Papineau, la correspondance entre Anthony St-John, les réfugiés patriotes et les sympathisants étasuniens forme la base documentaire de l’ouvrage de François Labonté. L’auteur y retrace minutieusement le parcours de Louis-Joseph Papineau, depuis sa fuite de Saint-Hyacinthe jusqu’à son arrivée à Albany. Dans la capitale new-yorkaise, Papineau tentera d’influencer le cours des événements en s’adressant aux principaux chefs politiques de l’Albany Regency, puissante machine électorale du Democratic Party. Or, ces derniers sont des intimes de Martin Van Buren, le président democrat originaire de l’État de New York. Papineau aurait même eu des entretiens avec des généraux américains dont John Ellis Wool, avant que le président durcisse sa position. Devant la politique de neutralité adoptée par l’administration, le chef patriote tente de faire infléchir la volonté du président par l’entremise de ses relations. Il touche une corde sensible chez certains Democrats qui trouvent paradoxal que leur gouvernement tolère des incursions américaines au Texas, mais qu’il interdise toute assistance aux rebelles canadiens. Papineau écrit aussi aux membres du Congrès, et sa fameuse lettre à George Bancroft, que l’on a souvent qualifiée de testament politique, est reproduite en annexe de l’ouvrage (p. 225-230). Alors que Papineau tente de faire avancer la cause par les voies politique et diplomatique, les réfugiés plus radicaux s’impatientent et veulent mettre en oeuvre un plan d’invasion. Les nombreux correspondants d’Anthony St-John le tiennent au courant des plans qui se trament à la frontière et plusieurs d’entre eux implorent leur chef de sortir de l’anonymat pour prendre la direction du mouvement patriote en exil. Principal porte-parole de l’aile radicale, Robert Nelson adresse plusieurs lettres à Anthony St-John pour informer Papineau et O’Callaghan des préparatifs à la frontière et il se rend même à Albany pour un entretien avec le chef patriote. Incapable de convaincre Papineau de se rallier au plan d’invasion, Nelson se charge de préparer l’expédition et il en assumera le commandement. Nelson et les exilés rédigent aussi la fameuse Déclaration d’indépendance du Bas-Canada. Tenu au courant de l’organisation de la campagne, Papineau tentera de faire jouer son influence et celle de ses importants amis américains, afin de dissuader Côté et les radicaux, mais il ne réussit pas à les empêcher de lancer une campagne qui tourne rapidement à la déroute. À leur retour aux Etats-Unis, les chefs de l’expédition sont arrêtés par le même général Wool qui avait manifesté sa sympathie au mouvement, avant d’avoir reçu l’ordre de faire respecter la neutralité proclamée à Washington. L’échec de la campagne de Côté donne raison à Papineau, mais cela ne lève pas les doutes sur son leadership. Peu après la débâcle de février, Papineau quitte Albany pour Philadelphie où il tentera de nouveau de faire des représentations auprès des politiques étasuniens. Son départ et l’effondrement de l’organisation patriote rendent caduque la mission d’O’Callaghan qui assurait les communications entre le chef patriote et les réfugiés campés sur la frontière. Du coup, Anthony St-John n’a …