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Ce volume traite de l’histoire des relations entre le Québec et la Chine de l’époque de la Nouvelle-France jusqu’à la décennie suivant la révolution communiste en Chine en 1949. Fruit de recherches assurément minutieuses, voire exhaustives (il s’agit en fait d’une version éditée de la thèse de doctorat de l’auteur), l’ouvrage touche à la fois les domaines de l’économie, de la politique et du culturel, tant du côté chinois que du côté québécois. Ainsi et par exemple, le lecteur y trouvera une esquisse de l’histoire des relations diplomatiques entre la Chine et le Québec/Canada, mais aussi des informations sur les campagnes, montées par certains missionnaires québécois revenus au pays après quelques séjours en Chine, incitant les écoliers québécois à soutenir les efforts de l’Église en « s’achetant un petit Chinois ». Organisé de façon chronologique, ce volume servira, quoiqu’il en soit, comme oeuvre de référence indispensable pour ceux qui s’intéressent aux relations du Québec avec la Chine (ou plus largement, avec l’Asie de l’Est), d’autant plus que – on notera toutefois l’absence d’index – les notes sont volumineuses et la bibliographie impressionnante.

En tant qu’historien de la Chine et non du Québec, il m’est très difficile, voire impossible de me prononcer sur l’apport du volume aux études québécoises. Je me contenterai à cet égard de signaler - et d’applaudir - le fait que l’auteur s’approprie un sujet jusque-là peu ou pas traité. Pour ce qui est des aspects du volume qui portent sur l’histoire spécifiquement chinoise, je peux par contre assurer le lecteur que l’auteur fait preuve d’une grande compétence, ce même s’il est obligé, entre autres pour des raisons d’espace, de traiter sommairement de questions parfois extrêmement compliquées.

Reste que cet ouvrage pionnier manque d’argument, voire d’un fil conducteur. Non pas parce que l’auteur manque de talent ou de perspicacité, mais plutôt parce que les relations entre le Québec et la Chine entre 1650 et 1950, tout en étant « nombreuses » et « fascinantes » sont aussi disparates, éparses. Quelle « histoire » fallait-il raconter ? Pour trouver un fil conducteur, il aurait fallu que l’auteur choisisse un sous-thème pour l’approfondir, mais là encore, lequel ? L’histoire des missionnaires québécois en Chine aurait été une possibilité, les sources issues de cette entreprise étant sans doute les plus nombreuses de toutes celles qu’il a pu consulter. Or, pour avoir personnellement travaillé sur des sources semblables (celles des missionnaires protestants de l’Ontario), il faut bien considérer que si elles en disent long sur les missionnaires et leurs préoccupations, elles ne disent (curieusement) pas forcément grand-chose… sur la Chine. En outre, ce qu’elles disent n’est pas toujours très révélateur ou simplement intéressant : quelle surprise, par exemple, de découvrir que la plupart des missionnaires ne cautionnaient pas le mouvement communiste chinois ? En d’autres mots, une étude plus poussée des missionnaires québécois en Chine aurait été du même coup un ouvrage portant moins sur la Chine. Et si l’auteur avait choisi de regarder de plus près un sujet économique ou diplomatique, il se serait vite heurté à la réalité suivante : que les relations « Québec-Chine » sont largement parallèles sinon identiques aux relations « Canada-Chine », surtout si l’on considère la période avant la Révolution tranquille. Donc, opter pour une telle approche aurait été au prix de la singularité du volume, sans compter que ces relations économiques et diplomatiques furent, au mieux, sporadiques.

En résumé, si l’auteur s’en est tenu à la formule « survol », c’est que ses sources ne lui permettaient pas mieux. Il s’agit, de toute façon, d’un survol fait de manière très professionnelle.